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26/11/1993 | SUISSE | N°K.149/92

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 novembre 1993, K.149/92


119 V 448

65. Arrêt du 26 novembre 1993 dans la cause X contre Caisse-maladie
SVRSM; Caisse-maladie Helvetia; Société Suisse Grutli;
Chrétienne-sociale suisse; Caisse-maladie Intras; CMB et Tribunal
arbitral 25 LAMA, Neuchâtel.
A.- Le docteur X exploite depuis l'année 1974 un cabinet de
médecine générale avec une installation de radiologie.
Invoquant un cas de polypragmasie, six caisses-maladie (SVRSM,
Helvetia, Grutli, Chrétienne-sociale suisse, Intras et Fraternelle de
prévoyance [reprise plus tard par la CMB]) ont saisi, en 1982

et en
1983, la commission paritaire instituée par la Société neuchâteloise
de médeci...

119 V 448

65. Arrêt du 26 novembre 1993 dans la cause X contre Caisse-maladie
SVRSM; Caisse-maladie Helvetia; Société Suisse Grutli;
Chrétienne-sociale suisse; Caisse-maladie Intras; CMB et Tribunal
arbitral 25 LAMA, Neuchâtel.
A.- Le docteur X exploite depuis l'année 1974 un cabinet de
médecine générale avec une installation de radiologie.
Invoquant un cas de polypragmasie, six caisses-maladie (SVRSM,
Helvetia, Grutli, Chrétienne-sociale suisse, Intras et Fraternelle de
prévoyance [reprise plus tard par la CMB]) ont saisi, en 1982 et en
1983, la commission paritaire instituée par la Société neuchâteloise
de médecine (SNM) et la Fédération cantonale neuchâteloise des
sociétés de secours mutuels (FCNM) d'une requête en
Considérant en droit:
1.- La procédure qui, en première instance, oppose devant le
tribunal arbitral prévu par l'art. 25 LAMA un médecin à une
caisse-maladie, et qui porte sur le remboursement d'honoraires du
médecin, ne concerne pas l'octroi ou le refus de prestations
d'assurance au sens de l'art. 132 OJ (cf. ATF 103 V 149 consid. 1).
Il s'ensuit que le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à
examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris
par l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les
faits pertinents ont été constatés d'une manière manifestement
inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles
essentielles de procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104
let. a et b et 105 OJ; RAMA 1984 no K 573 p. 76 consid. 3).
2.- a) Devant le tribunal arbitral, les caisses-maladie
demanderesses ont rappelé - en se référant à l'arrêt paru dans la
RJAM 1982 no 489 p. 131 consid. 3b - que le Tribunal fédéral des
assurances avait expressément reconnu la valeur et la prise en compte
des statistiques du Concordat des caisses-maladie (le Concordat)
comme moyen de preuve de l'existence d'une polypragmasie.
3.- a) Dans son recours de droit administratif, le recourant
reprend les arguments qu'il avait développés devant le tribunal
arbitral, et formule à nouveau diverses critiques à l'encontre de la
méthode statistique et de son application au cas d'espèce, en se
fondant sur les expertises des professeurs G. et Do. Il allègue que
cette méthode est inadaptée s'agissant des médecins généralistes, des
internistes ou des psychiatres. En particulier, il reproche aux
premiers juges d'avoir admis que les statistiques produites par les
intimées permettaient d'établir à satisfaction de droit l'existence
d'un cas de polypragmasie, alors qu'ils avaient pourtant dénié toute
valeur scientifique à ces données.
Par ailleurs, le recourant conteste la validité de l'échantillon
restreint à 27 cas (sur plusieurs milliers de feuilles-maladie
produites au dossier), choisi à dessein par les intimées, sur la base
duquel les docteurs D., Si. et De. ont estimé que dans 24 de ces cas
leur confrère n'avait pas respecté le principe de l'économie du
traitement. Il arguë du fait que dans la plupart de ces cas, une
hospitalisation des patients dont le coût aurait été nettement plus
important avait pu être évitée.
b) Dans leur réponse au recours, les intimées formulent diverses
remarques relatives à ces griefs.
Elles relèvent tout d'abord que la jurisprudence constante du
Tribunal fédéral des assurances admet le recours à la méthode
statistique - incriminée en l'espèce - pour établir l'existence d'une
polypragmasie, en tenant compte d'une marge de tolérance ou de
sécurité. Par ailleurs, les intimées allèguent que le jugement
attaqué échappe d'autant plus au grief d'arbitraire que le dossier
contient une preuve complémentaire de la polypragmasie par la méthode
analytique, moyen qu'il n'était - selon elles - pas nécessaire de
mettre en oeuvre.
En outre, les caisses intimées soutiennent que le recourant n'a pas
établi que sa clientèle était différente de celle de ses confrères;
par
4.- a) D'après l'art. 23 LAMA, lorsqu'ils traitent des assurés,
leur prescrivent ou fournissent des médicaments, prescrivent ou
appliquent des traitements scientifiquement reconnus ou font des
analyses, les médecins, les pharmaciens, les chiropraticiens, les
sages-femmes, le personnel paramédical, les laboratoires et les
établissements hospitaliers doivent se limiter à ce qui est exigé par
l'intérêt de l'assuré et par le but du traitement.
b) Pour établir si le médecin a contrevenu au précepte de
