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23/01/2020 | SéNéGAL | N°01

Sénégal | Sénégal, Cour suprême, 23 janvier 2020, 01


Texte (pseudonymisé)
Arrêts
ARRÊT N° 01 DU 23 JANVIER 2020
- LA SOCIÉTÉ SÉNÉGALAISE DES EAUX DITE SDE
- L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES MARCHÉS PUBLICS DITE ARMP
- ÉTAT DU SÉNÉGAL
MARCHÉS PUBLICS PROCÉDURE — ANNULATION — CAUSE — IRRÉGULA- RITÉ SUBSTANTIELLE — NON-SINCERITÉ DE LA PROCÉDURE — EFFETS — ABSENCE — OPÉRATION MATÉRIELLE — OUVERTURE DES PLIS
En matière de contentieux des marchés publics, seules les irrégularités substantielles de nature à exercer une influence sur la sincérité de la procédure suivie ou sur l'égalité de trai

tement des candidats, sont sanctionnées par le juge administratif.
Ainsi, le grief tiré de ce que dans la période ...

Arrêts
ARRÊT N° 01 DU 23 JANVIER 2020
- LA SOCIÉTÉ SÉNÉGALAISE DES EAUX DITE SDE
- L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES MARCHÉS PUBLICS DITE ARMP
- ÉTAT DU SÉNÉGAL
MARCHÉS PUBLICS PROCÉDURE — ANNULATION — CAUSE — IRRÉGULA- RITÉ SUBSTANTIELLE — NON-SINCERITÉ DE LA PROCÉDURE — EFFETS — ABSENCE — OPÉRATION MATÉRIELLE — OUVERTURE DES PLIS
En matière de contentieux des marchés publics, seules les irrégularités substantielles de nature à exercer une influence sur la sincérité de la procédure suivie ou sur l'égalité de traitement des candidats, sont sanctionnées par le juge administratif.
Ainsi, le grief tiré de ce que dans la période précédant le renouvellement de leur mandat, expiré en cours de procédure, les membres de la commission des marchés ont ouvert les plis, ne saurait donner lieu à annulation, dès lors qu’il est établi que ces derniers n’ont procédé qu’à une opération matérielle d'ouverture des offres techniques en présence de tous les candidats concernés.
La Cour suprême,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant que sur la contestation formée par la Société sénégalaise des Eaux dite SDE, à l’issue de l'attribution provisoire à Suez Groupe du contrat d’affermage relatif à la gestion du service public de production et de distribution d’eau potable, le Comité de Règlement des Différends (CRD) de l’Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP), par décision n° 093/19/ARMP/CRD/DEF du 29 mai 2019, a rejeté le recours de la SDE ;
Considérant que la SDE qui estime que lesdites décisions lui font grief a formé le présent recours en développant des moyens tirés de vices de procédure, d’une incompé- tence, d’un défaut de réponse à conclusions, d’une erreur de qualification juridique et d’une contrariété des motifs ;

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Sur les exceptions soulevées par l’ARMP :
Considérant que l’ARMP soulève l’irrecevabilité du recours au motif que la requête soumise à la Cour suprême n’est pas conforme aux prescriptions de l’article 33 de la loi organique, en ce qu’elle ne « comprend ni l’adresse ni le nom de l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) dont la décision est attaquée » ;
Qu'elle estime, par ailleurs, que l’irrecevabilité est encourue en raison de la confusion des moyens et des cas d’ouverture présentés indistinctement contre la décision du CRD de l’ARMP et contre la décision du ministre de l’Eau et de l’Assainissement, en violation de l’article 34 de la loi organique qui dispose qu’« à peine d’irrecevabilité, un moyen de cassation ou un élément de moyen de cassation ne doit mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture… » ;
Que la SDE conclut au rejet des exceptions soulevées par l'ARMP, au motif que selon les prescriptions de l’article 129 du code de procédure civile, « toutes les exceptions, demandes en nullité, fins de non-recevoir purement formelles résultant de l’expiration des délais de procédure et tous les déclinatoires sauf l’exception d’incompétence ra- tione materiae et l’exception de communication de pièces, sont déclarés non recevables s’ils sont présentés après qu’il a été conclu au fond » ;
Qu'elle précise que, contrairement aux allégations de l’ARMP, le recours en annulation, déposé au greffe de la Cour dans « un document unique », contient à la page 38 des indications claires et précises sur les adresses et domiciles élus de toutes les parties et que l’argument selon lequel « la pièce de la page 38 ne fait pas partie du recours au motif qu’elle vient après la signature des avocats » est inopérant, puisqu’un tel raison- nement conduirait à considérer à tort que toutes les pièces annexes produites à la suite sont irrecevables ;
