119 Ia 321
38. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 30 juin
1993 dans la cause D. et consorts contre Grand Conseil du canton du
Valais (recours de droit public)
A.- La loi valaisanne du 6 octobre 1976 sur la procédure et la
juridiction administratives (LPJA) est entrée en vigueur le 1er
janvier 1978. Sa cinquième partie (art. 65 à 87) traitait, dans sa
teneur initiale, de la juridiction du Tribunal administratif cantonal
institué sur la base de l'art. 65 Cst. cant. Les compétences de cet
organe, en tant qu'autorité de recours, ont été définies aux art. 72
à 81 LPJA. L'art. 72 a établi une clause générale de compétence, dont
les exclusions ont été réglées aux art. 74 à 77. L'art. 75 LPJA
énumère ainsi les cas dans lesquels le recours de droit administratif
n'est pas recevable eu égard à l'objet des décisions contestées. A
l'origine, sa lettre a) excluait pour ce motif le recours contre les
décisions relatives à l'approbation d'actes législatifs; cette
disposition visait essentiellement l'approbation ou "homologation"
des règlements communaux. Le Tribunal administratif a étendu d'emblée
cette clause, en incluant les plans d'affectation communaux dans la
notion d'"actes législatifs" dont l'approbation ne pouvait pas être
critiquée devant lui (cf. jurisprudence non publiée de cette
autorité, mentionnée dans l'arrêt du Tribunal fédéral du 18 mars 1991
en la cause G. et consorts, non publié). L'art. 135 al. 1 let. d de
la loi du 13 novembre 1980 sur le régime communal (LRC), entrée en
vigueur le 1er janvier 1981, a abrogé l'art. 75 let. a LPJA; dès
lors, en cette matière, la voie du
Extrait des considérants:
2.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine
cognition la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 118 Ia
126 consid. 2, 186 consid. 1 et les arrêts cités).
a) Le recours de droit public dirigé contre un arrêté de portée
générale est soumis à l'exigence de l'épuisement des voies de droit
cantonales (art. 86 OJ; ATF 112 Ia 183 consid. 2c, 109 Ia 119 consid.
2c). Le droit valaisan ne prévoyant aucune instance pour le contrôle
in abstracto de la constitutionnalité des lois cantonales (cf.
notamment art. 72 et 74 LPJA), les recours formés directement auprès
du Tribunal fédéral sont recevables (cf. ATF 117 Ia 378 ss).
b) La qualité pour agir contre un arrêté de portée générale est
reconnue à toute personne à qui les dispositions prétendument
inconstitutionnelles pourraient s'appliquer un jour; il suffit donc
au recourant de se prévaloir d'une atteinte virtuelle à ses intérêts
juridiquement protégés, à la condition toutefois que la
concrétisation de cette atteinte puisse être envisagée avec une
certaine vraisemblance (art. 88 OJ; ATF 116 Ia 317/318 consid. 1a,
114 Ia 223 consid. 1b, 113 Ia 326 consid. 2a et les arrêts cités).
Les trois recourants sont domiciliés dans le canton du Valais; ils
sont de surcroît propriétaires de biens-fonds situés dans ce canton
et peuvent, partant, être touchés par l'adoption d'un plan
d'affectation, la réalisation d'une entreprise d'améliorations
foncières, voire par une décision relative à l'emplacement d'une
décharge ou d'une installation pour traiter des déchets. Ils sont
donc, de toute évidence,
3.- Aux termes de l'art. 89 al. 1 OJ, l'acte de recours doit être
déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours dès la
communication, selon le droit cantonal, de l'arrêté ou de la décision
attaqués.
a) Lorsque le recours de droit public est dirigé contre un arrêté
de portée générale - non susceptible d'être entrepris devant une
juridiction cantonale (cf. supra, consid. 2a) - qui est
obligatoirement soumis à une votation populaire, le délai de l'art.
89 al. 1 OJ ne court pas dès la publication du texte critiqué en vue
de cette votation, ni, au demeurant, dès la publication du résultat
de celle-ci (cf. ATF 114 Ia 222 consid. 1a). En règle générale, le
dies a quo est le jour de la publication de l'arrêté de promulgation
par lequel l'autorité compétente fixe la date de l'entrée en vigueur
des normes en question, après avoir constaté que le résultat du vote
est définitif parce qu'il n'a pas été contesté ou que les
contestations à son sujet ont été levées (cf. ATF 108 Ia 129 consid.
