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07/05/2020 | SéNéGAL | N°18

Sénégal | Sénégal, Cour suprême, 07 mai 2020, 18


Texte (pseudonymisé)
Bulletin des Arrêts n°s 21-22
COUR SUPRÊME
ARRÊT N° 18 DU 07 MAI 2020
MINISTÈRE PUBLIC
A B C ET BARA SYLLA
APPEL — PRÉVENU — CONDAMNATION — RÉFORMATION — DÉCRET - GRÂCE PRÉSIDENTIELLE
A fait une exacte application de la loi, l’arrêt de la cour d’Appel qui retient que la mesure de grâce qui est une dispense d'exécution d’une peine prononcée par les tribu- naux, ne peut intervenir que dans le cas d’une décision de justice passée en force de chose jugée et qu’en accordant la grâce à un prévenu alors que la décision de

con- damnation, du reste frappée d'appel, est susceptible d’être réformée, l'autorité admi- nistrative s’...

Bulletin des Arrêts n°s 21-22
COUR SUPRÊME
ARRÊT N° 18 DU 07 MAI 2020
MINISTÈRE PUBLIC
A B C ET BARA SYLLA
APPEL — PRÉVENU — CONDAMNATION — RÉFORMATION — DÉCRET - GRÂCE PRÉSIDENTIELLE
A fait une exacte application de la loi, l’arrêt de la cour d’Appel qui retient que la mesure de grâce qui est une dispense d'exécution d’une peine prononcée par les tribu- naux, ne peut intervenir que dans le cas d’une décision de justice passée en force de chose jugée et qu’en accordant la grâce à un prévenu alors que la décision de con- damnation, du reste frappée d'appel, est susceptible d’être réformée, l'autorité admi- nistrative s’est immiscée dans le déroulement d’une procédure judiciaire en cours, en violation du principe de la séparation des pouvoirs.
La Cour suprême,
Vu la loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que, par l’arrêt attaqué, la cour d’Appel, saisie d’une exception d’illégalité du décret n° 2019-754 du 3 avril 2019, accordant la grâce à A B C, appe- lant, condamné en première instance notamment à 5 ans d’emprisonnement ferme des chefs d'association de malfaiteurs, de complicité de contrebande et d’exercice illégal de la profession de pharmacien, a écarté ledit texte du litige qui lui est soumis ;
Sur le moyen unique tiré de la violation de la loi, en ce que, la cour d'Appel, pour motiver sa décision, s’est fondée sur les articles 8 de la loi n° 2014-26 du 3 novembre 2014, abrogeant et remplaçant la loi n° 84-19 du 19 février 1984 portant organisation judiciaire et 19 du décret n° 2015-1145 du 3 novembre 2015 fixant la composition et la compétence des cours d’Appel, des tribunaux de grande instance (TGI) et des tribunaux d’instance (TI) , alors que, d’une part, contrairement à l’interprétation de la Cour, les dispositions précitées visent plutôt le cas où il s’agit d’apprécier la légalité des actes administratifs ordinaires lorsque de cet examen dépend la solution du litige, et d’autre part, la mesure de grâce présidentielle accordée au prévenu A B C relève des pouvoirs constitutionnels du chef de l’État sur le fondement des dispositions de l’article 47 de la constitution du Sénégal ; ainsi en considérant que ce pouvoir d’accorder la grâce au susnommé ne doit être mis en œuvre qu’après que la décision prononçant sa condamnation soit devenue définitive alors que ni la loi ni la constitu- tion ne prescrit cette condition supplémentaire, le juge d’appel est allé au-delà de ce que prévoit la loi et sa décision encourt, en conséquence, la cassation de ce chef ;
Attendu qu’aux termes des articles 8 de la loi n° 2014-26 du 3 novembre 2014, abro- geant et remplaçant la loi n° 84-19 du 2 février 1984 portant organisation judiciaire et 19 du décret n° 2015-1145 du 3 août 2015 fixant la composition et la compétence des
32 Chambre criminelle

Arrêts de la Cour suprême — Année judiciaire 2020
COUR SUPRÊME
cours d’Appel, des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance, que « les juridictions ont, au cours des instances dont elles sont saisies, compétence pour inter- préter et apprécier la légalité des décisions des diverses autorités administratives », et que les cours d’Appel, les tribunaux de grande instance et les tribunaux d’instance «ont au cours des instances dont ils sont saisis, compétence pour interpréter et apprécier la légalité des décisions des diverses autorités administratives lorsque de cet examen dépend la solution du litige » ;
Attendu que, pour apprécier la légalité du décret accordant la grâce à A B C, l’arrêt attaqué énonce, qu’en l’espèce, il ne s’agit pas d’un contentieux tendant à l’annulation du décret attaqué qui ne peut intervenir que dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir, mais « d’une exception d’illégalité qui ne vise pas l’annulation de l’acte administratif (...) ; qu’en prenant un décret de grâce, le président de la Répu- blique agit en tant qu’autorité administrative et que son acte se rattache exclusivement à l’exercice du pouvoir règlementaire (...) », puis ajoute « que la mesure de grâce qui est une dispense d'exécution d’une peine prononcée par les tribunaux, ne peut intervenir que dans le cas d’une décision de justice passée en force de chose jugée ; qu’ainsi, en accordant la grâce au prévenu A B C alors que la décision de con- damnation, frappée d'appel, est susceptible d’être réformée, l'autorité administrative s’est immiscée dans le déroulement d’une procédure judiciaire en cours, en violation flagrante du principe de la séparation des pouvoirs », et retient « que la mesure de grâce, intervenue à ce stade de la procédure, est manifestement entachée d’irrégularité ; qu’il échet, en conséquence, d’écarter le décret de grâce et de dire qu’il ne saurait avoir aucune conséquence sur le présent litige » ;
Qu'en l’état de ces énonciations, l’arrêt attaqué, loin d’avoir violé la loi, en a fait l’exacte application ;
D’où il suit que le moyen, mal fondé, doit être rejeté ;
Par ces motifs :
Rejette le pourvoi formé par le Procureur général près la cour d’Appel de Thiès contre l’arrêt n° 182 du 22 juillet 2019 de ladite cour ;
Met les dépens à la charge du Trésor public ;
Dit que le présent arrêt sera imprimé, qu’il sera transcrit sur les registres de la cour d’Appel de Thiès en marge ou à la suite de la décision attaquée ;
Ordonne l'exécution du présent arrêt à la diligence du Procureur général près la Cour suprême.
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour suprême, chambre criminelle, en son audience ordinaire tenue les jour, mois et an ci-dessus et à laquelle siégeaient Mesdames et Mes- sieurs :
PRÉSIDENT : ABDOURAHMANE DIOUF; CONSEILLERS : AMADOU BAL, WALY FAYE, X Y, MBACKÉ FALL ; AVOCAT GÉNÉRAL : MARÈME DIOP GUÉYE ; GREFFIÈRE : MAÎTRE ROKHAYA NDIAYE GUÉYE.
Chambre criminelle 33


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18
Date de la décision : 07/05/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.supreme;arret;2020-05-07;18 ?
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