Qu'elle fait également noter que l’'ARMP qui a reçu signification du recours en annula- tion par voie d’huissier connaît bien l’adresse de ses bureaux ainsi que son domicile élu, comme en attestent les mentions contenues dans le mémoire en réponse communiqué aux avocats, en leurs adresses respectives ;
Que sur la violation de l’article 34 de la loi organique, la SDE rétorque que l’argumentation tirée de la confusion des moyens et des cas d’ouverture procède d’une méprise entre la procédure de cassation devant la Cour et le recours pour excès de pouvoir et mentionne que la disposition invoquée n’a pas vocation à s’appliquer dans une affaire faisant l’objet d’un recours en annulation plutôt régi par les articles 74 et suivants de la loi organique ;
Considérant qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier que la SDE a indiqué les noms et adresses de toutes les parties à la page 38 de la requête aux fins d’annulation déposée au greffe central ;
Que l’ARMP qui a reçu signification de la requête et fait valoir ses moyens de défense dans les délais légaux, ne justifie pas d’un préjudice découlant du défaut d’indication des mentions prévues à l’article 33 de la loi organique ;
Considérant qu’en outre les prescriptions de l’article 34 de la loi organique relatives à la mise en œuvre des cas d’ouverture à cassation ne s’applique pas au recours pour excès de
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pouvoir dont la procédure est régie par les dispositions particulières des articles 74 et suivants de la loi organique susvisée ;
Qu'il s’ensuit que les exceptions sont mal fondées ;
Sur la déchéance et la mise hors de cause de l’État du Sénégal :
Considérant que l’État du Sénégal conclut à la déchéance et à sa mise hors de cause au motif que le recours formé contre la décision d'attribution provisoire du contrat d’affermage à Suez Groupe ne lui a pas été signifiée régulièrement et qu’il ne représente pas l’'ARMP en justice ;
Considérant qu’en vertu de l’article 37 de la loi organique, la requête accompagnée d’une copie de la décision administrative attaquée, doit à peine de déchéance, être signifiée à la partie adverse, dans le délai de deux mois à compter de l’introduction du recours ;
Qu'il résulte de l’examen des pièces du dossier que la requête accompagnée de la déci- sion d’attribution provisoire, notifiée par correspondance du 17 juin 2019, n’a pas été signifiée à l’État du Sénégal, partie adverse ;
Qu'en outre, l’article 25-10 du décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisa- tion et fonctionnement de l’'ARMP précise que celle-ci est représentée par son Directeur général dans les actes de la vie civile et en justice ;
Qu'il s’ensuit, que la déchéance est encourue et que l’État du Sénégal doit être mis hors de cause ;
Sur le premier moyen tiré du non-respect du principe du contradictoire en ce que, le CRD a manqué de lui communiquer les observations soulevées par l'autorité délégante et ne l’a jamais invitée à présenter ses éventuelles réponses ni par écrit ni oralement au cours d’une quelconque audience, en violation, d’une part, de l’article 12 alinéa 4 de la Directive n°5 de l’'UEMOA qui prescrit que «la procédure devant l'autorité de recours non juridictionnel doit respecter les principes du contradictoire et d’équité » et, d’autre part, de l’article 3 de la loi 24/2014 du 27 octobre 2014 portant organisation judiciaire énonçant qu’ « en toutes matières, nul ne peut être jugé sans être mis en demeure de présenter ses moyens de défense » et de l’article 9 de la Consti- tution qui dispose que « la défense est un droit absolu dans tous les états et à tous les degrés de la procédure » ;
Considérant que la procédure suivie devant le CRD obéit au principe du contradic- toire qui suppose que les parties soient en mesure de prendre connaissance et de discu- ter de toutes les pièces et arguments présentés dans le cadre de l'instruction de
Considérant que par lettre de transmission du 12 décembre 2018, la SDE demande- resse à l’instance devant le CRD, a reçu par l'intermédiaire de l’'ARMP un mémoire en réponse de l’autorité délégante et a pu présenter ses moyens et produire les pièces justi- ficatives à l’appui de ses prétentions ;
