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27/05/2020 | SéNéGAL | N°33

Sénégal | Sénégal, Cour suprême, 27 mai 2020, 33


Texte (pseudonymisé)
Arrêts

de la Cour suprême — Année judiciaire 2020

ARRÊT N° 33 DU 27 MAI 2020
Ab Z A
Aa C X B
LA SOCIÉTÉ SRG SAPHIR VOYAGE
CONTRAT DE TRAVAIL — RUPTURE - LICENCIEMENT POUR MOTIF ÉCONOMIQUE - PREUVE DES DIFFICULTÉS ÉCONOMIQUES OU DE LA RÉORGANISATION DE L’ENTREPRISE ET DU RESPECT DE LA PROCÉ- DURE — NON
Selon les articles L 60, L 61 et L 62 du code du travail avant tout licenciement motivé par une difficulté économique ou une réorganisation intérieure, l'employeur doit réu- nir les délégués du personnel et recherch

er avec eux toutes les autres possibilités telles que la réduction des heures de travail, le travail pa...

Arrêts

de la Cour suprême — Année judiciaire 2020

ARRÊT N° 33 DU 27 MAI 2020
Ab Z A
Aa C X B
LA SOCIÉTÉ SRG SAPHIR VOYAGE
CONTRAT DE TRAVAIL — RUPTURE - LICENCIEMENT POUR MOTIF ÉCONOMIQUE - PREUVE DES DIFFICULTÉS ÉCONOMIQUES OU DE LA RÉORGANISATION DE L’ENTREPRISE ET DU RESPECT DE LA PROCÉ- DURE — NON
Selon les articles L 60, L 61 et L 62 du code du travail avant tout licenciement motivé par une difficulté économique ou une réorganisation intérieure, l'employeur doit réu- nir les délégués du personnel et rechercher avec eux toutes les autres possibilités telles que la réduction des heures de travail, le travail par roulement, le chômage partiel, la formation ou le redéploiement du personnel et si certains licenciements sont néces- saires, dresser un ordre des licenciements en prenant en compte les critères sur l'aptitude professionnelle et l’ancienneté.
A violé ces textes, une cour d’Appel qui a déclaré légitimes les licenciements des tra- vailleurs, aux motifs que dans l’impossibilité de s'acquitter normalement des salaires mensuels, l'employeur a invoqué des difficultés qui l’ont obligé à une réorganisation interne par la suppression de certains postes non nécessaires ou dont la suppression ne causerait pas de sérieuses difficultés dans la bonne marche de l’entreprise , alors que l'employeur n’a pas rapporté la preuve des difficultés économiques ou de la réor- ganisation de l’entreprise ni celle du respect de la procédure.
Vu la loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême ;
La Cour suprême,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Ab Z A et Aa C X B, employées de la société GRG SAPHIR VOYAGE, ont été licenciées pour suppression de postes ;
Sur le moyen unique, en sa première branche, tel qu’annexé ;
Vu les articles L 60, L 61 et L 62 du code du travail ;
Attendu, selon ces textes, qu’avant tout licenciement motivé par une difficulté éco- nomique ou une réorganisation intérieure, l’employeur doit réunir les délégués du per- sonnel et rechercher avec eux toutes les autres possibilités telles que la réduction des heures de travail, le travail par roulement, le chômage partiel, la formation ou le redé- ploiement du personnel et si certains licenciements sont nécessaires, dresser un ordre des licenciements en prenant en compte les critères sur l’aptitude professionnelle et
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Attendu que pour déclarer légitimes les licenciements de Ab Z A et Aa C X B, l’arrêt relève que dans l’impossibilité de s’acquitter normalement des salaires mensuels, l’employeur a invoqué des difficultés qui l’ont obligé à une réorganisation intérieure et, faute de pouvoir se conformer aux dispositions des articles L 61 et L 62 du code du travail, a réuni les employés pour re- cueillir leurs avis sur la situation d de l’entreprise pour trouver des solutions adéquates à la sauvegarde de la société puis retient que dans l’impossibilité de payer les salaires, l'employeur est fondé à procéder à une réorganisation interne par la suppression de certains postes non nécessaires ou dont la suppression ne causerait pas de sérieuses difficultés dans la bonne marche de l’entreprise ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l’employeur n’a pas rapporté la preuve des difficultés économiques ou de le la réorganisation de l’entreprise ni celle du respect de la procé- dure, la cour d’Appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs :
