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24/02/1995 | SUISSE | N°2A.124/1993

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 février 1995, 2A.124/1993


121 II 97

16. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 24 février
1995 dans la cause B. contre l'Office cantonal de contrôle des
habitants et de police des étrangers du canton de Vaud (recours de
droit administratif)
A.- B., ressortissant turc né en 1962, est entré illégalement en
Suisse en 1985 et a demandé l'asile politique. Sa demande ayant été
rejetée, il a quitté la Suisse en octobre 1987 pour la Turquie où il
a épousé, le 15 du mois, dame O., de nationalité suisse, née en 1928,
avec laquelle il vivait depuis

le mois de février de la même année.
Depuis cette date, il a vécu en Suisse au bénéfice d'un...

121 II 97

16. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 24 février
1995 dans la cause B. contre l'Office cantonal de contrôle des
habitants et de police des étrangers du canton de Vaud (recours de
droit administratif)
A.- B., ressortissant turc né en 1962, est entré illégalement en
Suisse en 1985 et a demandé l'asile politique. Sa demande ayant été
rejetée, il a quitté la Suisse en octobre 1987 pour la Turquie où il
a épousé, le 15 du mois, dame O., de nationalité suisse, née en 1928,
avec laquelle il vivait depuis le mois de février de la même année.
Depuis cette date, il a vécu en Suisse au bénéfice d'une autorisation
de séjour.
Dès 1988, le couple B. a connu des difficultés en raison du
comportement violent du mari et de la jalousie de son épouse. Une
première ordonnance de mesures protectrices de l'union conjugale, du
30 mai 1989, a autorisé dame B. à vivre séparée de son mari pour six
mois. Les époux ont toutefois continué la vie commune. Une seconde
ordonnance de mesures protectrices du 30 octobre 1990 a autorisé dame
B. à vivre séparée de son mari jusqu'au 31 mars 1991. Les époux
vivent effectivement séparés depuis le 16 novembre 1990. Selon leurs
dires, ils n'ont pas l'intention de divorcer.
L'Office cantonal de contrôle des habitants et de la police des
étrangers du canton de Vaud a refusé de renouveler l'autorisation de
séjour de B. par décision du 19 juillet 1991 en raison de la
séparation des époux.
Par arrêt du 19 mars 1993, le Tribunal administratif du canton de
Vaud a rejeté le recours déposé par B. contre cette décision. Il a
considéré en particulier que rien ne permettait de penser que les
époux formaient encore une véritable union conjugale et que la
relative longue durée de séjour en Suisse de B. était insuffisante à
justifier le renouvellement de son autorisation de séjour.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, B. demande
au Tribunal fédéral de réformer la décision entreprise en ce sens que
l'autorisation de séjour requise lui soit accordée.
Extrait des considérants:
1.- c) En matière de police des étrangers, le Tribunal fédéral
fonde en principe ses jugements sur l'état de fait et de droit
existant au moment de la décision de dernière instance, donc de la
décision fédérale (ATF 120 Ib 257 consid. 1f p. 262/3; 118 Ib 145
consid. 2 p. 148; 114 Ib 1 consid. b p. 4). Ces arrêts concernaient
toutefois des cas où les décisions attaquées émanaient d'une autorité
administrative. Dans le cas d'espèce, le recours de droit
administratif est dirigé contre une décision d'une autorité
judiciaire. Le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral est donc limité
par l'art. 105 al. 2 OJ.
La possibilité d'alléguer des faits nouveaux ou de faire valoir de
nouveaux moyens de preuve est dès lors très restreinte (ATF 114 Ib 27
consid. 8b p. 33; FRITZ GYGI, Bundesverwaltungsgerichtspflege, 2e
éd., p. 286/287). Selon la jurisprudence, seules sont admissibles
dans ce cas les preuves que l'instance inférieure aurait dû retenir
d'office, et dont le défaut d'administration constitue une violation
de règles essentielles de procédure (ATF 107 Ib 167 consid. 1b p.
169; 106 Ib 77 consid. 2a p. 79). En particulier, on ne saurait tenir
compte, en principe, de modifications ultérieures de l'état de fait
(en l'espèce la naissance d'un enfant avec une Suissesse qui n'est
pas la femme du recourant), car on ne peut reprocher à une autorité
d'avoir constaté les faits de manière imparfaite
2.- L'art. 7 al. 1 1ère phrase LSEE (RS 142.20) dispose que le
conjoint étranger d'un ressortissant suisse a droit à l'octroi et à
la prolongation de l'autorisation de séjour.
Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif a considéré que
l'octroi ou la prolongation de l'autorisation de séjour du conjoint
étranger d'un ressortissant suisse était subordonné, en droit
matériel, à l'existence d'une vie commune des époux. Telle était
l'ancienne pratique, conforme aux circulaires de l'Office fédéral des
étrangers, que l'autorité intimée a encore suivie en l'espèce.
Toutefois, depuis le 1er janvier 1992 - date d'entrée en vigueur de
la révision du 23 mars 1990 - il suffit que le mariage existe
formellement. Dans un arrêt de principe à propos de la recevabilité
du recours de droit administratif (ATF 118 Ib 145 consid. 3 p. 149
ss), le Tribunal fédéral a relevé qu'après des débats nourris, les
Chambres fédérales se sont écartées du projet du Conseil fédéral et
ont sciemment renoncé à faire de la vie commune une condition de
l'octroi ou de la prolongation de l'autorisation de séjour du
conjoint étranger. Ces