Que le CRD a mentionné au point 2 du dispositif de sa décision n° 27 du 13 février 2019 que, « prenant en compte l’impérieuse nécessité de respecter le principe du
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contradictoire, il a permis à la SDE de disposer du mémorandum du MHA et d’apporter sa version, en complément du recours contentieux » ;
Qu’au demeurant, la procédure devant le CRD est essentiellement écrite, l’audition des parties devant cette instance étant une simple faculté laissée à son appréciation ainsi qu’il résulte de l’article 12 de la Directive n° 05/2005 de l’'UEMOA qui énonce que « l’Autorité de recours non juridictionnel peut entendre les parties et rechercher avec elles une solution amiable au différend. » ;
Qu'il s’ensuit que le moyen doit être rejeté ;
Sur le deuxième moyen pris d’un vice de procédure du fait de la caducité de l’offre en ce que, l’autorité contractante après avoir demandé aux soumissionnaires une pre- mière prorogation de la durée de validité des offres pour quatre mois (4) soit jusqu’au 28 mars 2018, n’a pas à l’expiration de ce délai, sollicité une seconde prorogation dans les délais requis, en violation de l’article 59 de la Directive n° 4 de l'UEMOA, des articles 19 des Instructions aux candidats (IC) et 19.1 des Données particulières de l’Appel d’offres (DPAO) ;
Considérant qu’aux termes de l’article 59 de la Directive n° 4 de l'UEMOA, « la Commission d’évaluation des offres procède, de manière strictement confidentielle, et dans le délai compatible avec le délai de validité des offres, à une analyse technique et financière et à un classement des offres suivant les critères édictés dans le DPAO » ;
Qu'en l’espèce, la clause 19.1 des Instructions aux candidats (IC) prévoit que la période de validité de l’offre est de cent quatre-vingt jours à compter de la date de clôture du dépôt des offres ;
Qu'il résulte de l’examen des pièces du dossier que la durée de validité des offres a été une première fois prolongée de quatre mois avec l’accord des candidats ;
Qu’à l’expiration de cette période le 28 mars 2018, l'autorité délégante a saisi les can- didats, le 2 avril 2019, d’une seconde demande de prorogation ;
Que la société VEOLIA, autre soumissionnaire, qui n’a pas souhaité donner une suite favorable à cette demande, a, par lettre du 3 avril 2019, manifesté son désaccord à la prolongation de la durée de validité de son offre et demandé la rétrocession de sa garantie de soumission ;
Qu'en revanche, la SDE qui, au même titre que les autres candidats a reçu la demande de prolongation de validité n’a soulevé aucune contestation et a participé à toutes les étapes suivantes de la procédure d’évaluation ;
Qu'elle a ainsi, par cette attitude, manifesté une volonté sans équivoque de maintenir son offre ;
Qu'elle est, par conséquent, malvenue à invoquer le grief de caducité après l’attribution provisoire du marché ;
Sur le troisième moyen en ses deux branches, pris d’une incompétence en ce que, d’une part, les membres de la Commission des marchés du ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement, désignés par arrêté n° 01221 du 28 janvier 2018,
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ont procédé à l'ouverture des offres techniques le 5 janvier 2018, alors qu’ils n’étaient plus habilités à le faire en raison de l’expiration de leur mandat intervenue le 2 janvier 2018 et, d’autre part, le directeur de l’Administration générale et de l’Équipement (DAGE) du ministère de l’Eau et de l’Assainissement qui a signé tous les actes émanant de l’autorité délégante, n’était pas investi de ce pouvoir, la délégation de signature dont il bénéficie ne pouvant concerner l’ensemble des compétences de l'autorité délégante ;
Considérant qu’aux termes des articles 36.1 du code des marchés publics et 6 de l’arrêté n° 00864 du 22 janvier 2015 fixant le nombre et les conditions de désignation des membres des commissions des marchés, la liste des personnes choisies en qualité de membre de ladite commission est communiquée au plus tard le 5 janvier de chaque année à l’ARMP et à la Direction centrale des marchés publics (DCMP) ;
Qu'il est établi qu’à la date d’ouverture des plis, l’arrêté de désignation des membres de la Commission au titre de l’année 2018 n’était pas encore intervenu.
