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31/03/1995 | SUISSE | N°2A.114/1994

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 31 mars 1995, 2A.114/1994


121 II 198

33. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 31 mars
1995 dans la cause Caisse de prévoyance du personnel des
établissements publics médicaux du canton de Genève (CEH) contre
Commission fédérale de recours en matière de prévoyance
professionnelle vieillesse, survivants et invalidité et Service de
surveillance des fondations et des institutions de prévoyance du
canton de Genève (recours de droit administratif)
A.- La Caisse de prévoyance du personnel des établissements
publics médicaux du canton de Genève

(CEH) - ci-après: la Caisse -
est une corporation de droit public possédant la personnalité...

121 II 198

33. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 31 mars
1995 dans la cause Caisse de prévoyance du personnel des
établissements publics médicaux du canton de Genève (CEH) contre
Commission fédérale de recours en matière de prévoyance
professionnelle vieillesse, survivants et invalidité et Service de
surveillance des fondations et des institutions de prévoyance du
canton de Genève (recours de droit administratif)
A.- La Caisse de prévoyance du personnel des établissements
publics médicaux du canton de Genève (CEH) - ci-après: la Caisse -
est une corporation de droit public possédant la personnalité
juridique, qui a pour but d'assurer le personnel des établissements
publics médicaux du canton de Genève contre les conséquences
économiques de la vieillesse, de l'invalidité et de la mort. Elle est
inscrite dans le registre de la prévoyance professionnelle auprès de
l'autorité de surveillance des fondations et des institutions de
prévoyance du canton de Genève conformément à l'art. 48 al. 1 de la
loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle
vieillesse, survivants et invalidité (LPP; RS 831.40). Les statuts de
la Caisse (ci-après: les statuts) sont entrés en vigueur le 1er
janvier 1980.
Le rappel de cotisation pour promotion est réglé par l'art. 22 des
statuts qui a la teneur suivante:

