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21/02/1994 | SUISSE | N°U.80/92

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 février 1994, U.80/92


120 V 128

17. Arrêt du 21 février 1994 dans la cause M. contre Caisse
nationale suisse d'assurance en cas d'accidents et Tribunal des
assurances du canton de Vaud
A.- M., né en 1939, a travaillé en qualité de représentant de
commerce au service de la société O. SA. A ce titre, il était assuré
contre le risque d'accident auprès de la Caisse nationale suisse
d'assurance en cas d'accidents (ci-après: la CNA).
Le 7 février 1974, il a été victime d'un accident de la circulation
alors qu'au volant de son automobile il regagnait son do

micile après
son travail. Dans le but de doubler un véhicule, il a emprunté la
voie cent...

120 V 128

17. Arrêt du 21 février 1994 dans la cause M. contre Caisse
nationale suisse d'assurance en cas d'accidents et Tribunal des
assurances du canton de Vaud
A.- M., né en 1939, a travaillé en qualité de représentant de
commerce au service de la société O. SA. A ce titre, il était assuré
contre le risque d'accident auprès de la Caisse nationale suisse
d'assurance en cas d'accidents (ci-après: la CNA).
Le 7 février 1974, il a été victime d'un accident de la circulation
alors qu'au volant de son automobile il regagnait son domicile après
son travail. Dans le but de doubler un véhicule, il a emprunté la
voie centrale qui était recouverte d'une couche de neige. Il a alors
perdu la maîtrise de son véhicule, lequel est entré en collision avec
un train routier circulant en sens inverse. Victime notamment d'un
traumatisme cranio-cérébral, il a été hospitalisé.
Par décision du 18 avril 1974, la CNA, qui avait pris en charge le
cas, a notifié à M. qu'elle réduisait ses prestations de 20 pour cent
au motif que l'accident assuré considéré comme un accident
professionnel était dû à une faute grave du prénommé.
Depuis le 14 mars 1976, celui-ci perçoit une rente d'invalidité
fondée sur une incapacité de gain de 50 pour cent (décision du 28
avril 1976). Une aggravation de l'invalidité étant survenue dès le
1er janvier 1988, la CNA lui a accordé une rente fondée sur une
incapacité de gain de 80 pour cent à partir de cette date; l'assuré a
été par ailleurs mis au bénéfice d'une indemnité pour atteinte à
l'intégrité fondée sur une diminution de l'intégrité de 20 pour cent
(décision du 3 août 1988).