Considérant qu’en matière de contentieux des marchés publics, seules les irrégularités substantielles de nature à exercer une influence sur la sincérité de la procédure suivie ou l'égalité de traitement des candidats sont sanctionnées par le juge administratif ;
Que dans la période précédant le renouvellement, la Commission dont les membres, n’ont procédé, en présence de tous les candidats, qu’à une opération matérielle d’ouverture des offres techniques d’un marché, lancé au cours de l’exercice de leur mis- sion et qui requiert célérité eu égard aux délais légaux impartis et conformément aux prescriptions de l’article 67 du code des marchés publics, n’encourt pas le grief du moyen ;
Considérant que le grief tiré de l’incompétence du DAGE du ministère de l’Eau et de l’Assainissement qui du reste n’a pas été soumis au CRD, ne saurait entraîner la nullité de la décision attaquée pour autant qu’aux termes de l’article 27 du code des marchés publics la personne responsable du marché, en l’espèce le DAGE, qui a conduit la pro- cédure de passation, est habilitée à signer le marché, au nom de l'autorité contractante qu’est le ministre ;
Qu'il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen pris d’un défaut de réponse à des chefs de de- mandes en ce que, le CRD ne s’est pas prononcé sur ceux relatifs à l’incompétence de la Commission des marchés et à la durée des offres ;
Considérant que, contrairement aux affirmations de la requérante, le CRD a statué sur les chefs de demandes susvisés dans la décision attaquée ;
Qu'il s’ensuit que le moyen manque en fait ;
Sur le cinquième moyen en ses deux branches, tiré d’une erreur de qualifi- cation juridique sur la non-conformité substantielle de l’offre de la SDE en ce que,
- d’une part, l’autorité contractante a retenu une non-conformité substantielle liée au fait que les équipements de télé-relève ont été classés sous la rubrique des biens de reprise au lieu d’être référencés en biens de retour en raison de leur fonction essentielle au
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service affermé, alors que leur caractère essentiel à l’exploitation du service n’est pas établi et qu’au vu de l’article 7 du contrat d’affermage annexé au DAO, leur classement n’a été effectué sous aucune catégorie et qu’au surplus, en raison de la validation de l'offre technique lors de la première étape, aucune évaluation ne pouvait être opérée à nouveau sur ce point, et,
- d'autre part, l’autorité délégante a relevé une non-conformité substantielle en se réfé- rant à des manquements en rapport avec les projections sur le nombre de branche- ments sociaux et leurs incidences financières éventuellement induites à la charge de l’État ou de la SONES alors que, les hypothèses de branchements sociaux, déjà validées lors de la première étape, sont conformes aux données fournies dans le DAO et n’entraînent aucun engagement financier pour les entités publiques précitées ;
Considérant qu’il ressort des motifs de la décision attaquée que l'autorité délégante a relevé comme une non-conformité substantielle l’option prise par la SDE d’établir dans son offre une projection de « 408 000 branchements sociaux » financés par le conces- sionnaire alors que sur ce point, les indications de référence fournies par le DAO portent sur un total de « 85 000 branchements » ;
Que l'autorité contractante a estimé que la majoration notée dans les prévisions de branchements est susceptible d’accroître les engagements financiers de l’État ;
Que la SDE a expliqué que le nombre de « 408 000 » retenu dans ses hypothèses de branchements sociaux a été fixé par référence aux données fournies sur le Plan direc- teur d’Alimentation en Eau de Dakar et de la Petite-Côte, publié sur une base de don- nées, logée sur le site dédié au projet de sélection de l’opérateur et faisant partie inté- grante du DAO ;
Qu'elle a fait observer que le nombre de branchements ayant fait partie de l’offre tech- nique de première étape, jugée conforme en vertu de l’article 29.2 des IC, ne pouvait plus être déclarée substantiellement non-conforme lors de la deuxième étape ;
Considérant que le CRD qui, approuvant sur ce point l’appréciation de l'autorité délégante a relevé que « la quantité de 408 000 branchements sociaux n’est indiquée dans aucun document de l’appel d’offres qui reste la référence » a pu en déduire « qu’en décidant de faire son offre sur la base de projections non prévues dans les documents de l’appel d’offres, la SDE encourt le risque de non-conformité de l’offre, pour diver- gence majeure conformément à la clause IC 29.2 qui renseigne qu’une offre conforme pour l'essentiel est une offre conforme à toutes les stipulations, spécifications et condi- tions du dossier d’appel d’offres, sans divergence, réserve ou omission substantielle » ;
