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07/04/2020 | SéNéGAL | N°04

Sénégal | Sénégal, Cour suprême, 07 avril 2020, 04


Texte (pseudonymisé)
Arrêts de la Cour suprême — 2009-2020

COUR SUPRÊME

ARRÊT N° 04 DU 7 AVRIL 2020
- AMAR AW
(MAÎTRE MAMADOU GUÉYE MBOW)
- PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR DES COMPTES
PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR DES COMPTES
CHEIKH M. M. A
COUR DES COMPTES — APUREMENT JURIDICTIONNEL — TRANSMISION COMPTE DE GESTION — OBLIGATION — COMPTABLE EN FONCTION — ABSENCE DE COMPTABLE DE RATTACHEMENT — CAS
En l'absence de comptable de rattachement, le comptable public en fonction, doit, au même titre que les comptables princi

paux, produire ses comptes à la Cour des comptes pour un apurement juridictionnel.
A satisfait aux exigences...

Arrêts de la Cour suprême — 2009-2020

COUR SUPRÊME

ARRÊT N° 04 DU 7 AVRIL 2020
- AMAR AW
(MAÎTRE MAMADOU GUÉYE MBOW)
- PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR DES COMPTES
PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR DES COMPTES
CHEIKH M. M. A
COUR DES COMPTES — APUREMENT JURIDICTIONNEL — TRANSMISION COMPTE DE GESTION — OBLIGATION — COMPTABLE EN FONCTION — ABSENCE DE COMPTABLE DE RATTACHEMENT — CAS
En l'absence de comptable de rattachement, le comptable public en fonction, doit, au même titre que les comptables principaux, produire ses comptes à la Cour des comptes pour un apurement juridictionnel.
A satisfait aux exigences du caractère contradictoire de la procédure, la Cour des comptes qui, dans le cadre de son contrôle, a soumis un arrêt provisoire au comptable public qui s’est contenté de prendre acte des énonciations qu’il contient relativement aux manquements qui lui sont reprochés sans les contester.
COUR DES COMPTES — DÉPENSE PUBLIQUE — PAIEMENT IRRÉGULIER- COMPTABLE PUBLIC — ARRÊT DE DÉBET — ABSENCE DE PRÉJUDICE — ANNULATION
Toutefois, la Cour des comptes ne peut mettre en débet le comptable public, même si ce dernier a payé irrégulièrement une dépense, en manquement aux obligations de contrôle qui lui incombaient, sans s’assurer que par la faute de l'intéressé, l'organisme public a subi un préjudice découlant de l'indemnisation d’un autre organisme public ou d’un tiers ou a effectué un nouveau paiement libératoire ou que ledit organisme a été sommé d’y procéder.
La Cour suprême,
Vu la loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la connexité, joignant les deux procédures J/379/RG/18 et J/413/RG/18 ;
Vu la Directive n° 05/97/CM/UEMOA relative aux lois de finances du 16 décembre 1997 ;
Vu la loi organique n° 2012-23 du 27 décembre 2012 abrogeant et remplaçant la loi organique n° 99-70 du 17 février sur la Cour des comptes ;
Vu le décret n° 2013-1449 du 13 novembre 2013 fixant les modalités d’application de la loi organique n° 2012-23 du 27 décembre 2012 abrogeant et remplaçant la loi organique n° 99-70 du 17 février 1999 sur la Cour des comptes ;
Chambres réunies 199