l'économie des moyens et dans quelle mesure, il n'est pas nécessaire
d'analyser toutes les rubriques de toutes ses notes d'honoraires. On
peut se borner à comparer la statistique des frais moyens de
traitement auprès du médecin en cause avec celle qui concerne les
traitements auprès d'autres médecins qui travaillent dans des
conditions semblables, pourvu que la comparaison s'étende sur une
période assez longue et que les éléments statistiques soient
rassemblés d'une manière analogue. II y a "polypragmasie"
("Überarztung") lorsqu'un nombre considérable de notes d'honoraires
remises par un médecin à une caisse-maladie sont en moyenne
sensiblement plus élevées que celles d'autres médecins pratiquant
dans une région et avec une clientèle semblables, alors qu'aucune
circonstance particulière ne justifie la différence de coût (ATF 103
V 154 consid. 5, 99 V 196 consid. 1b, 98 V 162 consid. 3; RJAM 1982
no 489 p. 131 consid. 3a et no 505 p. 215 consid. 5a; DESCHENAUX, Le
précepte de l'économie du traitement dans l'assurance-maladie
sociale, en particulier en ce qui concerne le médecin, in Mélanges
pour le 75e anniversaire du TFA, pp. 539-543; MAURER,
Bundessozialversicherungsrecht, 1993, pp. 310 ss, Schweizerisches
Unfallversicherungsrecht, p. 295; FRÉSARD, Le précepte de l'économie
du traitement [art. 23 LAMA], in Le médecin et son patient, 7/1993;
DUC, L'article 23 LAMA relatif aux traitements économiques, ibid.,
11/1993; AMSTUTZ, Contrôle de l'économicité dans le canton de Berne,
Journal des caisses-maladie suisses,
5.- a) Cela étant, on doit écarter les griefs que le recourant
soulève à l'encontre de la méthode statistique et de son application
au cas d'espèce. En particulier, on ne saurait renoncer à comparer sa
propre moyenne des coûts de maladie par cas avec celles de ses
confrères, comme il le voudrait, car il ne ressort nullement du
dossier que sa clientèle est différente de celle des autres médecins
du groupe de comparaison.
Quant à l'allégué selon lequel les soins prodigués de manière
ambulatoire ont permis d'éviter certaines hospitalisations, il n'est
pas prouvé (voir les observations du recourant du 15 mars 1990,
relatives à l'expertise des docteurs D., Si. et De.). Et même si ce
fait était établi, cela ne dispensait pas le recourant de s'en tenir
à ce qui était exigé par l'intérêt de l'assuré et par le but du
traitement, ainsi que l'art. 23 LAMA le prescrit.
b) Il incombait aux caisses intimées, conformément à la
jurisprudence exposée ci-dessus, de démontrer qu'un nombre
considérable de notes d'honoraires établies par le recourant étaient
en moyenne sensiblement plus élevées que celles d'autres médecins
pratiquant dans la même région et avec une clientèle semblable, alors
qu'aucune circonstance particulière ne justifiait cette différence de
coût.
En l'espèce, cette preuve n'a pas été apportée, s'agissant des
traitements dont le coût n'excède pas 300 francs. Il en va
différemment pour les traitements dont le coût est plus élevé (à
partir de 300 francs, et surtout de 900 francs), ainsi que le
professeur Do. le relève dans son expertise. En effet, selon la
jurisprudence (RAMA 1986 no K 654 pp. 4-5 consid. 4c) seule la
moyenne arithmétique doit être prise en considération lors de la
comparaison statistique du coût des traitements, ce qui a précisément
été le cas en l'occurrence. En conséquence, on doit admettre, sur le
vu des moyennes indiquées au consid. 2a ci-dessus, que le recourant a
contrevenu au précepte de l'économie du traitement consacré par
l'art. 23 LAMA.
Il s'ensuit que le jugement attaqué n'est pas entaché d'erreur de
droit ni d'arbitraire. Le recours est mal fondé.
6.- a) La procédure n'est en l'occurrence pas gratuite (art. 134
OJ a contrario) et l'émolument judiciaire doit être calculé en
fonction de la valeur litigieuse (art. 153a OJ), in casu 41'499
francs. Le recourant, qui succombe, supportera les frais de justice
(art. 156 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances
prononce:

I. Le recours est rejeté.

II. Les frais de justice, d'un montant total de 3'000 francs, sont
mis à
la charge du recourant et sont compensés avec l'avance de frais
qu'il
a effectuée.

III. Le recourant versera aux intimées la somme de 2'000 francs à
titre de
dépens pour l'instance fédérale.


Synthèse
Numéro d'arrêt : K.149/92
Date de la décision : 26/11/1993
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 23 LAMA: polypragmasie. - Résumé des principes jurisprudentiels s'agissant de la valeur à donner à la méthode statistique et à l'unité de mesure à prendre en compte, in casu la feuille-maladie trimestrielle au sens de l'ancien art. 26 Ord. V (consid. 4c). - La combinaison des méthodes statistique et analytique est admissible mais pas obligatoire (consid. 4d). - Dans un litige en matière de polypragmasie, les caisses-maladie qui obtiennent gain de cause devant le TFA et qui sont représentées par un avocat indépendant ont droit, en principe, à une indemnité de dépens (consid. 6b).


Références :

29.10.1993 K 101/92; 04.07.1983 K 58/80; 04.02.1982 K 73/80


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1993-11-26;k.149.92 ?
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