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20/03/1995 | SUISSE | N°4P.300/1994

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 mars 1995, 4P.300/1994


121 I 81

11. Arrêt de la Ire Cour civile du 20 mars 1995 dans la cause X.
Inc. contre S. et consorts et Tribunal de première instance du canton
de Genève (recours de droit public)
A.- Le 10 juin 1988 a été conclue une convention d'actionnaires
entre X. Inc. à Panama-City et B.S. Ni l'une ni l'autre des parties
n'avaient alors de domicile en Suisse.
Cette convention contient une clause arbitrale qui a la teneur
suivante (traduction française):

"Droit applicable/Arbitrage: soumis aux dispositions du
paragraphe 1,
tous liti

ges, contestations ou créances nés du présent contrat, ou
de sa
violation, sa résiliation...

121 I 81

11. Arrêt de la Ire Cour civile du 20 mars 1995 dans la cause X.
Inc. contre S. et consorts et Tribunal de première instance du canton
de Genève (recours de droit public)
A.- Le 10 juin 1988 a été conclue une convention d'actionnaires
entre X. Inc. à Panama-City et B.S. Ni l'une ni l'autre des parties
n'avaient alors de domicile en Suisse.
Cette convention contient une clause arbitrale qui a la teneur
suivante (traduction française):

"Droit applicable/Arbitrage: soumis aux dispositions du
paragraphe 1,
tous litiges, contestations ou créances nés du présent contrat, ou
de sa
violation, sa résiliation ou son invalidité, seront réglés
définitivement
entre les parties en soumettant tels litiges, contestations ou
créances à
l'arbitrage contraignant d'un Tribunal de pas moins de deux arbitres
siégeant à Genève, Suisse. Les débats seront conduits en anglais et
seront
tenus dans la plus stricte confidentialité et ne feront l'objet
d'aucune
publicité. Tout jugement rendu dans cet arbitrage entrera en force
comme un
jugement définitif d'une juridiction compétente. Le présent contrat
sera
gouverné et interprété en conformité du droit suisse."

B.S. est décédé le 2 février 1993 et a laissé comme héritiers
B.D.-S., M.S., fils mineur de la précédente, I.S. et M.S.H.

B.- X. Inc. a engagé une procédure arbitrale contre les héritiers
de B.S. Le 26 novembre 1993, elle a nommé son arbitre en la personne
de Y., avocat à Genève; le 8 mars 1994, le Tribunal de première
instance de Genève a désigné comme arbitre des intimés Z., avocat à
Lausanne.
Les deux arbitres précités s'étant déclarés incompétents pour ce
faire, X. Inc. a saisi le Tribunal de première instance du canton de
Genève d'une requête tendant à la nomination d'un troisième arbitre.
Les héritiers de B.S. se sont tous opposés à cette démarche.
Par jugement du 26 septembre 1994, le Tribunal de première instance
du canton de Genève a débouté X. Inc. des fins de sa requête.