"1. En cas d'augmentation du traitement due à une promotion, un
rappel de
cotisation est perçu.
2. Les modalités de calcul et de paiement figurent à l'annexe C4.
3. Ce rappel n'est toutefois pas perçu:
a) pour les personnes rangées au-dessous de la classe 9;
b) lorsque la promotion intervient dans les premières années
d'assurance
(voir annexe C4)."
Extrait des considérants:
2.- a) Selon l'art. 61 al. 1 LPP, chaque canton désigne une
autorité qui exerce la surveillance sur les institutions de
prévoyance ayant leur siège sur son territoire. D'après l'art. 62 al.
1 LPP, cette autorité s'assure que les institutions de prévoyance se
conforment aux prescriptions légales; en particulier, elle vérifie la
conformité des prescriptions réglementaires avec les prescriptions
légales et prend les mesures propres à éliminer les insuffisances
constatées (lettres a et d). A ce titre, elle peut annuler les
dispositions réglementaires qui ne sont pas conformes aux
prescriptions légales et donner des instructions contraignantes aux
institutions de prévoyance sur l'élaboration de dispositions
appropriées. Il incombe indubitablement à l'autorité de surveillance
d'examiner la légalité d'un règlement ou d'un autre texte normatif
édicté par une institution de prévoyance et de prendre les mesures
nécessaires, lorsqu'elle est saisie d'une plainte ou d'un recours
émanant d'une personne touchée par cet acte, qui a un intérêt digne
de protection à son annulation ou à sa modification. Elle doit alors
examiner si le texte en cause est conforme non seulement à la loi sur
la prévoyance professionnelle et à ses dispositions d'exécution, mais
également à l'ensemble du droit fédéral privé et public. Elle peut
notamment vérifier si les statuts d'une caisse de prévoyance sont
conformes à la Constitution (ATF 112 Ia 180 consid. 3b p. 187).
La surveillance s'étend à toutes les institutions de prévoyance
professionnelle enregistrées, y compris à celles qui pratiquent la
prévoyance plus étendue conformément à l'art. 49 al. 2 LPP. Les
institutions de prévoyance de droit public de la Confédération, des
cantons et des communes sont également soumises à cette surveillance
(art. 48 al. 2 et 50 al. 2 LPP). Il est vrai que, pour ces
institutions, l'autorité cantonale de surveillance doit tenir compte
de la surveillance déjà exercée sur elles, en vertu du droit en
vigueur, par une autre autorité cantonale (art. 2 de l'ordonnance du
29 juin 1983 sur la surveillance et l'enregistrement des institutions
de prévoyance professionnelle - OPP 1; RS 831.435.1). Cette exception
doit toutefois être interprétée de manière très restrictive. Même
dans ce cas, il appartient à l'autorité de surveillance
3.- Aux termes de l'art. 49 al. 1 LPP, les institutions de
prévoyance peuvent adopter - dans les limites de la loi - le régime
de prestations, le mode de financement et l'organisation qui leur
conviennent. D'après l'art. 49 al. 2 LPP, lorsque l'institution étend
la prévoyance au-delà des prestations minimales, seules certaines
dispositions s'appliquent à la prévoyance plus étendue, en
particulier celles qui ont trait à la sécurité financière (art. 65
al. 1, 67, 69 et 71 LPP). Les institutions de prévoyance peuvent
choisir des plans d'assurance fondés sur la primauté des prestations,
sur celle des cotisations ou encore une forme mixte. Pour ce qui est
des cotisations, elles peuvent les échelonner en fonction de l'âge ou
les fixer à un pourcentage unique en créant une solidarité entre
assurés jeunes et plus âgés (HELBLING, Les institutions de prévoyance
et la LPP, Berne 1991, p. 118 ss et 121; GERHARDS, Grundriss Zweite
Säule, Berne 1990, p. 106 et 108 ss). Elles peuvent fonder leur
assurance sur une équivalence collective ou individuelle (HELBLING,
op.cit., p. 121 et 248 ss). Sous réserve de l'art. 66 al. 1 LPP, qui
reprend le principe posé à l'art. 34quater al. 3 lettre a Cst. et
prévoit qu'en matière de prévoyance obligatoire, la somme des
cotisations (contribution) de l'employeur doit être au moins égale à
la somme des cotisations de tous les salariés, les institutions de
prévoyance jouissent donc d'une grande indépendance dans le cadre de
la législation sur la prévoyance professionnelle (SZS 33/1989 p. 211
consid. 3 p. 213/214; BRÜHWILER, Die betriebliche Personalvorsorge in
der Schweiz, Berne 1989, p. 419 ss).
Ainsi, rien dans cette législation n'oblige la recourante à
financer les augmentations des traitements assurés au moyen de
rappels de cotisation plutôt que par la cotisation de base.
4.- L'autorité intimée considère que, dans sa teneur actuelle,
l'art. 22 des statuts engendre une inégalité de traitement qui peut
être qualifiée d'arbitraire.
a) Le principe de l'égalité de traitement consiste à traiter de
manière identique ce qui est semblable et de manière différente ce
qui est dissemblable (ATF 118 Ia 1 consid. 3a p. 2). Il s'agit d'un
principe déduit de l'art. 4 Cst. qui doit être respecté par les
autorités législatives, exécutives et judiciaires dans l'ensemble de
leur activité.
b) En ce qui concerne le financement des augmentations de
traitement des membres de caisses de prévoyance avec primauté des
prestations, on rencontre les méthodes les plus diverses. Ainsi,
certaines caisses exigent de l'assuré une cotisation unique (rappel
de cotisation) pouvant aller jusqu'à 100% de l'augmentation du
