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12/07/1993 | SUISSE | N°2P.19/1992

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 juillet 1993, 2P.19/1992


119 Ia 241

28. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 12 juillet
1993 en la cause A. S. contre Administration fiscale cantonale et
Tribunal administratif du canton de Genève (recours de droit public)
A.- Domiciliée à V., A. S. est séparée de fait de son mari depuis
1979. Sans activité professionnelle, elle subvient à son entretien
grâce à une contribution de son mari pour l'essentiel et à quelques
revenus de fortune.
Dans sa déclaration pour l'impôt cantonal 1988, elle a porté en
déduction de son revenu un montant

de 20'736 francs versé sur un
compte "Epargne 3" à la Caisse d'épargne de Genève à titre d...

119 Ia 241

28. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 12 juillet
1993 en la cause A. S. contre Administration fiscale cantonale et
Tribunal administratif du canton de Genève (recours de droit public)
A.- Domiciliée à V., A. S. est séparée de fait de son mari depuis
1979. Sans activité professionnelle, elle subvient à son entretien
grâce à une contribution de son mari pour l'essentiel et à quelques
revenus de fortune.
Dans sa déclaration pour l'impôt cantonal 1988, elle a porté en
déduction de son revenu un montant de 20'736 francs versé sur un
compte "Epargne 3" à la Caisse d'épargne de Genève à titre de
prévoyance individuelle liée.
Par décision du 24 janvier 1989, l'Administration fiscale cantonale
du canton de Genève a notamment refusé la déduction du montant de
20'736 francs pour le motif que l'intéressée ne remplissait pas les
conditions permettant de se constituer un 3e pilier A, et elle
Considérant en droit:
4.- a) Aux termes de l'art. 21 let. h ch. 3 de la loi générale du
9 novembre 1887 sur les contributions publiques du canton de Genève
(LCP), "De l'ensemble des revenus bruts effectivement réalisés par
les contribuables ou fixés par évaluation, le département des
finances et des contributions... déduit... Les versements effectués
par le contribuable en vue d'acquérir des droits contractuels dans
une institution reconnue de prévoyance individuelle liée au sens et
dans les limites du droit fédéral."
La loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle
vieillesse, survivants et invalidité (LPP; RS 831.40) prévoit à son
art. 82, sous une note marginale intitulée "Traitement équivalent
d'autres formes de prévoyance":

"Les salariés et les indépendants peuvent également déduire les
cotisations affectées exclusivement et irrévocablement à d'autres
formes
reconnues de prévoyance assimilées à la prévoyance professionnelle.
Le Conseil fédéral détermine, avec la collaboration des cantons,
quelles
formes de prévoyance peuvent être prises en considération et décide
dans
quelle mesure de telles déductions seront admises pour les
cotisations."