Considérant que sur le classement des équipements de télé-relève, la SDE a soutenu que si le compteur constitue incontestablement un bien de retour en raison de son caractère essentiel à l’exploitation, il en est autrement s’agissant, d’une part, du dispositif d’émission représentant son complément amovible dont l’enlèvement à tout moment ne pourrait empêcher la lecture manuelle du compteur et, d’autre part, de l’abonnement auprès d’un opérateur de téléphonie qui sert à la collecte et à la transmission des don- nées ;
Qu’au sens de l’article 7.1 du contrat d’affermage annexé au DAO, les biens de retour sont les biens essentiels au service affermé qui reviennent obligatoirement à l'autorité délégante à l’expiration du contrat ;
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Qu'en application de l’article 7.2.7 de la convention précitée, les biens de retour incluent entre autres, les compteurs, les fichiers et les bases de données techniques existant à la date d’entrée en vigueur et ceux constitués par le fermier à l’effet exclusif de l’exploitation technique, commerciale et comptable du service affermé ;
Qu'’aux termes de la clause IC 29.2 du DAO de la deuxième étape, les divergences ou omissions substantielles sont notamment celles qui, si elles étaient acceptées, limite- raient d’une manière substantielle la qualité des prestations spécifiées dans le contrat ;
Qu'en tenant compte des améliorations évidentes de performance qu’entraîne la mise en application d’un système automatisé de collecte et de transmission de données à partir des compteurs, considérés comme des biens de retour, le retrait éventuel des accessoires de télé-relève avec lesquels ils font corps, ne saurait être envisagé sans con- séquence sur les conditions d’exploitation technique, commerciale et comptable du service affermé ;
Que par conséquent, en décidant que le grief du classement inadéquat des biens de télé-relève retenu par l'autorité délégante est fondé, le CRD n’a pas commis une erreur de qualification ;
Considérant qu’en outre, dans le cadre d’un appel d’offres international avec pré- qualification en deux étapes, la déclaration de conformité à la première étape ne fait pas obstacle, lors de la seconde phase, à l’analyse des propositions techniques défini- tives assorties de prix sur la base du dossier d’appel à la concurrence établi ou révisé en fonction des informations recueillies au cours de la première étape ;
Qu'en l’espèce, les clauses 36.1 à 37.1 des IC indiquent les modalités par lesquelles l'autorité contractante procède à l’examen préliminaire et à l’évaluation des offres de la deuxième étape ;
Qu'il s’ensuit que le moyen est mal fondé ;
Sur le sixième moyen pris d’une erreur de qualification juridique relative à la recevabilité de l’offre du fait d’un conflit d’intérêts manifeste en viola- tion des articles 6 de la Directive 05 de l’'UEMOA, 9 du contrat de perfor- mance et 56.2 du contrat d’affermage en ce qu’un groupement composé de l’entreprise CDE et de Ac Ae, filiale du Groupe Suez, est attributaire d’un marché relatif à la conception et à la réalisation d’une usine de pompage et de traite- ment d’eau potable à Keur Aa Ab sous l'intitulé KMS 3, alors que, le Groupe Suez attributaire provisoire du contrat de gestion par affermage du service public de produc- tion et de distribution d’eau potable en milieu urbain et périurbain au Sénégal, sera en vertu de ses obligations contractuelles en charge du contrôle, du suivi et de la réception d’un ouvrage du périmètre affermé construit par sa filiale ;
Considérant que l’article 6 de la Directive n° 05/2005/CM/UEMOA prévoit que les États membres s’engagent à prendre des mesures visant à adopter et à faire respecter les codes d’éthique prohibant tout conflit d’intérêts dans les procédures de passation de marché ;
Qu'il est admis comme constitutive de conflits d’intérêts toute situation dans laquelle une personne qui participe au déroulement de la procédure de passation d’un marché public ou est susceptible d’en influencer l'issue a, directement ou indirectement, un
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intérêt financier, économique ou tout autre intérêt personnel qui pourrait compro- mettre son impartialité ou son indépendance dans le cadre de la procédure de passation du marché ;
Que dans le cadre du marché d’affermage provisoirement attribué à Suez Groupe, des dis- positions visant à prévenir tout conflit d’intérêts ont été prises à l’article 4.5 des instruc- tions aux candidats selon lesquelles un candidat est considéré comme étant en situation de conflit d’intérêts dans les cas suivants :
a) S’il est associé ou a été associé dans le passé à une entreprise qui a fourni des services de consultant pour la conception, la préparation des prescriptions techniques et autres documents utilisés dans le cadre des conventions passées au titre de l’appel d’offres ;
