119 V 26
5. Arrêt du 10 mars 1993 dans la cause ASSURA, caisse maladie et
accident contre G. et Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg
A.- Marie G., née en 1953, mariée depuis le 29 décembre 1980,
présente une stérilité primaire d'origine tubaire à laquelle son
médecin traitant, le docteur G., gynécologue et médecin associé au
Département de gynécologie-obstétrique du Centre hospitalier
universitaire vaudois (CHUV), tenta de remédier en pratiquant, au
mois de mai 1989, une pelviscopie avec chromopertubation, laparotomie
et adhésiolyse péri-tubo-ovarienne, toutefois sans résultat, la
patiente ne parvenant pas à obtenir la grossesse, qu'avec son époux,
elle espère depuis 1982.
Le docteur G. entreprit alors, en vue d'une fécondation in vitro et
transfert d'embryon (FIVETE), deux stimulations ovariennes: la
première entre le 5 et le 20 octobre 1989, la seconde entre le 5 et
le 24 février 1990. Ces deux tentatives de fécondation échouèrent.
Dame G. est affiliée à la caisse-maladie ASSURA depuis le 1er
janvier 1981. Elle est au bénéfice de l'assurance des soins
médico-pharmaceutiques et d'une assurance complémentaire des frais
d'hospitalisation en division privée ou en clinique.
La caisse remboursa à son assurée, jusqu'à concurrence de 1'216 fr.
65, une facture du CHUV du 18 janvier 1990 relative au séjour
hospitalier du 5 au 21 octobre 1989 et s'élevant à 1'351 fr. 85. En
revanche, ayant appris la nature exacte du traitement entrepris,
Considérant en droit:
1.- a) Selon l'art. 104 let. a OJ, le recours de droit
administratif peut être formé pour violation du droit fédéral, y
compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation. En vertu de
l'art. 104 let. b en liaison avec l'art. 105 al. 2 OJ, le recourant
peut aussi faire valoir que l'autorité cantonale de recours a
constaté les faits pertinents de manière manifestement inexacte ou
incomplète ou qu'elle les a établis au mépris de règles essentielles
de procédure.
Cependant, dans la procédure de recours portant sur l'octroi ou le
refus de prestations d'assurance (y compris la restitution de
celles-ci), le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des assurances
est plus étendu. Le tribunal peut alors examiner l'opportunité de la
décision attaquée; il n'est en outre pas lié par l'état de fait
constaté par la juridiction inférieure. Par ailleurs, le tribunal
peut s'écarter des conclusions des parties à l'avantage ou au
détriment de celles-ci (art. 132 OJ; ATF 115 V 363 consid. 3a, 108 V
247 consid. 1a).
b) Le Tribunal fédéral des assurances n'étant pas lié par les
motifs que les parties invoquent (art. 114 al. 1 en corrélation avec
l'art. 132 OJ), il examine d'office si le jugement attaqué viole des
normes de droit public fédéral ou si la juridiction de première
instance a commis un excès ou un abus de son pouvoir d'appréciation
(art. 104 let. a OJ). Il peut ainsi admettre ou rejeter un recours
sans égard aux griefs soulevés par le recourant ou aux raisons
retenues par le premier juge (ATF 118 V 70 consid. 2b, 116 V 257 s.
consid. 1 et les références).
2.- Il est constant que la stérilité d'origine tubaire dont est
affectée Dame G. a valeur de maladie au sens de la loi et de la
jurisprudence (ATF 113 V 44 consid. 3b et les références citées; sur
la notion de maladie en général, voir RAMA 1990 no K 849 p. 322
consid. 1a et les références). Ce point de droit n'est du reste pas
litigieux.
3.- a) En vertu de l'art. 12 al. 2 LAMA, les prestations à la
charge des caisses-maladie au titre de l'assurance des soins médicaux
et pharmaceutiques sont dues en cas de traitement médical. Par
traitement médical, il faut entendre, notamment, les soins donnés par
un médecin. Ceux-ci comprennent, selon l'art. 21 al. 1 Ord. III,
toute mesure diagnostique ou thérapeutique, reconnue
scientifiquement, qui est appliquée par un médecin; dans sa version
en vigueur depuis le 1er janvier 1986, cette disposition
réglementaire exige en outre que la mesure soit appropriée à son but
et économique.