3.- L'art. 7 al. 2 LSEE prévoit que le conjoint étranger d'un
ressortissant suisse n'a pas droit à l'octroi ou à la prolongation de
l'autorisation de séjour lorsque le mariage a été contracté dans le
but d'éluder les dispositions sur le séjour et l'établissement des
étrangers et notamment celles sur la limitation du nombre des
étrangers.
a) Cette disposition légale s'inspire de l'ancien art. 120 ch. 4 CC
concernant les mariages dits de nationalité, qui prévoyait que le
mariage était nul lorsque la femme n'entendait pas fonder une
communauté conjugale, mais voulait éluder les règles sur la
naturalisation. La loi fédérale du 23 mars 1990 - en vigueur depuis
le 1er janvier 1992 - modifiant la loi fédérale sur l'acquisition et
la perte de la nationalité suisse du 29 septembre 1952 (LN; RS 141.0)
a abrogé l'art. 3 LN, selon lequel la femme étrangère acquérait
automatiquement la nationalité suisse par son mariage avec un Suisse
(RO 1991 p. 1034). Dans la mesure où les mariages dits de nationalité
n'étaient plus possibles, l'ancien art. 120 ch. 4 CC perdait sa
raison d'être et partant a aussi été abrogé (RO 1991 p. 1041). Dans
le cadre du nouvel art. 7 al. 1 LSEE, le droit à l'octroi et à la
prolongation de l'autorisation de séjour a néanmoins été accordé au
conjoint étranger d'un ressortissant suisse et ce, non seulement à la
femme étrangère d'un Suisse, mais également au mari étranger d'une
Suissesse, avec la cautèle prévue à l'art. 7 al. 2 LSEE (à propos de
la ratio legis de l'art. 7 al. 2 LSEE: cf. ATF 119 Ib 417 consid. 4a
p. 419-420).
b) La preuve directe que les époux se sont mariés non pas pour
fonder une véritable communauté conjugale, mais seulement dans le but
d'éluder les dispositions de la législation sur le séjour et
l'établissement des étrangers ne peut être aisément apportée, comme
en matière de mariages dits de nationalité (cf. ATF 98 II 1); les
autorités doivent donc se fonder sur des indices. La grande
différence d'âge entre les époux, l'existence d'une interdiction
d'entrée en Suisse prononcée contre le conjoint étranger, le risque
de renvoi de Suisse du conjoint étranger - parce que son autorisation
de séjour n'a pas été prolongée ou que sa demande d'asile a été
rejetée -, l'absence de vie commune des époux ou le fait que la vie
4.- Il y a abus de droit notamment lorsqu'une institution
juridique est utilisée à l'encontre de son but pour réaliser des
intérêts que cette institution juridique ne veut pas protéger (voir à
ce sujet HÄFELIN/MÜLLER, Grundriss des Allgemeinen Verwaltungsrechts,
p. 133; IMBODEN/RHINOW, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung,
nos. 74 et 78, et les exemples dans RHINOW/KRÄHENMANN, Schweizerische
Verwaltungsrechtsprechung, Ergänzungsband, no 78).
a) Le Tribunal fédéral a affirmé à plusieurs reprises que le fait
d'invoquer l'art. 7 al. 1 LSEE peut être constitutif d'un abus de
droit en l'absence même d'un mariage contracté dans le but d'éluder
les dispositions sur le séjour et l'établissement des étrangers, au
sens de l'art. 7 al. 2 LSEE (ATF 119 Ib 417 consid. 2d p. 419; 118 Ib
145 consid. 3d p. 151; arrêts non publiés du 8 décembre 1994 dans la
cause G. et du 1er novembre 1993 dans la cause Y.). Toutefois, le
Tribunal fédéral a renoncé jusqu'à présent à se prononcer sur les
conditions qui devraient alors être remplies et à fixer des critères
permettant d'admettre l'existence d'un tel abus de droit. L'existence
d'un éventuel abus de droit doit être appréciée dans chaque cas
particulier et avec retenue, seul l'abus manifeste pouvant être pris
en considération.
L'existence d'un tel abus ne peut en particulier être déduit du
simple fait que les époux ne vivent plus ensemble, puisque le
législateur a volontairement renoncé à faire dépendre le droit à une
autorisation de séjour de la vie commune (voir le consid. 2
ci-dessus). Le législateur voulait en effet éviter que le conjoint
étranger ne soit livré à l'arbitraire de son conjoint suisse. En
particulier, il n'est pas admissible qu'un conjoint étranger se fasse
renvoyer du seul fait que son partenaire suisse obtient la séparation
effective ou juridique du couple. Il ne faut pas non plus que le
conjoint étranger, par peur d'un renvoi, soit empêché de demander
lui-même la séparation au juge (ATF 118 Ib 145 consid. 3c p. 150).
Pour admettre l'existence d'un abus de droit, il ne


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.124/1993
Date de la décision : 24/02/1995
2e cour de droit public

Analyses

Art. 7 LSEE. Prolongation de l'autorisation de séjour; mariage fictif; abus de droit. Art. 105 al. 2 OJ. Irrecevabilité de faits nouveaux (consid. 1c). Art. 7 al. 1 LSEE. L'octroi ou la prolongation de l'autorisation de séjour n'est pas subordonné à l'existence d'une vie commune des époux; sont réservés les exceptions légales et l'abus de droit (confirmation de la jurisprudence, consid. 2). Art. 7 al. 2 LSEE. Conditions permettant d'établir l'existence d'un mariage fictif. Celui-ci n'est pas suffisamment établi en l'espèce, compte tenu de la durée de la vie conjugale commune (consid. 3). Il y a abus de droit lorsque le conjoint étranger invoque un mariage n'existant plus que formellement dans le seul but d'obtenir une autorisation de séjour (consid. 4).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1995-02-24;2a.124.1993 ?
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