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24/09/2009 | SéNéGAL | N°42

Sénégal | Arrêt n° 42 du 24 septembre 2009 (Abibou DATT Cheikh Oumar HANN Mamadou DIOP (M es Soukeyna LO et Borso POUYE) c/ Amadou KANE DIALLO (M e Abdoulaye BABOU) Ministre chargé de l’Intérieur )


Arrêt n° 42 du 24 septembre 2009



LA COUR SUPRÊME,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur l’exception de non communication de pièces ;

Considérant que le ministre chargé de l’intérieur soulève l’exception de non-communication des
pièces sur lesquelles les requérants fondent leur argumentation, en invoquant l’article 41 de la loi
organique n° 2008-35 du 8 août 2008 sur

la Cour suprême ;

Considérant que l’article 41 visé est relatif aux dispositions

générales applicables aux procédures
devant les formations de la Cour suprême ;

Mais considérant que ce sont les ...

Arrêt n° 42 du 24 septembre 2009



LA COUR SUPRÊME,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur l’exception de non communication de pièces ;

Considérant que le ministre chargé de l’intérieur soulève l’exception de non-communication des
pièces sur lesquelles les requérants fondent leur argumentation, en invoquant l’article 41 de la loi
organique n° 2008-35 du 8 août 2008 sur

la Cour suprême ;

Considérant que l’article 41 visé est relatif aux dispositions générales applicables aux procédures
devant les formations de la Cour suprême ;

Mais considérant que ce sont les dispositions spéciales relatives aux recours en matière
administrative qui régissent les contentieux des élections locales, notamment celles de l’article


76-1 de la loi organique sus-référencée qui ne met à la charge du greffier en chef de la Cour, que
l’obligation de notifier le pourvoi ;

Considérant qu’en l’espèce, les pièces dont le ministre réclame communication sont contenues dans
le dossier de fond transmis par la Cour d’Appel qui reste au greffe à la disposition des parties pendant
la phase de mise en état de l’affaire qui se fait en procédure d’urgence et de manière sommaire
conformément à la volonté du législateur ;

Qu’il s’ensuit que l’exception doit être rejetée ;

SUR LE FOND :

Considérant que la Cour d’Appel, saisie par Abibou Datt et autres d’une requête en annulation des
opérations électorales dans la commune de Ndioum, a, par l’arrêt attaqué, rejeté leur requête au motif
que le contentieux des listes pendant la période électorale est de la compétence du Tribunal
départemental et que, pour le transfert d’électeurs allégué en l’absence de feuilles d’émargement sur
les listes électorales par bureau de vote, il était impossible de vérifier les griefs avancés ;

Considérant que les requérants développent au soutien de leur recours trois moyens ;

Considérant que le premier moyen est tiré de la dénaturation des conclusions, ainsi que du
manque de base légale, en ce que,

-

d’abord, dans leur requête, il n’était nullement fait cas de contestations relevant de la compétence
des tribunaux départementaux, mais de l’existence d’un dysfonctionnement né après la révision
exceptionnelle des listes électorales, duquel il ressort au vu du procès-verbal de constat d’huissier
versé au débat que cinq cent (500) cartes d’électeurs ont nécessairement été distribuées par des
personnes non habilitées à le faire ;
-

ensuite, que l’arrêt ne s’est pas prononcé sur le transfert d’électeurs fait en violation de l’article L
31 du code électoral ;
-

enfin, que, pour rejeter leur requête, la Cour d’Appel ne s’appuie apparemment sur aucune base
légale, mais uniquement sur les motifs visés ;

Considérant que le second moyen est tiré de la violation des articles R.37, R.38, R.39 et R.40 du
code électoral, en ce que la commission de distribution qui n’a pas reçu les cinq cent dix huit (518)
cartes d’électeurs issues de la révision exceptionnelle des listes électorales de la commune de Ndioum
n’a pas pu les distribuer et pourtant ces cartes ont été utilisés dans les huit (8) bureaux de vote de
Ndioum Diéry et de Niaga et ont fondamentalement influé sur les résultats du scrutin notamment sur la
différence de voix entre les deux principales listes concurrentes ;

Considérant que le troisième moyen est tiré de la violation des articles L.31 et R.22 du code
électoral, en ce que le transfert d’une localité à une autre ne peut être demandé par l’électeur que pour
le motif exclusif de changement de domicile et de résidence alors qu’en l’espèce, les transferts ont été
faits pour exécuter un contrat conclu avec l’épouse de la tête de liste de la coalition SOPI à Ndioum,
ce qui constitue un délit de détournement de suffrages qui a indiscutablement influé sur les résultats et
entaché la sincérité du scrutin ;

Considérant que Amadou Kane Diallo, tête de liste majoritaire de la coalition SOPI à Ndioum, et le
Ministre chargé de l’Intérieur, ont, dans leur mémoire en défense, conclu au rejet du recours de
Abibou Datt et autres comme non fondé ;


SUR LE PREMIER MOYEN TIRÉ DE LA DÉNATURATION DES CONCLUSIONS ET DU
MANQUE DE BASE LÉGALE :

Considérant que la Cour d’Appel a jugé, sans dénaturation que le contentieux dont elle était saisie,
relève de la compétence des tribunaux départementaux ;

Considérant que, pour décliner sa compétence, la Cour d’Appel, qui s’est fondée sur les dispositions
des articles L 41 et L 43 du code électoral, a relevé suffisamment d’éléments de fait pour justifier
l’application de ces textes ;