Fondé sur le mandat que lui conférait l'alinéa 2 de la disposition
précitée, le Conseil fédéral, en collaboration avec les cantons, a
adopté l'ordonnance du 13 novembre 1985 sur les déductions admises
fiscalement pour les cotisations versées à des formes reconnues de
prévoyance (OPP 3). L'ordonnance institue deux formes reconnues de
prévoyance: le contrat de prévoyance liée conclu avec les
établissements d'assurances et la convention de prévoyance liée
conclue avec des fondations bancaires (art. 1 al. 1 à 3 OPP 3). Ces
deux formes de prévoyance individuelle liée constituent, dans le
système des trois piliers de la prévoyance, le 3e pilier A (Archives
54 p. 517). A son art. 7, l'ordonnance prévoit la mesure dans
laquelle les cotisations versées pour l'une de ces formes de
prévoyance peuvent être déduites:
5.- a) Selon les art. 113 al. 3 et 114bis al. 3 Cst., le Tribunal
fédéral doit appliquer les lois votées par l'Assemblée fédérale, les
arrêtés de cette assemblée qui ont une portée générale et les traités
qu'elle aura ratifiés, sans en contrôler la constitutionnalité. En
revanche, il peut en principe examiner la validité d'une ordonnance
du Conseil fédéral du point de vue de sa légalité et de sa
constitutionnalité. S'agissant d'ordonnances dépendantes qui se
fondent sur une délégation législative, le Tribunal fédéral examine
si celles-ci restent dans les limites des compétences attribuées par
la loi au Conseil fédéral. En outre, pour autant que la loi
n'autorise pas expressément le gouvernement fédéral à déroger à la
Constitution ou à édicter une réglementation déterminée, il est
également habilité à revoir la constitutionnalité des règles
contenues dans l'ordonnance (ATF 118 Ib 372 consid. 4 et les arrêts
cités).
6.- a) L'art. 34quater Cst. dispose que la Confédération, en
collaboration avec les cantons, encourage la prévoyance individuelle,
notamment par des mesures fiscales. Il ressort des travaux
préparatoires que le constituant entendait accorder à la
Confédération une compétence nouvelle qui toucherait la souveraineté
fiscale des cantons, celle-ci s'exerçant désormais par leur
collaboration dans le choix et l'application des mesures
d'encouragement (Message du Conseil fédéral à l'appui d'un projet
portant revision de la Constitution dans le domaine de la prévoyance
vieillesse, survivants et invalidité et rapport sur l'initiative
populaire pour une véritable retraite populaire du 10 novembre 1971,
FF 1971 II 1638; BO 1972 CE 292). Le législateur fédéral a réalisé le
mandat constitutionnel en invitant le Conseil fédéral à associer les
cantons à la détermination des autres formes de prévoyance qui
seraient assimilées à la prévoyance professionnelle et des déductions
qui seraient admises pour les cotisations (art. 82 al. 2 LPP;
Archives 53 p. 492 ss). Au terme de cette procédure, le Conseil
fédéral a édicté l'art. 7 OPP 3 qui définit précisément les
déductions admises pour le 3e pilier A, dont les formes reconnues
sont définies à l'art. 1er OPP 3, et qui s'imposent tant pour
7.- a) La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre.
Toutefois, si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs
interprétations de celui-ci sont possibles, il y a lieu de rechercher
quelle est la véritable portée de la norme en la dégageant de tous
les éléments à considérer, soit notamment du but de la règle, de son
esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose. Le sens
qu'elle prend dans son contexte est également important (ATF 117 Ia
331 consid. 3a et les arrêts cités).
En outre, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut
choisir celle qui est conforme à la Constitution: en effet, si le
Tribunal fédéral ne peut examiner la constitutionnalité des lois
fédérales (art. 113 al. 3 Cst.), on présume que le législateur ne
propose pas de solutions contraires à la Constitution, à moins que le
contraire ne résulte clairement de la lettre ou de l'esprit de la loi
(ATF 105 Ib 53; AUER, op.cit., p. 85/86; HALLER, op.cit., n. 212 ad
art. 113).
b) Dans le cas particulier, on peut sérieusement douter que les
art. 7 OPP 3 et 82 al. 1 LPP donnent matière à interprétation. En
effet, si les termes de "personnes exerçant une activité lucrative
indépendante" ont été remplacés au cours des travaux parlementaires
par la formule lapidaire d'"indépendants", la notion de salariés n'a
donné lieu à aucune discussion, son sens étant évident (cf. Message
du Conseil fédéral à l'appui d'un projet de loi sur la prévoyance
professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, du 19 décembre
1975, FF 1976 I 164/165, 281 ad art. 78 al. 1; BO 1980 CE 323).
En outre, contrairement à ce que prétend la recourante, le fait de
limiter les personnes autorisées à se constituer un 3e pilier A aux
seuls salariés n'est pas contraire au but de prévoyance visé par
l'art. 34quater al. 6 Cst. Il ressort clairement du Message du
Conseil fédéral à l'appui d'un projet portant revision de la
Constitution dans le domaine de la prévoyance vieillesse, survivants
et invalidité (FF 1971 II 1609 ss, 1637 et 1638) que le constituant
visait les indépendants et les salariés dont la prévoyance
professionnelle est inexistante ou insuffisante et qu'il entendait
exclure la création de privilèges fiscaux en faveur des hauts
revenus, ainsi que l'institution de mesures générales d'encouragement
de l'épargne. A cet égard, le 3e pilier ne devait pas revêtir la même
importance que le premier et il ne devait toucher qu'un nombre limité
de personnes (BO 1972 CN 262, 302; JEAN-BLAISE PASCHOUD, Le
traitement fiscal du 3e pilier, in Prévoyance professionnelle et
fiscalité, CEDIDAC, Lausanne 1987, p. 89). Même si le législateur a
admis, dans certains cas exceptionnels, d'étendre l'application de la
LPP à des personnes sans activité lucrative (art. 47 LPP, BO 1980 CE
264), rien ne permet d'admettre
8.- Il convient d'examiner encore si, n'étant pas autorisée à
déduire les cotisations versées pour une forme reconnue de
prévoyance, la recourante peut néanmoins conserver la convention
qu'elle a conclue avec la fondation de prévoyance de la Caisse
d'épargne de Genève.
a) Les conventions de prévoyance liée sont des contrats spéciaux
d'épargne conclus avec des fondations bancaires et qui sont affectés
exclusivement et irrévocablement à la prévoyance (art. 1er al. 3 OPP
3). Leur modèle doit être soumis à l'Administration fédérale des
contributions qui vérifie si la forme et le contenu sont conformes
aux dispositions légales (art. 1er al. 4 OPP 3). A ces contrats sont
attachés certains privilèges fiscaux: la déduction des montants qui
sont versés jusqu'à concurrence des limites fixées par l'art. 7 al. 1
OPP 3 (art. 82 al. 1 LPP), l'exonération des prétentions des impôts
directs de la Confédération, des cantons et des communes tant
qu'elles ne sont pas devenues exigibles (art. 84 LPP), ainsi que la
libération des rendements des fonds ainsi placés de l'impôt anticipé,
celui-ci n'étant perçu qu'en cas de versement des prestations selon
l'art. 3 OPP 3 au taux applicable aux prestations d'assurances (art.
7 al. 1 LIA; art. 13 al. 1 let. c LIA; cf. Circulaire aux fondations
bancaires du 24 janvier 1991 édictée par l'Administration fédérale
des contributions en matière de prévoyance professionnelle liée (3e
pilier A), publiée in Conférence des fonctionnaires fiscaux d'Etat,
Commission LPP, Prévoyance professionnelle et impôts, Cas
d'application, Muri/Berne 1992, p. 336). Les conventions constituent
ainsi en quelque sorte un "produit" original, réservé aux
contribuables autorisés à se constituer une forme de prévoyance
individuelle liée.
b) Dès lors que la recourante ne remplit pas les conditions posées
à la déduction des cotisations selon l'art. 7 OPP 3, elle n'a pas le
droit non plus de bénéficier des autres avantages fiscaux attachés à
cette forme de prévoyance. Elle ne saurait donc conserver un contrat
ayant l'apparence d'une forme de prévoyance individuelle liée, alors
que son compte relève de l'épargne traditionnelle, qu'il ne
correspond pas à un modèle approuvé et ne peut bénéficier du statut
particulier du 3e pilier A (cf. cas no 8, in Conférence des
fonctionnaires fiscaux d'Etat, Commission LPP, Prévoyance
professionnelle et impôts, Cas d'application p. 48 ss; Circulaire no
2 du 31 janvier 1986 de l'Administration


