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29/10/1993 | SUISSE | N°I.285/92

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 octobre 1993, I.285/92


119 V 241

34. Arrêt du 29 octobre 1993 dans la cause X contre Caisse
interprofessionnelle romande d'AVS de la Fédération romande des
syndicats patronaux et Tribunal administratif du canton de Fribourg
A.- Le 26 juillet 1987, vers 21 heures, X circulait au volant de
sa voiture aux environs de T., en France; il faisait encore jour et
la visibilité était bonne. A cet endroit, le tronçon marque une
légère courbe. La chaussée est divisée en trois voies de circulation,
dont deux pour les véhicules se rendant à T. et une pour ceux roulant

en direction de S. Une ligne continue délimite cette dernière voie
des deux autres. X,...

119 V 241

34. Arrêt du 29 octobre 1993 dans la cause X contre Caisse
interprofessionnelle romande d'AVS de la Fédération romande des
syndicats patronaux et Tribunal administratif du canton de Fribourg
A.- Le 26 juillet 1987, vers 21 heures, X circulait au volant de
sa voiture aux environs de T., en France; il faisait encore jour et
la visibilité était bonne. A cet endroit, le tronçon marque une
légère courbe. La chaussée est divisée en trois voies de circulation,
dont deux pour les véhicules se rendant à T. et une pour ceux roulant
en direction de S. Une ligne continue délimite cette dernière voie
des deux autres. X, qui se rendait en vacances, roulait, dans une
colonne de véhicules, en direction de S. Pour une raison
indéterminée, son véhicule a franchi la ligne de sécurité et, ayant
quitté sa voie de circulation, est allé percuter successivement deux
voitures circulant normalement en sens inverse. Les deux occupants du
second véhicule heurté sont décédés sur les lieux de l'accident. X,
son épouse et le conducteur du premier véhicule percuté ont été
gravement blessés. X a subi un traumatisme crânio-cérébral simple, un
pneumothorax, ainsi que diverses fractures.
Considérant en droit:
1.- Dans la procédure de recours concernant l'octroi ou le refus
de prestations d'assurance, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral
des assurances n'est pas limité à la violation du droit fédéral - y
compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation - mais s'étend
également à l'opportunité de la décision attaquée. Le tribunal n'est
alors pas lié par l'état de fait constaté par la juridiction
inférieure, et il peut s'écarter des conclusions des parties à
l'avantage ou au détriment de celles-ci (art. 132 OJ).
2.- a) Selon l'art. 7 al. 1 LAI, les prestations en espèces
peuvent être refusées, réduites ou retirées, temporairement ou
définitivement, à l'assuré qui a intentionnellement ou par faute
grave, ou en commettant un crime ou un délit, causé ou aggravé son
invalidité. Par cette disposition, l'on vise à empêcher que
l'assurance-invalidité ne
3.- Les règles conventionnelles laissent cependant subsister, en
droit interne, la possibilité de réduire des prestations à raison de
la commission d'un crime ou d'un délit (art. 7 al. 1 in fine LAI;
voir aussi l'art. 37 al. 3, première phrase, LAA). Tant la Convention
4.- En conséquence, le principe même d'une réduction se justifie
en l'espèce, en raison de la commission du délit réprimé par l'art.
90 ch. 2 LCR. En ce qui concerne le taux de la réduction (20 pour
cent) retenu par l'administration, il n'apparaît pas non plus sujet à
contestation (voir à ce propos RUMO-JUNGO, op.cit., p. 220). En
revanche, il n'en va pas de même pour ce qui est de la durée de la
réduction.
a) A la différence des cas relevant de la LAA, la LAI permet le
prononcé de réductions limitées dans le temps (ATF 118 V 310; SCHÖN,
Juristische Aspekte der Kürzung von Krankenkassenleistungen bei
Grobfahrlässigkeit, Zeitschrift für öffentliche Fürsorge, 1990, p.
191). La caisse de compensation, selon toute apparence, s'est en
l'espèce fondée sur une pratique administrative qui prescrit, en cas
d'accident de la circulation provoqué par une négligence grave, de
lever la sanction après un temps approprié (en principe deux ans),
sous réserve de fautes particulièrement graves (voir, au sujet de
cette pratique, RCC 1988 p. 231); en cas de crime ou de délit, la
durée de la sanction ne saurait, en règle ordinaire et toujours selon
cette pratique, dépasser celle de la peine à laquelle l'assuré a été
condamné (ch. 6018 des directives de l'Office fédéral des assurances
sociales concernant l'invalidité et l'impotence de
l'assurance-invalidité [DII]). Cette pratique repose sur l'idée que
lorsque l'invalidité résulte d'une faute unique, l'assuré n'a pas la
possibilité de s'amender, comme c'est le cas notamment en matière
d'abus d'alcool ou de nicotine (ECHENARD, Les risques exclus de
l'AVS/AI, in: IRAL, Colloque de Lausanne 1989, p. 12). En effet,
l'art. 39 al. 2 RAI prévoit que la rente ne peut être retirée ou
réduite pendant la durée d'une cure de désintoxication, ni quand
l'assuré s'est amendé.
b) Toutefois, selon la jurisprudence, la rente est réduite en vertu
de l'art. 7 al. 1 LAI aussi longtemps qu'il subsiste un rapport de
causalité entre la faute de l'assuré et l'invalidité. Une réduction
limitée dans le temps n'est admissible qu'exceptionnellement,
lorsque, déjà au moment de la fixation de la rente, il est
vraisemblable que la cause de l'invalidité consistant dans le
comportement gravement fautif de l'assuré n'aura plus d'importance
après une période pouvant être déterminée approximativement, parce
que d'autres facteurs seront alors au premier plan (ATF 104 V 2
consid. 2c, 103 V 22, 99 V 31;
5.- En l'occurrence, il est constant que l'invalidité est due,
exclusivement, aux séquelles de l'accident du 26 juillet 1987. C'est
donc à tort que l'administration a limité à deux ans la durée de la
réduction prononcée à l'encontre du recourant. Le Tribunal fédéral
des assurances pourrait, en principe, réformer le jugement attaqué au
détriment du recourant (art. 132 let. c OJ; voir consid. 1
ci-dessus), après l'avoir averti et lui avoir donné la possibilité de
s'exprimer (ATF 115 Ia 96 consid. 1b, 107 V 248 s.). Mais il s'agit
d'une faculté (ZIMMERLI, Zur reformatio in peius vel melius, Mélanges
Henri Zwahlen, p. 530 s.), dont il n'y a pas lieu de faire usage en
l'espèce. La caisse pouvait légitimement se fonder sur les directives
de l'autorité


