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13/09/1993 | SUISSE | N°2A.130/1992

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 septembre 1993, 2A.130/1992


119 Ib 216

26. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 13
septembre 1993 dans la cause Société immobilière et hôtelière de la
Place Chevelu 1-3 contre Département fédéral de justice et police
(recours de droit administratif)
A.- La Société immobilière et hôtelière de la Place Chevelu 1-3
(ci-après: la Société immobilière) est propriétaire d'un hôtel,
construit en 1964/1965. Situé à l'angle de la rue
Jean-Jacques-Rousseau et du quai des Bergues, à la hauteur du pont de
la Machine, l'immeuble comprend un abri

de protection civile de 145
m2, avec 114 places protégées. Il fait partie d'un îlot comportant
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119 Ib 216

26. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 13
septembre 1993 dans la cause Société immobilière et hôtelière de la
Place Chevelu 1-3 contre Département fédéral de justice et police
(recours de droit administratif)
A.- La Société immobilière et hôtelière de la Place Chevelu 1-3
(ci-après: la Société immobilière) est propriétaire d'un hôtel,
construit en 1964/1965. Situé à l'angle de la rue
Jean-Jacques-Rousseau et du quai des Bergues, à la hauteur du pont de
la Machine, l'immeuble comprend un abri de protection civile de 145
m2, avec 114 places protégées. Il fait partie d'un îlot comportant
350 places protégées pour 514 habitants.
Selon un constat d'huissier établi le 6 novembre 1985 à la demande
de la Société immobilière, en présence d'un ingénieur de la Ville de
Genève, l'immeuble serait fissuré en sous-sol; sans faire clairement
la distinction entre l'abri proprement dit et les autres locaux du
sous-sol, le constat relève la présence de fissures "capillaires", de
fissures "fines" et de "larges fentes", ces dernières ne paraissant
pas se situer dans l'abri. Le 6 mars 1989, des spécialistes des
services de protection civile de la Ville et du canton de Genève ont
constaté la présence de fissures superficielles dans les parois de
l'abri. Son utilisation n'était toutefois pas remise en cause car, vu
l'épaisseur du béton et la conception technique de l'ouvrage, l'eau
ne pouvait s'infiltrer.
Se fondant sur le constat du 6 novembre 1985, la Société
immobilière a demandé le 16 décembre 1988 au Service cantonal de la
protection civile l'autorisation de désaffecter l'abri, en raison des
infiltrations possibles et de sa situation en dessous du niveau du
Rhône, ce qui serait source de danger pour ses occupants. Après un
échange de lettres, le dossier fut transmis à l'Office fédéral de la
protection civile (ci-après: l'OFPC), avec un préavis défavorable.
Par décision du 6 juillet 1989, cette autorité rejeta la requête.
Saisi d'un recours de la Société immobilière, le Département
fédéral de justice et police (ci-après: le Département) a procédé à
une instruction complémentaire, au terme de laquelle il a rejeté le
recours. L'abri litigieux était conforme aux exigences en vigueur en
1964, quand bien même ces dernières auraient changé depuis; il ne
présentait aucun défaut pouvant justifier sa désaffectation, dans un
secteur insuffisamment pourvu en place protégées.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, la Société
immobilière demande au Tribunal fédéral d'annuler les décisions de
Extrait des considérants:
2.- La loi fédérale sur les constructions de protection civile, du
4 octobre 1963 (RS 520.2, loi sur les abris, ci-après: LCPCi), ne
contient pas de dispositions au sujet de la désaffectation des
installations de protection civile. L'art. 19 de l'ordonnance sur les
abris (RS 520.21, ci-après: OCPCi) prévoit que les abris et
constructions hospitalières ne peuvent être désaffectés sans
l'autorisation de l'OFPC, sans toutefois préciser les conditions
d'une telle autorisation. On peut certes déduire du texte de cette
disposition que la désaffectation peut être autorisée lorsque les
installations "ne sont plus utilisables pour la protection civile"
puisque, dans ce cas, son alinéa 2 prévoit la restitution des
subventions "dans la mesure où les bâtiments peuvent servir à
d'autres fins". S'agissant toutefois des conditions précises d'une
désaffectation, on se trouve devant une lacune proprement dite, qu'il
appartient au juge de combler (cf. art. 1 al. 2 et 3 CC; ATF 112 Ib