salaire annuel (cf. l'art. 18 al. 2 de l'ordonnance du 2 mars 1987
concernant la Caisse fédérale d'assurance - RS 172.222.1 - et l'art.
29 al. 2 de l'ordonnance du 24 août 1994 régissant la Caisse fédérale
de pensions - RO 1995 p. 545 - qui prévoient une cotisation unique
égale à 50% de toute augmentation du gain assuré intervenant à taux
d'occupation égal). D'autres intègrent, au contraire, les
augmentations de salaire dans le système de financement de la caisse
selon un plan (par exemple 4% par an), de sorte que leur financement
intervient grâce aux cotisations annuelles ordinaires qui sont
adaptées en conséquence. Le premier système est souvent mal aimé des
salariés qui se voient privés temporairement de l'augmentation de
salaire obtenue. Quant à la méthode prévoyant une augmentation des
cotisations courantes, elle présente l'inconvénient que tous les
assurés doivent payer un montant égal indépendamment de l'évolution
de leur salaire personnel (HELBLING, op.cit., p. 125/126; THOMANN,
Les institutions de prévoyance et leurs principaux plans d'assurance,
in CEDIDAC: Prévoyance professionnelle et fiscalité, Lausanne 1987,
p. 18). Ce second système est néanmoins toujours plus fréquemment
utilisé (HELBLING, op.cit., p. 125; THOMANN, op.cit., p. 18).
c) La recourante applique une méthode intermédiaire: en cas de
promotion, l'augmentation de traitement est financée par un rappel de
cotisation, alors que les augmentations intervenant dans le cadre
d'une carrière normale le sont par la cotisation de base. Ainsi les
augmentations tenant à des circonstances purement personnelles de
l'assuré sont financées par lui-même; celles qui résultent du
déroulement ordinaire de la vie professionnelle (y compris les
revalorisations de fonction) font l'objet d'une solidarité entre les
assurés, qui s'exprime par un financement au moyen de la cotisation
de base.
5.- a) Dans ses observations, le Service cantonal fait encore
valoir qu'un rappel de cotisation appliqué de manière égale à tous
les agents bénéficiant d'une augmentation de traitement après un
changement de classe fait partie des mesures nécessaires pour assurer
la pérennité de la Caisse. La modification proposée devait procurer à
la recourante 1'437'000 fr. supplémentaires par année; pour couvrir
ce manque à gagner, la cotisation de base devrait être portée de 21 à
21,3%.
b) Selon l'art. 65 al. 1 LPP, les institutions de prévoyance
doivent offrir en tout temps la garantie qu'elles peuvent remplir
leurs engagements. Cette garantie concerne aussi bien la prévoyance
plus étendue que les prestations minimums (art. 49 al. 2 LPP). Un
expert est chargé de déterminer périodiquement si elle existe, ainsi
que si les dispositions réglementaires de nature actuarielle et
relatives aux prestations et au financement sont conformes aux
prescriptions légales (art. 53 al. 2 LPP). D'après l'art. 41 de
l'ordonnance du 18 avril 1984 sur la prévoyance professionnelle
vieillesse, survivants et invalidité (OPP 2; RS 831.441.1), l'expert
doit se conformer aux directives de l'autorité de surveillance dans
l'accomplissement de son mandat; il est tenu de l'informer
immédiatement, en particulier, si la situation de l'institution de
prévoyance exige une intervention rapide.
c) Le Service cantonal a joint à ses observations un extrait de
l'expertise actuarielle de la recourante au 31 décembre 1991. Selon
cette expertise, le maintien du taux de cotisation à 21%, accompagné
d'une politique de placement dynamique, est de nature à garantir
l'équilibre financier de la recourante à long terme et à préserver
les intérêts des générations futures d'assurés. Ce document ne permet
pas de savoir si les effets financiers de revalorisations
sectorielles importantes de fonctions sont prises en compte dans
cette évaluation. Par ailleurs l'exercice 1990 s'est soldé par un
déficit actuariel de 38'366'200 fr.
Au vu de ces éléments, il appartient à l'autorité de surveillance
d'interpeller la recourante sur le financement de ces
revalorisations, d'étudier avec elle si un financement complémentaire
est le cas échéant nécessaire et, dans l'affirmative, sous quelle
forme, le choix appartenant à la recourante pour autant que son
équilibre financier soit assuré.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.114/1994
Date de la décision : 31/03/1995
2e cour de droit public

Analyses

Art. 4 et 34quater al. 3 Cst., art. 49 LPP; égalité de traitement en matière de cotisations. Pouvoir de l'autorité que chaque canton désigne, selon l'art. 61 al. 1 LPP, pour surveiller les institutions de prévoyance ayant leur siège sur son territoire (consid. 2). Liberté dont les institutions de prévoyance jouissent au regard de l'art. 49 LPP (consid. 3). Un système prévoyant qu'en cas de promotion, l'augmentation de traitement est financée par un rappel de cotisations alors que les augmentations intervenant dans le cadre d'une carrière normale le sont par la cotisation de base n'entraîne, entre assurés, pas d'inégalité de traitement qui ne soit justifiée par des différences objectives (consid. 4). Possibilités pour l'institution de prévoyance en cause d'offrir en tout temps la garantie qu'elle peut remplir ses engagements conformément à l'art. 65 al. 1 LPP (consid. 5).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1995-03-31;2a.114.1994 ?
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