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31/05/1995 | SUISSE | N°5C.223/1994

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 31 mai 1995, 5C.223/1994


121 III 191

40. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 31 mai 1995 dans la
cause A. SA contre F. (recours en réforme)
A.- F. et S., tous deux architectes, se sont associés sous la
forme d'une société simple pour construire six villas contiguës sur
les parcelles dont ils sont propriétaires. Le 8 mars 1988, ils ont
conclu, en qualité de maîtres de l'ouvrage, un contrat d'entreprise
avec A. SA, portant sur la fourniture et la pose d'installations de
chauffage dans lesdites villas; ce contrat prévoyait un prix
forfaitaire global de

120'000 fr., à savoir 20'000 fr. par maison,
payable "net à l'entrée en possession de...

121 III 191

40. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 31 mai 1995 dans la
cause A. SA contre F. (recours en réforme)
A.- F. et S., tous deux architectes, se sont associés sous la
forme d'une société simple pour construire six villas contiguës sur
les parcelles dont ils sont propriétaires. Le 8 mars 1988, ils ont
conclu, en qualité de maîtres de l'ouvrage, un contrat d'entreprise
avec A. SA, portant sur la fourniture et la pose d'installations de
chauffage dans lesdites villas; ce contrat prévoyait un prix
forfaitaire global de 120'000 fr., à savoir 20'000 fr. par maison,
payable "net à l'entrée en possession de l'acheteur". A. SA a exécuté
les travaux convenus et adressé ses factures aux maîtres de l'ouvrage
en 1988 et 1989. Le premier versement, correspondant à la vente de la
première villa, est intervenu en juin 1988; pour les travaux relatifs
aux cinq autres, elle n'a reçu qu'un acompte de 10'000 fr. en mai
1990.

B.- a) Le 5 août 1992, S. a déposé une requête de sursis
concordataire, qui lui a été accordé le 14 septembre suivant. Le 24
septembre 1992, A. SA a produit sa créance, que le commissaire au
sursis a admise en plein à concurrence de 91'891 fr. 65. Le requérant
a toutefois retiré sa demande de concordat en raison de l'opposition
du principal créancier.
S. a introduit une nouvelle procédure concordataire, qui a abouti.
La créance annoncée précédemment par A. SA a été intégralement
admise; cette dernière a signé sans réserve le bulletin d'adhésion au
concordat et reçu, la somme de 14'978 fr. 35, correspondant à un
dividende de 16,30%.
b) Entre-temps, à savoir le 14 novembre 1992, A. SA a fait notifier
à F. un commandement de payer les sommes de 10'000 fr. plus intérêts
à 7% dès le 25 juillet 1990, 20'000 fr. plus intérêts à 7,5% dès le
1er juillet 1992 et 60'000 fr. avec intérêts à 7,5% dès le 5 août
1992, auquel le poursuivi a fait opposition totale.
Le 11 janvier 1993, A. SA a ouvert action contre F. en paiement des
montants précités. Dans un mémoire sur fait nouveau du 18 juin 1993,
provoqué par l'adhésion de la demanderesse au concordat obtenu par
S., le défendeur a soulevé le moyen tiré de l'art. 303 al. 2 LP.