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.285/92
Date de la décision : 29/10/1993
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 7 al. 1 LAI, art. 37 al. 3 LAA, art. 32 paragraphe 1 let. d de la Convention OIT no 128 et art. 68 let. e du Code européen de sécurité sociale (CESS): réduction des prestations. La réduction des prestations consécutive à la commission d'un crime ou d'un délit est compatible avec le droit international de la sécurité sociale (consid. 3). Art. 90 ch. 2 LCR: violation grave des règles de la circulation. In casu, violation grave retenue dans le cas d'un automobiliste qui franchit une ligne de sécurité et dont le véhicule entre ensuite successivement en collision avec deux autres véhicules venant en sens inverse. Ces faits, qui ont entraîné la mort de deux personnes, sont constitutifs d'un délit et justifient la réduction d'une rente de l'assurance-invalidité allouée ultérieurement à l'automobiliste en raison des séquelles de blessures qu'il a subies lors de l'accident (consid. 3). Art. 7 al. 1 LAI: durée de la réduction des prestations. Les prestations doivent en principe être réduites aussi longtemps qu'il subsiste un lien de causalité entre le comportement délictueux de l'assuré et l'invalidité (consid. 4). Art. 132 let. c OJ: reformatio in pejus. Circonstances permettant d'y renoncer (consid. 5).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1993-10-29;i.285.92 ?
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