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15/06/1993 | SUISSE | N°6S.111/1993

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 juin 1993, 6S.111/1993


119 IV 168

29. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 15 juin
1993 dans la cause X. c. F. et M.V. et Procureur général du canton de
Genève (pourvoi en nullité)
A.- Le 11 septembre 1992, la Cour d'assises du canton de Genève a
condamné dame X. à une peine de 8 ans de réclusion pour un meurtre
commis sur la personne de V. La Cour a réservé les droits des parties
civiles (M.V. et F.V., les père et mère de la victime).
X. a saisi la Cour de cassation genevoise d'un recours. A
l'ouverture de l'audience de plaidoirie du 1

3 janvier 1993, les
parents de la victime ont demandé de pouvoir répondre par écrit au
...

119 IV 168

29. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 15 juin
1993 dans la cause X. c. F. et M.V. et Procureur général du canton de
Genève (pourvoi en nullité)
A.- Le 11 septembre 1992, la Cour d'assises du canton de Genève a
condamné dame X. à une peine de 8 ans de réclusion pour un meurtre
commis sur la personne de V. La Cour a réservé les droits des parties
civiles (M.V. et F.V., les père et mère de la victime).
X. a saisi la Cour de cassation genevoise d'un recours. A
l'ouverture de l'audience de plaidoirie du 13 janvier 1993, les
parents de la victime ont demandé de pouvoir répondre par écrit au
recours de l'accusée et ont demandé le renvoi de l'audience de
plaidoirie. Ils se fondaient sur la Loi fédérale sur l'aide aux
victimes d'infractions du 4 octobre 1991 (LAVI, entrée en vigueur le
1er janvier 1993; RO 1992 p. 2465, à publier au RS 312.5).

B.- Par un arrêt du 25 janvier 1993, la Cour de cassation genevoise
a admis l'intervention des parties civiles à la procédure, leur a
communiqué les écritures déposées par la recourante dans le cadre de
son pourvoi et a fixé aux parties civiles un délai au 15 février 1993
pour expédier leur mémoire.