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.19/1992
Date de la décision : 12/07/1993
2e cour de droit public

Analyses

Art. 82 LPP; art. 7 OPP 3; art. 21 let. h ch. 3 de la loi générale du 9 novembre 1987 sur les contributions publiques du canton de Genève (LCP). Traitement fiscal des montants affectés à la prévoyance individuelle liée du 3e pilier A par une personne n'exerçant pas d'activité professionnelle. 1. Selon l'art. 21 let. h ch. 3 LCP qui reprend les termes de l'art. 82 al. 1 LPP, seuls les salariés et les indépendants peuvent déduire de leur revenu les cotisations versées à des formes reconnues de prévoyance (consid. 4). 2. Pouvoir d'examen du Tribunal fédéral à l'égard d'une ordonnance du Conseil fédéral et d'un acte normatif cantonal fondés, l'une et l'autre, sur une délégation législative. Le contenu de l'ordonnance, respectivement de la norme cantonale, ne peut être examiné du point de vue de sa constitutionnalité que dans la mesure où il n'est pas couvert par la norme de délégation (consid. 5 et 6). 3. Interprétation de la notion de "salarié"; la recourante, en tant que femme au foyer, ne saurait être assimilée à une salariée et, partant, ne saurait bénéficier du privilège fiscal en cause (consid. 7). 4. Sort des conventions de prévoyance liée conclues par des contribuables qui n'étaient pas autorisés à le faire (consid. 8).


Références :

29.11.1995 25359/94


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1993-07-12;2p.19.1992 ?
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