Et sans qu’il soit besoin de statuer sur la seconde branche du moyen :
Casse et annule l’arrêt n° 75 du 7 février 2019 de cour d’Appel de Dakar ;
Renvoie la cause et les parties devant cour d’Appel de Kaolack.
Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre sociale de la Cour suprême, en son audience publique tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents :
PRÉSIDENT : JEAN LOUIS PAUL TOUPANE ; CONSEILLER - RAPPORTEUR : AMADOU HAMADY DIALLO ; CONSEILLERS : OUMAR GAYE, Y AH AG, AMADOU LAMINE BATHILY; AVOCAT GÉNÉRAL: SALOBÉ GNINGUE ; GREFFIER : MAÎTRE MACODOU NDIAYE.
III - Du moyen unique tiré de la violation de la loi
A- Première branche tirée de la violation de l’article L 61 et L 62 du code du travail
Aux termes de ces textes :
Il plaira à la Cour de noter que dans cette procédure de licenciement, la société HRG SAPHIR VOYAGES aura vicié de manière rédhibitoire toute procédure de licenciement pour motif économique ;
Après cette prétendue réunion d’information, une proposition de départ négociée fut proposée à Madame A et à Madame C Aa X.
Devant le refus des travailleurs d’accepter une indemnisation dérisoire, ce ne fut qu’à la date du 18 janvier 2016, qu’elles ont reçu leurs lettres de licenciement, leurs certificats de travail, les salaires des 18 jours travaillés en janvier 2016, ainsi que les droits aux congés.
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Ainsi, sans motif réel ou même sérieux, leur employeur leur a notifié, du jour au len- demain, de manière inhumaine, et après des années de dévouement (8 ans et 2 ans), leur licenciement pour suppression de poste (motif économique) ;
Ce licenciement était d’autant plus cavalier qu’aucune procédure préalable à un licen- ciement pour motif économique n’a été respectée, notamment les prescriptions des articles L 60 à L 64 du code du travail ;
En réalité, la décision de les licencier n’avait pour unique fondement que de les évincer dans la mesure où la société a procédé à des recrutements postérieurement à ce licen- ciement.
Ce licenciement étant manifestement abusif, il fondait naturellement les requérantes à réclamer des dommages et intérêts pour licenciement abusif, outre les indemnités de préavis et de licenciement ;
LII. Sur la procédure :
C’est pour la raison ci-dessus évoquée que par requête en date du 1°" février 2016, Mes- dames Ab Z A et C Aa X B, ont fait citer devant le tribunal du travail, la société HRG SAPHIR VOYAGES afin de l’entendre condamner leur ex-employeur à leur payer :
+ l’indemnité de licenciement,
+ des dommages et intérêts pour rupture abusive.
Par jugement en date du 18 janvier 2018, le tribunal du travail a dit et jugé que les li- cenciements intervenus étaient abusifs et a condamné la société HRG SAPHIR VOYAGE à leur payer différentes sommes d’argent au titre de l’indemnité de préavis et celle de licenciement.
Article L 61 : Pour tenter d’éviter un licenciement pour motif économique, l’employeur doit réunir les délégués du personnel et rechercher avec eux toutes les autres possibili- tés telles que la réduction des heures de travail, le travail par roulement, le chômage partiel, la formation ou le redéploiement du personnel.
Le compte rendu de cette réunion, établi par, l'employeur, doit être dans un délai de huit jours, communiqué à l'inspecteur du travail et de la sécurité sociale, lequel dispose d’un délai de quinze jours à dater de cette communication pour exercer éventuellement, ses bons offices.