C.- X. se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Elle demande
l'annulation de l'arrêt du 25 janvier 1993 et le renvoi de la cause à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
Considérant en droit:
2.- a) Aux termes de l'art. 268 ch. 1 PPF, le pourvoi en nullité à
la Cour de cassation du Tribunal fédéral est recevable contre les
jugements qui ne peuvent pas donner lieu à un recours de droit
cantonal pour violation du droit fédéral. D'après la jurisprudence,
on entend par jugements non seulement ceux par lesquels l'autorité
statue sur l'ensemble de la cause, mais aussi les décisions
préjudicielles ou incidentes qui tranchent des questions préalables
de droit fédéral. Ne constituent pas des jugements, au sens de cette
disposition, les ordonnances sur la marche de la procédure (décision
sur l'admissibilité d'un moyen de preuve, par exemple). En
conséquence, la recevabilité d'un pourvoi en nullité contre une
décision préjudicielle ou incidente, émanant d'une autorité cantonale
de dernière instance, présuppose que cette dernière se soit prononcée
définitivement sur un point de droit fédéral déterminant, sur lequel
elle ne pourra pas revenir (ATF 111 IV 191 et la jurisprudence citée).
b) La cour cantonale de cassation a considéré, dans sa décision
incidente, que d'après les art. 8 LAVI, en liaison avec l'art. 12 al.
2 de l'Ordonnance sur l'aide aux victimes d'infractions (OAVI, RO
1992, p. 2479, à publier au RS 312.51), l'intervention des parents de
la victime en tant que parties à la procédure devait être admise.
La jurisprudence relative à l'art. 87 OJ permet de s'écarter, à
titre exceptionnel, du principe de l'irrecevabilité des recours de
droit public contre une décision incidente lorsque sont en cause des
questions d'organisation de la procédure qui, par leur nature,
exigent une solution définitive avant la poursuite du procès (ATF 116
Ia 183 consid. a et la jurisprudence citée). Ainsi, la condition
restrictive de l'art. 87 OJ - dommage irréparable pour l'intéressé -
n'est en principe pas applicable à des décisions sur la composition
ou la compétence d'un tribunal, s'agissant de questions qui doivent
être tranchées définitivement, sans attendre la poursuite du procès
(ATF 115 Ia 311). Les cas doivent être examinés à la lumière des
principes de l'efficacité de la justice, de l'économie de procédure
et de la sauvegarde des intérêts de toutes les parties. Par exemple,
la question de la récusation d'un expert en matière de brevets
d'invention a été examinée sans attendre le jugement de l'ensemble de
la cause (ATF 97 I 1). De
3.- Le pourvoi en nullité n'est recevable que pour violation du
droit fédéral (art. 269 al. 1 PPF). L'intervention des parties
civiles dans la procédure a été admise en application de la LAVI. La
recourante soutient que cette loi a été violée par l'autorité
cantonale. Il s'agit d'une question d'application d'une loi fédérale,
si bien que le pourvoi est également recevable sous cet angle.
L'art. 270 al. 1 PPF prévoit que l'accusé notamment peut se
pourvoir en nullité. Sur ce point aussi, le pourvoi est recevable.
4.- La LAVI, entrée en vigueur le 1er janvier 1993, est dépourvue
de dispositions transitoires. D'après l'art. 12 al. 2 OAVI, les
règles relatives à la protection et aux droits de la victime dans la
procédure pénale (art. 5 à 10 LAVI) sont applicables à "tous les
actes de procédure accomplis après l'entrée en vigueur de la LAVI".
Il s'ensuit que, sur le plan du droit intertemporel, la cour de
cassation cantonale n'a pas violé le droit fédéral en appliquant
l'art. 8 LAVI. En effet, cette autorité a considéré avec raison que
la procédure était encore en cours puisque l'audience de plaidoirie
n'avait pas pu se tenir avant le 1er janvier 1993.
D'après l'arrêt attaqué, la solution eût été sans doute différente
si l'audience de plaidoirie s'était tenue avant le 1er janvier 1993;
alors, la cour aurait gardé l'affaire à juger avant de rendre sa
décision, étape durant laquelle la procédure aurait pu être
considérée comme achevée.
L'argumentation de la recourante sur ce point n'est pas
convaincante. Elle soutient que la portée de l'audience de plaidoirie
est réduite, car le plaideur ne peut pas développer d'autres moyens
que ceux qui se trouvent déjà dans son mémoire, si bien qu'en
pratique les parties se bornent à persister dans leurs conclusions.
Ces arguments ne permettent cependant pas de conclure que l'audience
de plaidoirie ne constitue nullement un "acte de procédure", au sens
de l'art. 12 al. 2 OAVI, qui devait encore être accompli après
l'entrée en vigueur de la LAVI.
De même, le renvoi de l'audience de plaidoirie du 22 décembre 1992
demandé, à son insu, par les avocats de l'accusée ne change rien au
fait que cette audience a été reportée. Rien n'indique que la
5.- Aux termes de l'art. 2 al. 1 LAVI, cette loi s'applique en
premier lieu à toute personne qui a subi, du fait d'une infraction,
une atteinte directe à son intégrité corporelle, sexuelle ou
psychique. Selon l'arrêt de la Cour d'assises du canton de Genève qui
fait l'objet du recours cantonal devant la Cour de cassation
genevoise, la recourante s'est rendue coupable de meurtre sur la
personne de V.; il s'agit d'un comportement portant atteinte à
l'intégrité physique de la victime au sens de la disposition légale
précitée.
D'après l'art. 2 al. 2 let. b LAVI, pour ce qui est des droits dans
la procédure et des prétentions civiles, les père et mère notamment
sont assimilés à la victime dans la mesure où ces personnes peuvent
faire valoir des prétentions civiles contre l'auteur de l'infraction.
En conséquence, sous cet angle, les parents de la victime pouvaient
intervenir comme parties dans la procédure pénale en application de
l'art. 8 LAVI, ce que la recourante ne conteste d'ailleurs pas.
6.- Selon l'argumentation présentée, l'art. 8 LAVI aurait été
appliqué à tort car, d'une part, une loi cantonale d'application de
la LAVI fait défaut pour le moment et, d'autre part, l'arrêt à
intervenir de la Cour de cassation genevoise n'aura pas d'effet sur
les prétentions civiles, puisque la recourante ne demande pas son
acquittement mais une qualification juridique différente de
l'infraction (homicide par négligence).
a) Aux termes de l'art. 8 al. 1 LAVI, la victime peut intervenir
comme partie dans la procédure pénale. Elle peut faire valoir ses
prétentions civiles (let. a); elle peut aussi former contre le
jugement les mêmes recours que le prévenu, si elle était déjà partie
à la procédure auparavant et dans la mesure où cette sentence touche
ses prétentions civiles ou peut avoir des effets sur le jugement de
ces dernières.
b) En premier lieu, il est clair qu'il ne s'agit ici ni du droit
des parties civiles de faire valoir leurs prétentions civiles, ni de
celui de former un recours contre la décision de la Cour d'assises du
canton de Genève. Cette autorité a réservé les droits de la partie
civile et ce point n'a pas été remis en cause devant la Cour de
cassation genevoise; il n'est pas l'objet de la procédure cantonale
pendante devant


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.111/1993
Date de la décision : 15/06/1993
Cour de cassation pénale

Analyses

Art. 268 ch. 1, art. 269 al. 1 PPF; décision incidente, droit fédéral. - Conditions de recevabilité du pourvoi en nullité contre une décision incidente (art. 268 ch. 1 PPF) (consid. 2). - La LAVI constitue du droit fédéral, au sens de l'art. 269 al. 1 PPF (consid. 3). Art. 8 al. 1 LAVI, art. 12 al. 2 OAVI; droits des victimes dans la procédure pénale, dispositions transitoires. - Une audience de plaidoirie constitue un "acte de procédure" au sens de l'art. 12 al. 2 OAVI (consid. 4). - En cas de meurtre, les père et mère de la victime peuvent intervenir dans la procédure pénale en application de l'art. 8 al. 1 LAVI (consid. 5). - L'art. 8 al. 1, 1re phrase LAVI prévoit que la victime a en principe le droit de participer à la procédure pénale. Il appartient aux cantons d'en préciser la forme (consid. 6a à d). - Droit de la victime de s'exprimer sur tous les aspects du droit pénal qui font l'objet du recours cantonal? Question laissée indécise (consid. 6e).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1993-06-15;6s.111.1993 ?
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