Selon la jurisprudence, une méthode de traitement est considérée
comme éprouvée par la science médicale, c'est-à-dire réputée
4.- a) Si le caractère scientifique, la valeur diagnostique ou
thérapeutique ou le caractère économique d'une mesure est contesté,
le Département fédéral de l'intérieur (DFI) décide, sur préavis de la
commission des prestations, si la mesure doit être prise en charge
obligatoirement par les caisses (art. 12 al. 5 LAMA, art. 21 al. 2
Ord. III). Selon de nouvelles dispositions, les décisions du DFI -
qui reprennent en général le texte des préavis de la commission -
doivent désormais être toutes publiées dans l'annexe à la nouvelle
Ordonnance 9 du DFI du 18 décembre 1990, entrée en vigueur le
5.- a) On ne saurait d'autre part ignorer le fait que le peuple et
les cantons ont approuvé, le 17 mai 1992, l'introduction dans la
Constitution d'un nouvel art. 24novies (RO 1992 1579), qui donne à la
Confédération la compétence d'édicter des prescriptions concernant
l'utilisation du patrimoine germinal et génétique humain. Il
appartiendra notamment au législateur fédéral de dire à quelles
conditions la fécondation d'ovules hors du corps sera autorisée. Le
nouvel article constitutionnel contient d'ores et déjà à cet égard la
restriction suivante: "Ne peuvent être développés hors du corps de la
femme jusqu'au stade d'embryon que le nombre d'ovules humains pouvant
être immédiatement implantés" (al. 2 let. c in fine). Jusqu'alors, la
conservation d'embryons congelés était admise pour une certaine
période (conformément aux directives de l'Académie suisse des
sciences médicales). En cas d'échec après un transfert, les
6.- Dans ces circonstances, on ne voit pas de motif de revenir sur
la jurisprudence actuelle, qui doit au contraire être maintenue.
Quant aux questions laissées ouvertes dans l'arrêt ATF 113 V 42,
relatives au caractère thérapeutique et économique de la mesure,
elles peuvent encore rester indécises.
Il n'y a pas lieu, au surplus, de surseoir à statuer jusqu'au
moment où la commission des prestations aura pris une décision
définitive, contrairement à ce que voudrait l'intimée. Selon l'art.
135 OJ, en corrélation avec l'art. 40 OJ et l'art. 6 al. 1 PCF, le
Tribunal fédéral des assurances peut ordonner la suspension de la
procédure pour des raisons d'opportunité, notamment lorsque le
jugement d'un autre litige peut influencer l'issue du procès. Il ne
s'agit là que d'une faculté laissée à sa libre appréciation.
En l'espèce, le traitement litigieux remonte à fin 1989/début 1990.
C'est par rapport à cette époque que la question de sa prise en
charge doit se poser. Si la commission des prestations devait
recommander, en août 1993, une prise en charge de la FIVETE, ce
serait plus en raison d'un changement fondamental des circonstances
qu'en raison d'une meilleure connaissance de celles-ci; son
appréciation, fondée sur une situation nouvelle, n'aurait pas de
conséquences sur des faits plus ou moins reculés dans le temps; elle
n'aurait d'effet que pour le futur.
On notera d'ailleurs que les faits de la présente cause sont
antérieurs à l'arrêt D., déjà cité, par lequel le Tribunal fédéral
des assurances avait confirmé la jurisprudence de l'arrêt ATF 113 V
42.
7.- De ce qui précède, il résulte que la recourante était en droit
de refuser la prise en charge du traitement litigieux. De même, elle
était fondée à répéter les prestations déjà allouées, conformément à
la règle de l'art. 47 al. 1 LAVS (qui est également applicable en
matière d'assurance-maladie; cf. RAMA 1990 no K 835 p. 80) et aux
conditions qui président à la révocation par son auteur d'une
décision administrative, formelle ou non (ATF 112 V 373 consid. 2c,
111 V 332 consid. 1, 110 V 178 consid. 2a).
8.- (Frais de justice).