D’où il suit que le moyen manque en fait ;

SUR LE DEUXIÈME MOYEN ET LE TROISIÈME MOYEN RÉUNIS TIRÉS DE LA
VIOLATION DE LA LOI ÉLECTORALE :

Considérant que les griefs de transfert d’électeurs et de distribution de cartes d’électeurs en dehors de
la commission de distribution constituent des réclamations qui auraient dû être portées devant le
Tribunal départemental, conformément à l’article L.43 du code électoral, s’agissant du contentieux de
la liste électorale, lequel est différent du contentieux de l’élection ;

Considérant que, cependant, le caractère étendu des pouvoirs du juge de l’élection, qui peut l’amener
à connaître du contentieux de la liste, lui permet, lorsqu’il est saisi d’une réclamation contre l’élection,
de connaître des manœuvres frauduleuses ayant marqué la révision de la liste électorale ;

Considérant qu’il peut tout aussi bien connaître des moyens dirigés contre la régularité de
l’établissement de la liste lorsqu’une fraude est alléguée ;

Considérant que, pendant la révision exceptionnelle des listes électorales, cinq cent dix huit (518)
personnes précédemment inscrites ont demandé la modification de leur inscription pour pouvoir voter
à Ndioum ;

Considérant que les requérants entendent établir la manœuvre frauduleuse ayant conduit à la
modification de ces inscriptions par la déclaration du nommé Aboubakry Seck recueillie par voie
d’huissier et qui aurait confirmé ce fait ;

Considérant que, cependant, cette prétendue manœuvre frauduleuse ne peut être établie par l’unique
témoignage de Seck qui est insuffisant, ce dernier ne pouvant attester que des motifs pour lesquels il a
personnellement demandé la modification de son inscription ;

Considérant que, en effet, aucune autre pièce n’est versée au dossier pour attester que ces électeurs
ont été illégalement inscrits à Ndioum à la suite d’une manœuvre frauduleuse qui a affecté la régularité
de la liste et faussé la sincérité du scrutin ;

Considérant que les requérants versent aux débats la déclaration du nommé Alassane Sy, recueillie
par voie d’huissier pour prétendre établir que ces cinq cent dix huit (518) personnes n’ont pas reçu
leurs cartes d’électeurs de la commission de distribution alors que Amadou Kane Diallo produit lui
aussi une déclaration contraire de la même personne qui y réfute les propos qui lui ont été prêtés dans
le procès-verbal d’huissier ;

Considérant qu’il est constant que ces électeurs ont reçu leurs cartes et ont voté sans incident, tel que
cela ressort des procès-verbaux des bureaux de vote sur lesquels aucune observation en ce sens n’a été
portée par les acteurs des opérations électorales ;



Considérant ainsi que les requérants n’établissent pas qu’il y a eu une irrégularité dans la distribution
des cinq cent dix huit (518) cartes d’électeurs, et que cette irrégularité a favorisé une fraude ;

D’où il suit que les moyens tirés de la violation de la loi électorale sont mal fondés ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi formé par Abibou Datt et autres contre l’arrêt n° 47 rendu le 17 juin 2009 par
l’Assemblée générale de la Cour d’Appel de Dakar ;

Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour suprême, Chambre administrative, en son audience publique
tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents :

Président : Fatou Habibatou DIALLO ; Conseillers : Papa Makha NDIAYE, Mouhamadou NGOM,
Amadou Hamady DIALLO, Mama KONATÉ ; Rapporteur : Fatou Habibatou DIALLO ; Avocat
général : Abdourahmane DIOUF ; Avocat : Soukeyna LO ; Greffier : Cheikh DIOP.


Synthèse
Formation : chambre administrative
Numéro d'arrêt : 42
Date de la décision : 24/09/2009

Analyses

ÉTENDUE – DÉTERMINATION Le caractère étendu des pouvoirs du juge de l’élection, qui peut l’amener à connaître du contentieux de la liste, lui permet, lorsqu’il est saisi d’une réclamation contre l’élection, de connaître de manœuvres frauduleuses ayant marqué la révision de la liste électorale. Ainsi lorsque pendant la révision exceptionnelle des listes électorales, plusieurs centaines de personnes, précédemment inscrites, ont demandé la modification de leur inscription pour pouvoir voter dans une localité, l’unique témoignage d’un électeur est insuffisant pour établir la prétendue manœuvre frauduleuse ayant conduit à la modification de ces inscriptions, ce dernier ne pouvant attester que des motifs pour lesquels il a personnellement demandé la modification de son inscription, et qu’en l’absence d’observations sur les procès-verbaux des bureaux de vote concernés, il faut déduire que ces électeurs ont retiré leurs cartes et ont voté sans incident.

ÉLECTIONS – ÉLECTIONS RÉGIONALES, MUNICIPALES ET RURALES – CONTRÔLE DE LA RÉGULARITÉ DU SCRUTIN – POUVOIRS DU JUGE DE L’ÉLECTION – ÉTENDUE – DÉTERMINATION


Parties
Demandeurs : Abibou DATT Cheikh Oumar HANN Mamadou DIOP (M es Soukeyna LO et Borso POUYE)
Défendeurs : Amadou KANE DIALLO (M e Abdoulaye BABOU) Ministre chargé de l’Intérieur

Origine de la décision
Date de l'import : 13/12/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.supreme,.chambre.administrative;arret;2009-09-24;42 ?
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