Article L 62 : Si après l’échéance du délai de quinze jours, certains licenciements étaient nécessaires, l'employeur établit l’ordre des licenciements. Cet ordre tient compte, en pre- mier lieu, des travailleurs présentant des aptitudes professionnelles moindres pour les em- plois maintenus. En cas d’égalité d’aptitude professionnelle, les travailleurs les plus anciens seront conservés. L’ancienneté dans l’entreprise est majorée, pour établir cet ordre des li- cenciements, d’un an pour le travailleur marié et d’un an pour chaque enfant à charge au sens de la législation sur les prestations familiales.
L’employeur doit communiquer par écrit aux délégués du personnel, s’il en existe, la liste des travailleurs qu’il se propose de licencier, en précisant les critères qu’il a retenus. Il con- voque, sept jours au plus tôt après la communication de cette liste, les délégués du personnel
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pour recueillir leurs suggestions, lesquelles sont consignées dans le compte rendu de la ré- union établi par l’employeur.
Si l'employeur envisage de licencier un délégué du personnel, il devra respecter la procé- dure spécifique à ces travailleurs.
Pour les autres travailleurs, l’employeur peut après la réunion avec les délégués du person- nel, procéder au licenciement. Dans tous les cas, la liste des travailleurs licenciés et le compte rendu de la réunion susvisée sont communiqués à l’inspecteur du travail et de la sécurité sociale pour information, dans le délai d’une semaine.
Le travailleur licencié pour motif économique bénéficie, en dehors du préavis et de l’indemnité de licenciement, d’une indemnité spéciale, non imposable, payée par l'employeur et égale à un mois du salaire brut. Il bénéficie également, dans son ancienne entreprise et pendant deux ans, d’une priorité d’embauche dans la même catégorie.
Le travailleur bénéficiant d’une priorité d’embauche est tenu de communiquer à son employeur tout changement de son adresse survenant après son départ de l’établissement. En cas de vacance, l’employeur avise l'intéressé par lettre recomman- dée avec accusé de réception envoyée à la dernière adresse connue du travailleur. Ce dernier doit se présenter à l’établissement dans les huit jours suivant la réception de la lettre.
En cas de litige, la charge de la preuve du motif économique et du respect de l’ordre des licenciements incombe à l’employeur. Les différends individuels du travail concernant la rupture du contrat de travail pour motif économique doivent être examinés prioritai- rement par les juridictions du travail.
En l’espèce, aussi bien le premier juge, que le juge d’appel, ont constamment estimé que les dispositions des articles L 61 à L 62 n’ont pas été respectées ;
En en tirant une conséquence différente de celle qu’en a tirée le premier juge, sans ex- pliquer en quoi les dispositions non appliquées n’affectaient pas le caractère régulier du licenciement, la Cour d’Appel a violé les textes susvisés ;
Qu'il n’est pas inutile de reproduire sa motivation étonnante sur ce point :
« … considérant, dans les lettres de licenciement, que l’employeur a évoqué des diffi- cultés qui l’ont obligée à une réorganisation intérieure parce qu’étant dans l'impossibilité de s'acquitter normalement des salaires mensuels ; que face à cela, elle a tenu avec les employés une réunion à laquelle tous ont pris part et exprimés leur avis par rapport à la situation difficile de l’entreprise ; que dès lors, faute de pouvoir se con- former aux prescriptions des articles 1.61 et 62 du code du travail, l'employeur a pris soin au moins de réunir ses employés pour évoquer les difficultés de la société et trou- ver les solutions adéquates à la sauvegarde de la société ;
Considérant que dans l'impossibilité de payer les salaires mensuels, l’employeur est fondé à une réorganisation interne par la suppression de certains postes non néces- saires ou dont la suppression ne causerait pas de sérieuses difficultés dans la bonne marche de l’entreprise ; que cela étant, l'employeur qui a opté de supprimer un poste au niveau des agents de voyages et un au niveau comptable est fondé pour la pérennité de la société à décider de licencier les appelantes ; qu’il échet d’infirmer le jugement entrepris,