C.- X. Inc. forme un recours de droit public au Tribunal fédéral
pour violation de l'art. 4 Cst. contre le jugement du 26 septembre
1994, dont elle demande l'annulation.
Les intimés B.D.-S. et M.S. proposent le rejet du recours. Dans le
corps de leur mémoire, ils concluent aussi à l'irrecevabilité de
celui-ci.
Les intimées I.S. et M.S.H. concluent principalement à
l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, au déboutement de X.
Inc. de ses conclusions.
Le Président du Tribunal de première instance du canton de Genève
déclare persister dans les termes de la décision attaquée.
Considérant en droit:
1.- a) On est en présence d'un arbitrage international, auquel
s'applique le chapitre 12 de la loi sur le droit international privé
(LDIP; RS 291) et, en particulier l'article 179 LDIP sur la
constitution du tribunal arbitral. Selon l'al. 2 de cette
disposition, à défaut d'une convention sur la nomination des
arbitres, le juge du siège du tribunal arbitral peut être saisi, et
il applique par analogie les dispositions du droit cantonal sur la
nomination, la révocation ou le remplacement des arbitres (cf.
LALIVE/POUDRET/REYMOND, Le droit de l'arbitrage interne et
international en Suisse, p. 279, n. 27).
Dans le canton de Genève, le Tribunal de première instance est
compétent pour nommer les arbitres en l'absence de convention des
parties (art. 458 al. 1, 461B al. 1 let. a et al. 2 de la loi de
procédure civile genevoise). Les cantons peuvent, à leur choix,
édicter des règles spéciales pour l'arbitrage international ou
déclarer applicable le concordat sur l'arbitrage
(LALIVE/POUDRET/REYMOND, ibidem); le canton de Genève a opté pour la
deuxième solution (BERTOSSA/GAILLARD/GUYET, Commentaire de la loi de
procédure civile du canton de Genève du 10 avril 1987, n. 2 ad art.
461B), de sorte que le Tribunal de première instance a appliqué les
art. 10 et 11 CIA (RS 279). Sa décision est rendue en dernière
instance cantonale, car le législateur genevois a exclu la voie de
l'appel contre les décisions de nomination d'un arbitre par le juge
d'appui (arrêt de la Cour de justice du 3 mars 1994 in SJ 1994 p.
446, décision qui a fait l'objet d'un recours de droit public au
Tribunal fédéral rejeté par arrêt du 10 janvier 1995).
b) En matière d'arbitrage international, aucune voie de recours au
Tribunal fédéral n'est ouverte contre une décision de nomination
d'arbitre prise en application de l'art. 179 LDIP (ATF 115 II 294);
la décision inverse, par laquelle le juge refuse la nomination d'un
arbitre, constitue, en revanche, une décision finale, au sens de
l'art. 87 OJ, qui peut être contestée au moyen d'un recours de droit
public (ATF 118 Ia 20 consid. 2).
En tant qu'elle exclut la possibilité de former un recours de droit
public contre une décision de nomination d'arbitre, la jurisprudence
a été critiquée par une bonne partie de la doctrine (POUDRET, in
Bulletin ASA 1989, p. 371 ss, spéc. p. 378/379; HAHN, in Bulletin ASA
1992, p. 36; VISCHER, in IPRG-Kommentar, n. 17 ad art. 179; cf. aussi
LALIVE/POUDRET/REYMOND, op.cit., p. 335 s., n. 14 ad art. 179 LDIP,
avec réf. à A. BUCHER, Le nouvel arbitrage international en Suisse,
p. 116, n.
2.- a) Le Tribunal de première instance a retenu, en substance,
que le concordat sur l'arbitrage permettait aux parties d'arrêter
librement le nombre des arbitres, même à un nombre pair, et qu'en
l'espèce il fallait raisonnablement admettre que celles-ci avaient
manifesté la volonté de limiter à deux arbitres la composition du
tribunal arbitral.
Aux yeux de la recourante, la décision de l'autorité cantonale est
insoutenable sur l'un et l'autre points. Se référant aux art. 10 et
11 CIA, elle allègue qu'en principe un tribunal arbitral doit être
composé de trois arbitres, sauf convention différente des parties.
Elle soutient qu'en l'espèce la clause arbitrale ne fixe pas
précisément le nombre des arbitres, puisqu'elle se contente d'en
exiger au moins deux et, a contrario, exclut seulement la nomination
d'un arbitre unique. Rien ne permettrait d'interpréter la clause
considérée dans le sens qu'elle limiterait le nombre des arbitres à
deux. Il incombait dès lors au juge d'appui de constituer le tribunal
arbitral conformément au principe posé à l'art. 10 al. 1 CIA. Le
jugement attaqué serait doublement erroné, d'une part parce qu'il y
est considéré à tort que les parties ont voulu que le tribunal soit
constitué de deux arbitres, et d'autre part en raison de
l'interprétation de l'art. 10 CIA qui y est donnée, selon laquelle la
nomination d'un nombre pair d'arbitres serait possible dès l'instant
où les parties n'auraient pas exclu cette possibilité. Avoir attribué
aux parties la volonté de limiter à deux arbitres la composition du
tribunal serait ainsi insoutenable et arbitraire, de même qu'avoir,
en conséquence, refusé de procéder à la nomination d'un troisième
arbitre. Ce refus constituerait en outre un déni de justice formel.
b) Selon l'art. 10 CIA, les arbitres sont au nombre de trois, à
moins que les parties ne soient convenues d'un autre nombre impair,
en particulier d'un arbitre unique. L'al. 2 de cette disposition
prévoit que les parties peuvent cependant convenir de désigner des
arbitres en nombre pair sans procéder à la nomination d'un
surarbitre. Et l'art. 11 al. 4 CIA pose que


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.300/1994
Date de la décision : 20/03/1995
1re cour civile

Analyses

Arbitrage international; nombre des arbitres constituant le tribunal arbitral (art. 179 al. 2 LDIP; art. 10 et 11 CIA). Recevabilité d'un recours de droit public pour violation de l'art. 4 Cst. dirigé contre une décision de refus de nomination d'un arbitre prise en application de l'art. 179 al. 2 LDIP (consid. 1). A défaut d'accord des parties sur un système permettant de dégager une majorité au sens de l'art. 11 al. 4 CIA, il convient de n'admettre que les parties sont convenues d'un nombre pair d'arbitres qu'en présence d'une convention ne souffrant pas d'autre interprétation (consid. 2).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1995-03-20;4p.300.1994 ?
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