B.- Le 27 février 1991, M. a demandé à la CNA de supprimer la
réduction des prestations prononcée le 18 avril 1974. Par décision du
27 mars 1991, l'établissement a refusé de faire droit à cette
requête, motif pris que les
Considérant en droit:
1.- Par sa décision du 18 avril 1974, la CNA a institué une
réduction des prestations de 20 pour cent, motif pris que l'accident
à l'origine de l'atteinte à la santé de l'assuré était dû à une faute
grave de celui-ci. Elle s'est fondée pour cela sur l'art. 98 al. 3
LAMA, en vigueur jusqu'au 31 décembre 1983, aux termes duquel, si
l'assuré a causé l'accident par une faute grave, les prestations
assurées autres que les frais funéraires sont réduites dans une
mesure répondant au degré de la faute.
L'assuré a requis la révision de la décision précitée et l'octroi
d'une rente d'invalidité non soumise à réduction en faisant valoir
que l'art. 68 let. f du Code européen de sécurité sociale (CESS) du
16 avril 1964 n'autorise pas une réduction pour faute grave en
matière d'accidents professionnels.
2.- a) Aux termes de l'art. 68 let. f CESS, en vigueur pour la
Suisse depuis le 17 septembre 1978 (RO 1978 II 1518), et de l'art. 69
let. f de la Convention OIT no 102 concernant la norme minimum de la
sécurité sociale du 28 juin 1952, en vigueur pour notre pays depuis
le 18 octobre 1978 (RO 1978 II 1626), les prestations d'assurance
sociale auxquelles une personne aurait droit peuvent être
"suspendues", c'est-à-dire refusées, réduites ou retirées, lorsque
l'éventualité a été provoquée "par une faute intentionnelle de
l'intéressé". Il en résulte, a contrario, que les prestations ne
peuvent être "suspendues" en cas de faute non intentionnelle de
l'intéressé.
3.- a) Cette nouvelle jurisprudence vaut incontestablement pour
les cas futurs, ainsi que pour les affaires pendantes devant un
tribunal au moment de son changement (v. par ex. ATF 108 V 3; RCC
1990 p. 271 consid. 3b et les arrêts cités; ATF 119 V 241, 119 V 410;
PROBST, Die Änderung der Rechtsprechung, p. 518 note 613).
Mais, en l'espèce, à la différence des circonstances de l'arrêt ATF
119 V 171 précité, ce n'est pas lors de l'allocation d'une rente
réduite que le recourant a contesté la sanction prise à son endroit.
En effet, dans le cas présent, la réduction est intervenue dans le
cadre d'une décision antérieure, entrée en force; la décision sur
opposition litigieuse, du 25 juin 1991, porte sur le refus de
l'intimée de supprimer, à la demande du bénéficiaire de rente, la
réduction en cours.
Le problème se pose donc de savoir si la force formelle et
matérielle attachée à une décision de réduction de rente s'oppose à
une application de la nouvelle jurisprudence au cas du recourant.
b) Un changement de jurisprudence n'est un motif ni de révision au
sens procédural du terme ni de reconsidération (KNAPP, Précis de
droit administratif, 4e édition, p. 276, note 1303; KÖLZ/HÄNER,
Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, p. 118,
note 193; GRISEL, L'apport du Tribunal fédéral des assurances au
développement du droit public, Mélanges Berenstein, p. 448). Il ne
s'agit pas davantage d'un motif de révision au sens de l'art. 22 al.
1 LAA. En effet, la rente n'est susceptible d'être révisée, en vertu
de cette disposition légale, qu'en cas de modification notable de
l'état de santé de l'assuré ou lorsque les conséquences économiques
d'un état de santé demeuré inchangé se sont modifiées (ATF 113 V 275
consid. 1a et les arrêts cités; ATF 119 V 475; RAMA 1989 no U 65 p.
70 consid. 1c).
4.- a) Selon les art. 73 let. a de la Convention no 102 et 72 let.
a CESS, ces instruments ne s'appliquent pas aux éventualités
survenues avant l'entrée en vigueur de la partie correspondante de
ceux-ci pour l'Etat intéressé.
En l'espèce, il est donc indispensable de distinguer entre
l'événement assuré, c'est-à-dire l'accident qui s'est produit le 7
février 1974, et l'éventualité assurée qui est la survenance de
l'invalidité. Or, dans le cas particulier, une aggravation de
l'invalidité est survenue dès le 1er janvier 1988, soit
postérieurement à l'entrée en vigueur pour la Suisse de la Convention
no 102 (18 octobre 1978) et du CESS (17 septembre 1978). Dès lors il
y a lieu de faire une distinction entre l'invalidité de 50 pour cent
survenue le 14 mars 1976, date à partir de laquelle le recourant a
perçu une rente d'invalidité, selon décision du 28 avril 1976, et
l'aggravation de 30 pour cent de cette invalidité survenue le 1er
janvier 1988, conformément à la nouvelle décision de rente du 3 août
1988.
b) En règle ordinaire, si la convention internationale ne contient
aucune règle à ce sujet, ou si celle qui existe ne permet pas de
trancher avec certitude le cas d'espèce, on applique le droit en
vigueur au moment où s'est produite l'éventualité assurée (ATF 113 V
104, ATFA 1956 p. 53; SPIRA, L'application du droit international de
la sécurité sociale par le


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.80/92
Date de la décision : 21/02/1994
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 37 al. 2 LAA, art. 69 let. f et art. 73 let. a de la Convention OIT no 102, art. 68 let. f et art. 72 let. a du Code européen de sécurité sociale (CESS): réduction des prestations en espèces à la suite d'un accident professionnel provoqué par une négligence grave. - Conditions dans lesquelles un changement de jurisprudence peut exceptionnellement conduire à la révocation d'une décision de réduction de prestations entrée en force (consid. 3c). - Pour fixer le moment de la survenance de l'éventualité assurée au sens des normes internationales de sécurité sociale, il y a lieu de tenir compte, le cas échéant, d'une éventuelle aggravation de l'invalidité (consid. 4). - I. c.: une réduction de prestations - intervenue dans le cadre d'une décision entrée en force - en raison de la négligence grave commise par un assuré, ne s'applique pas à la part d'augmentation de l'invalidité survenue après l'entrée en vigueur pour la Suisse des normes internationales excluant une telle réduction.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1994-02-21;u.80.92 ?
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