COUR SUPRÊME Bulletin des Arrêts n°5 19-20
Vu le décret n° 2014-1472 du 12 novembre 2014 fixant le régime financier et comptable des établissements publics, des agences et autres organismes publics similaires et abrogeant le décret n° 2011-540 du 26 avril 2011 fixant le régime financier et comptable des établissements publics, des agences et autres organismes publics similaires ;
Attendu que selon l’arrêt attaqué (Cour des comptes, arrêt définitif n° 01 du 23 mai 2018), Amar AW, nommé agent comptable de l'ANRSA par arrêté du ministre de l’Économie et des Finances du 26 septembre 2011, a transmis ses comptes des exercices 2011, 2012 et 2013 à la Cour des comptes aux fins de vérification ;
Que la chambre des entreprises publiques de ladite Cour a enjoint AW, dans un arrêt provisoire du 28 juillet 2017, pour notamment avoir :
- remis des chèques à des personnes sans justification préalable d’une procuration délivrée par les bénéficiaires des règlements, procédant ainsi à des paiements sans acquits libératoires ;
- omis de procéder, à l’occasion de ces paiements, aux contrôles nécessaires en vue de s’assurer de l’identité des véritables bénéficiaires ;
Que l'arrêt définitif susvisé du 23 mai 2018, au titre des exercices 2012 et 2013, le met en débet pour les montants respectifs de cent quatre-vingt-quatorze millions cinq cent quarante mille neuf cent seize (194 540 916) F CFA et cent vingt-quatre millions sept cent vingt mille cinquante-deux (124 720 052) F CFA ;
Sur le pourvoi d’Amar Aw :
Attendu qu’Amar AW a articulé un moyen tiré de la violation de la loi divisé en trois branches :
1) Sur la première branche tirée de la méconnaissance de l’article 108 du décret n° 2011-1880 susvisé, il fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir mis en débet aux motifs « que cette modalité consistant à remettre à des personnes physiques ne justifiant d'aucune procuration régulièrement donnée, des chèques tirées au profit de personnes morales, n’est pas libératoire du paiement des prestations attendues des bénéficiaires des chèques en question, la mention au recto n’établissant pas que lesdites personnes sont régulièrement mandatées par les entités bénéficiaires des paiements », alors que selon le moyen, d’une part, les chèques répertoriés au titre des dépenses dont la régularité du paiement est incriminée, non seulement sont barrés, mais sont tous tirés et libellés à l’ordre d’entreprises adjudicataires de l’agence qui n’ont jamais contesté avoir reçu paiement, et, d'autre part, la remise des chèques non endossables à des personnes physiques, ne signifiant pas que celles-ci soient bénéficiaires même indirectement, lesdites personnes agissaient en qualité de simples coursiers dont le mandat se limitait à la transmission physique et matérielle des moyens de paiement entre les mains de leurs mandants, les paiements effectués dans ces conditions présentent donc un caractère libératoire ;
2) Sur la deuxième branche tirée de la violation de l’article 114, al 1°" du décret n° 2011-1880 susvisé, il est fait grief à l’arrêt attaqué de retenir « cette modalité consistant à remettre à des personnes physiques ne justifiant d’aucune procuration régulièrement donnée, des chèques tirés au profit de personnes morales, n’est pas libératoire du paiement des prestations attendues des bénéficiaires des chèques en question. », alors que selon le moyen, les créances acquises, liquidées et payées au moyen des chèques en question libellés à l’ordre de leurs bénéficiaires, au titre de
200 Chambres réunies

Arrêts de la Cour suprême — 2009-2020 -
COUR SUPRÊME
l'exécution du budget des exercices 2012 et 2013, sont atteintes par la prescription quadriennale et ne pouvaient plus remettre en cause le caractère libératoire des paiements effectués ou justifier légalement sa mise en débet ;
3) Sur la troisième branche tirée de la violation de l’article 37 de la loi organique n° 2012-23 du 27 décembre 2012 susvisée, il est fait grief à l’arrêt attaqué de retenir « qu’il y a lieu de mettre en débet Amar AW, agent comptable de l’ANRSA, pour avoir procédé à des paiements, par remise des chèques à des personnes sans justification préalable d’une procuration régulièrement donnée par les bénéficiaires des règlements, procédant ainsi à des paiements sans acquits libératoire » alors que, selon le moyen, le bien-fondé des créances liquidées et payées n’est pas contesté et que les juges financiers n’ont pas établi si le compte était irrégulier par défaut ou qu’il a payé à tort certaines dépenses ;
Sur le pourvoi du Procureur général de la Cour des comptes
Attendu que le Procureur général de la Cour des comptes a invoqué trois moyens :
e le premier moyen est pris d’un défaut de base légale, en ce que l’arrêt attaqué relève « que l’absence de comptable de rattachement prédispose le comptable à rendre ses comptes à la Cour dans le silence même des dispositions de la loi d’orientation n° 2009-20 du 4 mai 2009 sur les agences d’exécution » alors que selon le moyen, la Cour ne pouvait déclarer recevable le compte de la gestion 2011 de l’ANRSA produit par le comptable Aa Z, car à la date de création de l’Agence, le décret n° 2011-1880 précité qui consacre la qualité de comptable principal des comptables des Agences n’était pas applicable et que, par conséquent, la Cour ne peut vérifier et juger les comptes de gestion de l'ANRSA qu’ à partir de l’exercice comptable de 2012 ;
e le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 40 de la loi organique sur la Cour des comptes, en ce que, la Cour s’est bornée à contrôler uniquement la reprise des soldes d’une année à une autre sans fixer la ligne de compte pour chaque exercice en violation de la disposition précitée qui énonce que « les arrêts de la Cour n’apportent pas de changement au résultat général du compte en jugement. Toutefois en cas d’inexactitude dans le report du reliquat fixé par un arrêt précédent, le comptable est tenu de passer les écritures de régularisation au compte de la gestion en cours » ;
+ le troisième moyen est tiré de la violation des articles 64 alinéa 1 de la loi organique sur la Cour des comptes et 24 alinéa 1 du décret d’application de ladite loi en ce que, l’arrêt attaqué a mis le comptable de l’'ANRSA en débet pour les exercices 2012 et 2013, au motif qu’il a procédé à des paiements par remise d’espèces à des personnes sans justification préalable de procurations dûment délivrées par les bénéficiaires des règlements, procédant ainsi à des paiements sans acquits libératoires alors que, selon le moyen, la décision n’a pas été précédée, dans l’arrêt provisoire, d’une injonction de reversement, violant ainsi le caractère contradictoire de la procédure consacré par l’article 64 précité et précisé à l’article 24 du décret d’application qui dispose que « les arrêts de la Cour sont successivement provisoires et définitifs » ;
Sur le premier moyen du Procureur général
Attendu que la Cour des comptes a relevé dans son arrêt que «l’absence de comptable de rattachement prédispose le comptable Amar AW à rendre ses comptes à la Cour dans le silence même des dispositions de la loi d'orientation n° 2009-20 du
Chambres réunies 201

