Arrêt n° 30 du 11 août 2009
LA COUR SUPRÊME,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Sur la recevabilité du recours :
Considérant que le Ministre de l’Intérieur soulève l’irrecevabilité de la requête introduite en violation
de l’article 35 de la loi organique n° 2008-35 du 8 août 2008 sur la Cour suprême, qui dispose que la
requête doit, à peine d’irrecevabilité, indiquer les noms et domiciles des parties, alors qu’en l’espèce
elle vise seulement Lamine Kouyaté ;
Mais considérant que ce sont les dispositions spéciales relatives au recours en matière administrative
qui régissent les contentieux des élections régionales, municipales et rurales, notamment celles de
l’article 76-1 de la loi organique sur la Cour suprême, au sens desquelles le pourvoi est formé par une
simple requête exempte de tout formalisme particulier ;
Considérant qu’il résulte de l’article 76 précité que le recours est intenté par le Ministre chargé de
l’Intérieur et les parties intéressées dans le délai d’un mois qui court soit à compter de la date de la
notification de la décision attaquée, soit à l’expiration du délai imparti à la Cour d’Appel pour statuer ;
Considérant que le requérant ayant reçu notification d’arrêt attaqué le 13 juillet 2009, son recours
introduit le 23 juillet 2009 est recevable ;
SUR LE MOYEN SOULEVÉ D’OFFICE TIRÉ DE L’INCOMPÉTENCE DE LA COUR
D’APPEL :
Considérant que, pour annuler l’élection de Boubacar Badji, Président du Conseil rural de Sansamba,
la Cour d’Appel a retenu que cette fonction est incompatible avec celle de chef de village qu’il
occupe ;
Considérant que, si l’article 205 du code des collectivités locales dispose que : « Les chefs de village
ne peuvent être élus présidents ou vice-présidents, ni en exercer même temporairement les
fonctions. » ; l’article 217 du même code précise que : « Le président du conseil rural qui, pour une
cause postérieure à son élection, ne remplit plus les conditions requises pour être élu ou qui se
trouve dans un des cas d’inéligibilité prévus par la loi, doit cesser d’exercer ses fonctions.
Le Ministre chargé des Collectivités locales l’enjoint de se démettre immédiatement de ses fonctions
au profit de son vice-président sans attendre l’installation de son successeur. Si le président refuse
de démissionner, le Ministre chargé des Collectivités locales prononce la suspension pour un mois.
Il est ensuite mis fin à ses fonctions par décret.
En cas d’inéligibilité, il en est fait de même pour le vice-président » ;
Considérant que la procédure prévue pour mettre fin aux fonctions du président du Conseil rural pour
cause d’inéligibilité ou d’incompatibilité est ainsi différente de celle en annulation de l’élection du
président et des deux vice-présidents composant le bureau, soumise au même régime que la
procédure d’annulation des élections des conseillers ruraux ;
Que, tandis que pour la procédure relative à l’inéligibilité ou à l’incompatibilité, l’article 217 donne
compétence à l’autorité administrative dont les décisions ne sont susceptibles que de recours pour
excès de pouvoir devant la Cour suprême, que pour la procédure d’annulation des opérations
électorales, les articles 202 et 206 du code des collectivités locales en renvoyant aux dispositions du
code électoral, en attribuent la compétence à la Cour d’Appel ;
Que, du reste, la procédure prévue à l’article 217 n’est enfermée dans aucun délai, alors que celle
visée aux articles 202 et 206 doit être mise en œuvre dans un délai de 5 jours à compter de la
proclamation des résultats, conformément à l’article L.254 du code électoral ;
Qu’en déterminant comme elle l’a fait, alors qu’elle n’était pas saisie d’une contestation sur la validité
du vote, mais plutôt d’une contestation fondée sur un cas d’incompatibilité, la Cour d’Appel a
méconnu sa compétence ;
PAR CES MOTIFS :
Déclare recevable le recours de Boubacar Badji ;
Annule l’arrêt n° 26 rendu le 17 juin 2009 par la Cour d’Appel de Dakar pour incompétence ;
Ordonne la restitution de l’amende consignée ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour suprême, Chambre administrative, en son audience publique
tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents :
Président : Fatou Habibatou DIALLO ; Conseillers : Mouhamadou NGOM, Mamadou Abdoulaye
DIOUF, Amadou Hamady DIALLO, Abdoulaye NDIAYE ; Rapporteur : Abdoulaye NDIAYE ;
Avocat général : Boubacar Albert GAYE ; Avocat : Mouhamadou Gael BA ; Greffier : Cheikh DIOP.