46 consid. 4a) en s'inspirant des buts poursuivis par le législateur
(ATF 112 Ib 311 consid. 2).
a) En édictant les dispositions sur les constructions de protection
civile, le législateur fédéral visait à assurer une protection aussi
large et efficace que possible de la population contre les dangers
pouvant résulter non seulement d'un conflit armé (art. 1er al. 2 de
la loi sur la protection civile - LPCi -, RS 520.1), mais aussi
d'autres catastrophes naturelles (art. 2 al. 2 LPCi; FF 1976 III
370). En fonction de cet objectif, l'obligation de construire ou
d'aménager des abris et d'autres ouvrages de protection civile est
définie de manière très étendue (FF 1976 II 361). Il en découle que
les installations existantes doivent en principe être maintenues,
dans toute la mesure du possible, aussi longtemps qu'elles offrent
une protection suffisante.
b) En raison de l'évolution de la technique et des connaissances
dans ce domaine, les installations construites dans le passé peuvent
ne plus satisfaire à toutes les exigences posées actuellement pour
des constructions de même nature, la loi n'exigeant pas l'adaptation
des abris anciens aux nouvelles normes. Compte tenu du but poursuivi
par le législateur, le fait qu'une construction ne répond plus aux
critères actuels ne suffit pas à permettre sa désaffectation, tant
qu'elle
3.- Selon l'art. 4 al. 1 let. b OCPCi, les cantons peuvent
accorder une dérogation à l'obligation de construire des abris,
notamment pour les bâtiments situés dans les zones particulièrement
menacées que l'OFPC détermine dans ses instructions. La recourante
soutient que son immeuble se trouve, par rapport au lac Léman, dans
une telle zone, de sorte que la désaffectation s'imposerait.
a) L'abri litigieux a été construit en 1964, sous l'empire des
principes directeurs pour les constructions de protection
antiaérienne, édictés par le Département militaire fédéral en 1949
(2e édition 1952), et des prescriptions techniques provisoires de
1957. Ces textes, qui définissent les mesures de précaution résultant
de l'expérience issue de la Deuxième Guerre mondiale, concernent
principalement la manière de construire (profondeur, épaisseur des
parois, issues, aération, etc.); ils ne contiennent en revanche
aucune disposition restrictive quant à l'emplacement des abris,
notamment à proximité des lacs importants.
Par la suite, l'OFPC a édicté les instructions techniques pour la
construction d'abris privés (ci-après: ITAP), qui ont fait l'objet de
deux versions successives, en 1966 et en 1984. Ces instructions
contiennent des règles de même nature que les précédentes directives,
mais les complètent sur certains points. L'ITAP 1966 examine les
effets de la vague de fond consécutive à une explosion atomique sur
une nappe d'eau, pour nier l'existence d'un risque important
d'inondation (ch. 1.45.1). Traitant plus complètement de ce problème,
l'ITAP 1984 précise (ch. 2.35, Mesures préventives contre le danger
d'inondation) que la région menacée par les vagues de fond s'étend
généralement aux environs immédiats du rivage des grands lacs, sur
une bande de rivage de 200 m de largeur, à moins qu'elle ne soit
située à 20 m au moins au-dessus du niveau du lac. La construction
d'abris n'est pas interdite dans une telle région, mais elle exige
des mesures supplémentaires dont la plus importante est l'édification
d'un puits de sortie, pour les voies d'évacuation et les sorties de
secours, surélevé d'au moins 1 m par rapport au terrain naturel.
b) Considérant, sur la base des renseignements obtenus auprès du
Service cantonal de la protection civile et du Service cantonal du
cadastre, que le lac Léman s'achevait au niveau du pont du
Mont-Blanc, soit à plus de 200 m de l'immeuble de la recourante, le


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.130/1992
Date de la décision : 13/09/1993
2e cour de droit public

Analyses

Art. 19 OCPCi: désaffectation d'un abri de protection civile. Seule une installation devenue totalement inutile pour la protection civile peut être désaffectée (consid. 2). La construction litigieuse offre encore une protection suffisante au regard des prescriptions actuelles, compte tenu en particulier de la proximité du lac Léman (consid. 3).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1993-09-13;2a.130.1992 ?
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