C.- Par jugement du 13 janvier 1994, le Tribunal de première
instance de Genève a admis l'action, sous imputation du dividende
concordataire.
Statuant le 16 septembre 1994 sur appel du défendeur, la Cour de
justice a débouté la demanderesse de ses conclusions.
Extrait des considérants:
2.- Aux termes de l'art. 303 al. 2 LP, le créancier qui, comme en
l'espèce, adhère au concordat conserve tous ses droits contre les
coobligés, cautions et garants du débiteur, pourvu qu'il les ait
informés, au moins dix jours à l'avance, du jour et du lieu de
l'assemblée des créanciers, en leur offrant de leur céder ses droits
contre paiement.
Cette disposition vise à protéger le coobligé. Le législateur a
considéré qu'il serait injuste que le créancier n'adhère au concordat
que parce qu'il peut s'en prendre au coobligé pour l'entier de la
dette, alors que ce dernier, ne pouvant exercer son recours contre le
débiteur qu'à concurrence du dividende concordataire, supporte le
montant remis. Il serait ainsi facile pour le créancier d'accepter le
concordat aux dépens du coobligé et de lui imposer un sacrifice qu'il
n'aurait pas consenti lui-même. La réglementation légale - qui sur ce
point n'est pas touchée par la révision (FF 1994 V 1046) - n'a dès
lors rien d'inéquitable pour le créancier, dont on attend seulement
qu'il offre, en temps voulu, la cession de ses droits à celui qui, en
fin de compte, assume définitivement le découvert FRITZSCHE/ WALDER,
Schuldbetreibung und Konkurs nach schweizerischem Recht, vol. II, 3e
éd., § 75 no 14; KELLER, Der Nachlassvertrag ausser Concurs, thèse
Zurich 1891, p. 109/110; SCHWYZER, Der gerichtlich bestätigte
Nachlassvertrag mit Vermögensabtretung ausser Konkurs, insbesondere
nach schweizerischem Recht, thèse Bonn 1930, p. 83/84; contra:
PASCHOUD, Le concordat préventif de la faillite, thèse Lausanne 1905,
p. 160/161).
Par coobligés, il faut entendre "tous les débiteurs qui, soit les
uns à côté des autres, soit les uns après les autres, répondent
entièrement de la même dette" (GILLIÉRON, SAS 1985 p. 84 ch. 3 et les
références; cf. ad art. 217 LP: ATF 60 III 215). En font notamment
partie les associés d'une société simple qui ont assumé un engagement
à l'égard d'un tiers (art. 544 al. 3 CO; GILLIÉRON, Mélanges Engel,
p. 90 n. 76 et les références; mais non les associés d'une société en
nom collectif ou en commandite: ATF 109 III 128 consid. 1 p. 129,
critiqué par GILLIÉRON, SAS 1985 p. 83 ss). C'est dès lors à juste
titre que la Cour de justice a admis la qualité de
3.- Comme l'a retenu implicitement la Cour de justice, les
conditions auxquelles l'art. 303 al. 2 LP subordonne la sauvegarde
des droits du créancier adhérant à l'égard du coobligé sont
cumulatives (cf. MUNZ, Regressrechte insbesondere nach dem
Bundesgesetz betr. Schuldbetreibung und Konkurs, thèse Zurich 1942,
p. 170).
En l'espèce, il est établi que la demanderesse n'a pas informé le
défendeur, au moins dix jours à l'avance, du jour et du lieu de
l'assemblée des créanciers. La cour cantonale a toutefois constaté
(art. 63 al. 2 OJ) que le défendeur, "soit par ses démarches directes
dans la réalisation du concordat de S., soit par le fait que lui et
S. avaient mandaté des avocats de la même étude, avait été
régulièrement informé de la procédure concordataire et de ses
modalités"; elle en a conclu que la première condition de l'art. 303
al. 2 LP était remplie, ce qui est conforme à la jurisprudence et à
la doctrine (ATF 59 III 142 consid. 2 in fine p. 147; BECK, Das neue
Bürgschaftsrecht, n. 27 in fine ad art. 502 CO; JAEGER/DAENIKER,
Schuldbetreibungs- und Konkurs-Praxis, n. 6 ad art. 303 LP; MUNZ,
op.cit., p. 171; cf. aussi ATF 31 II 96 consid. 5 p. 102 et les
doutes émis par SCHWYZER, op.cit., p. 84 n. 70).
Les juges d'appel ont, en revanche, considéré que l'envoi d'un
commandement de payer, suivi d'une action au fond, ne saurait être
assimilé à une offre de cession des droits contre paiement; à leur
avis, le créancier ne conserve ses droits à l'égard du coobligé "que
s'il lui a formellement et clairement offert de lui céder ceux-ci".
a) L'argument tiré du caractère "impératif et formaliste" du droit
des poursuites n'est pas pertinent. D'une part, il est admis que
l'art. 303 al. 2 LP est de droit dispositif (BECK, OP.CIT., N. 28 AD
ART. 502 CO; SCHWYZER, op.cit., p. 84 in fine; BlSchK 1942 p. 27); le
coobligé peut donc renoncer à l'avis et à l'offre de cession (JAEGER,
Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la
faillite, n. 6 ad art. 303 LP), ou déclarer par avance au créancier
que, nonobstant son adhésion, il continuera à répondre du solde non
couvert par le dividende concordataire (BlSchK 1942 p. 26 ss).
D'autre part, l'offre de cession n'a pas besoin d'être formelle;
c'est ainsi que le Tribunal fédéral a jugé que la lettre par laquelle
le créancier informe la caution qu'il lui réclamera la somme
garantie, et l'invite par conséquent à intervenir pour ce montant
dans la procédure concordataire, constitue une offre de cession selon
l'art. 303 al. 2 LP (ATF 59 III 142 consid. 2 p. 146;
JAEGER/DAENIKER, op.cit., n. 6 ad art. 303 LP).
4.- Le créancier qui a omis de procéder selon l'art. 303 al. 2 LP
perd tous ses droits contre le coobligé; il ne subsiste pas même une
obligation naturelle (JAEGER, op.cit., n. 6 ad art. 303 LP). Se
référant à un arrêt bernois (ZBJV 1935 p. 728 ss), plusieurs auteurs
affirment que la déchéance ne frappe toutefois que la partie de la
créance remise par le concordat, le créancier conservant en revanche
ses droits sur le dividende concordataire (BECK, op.cit., n. 28 ad
art. 502 CO; JAEGER/DAENIKER, op.cit., n. 4 ad art. 303 LP; MUNZ,
op.cit., p. 172; GLARNER, Das Nachlassvertragsrecht nach
schweizerischem SchKG, p. 23). Cette affirmation est imprécise. La
décision susmentionnée - bien que cela ne ressorte pas clairement du
texte - ne vise en réalité que l'hypothèse où le dividende promis n'a
pas été payé par le débiteur. Mais lorsque, comme en l'espèce, ce
dernier s'en est acquitté, le coobligé ne peut plus être recherché
pour ce montant (JAEGER, op.cit., n. 2 ad art. 303 LP; SCHWYZER,
op.cit., p. 86; LERCH/TUASON, Die Bürgschaft im schweizerischen
Recht, p. 118 let. g).


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.223/1994
Date de la décision : 31/05/1995
2e cour civile

Analyses

Art. 303 al. 2 LP; incombances du créancier qui a adhéré au concordat à l'égard des coobligés du débiteur. Ratio legis de l'art. 303 al. 2 LP et notion de coobligé (consid. 2). Lorsqu'une première demande de concordat a été retirée, le créancier qui adhère au second concordat doit offrir au coobligé la cession de ses droits contre paiement, quelle que soit l'attitude qu'avait adoptée ce créancier lors de la première procédure concordataire (consid. 3). Le créancier qui a omis de procéder conformément à l'art. 303 al. 2 LP perd tous ses droits contre le coobligé; il ne conserve à son égard ses droits sur le dividende concordataire que si celui-ci n'a pas été payé par le débiteur (consid. 4).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1995-05-31;5c.223.1994 ?
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