COUR SUPRÊME
4 mai 2009 sur les agences d’exécution » puis a retenu « que ce dernier, non seulement au même titre que les comptables principaux a prêté serment et produit ses comptes, mais également n’a émis aucune réserve sur la juridiction de la Cour sur ses Comptes » ;
Qu'en statuant ainsi, la Cour des comptes a légalement justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du Procureur général :
Attendu que la Cour des comptes qui a relevé que « les soldes de clôture de l’exercice précédent doivent être exactement repris en balance d’entrée à l’exercice suivant, que cette reprise doit être perpétuée jusqu’au dernier exercice soumis au jugement » et a retenu que « sur les exercices soumis à son examen, ces soldes ont été correctement repris » a fait une exacte application de la loi ;
Qu'il s’ensuit le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen du Procureur général :
Attendu que l'arrêt provisoire avait imparti un délai à AW pour lui permettre d’avoir connaissance de tous les éléments du dossier, notamment des manquements qui lui étaient reprochés et de répondre par tous moyens à sa disposition ;
Que la Cour des comptes, qui a relevé qu’Amar AW s’est contenté de prendre acte des énonciations de l’arrêt provisoire relativement auxdits manquements sans les contester, n’a pas méconnu le caractère contradictoire lors du contrôle des comptes qu’il a produits ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur la troisième branche du moyen unique soulevée par Aw tirée de la violation de l’article 37, al 2 de la loi organique n° 2012-23 du 27 décembre 2012 susvisée,
Vu ledit article, ensemble l’article 80 de la Directive n° 05/97/CM/UEMOA relative aux lois de finances du 16 décembre 1997 et l’article 37 du décret n° 2011-1880 du 24 novembre 2011 portant Règlement général sur la comptabilité publique
Attendu que l’article 37 al 2 de la loi organique susvisée prévoit que si le compte est irrégulier par défaut, c’est-à-dire si les écritures du comptable ne font pas état de tous les deniers qu’il a reçus ou aurait dû recevoir, ou s’il a payé à tort certaines dépenses, l'arrêt le déclare en débet ;
Attendu qu’il ressort par ailleurs des dispositions combinées des articles 80 de la Directive n° 05/97/CM/UEMOA du 16 décembre 1997 relative aux lois de finances et 37 du décret n° 2011-1880 du 24 novembre 2011 portant Règlement général sur la comptabilité publique que la responsabilité pécuniaire du comptable public peut être engagée lorsque, notamment, une dépense a été payée irrégulièrement, en manquement
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Arrêts de la Cour suprême — 2009-2020 -
COUR SUPRÊME
aux obligations de contrôle qui lui incombaient, ou si de par sa faute, l’organisme public a procédé à l’indemnisation d’un autre organisme public ou d’un tiers ;
Attendu que pour décider de la mise en débet, l’arrêt se borne à retenir le fait pour AW de n’avoir pas exigé une procuration spéciale avant d’effectuer la remise des chèques en règlement des dépenses ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu’aucun de ses motifs ne permet de caractériser l’existence d’un préjudice financier pour la personne publique ou d’établir avec certitude, d’une part, que les chèques n’ont pas été encaissés par les bénéficiaires, et, d'autre part, que l’ANRSA a dû effectuer un nouveau paiement libératoire ou qu’elle a été sommée d’y procéder par l’un quelconque des bénéficiaires des chèques, la Cour a méconnu le sens et la portée des dispositions précitées ;
Qu'il s’ensuit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres branches du moyen d’Amar AW ;
Statuant toutes chambres réunies :
Casse et annule l'arrêt définitif n° 01 du 23 mai 2018 de la Cour des comptes en ses seules dispositions mettant Amar AW, ancien agent comptable de l’'ANRSA, en débet pour les exercices 2012 et 2013, pour les montants respectifs de (cent quatre-vingt- quatorze millions cinq cent quarante mille neuf cent seize (194 540 916) F CFA et cent vingt-quatre millions sept cent vingt mille cinquante-deux (124 720 052) F CFA ;
Renvoie la cause et les parties devant les chambres réunies de la Cour des comptes ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour suprême, en son audience publique solennelle tenue les jour, mois et an ci-dessus et à laquelle ont siégé Madame et Messieurs :
PREMIER PRÉSIDENT — PRÉSIDENT : AG Y B ; PRÉSI- DENTS DE CHAMBRE : JEAN LOUIS PAUL TOUPANE, EL HADJI MALICK SOW, ABDOULAYE NDIAYE ; CONSEILLERS : AH AI C, AJ X, OUMAR GAYE; PARQUET GÉNÉRAL: YOUSSOUPHA DIAW MBODII ; ADMINISTRATEUR DES GREFFES : MAÎTRE MOUSSA NIANG.
Chambres réunies 203


Synthèse
Numéro d'arrêt : 04
Date de la décision : 07/04/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.supreme;arret;2020-04-07;04 ?
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