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statuant à nouveau, dire légitime, le licenciement des appelantes, et les débouter de l’ensemble de leurs demandes »
Attendu qu’il est évident qu’une telle motivation est aussi confuse, anachronique que dangereuse ;
Sans vérifier si le motif économique évoqué est réel, ou encore si l’ordre des licencie- ments a été respecté, le juge d’appel, sans aucune motivation rigoureuse a infirmé la décision du juge d'instance et a même privé les travailleurs de leur indemnités légales dues même en cas de régularité de leur licenciement ;
Qu'il est manifeste que la cour d’Appel ne pouvait se déterminer contrairement à la loi et aux déclarations des parties, pour dire et juger que la rupture intervenue était régulière ;
L'arrêt de la cour d’Appel de Dakar violant les dispositions des articles L 61 et L 62 du code du travail et encourt la censure de la Cour de céans de ce chef ;
B- Deuxième branche tiré de l’insuffisance de motif constitutive d’une vio- lation de la loi :
Aux termes de l’article 10 dernier alinéa de la loi n° 2014-26 du 03 novembre 2014 fixant l’organisation judiciaire : « … Les jugements doivent être motivés à peine de nul- lité. »
Or, pour infirmer le jugement rendu par le tribunal du travail hors classe de Dakar, la 4° chambre sociale de la cour d’Appel de Dakar a adopté la motivation sommaire sui- vante :
« … considérant, dans les lettres de licenciement, l’employeur a évoqué des difficultés qui l’ont obligée à une réorganisation intérieure parce qu’étant dans l’impossibilité de s’acquitter normalement des salaires mensuels ; que face à cela, elle a tenu avec les em- ployés une réunion à laquelle tous ont pris part et exprimés leur avis par rapport à la situation difficile de l’entreprise ; que dès lors, faute de pouvoir se conformer aux pres- criptions des articles L 61 et 62 du code du travail, l'employeur a pris soin au moins de réunir ses employés pour évoquer les difficultés de la société et trouver les solutions adéquates à la sauvegarde de la société ;
Considérant que dans l'impossibilité de payer les salaires mensuels, l’employeur est fondé à une réorganisation interne par la suppression de certains postes non néces- saires ou dont la suppression ne causerait pas de sérieuses difficultés dans la bonne marche de l’entreprise ; que cela étant, l'employeur qui a opté de supprimer un poste au niveau des agents de voyages et un au niveau comptable est fondé pour la pérennité de la société à décider de licencier les appelantes ; qu’il échet d’infirmer le jugement entre- pris, statuant à nouveau, dire légitime, le licenciement des appelantes, et les débouter de l’ensemble de leurs demandes … »
La cour d’Appel ne précise nullement le contenu des documents produits par la société HRG SAPHIR VOYAGES, ni en quoi ils seraient de nature à fonder la réalité du motif éco- nomique ;
Elle ne dit pas non plus en quoi, les mémorantes devaient être privés de leurs droits aux indemnités légales ;
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Pour infirmer un jugement ayant suffisamment confronté les faits et le droit, la cour d’Appel s’est affranchie de toute obligation de motiver prévue par la loi.
Il s’ensuit que l'arrêt querellé souffre d’un défaut de motifs caractérisé constitutive d’une violation de la loi ;
Que pour ce deuxième moyen tiré de l’insuffisance de motifs, l’arrêt attaqué encourt cassation.
Qu'il conviendrait de casser et annuler l’arrêt rendu le 07 février 2019 par la 4ème chambre sociale de la cour d'Appel de Dakar sous le numéro 75, en toutes ses disposi- tions et renvoyer la cause et les parties devant une autre cour d’Appel.
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Synthèse
Numéro d'arrêt : 33
Date de la décision : 27/05/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.supreme;arret;2020-05-27;33 ?
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