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17/11/1994 | SUISSE | N°5P.283/1994

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 novembre 1994, 5P.283/1994


120 Ia 240

36. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 17 novembre 1994
dans la cause X. SA contre Bourgeoisie de C. (recours de droit public)
A.- Par acte authentique du 9 décembre 1971, la Bourgeoisie de C.
(Jura) a vendu à Y. SA, à Moutier, l'immeuble désigné au feuillet no
2313 du ban de C. En même temps, l'acheteuse a concédé à la
venderesse un droit de réméré. Le contrat précise que ce droit pourra
être exercé si le terrain n'est pas utilisé comme prévu dans un délai
de quinze ans et qu'il sera annoté au registre fonci

er pour une durée
de dix ans, à compter du jour de l'inscription. Celle-ci a eu lieu le
1e...

120 Ia 240

36. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 17 novembre 1994
dans la cause X. SA contre Bourgeoisie de C. (recours de droit public)
A.- Par acte authentique du 9 décembre 1971, la Bourgeoisie de C.
(Jura) a vendu à Y. SA, à Moutier, l'immeuble désigné au feuillet no
2313 du ban de C. En même temps, l'acheteuse a concédé à la
venderesse un droit de réméré. Le contrat précise que ce droit pourra
être exercé si le terrain n'est pas utilisé comme prévu dans un délai
de quinze ans et qu'il sera annoté au registre foncier pour une durée
de dix ans, à compter du jour de l'inscription. Celle-ci a eu lieu le
1er mars 1972.
Le 23 novembre 1977, le feuillet no 2313 a été échangé entre les
parties contre le feuillet no 2397. Un nouveau droit de réméré a été
constitué aux mêmes conditions que le précédent. L'annotation
indique: "droit de réméré jusqu'au 1er mars 1982, au profit de la
Bourgeoisie de C. ..."
X. SA, à Moutier, qui a succédé à Y. SA, a contesté l'exercice du
droit de réméré. Par requête de mesures provisoires du 17 février
1994, la Bourgeoisie de C. a demandé au Président du Tribunal du
district de Delémont d'ordonner l'annotation d'une restriction du
droit d'aliéner au sens de l'art. 960 al. 1 ch. 1 CC grevant le
feuillet no 2397 du ban de C. L'intimée a conclu à l'irrecevabilité
de la requête en se prévalant du for de son domicile garanti par
l'art. 59 Cst. Le 28 mars 1994, le président a ordonné l'annotation
requise et a fixé à la requérante un délai de deux mois pour agir au
fond.

B.- Statuant le 10 juin 1994 sur appel de X. SA, la Cour civile du
Tribunal cantonal du canton du Jura a confirmé cette décision et a
fixé à la Bourgeoisie de C. un nouveau délai de deux mois pour
introduire son action.
Extrait des considérants:
1.- La protection de l'art. 59 Cst. peut être invoquée par tout
justiciable solvable domicilié en Suisse, que ce soit une personne
physique ou une personne morale (ATF 101 Ia 39 consid. 1 p. 41) et
chaque fois que le juge se prononce sur sa compétence à raison du
lieu (cf. ATF 102 Ia 188 consid. 1 p. 190). Les règles sur le for
naturel s'appliquent également aux mesures provisoires, en tout cas
lorsqu'elles ont pour objet d'assurer le maintien de l'état de fait
ou de garantir des droits échus (arrêt Candino Watch, du 6 décembre
1982, publié in Schweizerische Mitteilungen über Gewerblichen
Rechtsschutz und Urheberrecht 1983 p. 153 ss consid. 3b p. 156-158;
cf. VINCENT PELET, Mesures provisionnelles: droit fédéral ou
cantonal? (Lausanne 1987) p. 67/68 nos 81 et 83).
Dirigé contre une décision prise en dernière instance cantonale
(art. 86 al. 1 OJ) confirmant des mesures provisoires destinées à
garantir l'exécution d'un droit litigieux (art. 960 al. 1 ch. 1 CC),
en l'espèce un droit de réméré (art. 959 CC), avant l'ouverture de
l'action au fond, et exercé par une personne morale solvable
domiciliée en Suisse qui invoque la protection de l'art. 59 Cst., le
recours est recevable.
2.- L'art. 59 Cst. dispose notamment que, pour réclamations
personnelles, le débiteur solvable ayant domicile en Suisse doit être
recherché devant le juge de son domicile.
En garantissant le for naturel du défendeur, la Constitution
fédérale limite la compétence juridictionnelle des cantons (comme
celle des Etats étrangers) (ATF 102 Ia 406 consid. 1b p. 409). L'art.
59 Cst. concerne donc les relations entre les cantons et il organise
la solution des conflits possibles entre des législations divergentes
(BLAISE KNAPP, Commentaire de la Constitution fédérale de la
Confédération suisse, III, ad art. 59 nos 1 et 5; HÄFELIN/HALLER,
Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 3e éd., p. 518 no 1663; YVO
HANGARTNER, Grundzüge des schweizerischen Staatsrechts, Band II, p.
217). Cette règle constitutionnelle a ainsi un caractère
intercantonal, par opposition aux règles de procédure cantonales sur
la compétence territoriale des tribunaux, qui n'ont qu'une portée
intracantonale (KNAPP, op.cit., no 10; OSCAR VOGEL, Grundriss des
Zivilprozessrechts, 3e éd., p.
3.- La recourante est une société anonyme solvable dont le siège
est à Moutier. Elle peut donc refuser de procéder sur une action
introduite contre elle devant un autre juge que celui de son domicile
si l'action a pour objet une réclamation personnelle au sens de
l'art. 59 Cst.
a) Pour savoir si l'art. 59 Cst. s'applique, c'est la nature
juridique de la prétention litigieuse qui est décisive, nature qui
résulte du contenu de la demande, des conclusions prises et des
motifs qui les justifient (ATF 103 Ia 462 consid. 2 principio p. 464,
92 I 36 consid. 1 p. 38). Selon la jurisprudence, les actions fondées
sur un contrat - qu'il s'agisse d'actions en exécution, d'actions en
dommages-intérêts pour inexécution ou d'actions en annulation - sont
de nature personnelle, même si le contrat concerne un immeuble, telle
la vente immobilière (ATF 103 Ia 462 consid. 2a p. 464, 92 I 201
consid. 4 p. 202/203).
Par opposition, est une action réelle celle qui découle de rapports
de droit dont le contenu juridique ne s'épuise pas à la suite de la
prestation d'un débiteur déterminé et qui, dès lors, ne disparaissent
pas par le fait de cette prestation mais continuent à sortir leurs
effets (ATF 117 II 26 consid. 3 p. 29).


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.283/1994
Date de la décision : 17/11/1994
2e cour civile

Analyses

Art. 59 Cst. Garantie du for invoquée à propos de l'annotation au registre foncier, par voie de mesures provisionnelles, d'un droit de réméré. Droit de réméré portant sur un immeuble situé dans un autre canton que celui où est domicilié le propriétaire: l'art. 59 Cst. exclut que le titulaire du droit de réméré saisisse le juge du lieu de situation de l'immeuble pour obtenir par voie de mesures provisionnelles l'annotation d'une restriction du droit d'aliéner au sens de l'art. 960 al. 1 ch. 1 CC.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1994-11-17;5p.283.1994 ?
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