1a, 142 consid. 1; cf. WALTER KÄLIN, Das Verfahren der
staatsrechtlichen Beschwerde, Berne 1984, p. 297). En vertu de l'al.
4 des dispositions finales et transitoires de la novelle du 16 mai
1991 et conformément aux art. 53 ch. 2 et 100 Cst./VS, il appartenait
en l'espèce au Conseil d'Etat de promulguer les règles attaquées et
d'édicter les arrêtés nécessaires à cet effet.
4.- Appelé à statuer sur un recours de droit public dirigé contre
un arrêté de portée générale, le Tribunal fédéral examine librement
la conformité de cet arrêté au droit constitutionnel fédéral ou
cantonal ainsi qu'aux garanties de même nature énoncées à l'art. 6
par. 1 CEDH (ATF 118 Ia 72 consid. 2c, 117 Ia 477 consid. 3a et les
arrêts cités). Il n'annule toutefois l'arrêté que s'il ne se prête à
aucune interprétation conforme au droit constitutionnel (ATF 118 Ia
72 consid. 2c, 117 Ia 477 consid. 3a, 116 Ia 380/381 consid. 10c et
les arrêts cités). Dans la procédure dite de contrôle abstrait des
normes, il est en effet rarement possible de prévoir d'emblée tous
les effets de l'application d'un texte légal, même si, par sa
précision, celui-ci n'offre guère de marge d'appréciation à
l'autorité chargée de l'appliquer. Si une norme semble compatible
avec la Constitution, au regard des circonstances ordinaires que le
législateur devait considérer, le juge constitutionnel ne l'annulera
pas pour le seul motif qu'on ne peut exclure absolument l'éventualité
de son application inconstitutionnelle
5.- Le premier recourant critique le nouvel art. 75 let. a LPJA,
en tant que cette disposition exclut le recours de droit
administratif au Tribunal cantonal contre les décisions du Conseil
d'Etat relatives à l'homologation des plans d'affectation communaux,
et il soutient que le choix opéré par le législateur, qui ne
tiendrait pas compte des exigences posées par le droit fédéral à
l'art. 33 al. 3 let. b LAT, viole l'art. 2 Disp. trans. Cst. Cette
règle, dite de la force dérogatoire du droit fédéral, interdit en
effet au législateur cantonal d'éluder le droit fédéral ou d'en
contredire le sens ou l'esprit (ATF 118 Ia 301 consid. 3a et les
arrêts cités). Le recourant se prévaut encore, à l'appui de ce grief,
des art. 4 et 22ter Cst., sans toutefois accorder une portée propre à
ces derniers moyens.
a) Aux termes de l'art. 33 LAT, le droit cantonal doit ouvrir au
moins une voie de recours contre les décisions et les plans
d'affectation fondés sur cette loi et sur les dispositions cantonales
et fédérales d'exécution (al. 2); il doit d'une part reconnaître la
qualité pour recourir au moins dans les mêmes limites qu'en matière
de recours de droit administratif au Tribunal fédéral (al. 3 let. a)
et d'autre part accorder à une autorité de recours au moins un libre
pouvoir d'examen (al. 3 let. b). L'autorité cantonale de recours doit
se prononcer,
6.- Le premier et les seconds recourants soutiennent que la clause
d'exclusion de l'art. 75 let. a LPJA n'est pas compatible avec l'art.
6 par. 1 CEDH parce qu'elle institue le Conseil d'Etat comme seule
autorité de contrôle de mesures susceptibles de porter des atteintes
graves à la propriété privée. Les seconds recourants invoquent aussi,
à ce propos, l'art. 58 al. 1 Cst., sans toutefois préciser en quoi ce
grief aurait une portée propre par rapport à celui tiré de l'art. 6
CEDH (cf. ATF 116 Ia 138 consid. 2e, 439 consid. 4a, 115 Ia 226
consid. 5).
a) aa) Aux termes de l'art. 6 par. 1, 1ère phrase CEDH, "toute
personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal
indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des
contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit
du bien-fondé de toute