119 II 437
88. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 13 juillet 1993
dans la cause dame D. contre J. S.A. (recours en réforme)
A.- a) Par convention du 19 juin 1984, G. a cédé à dame D., avec
effet au 1er août 1984, les droits résultant du bail à loyer du 19
mai 1980, qui avaient été transmis le 25 octobre 1982 au premier par
Extrait des considérants:
2.- b) Dans son écriture du 17 octobre 1985, la défenderesse, en
même temps qu'elle déclarait résilier le bail, a invité la
demanderesse à reprendre les choses louées.
A teneur de l'art. 271 al. 1 aCO, à la fin du bail, le preneur
restitue la chose louée dans l'état où il l'a reçue et conformément à
l'usage local. Il s'agit d'une dette quérable, ce qui signifie que,
sauf convention spéciale, la chose doit être restituée au lieu où
elle se trouvait lors de la conclusion du contrat (art. 74 al. 2 ch.
2 CO; ATF 48 II 390). S'agissant d'une dette quérable, l'offre
purement verbale de restituer suffit à entraîner la demeure du
créancier (WEBER, n. 126 ad art. 91 CO; cf. ENGEL, Traité des
obligations en droit suisse, p. 446, let. B in fine, qui est d'avis
que le créancier est en demeure, même en l'absence d'une offre, si la
dette est quérable, à l'expiration du contrat).
En l'espèce, comme on l'a vu, la résiliation du bail par la
défenderesse a pris effet le 30 novembre 1985. Il s'ensuit que dès le
1er décembre 1985 la bailleresse était tenue de reprendre le matériel
en cause, faute de quoi elle se trouvait en demeure au sens de l'art.
91 CO. Elle ne pouvait en effet se prévaloir d'aucun motif
3.- Selon les constatations du jugement attaqué, la défenderesse a
continué d'user des choses louées après avoir résilié le bail, et
cela du 1er décembre 1985 au 30 juin 1988. Il convient donc
d'examiner si elle doit à ce titre indemniser la demanderesse et,
dans l'affirmative, en vertu de quels principes juridiques.
a) On pourrait envisager que la défenderesse soit tenue de verser,
jusqu'à consignation des choses louées, le loyer qui était convenu
dans le précédent bail. Certes, d'après l'opinion majoritaire en
Suisse, la demeure du créancier ne met pas fin à elle seule au
contrat synallagmatique; l'intérêt conventionnel, compris comme la
contrepartie due pour l'usage d'une chose ou d'un capital, continue
alors à courir jusqu'à ce que l'objet de l'obligation soit consigné
ou vendu (ATF 82 II 467 consid. 2; WEBER, n. 23 ad art. 92 CO;
OR-BERNET, Vorbemerkungen zu Art. 91 - 96 CO, n. 7; GAUCH/SCHLUEP, 5e
éd., vol. II, n. 2501). En droit allemand, l'intérêt contractuel en
cause n'est dû que si l'objet de l'obligation est une chose, à
l'exclusion d'une somme d'argent (cf. SOERGEL/WIEDEMANN, n. 3 ad par.
301 BGB et STAUDINGER/LÖWISCH, n. 3 ad par. 301 BGB). Mais, dans le
cas présent, ce n'est pas la demeure du créancier qui a mis fin à
l'obligation de la défenderesse de payer le loyer, mais bien la
résiliation du bail par dame D., laquelle a pris effet au 30 novembre
1985. Il se justifie d'autant plus de libérer la défenderesse du
paiement du loyer fixé dans le précédent bail que celle-ci a donné le
congé en raison de la cherté dudit loyer. Or, compte tenu du fait
qu'il n'était guère possible d'exiger de la défenderesse qu'elle
consigne le matériel et le mobilier du café, il serait choquant que
le créancier, par sa demeure, puisse faire perdurer une relation
contractuelle dont il tire avantage, indépendamment du fait que le
contrat a été résilié.
b) Il n'empêche que la demanderesse, en intentant un procès, a
manifesté de manière reconnaissable pour la défenderesse, en vertu du
principe de la confiance, qu'elle n'entendait pas lui céder
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