b) S’il est affilié à une firme ou entité que l'autorité contractante a recrutée ou envisage de recruter pour participer au contrôle des prestations de services dans le cadre du con-
Considérant que la prise en compte des situations de conflit d'intérêts définies dans la clause précitée vise à éviter qu’un soumissionnaire soit avantagé par la mise à dispo- sition de documents ou d’informations obtenus auprès d’une entité impliquée dans la préparation du marché ou qu’il soit appelé dans la phase d’exécution du contrat à se soumettre au contrôle de celle-ci ;
Qu'’en l’espèce, la SDE qui invoque l’existence d’un conflit d’intérêts manifeste, n’établit pas que Suez International a contribué directement ou indirectement à la pré- paration du dossier d’appel d’offres ou qu’il a disposé à quelque titre que ce soit d'informations confidentielles, qui ont pu servir à favoriser sa filiale Suez Groupe dans le cadre de la procédure d’attribution du contrat d’affermage ;
Qu'en outre, elle n’excipe d'aucun acte établissant que Suez International a été retenu ou pressenti par l’autorité contractante pour participer au contrôle des prestations à effectuer en exécution du contrat d’affermage ;
Qu'ainsi ayant relevé « que la SDE n’a pas démontré l’existence d’une information que détiendrait Suez groupe dans le cadre de la procédure relative à l’affermage, du fait de l'implication de Suez International dans KMS3, susceptible de lui procurer un avantage sur ses concurrents à l’appel d’offres » puis constaté que « les stipulations de l’article 9 du projet de performance opposable au fermier qui serait retenu, ont vocation à s'appliquer aux ouvrages à réaliser dans le cadre du futur contrat d’affermage, à partir de son entrée en vigueur et non aux ouvrages entamés ou déjà exécutés, qui seront dans le patrimoine du concessionnaire » pour en déduire l’absence de tout conflit d’intérêt, le CRD n’a pas commis une erreur de qualification juridique ;
Sur le septième moyen pris d’une contrariété de motifs en ce que le CRD dans sa décision du 13 février 2019 avait confirmé que le caractère substantiel de la non-conformité n’est pas avéré puisqu’il doit résulter d’une disposition expressément prévue par le DAO alors qu’en page 12 de la décision attaquée, il affirme le contraire en soutenant « qu’en ce qui concerne le classement de biens de retour en biens de reprise, le caractère substantiel de la non-conformité, déjà relevée par le CRD » ;
Considérant que la contrariété de décisions renvoie au caractère inconciliable de deux décisions intervenues sur le même objet entre les mêmes parties et s'appuyant sur les mêmes moyens ;
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Que le grief de contrariété allégué est mal fondé en ce qu’il tente d'introduire une con- fusion dans le sens des motifs retenus dans les deux décisions visées ;
Qu'en effet, le CRD a indiqué dans sa décision qu’« après avoir constaté que les non- conformités alléguées par l’autorité contractante existent dans les offres », il avait néanmoins relevé que « l’appréciation de leur caractère substantiel était basée sur des critères non prévus dans le DAO », ce qui contredit la critique du moyen puisqu’il est indiqué à travers ce motif qu’il avait déjà relevé l’existence d’une non-conformité dans l'offre présentée par la SDE ;
Qu'il s’ensuit que le moyen manque en fait ;
Par ces motifs ;
Rejette les exceptions soulevées ;
Déclare la SDE déchue de son recours contre la décision d’attribution provisoire du contrat d’affermage à SUEZ GROUPE, notifiée par la correspondance n° 00519/MEA/DAGE/CM du 17 juin 2019 ;
Met hors de cause l’État du Sénégal ;
Rejette le recours formé par la SDE contre la décision n° 093/19/ARMP/CRD/DEF rendue le 29 mai 2019 par le Comité de règlement des différends (CRD) de l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) dans l'affaire relative à la procédure d’appel d’offres lancée par le ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement pour la sélection d’un opérateur chargé de la gestion du service public de production et de distribution d’eau potable en zone urbaine et péri-urbaine.
Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre administrative de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents Mesdames et Messieurs :
PRÉSIDENT : ABDOULAYE NDIAYE ; CONSEILLERS : B X, OUMAR GAYE, C A Ad, IDRISSA SOW; AVOCAT GÉNÉRAL : MARÈME DIOP GUÉYE ; AVOCATS : MAÎTRE COUMBA SÈYE NDIAYE, SCPA WANE & FALL, MAÎTRE ALIOUNE CISSÉ ; OUMY SOW LOUM, AGENT JUDI- CIAIRE DE L’ÉTAT ; GREFFIER : CHEIKH DIOP.
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Synthèse
Numéro d'arrêt : 01
Date de la décision : 23/01/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.supreme;arret;2020-01-23;01 ?
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