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13/06/2019 | SéNéGAL | N°20

Sénégal | Sénégal, Cour suprême, 13 juin 2019, 20


Texte (pseudonymisé)
ARRÊT N°20 DU 13 JUIN 2019



MASSOKHNA KANE ET HUIT (8) AUTRES

c/

ÉTAT DU SÉNÉGAL





RECOURS – EXCèS DE POUVOIR – PROCéDURE – RECOURS PRéALABLE – EFFETS – DéTERMINATION



Le recours administratif préalable, ne constituant pas un recours parallèle faisant obstacle à la recevabilité du recours pour excès de pouvoir peut, dès lors, s’exercer simultanément avec un recours contentieux.



RECOURS – EXCèS DE POUVOIR – CONTRAT ADMINISTRATIF – ACTE D’APPROBATION – RECOURS DES TIERS – CONDIT

IONS ET LIMITES



Sans préjudice du recours dont ils disposent pour contester la validité d’un contrat administratif, les tiers qui se prévalent d’intérê...

ARRÊT N°20 DU 13 JUIN 2019

MASSOKHNA KANE ET HUIT (8) AUTRES

c/

ÉTAT DU SÉNÉGAL

RECOURS – EXCèS DE POUVOIR – PROCéDURE – RECOURS PRéALABLE – EFFETS – DéTERMINATION

Le recours administratif préalable, ne constituant pas un recours parallèle faisant obstacle à la recevabilité du recours pour excès de pouvoir peut, dès lors, s’exercer simultanément avec un recours contentieux.

RECOURS – EXCèS DE POUVOIR – CONTRAT ADMINISTRATIF – ACTE D’APPROBATION – RECOURS DES TIERS – CONDITIONS ET LIMITES

Sans préjudice du recours dont ils disposent pour contester la validité d’un contrat administratif, les tiers qui se prévalent d’intérêts auxquels l’exécution du contrat est susceptible de porter une atteinte directe, sont recevables à contester devant le juge de l’excès de pouvoir la légalité de l’acte administratif portant approbation dudit contrat, sans pouvoir soulever dans le cadre d’un tel recours que les vices propres à l’acte d’approbation et non ceux relatifs au contrat lui-même.

La Cour suprême,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Considérant que par décret n° 2016-1081 du 3 août 2016, l’État du Sénégal a approuvé la convention de concession et le cahier des charges de la Société nationale des télécommunications (Sonatel), renouvelant ainsi la convention du 15 juillet 1997 par laquelle il octroyait à ladite société une concession de ses droits relatifs à l’établisse-ment et à l’exploitation de réseaux et à la fourniture de services de télécommunications d’une durée de 20 ans qui arrivait à expiration le 8 août 2017 ;

Que Massokhna Kane, Abdel Kader Djilali Lô, Serigne Modou Bousso Dieng Thiané, Ousmane Lô, Ab Ah, Ae Ag, Ac Ad, Ciré Aa Af et SOS Consommateurs ont introduit un recours en annulation contre ledit décret en articulant trois moyens tirés de la violation, le premier des articles 4 et 23, le deuxième de l’article 23 et le troisième de l’article 24 de la loi n° 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications ;

Considérant que l’État soulève l’irrecevabilité du recours aux motifs que les requérants, ayant demandé par un recours gracieux le retrait du décret attaqué, ne peuvent pas introduire un recours en annulation avant l’expiration des délais prévus à l’article 73-1 de la loi organique n° 2008-35 sur la Cour suprême, et ne justifient pas d’un intérêt personnel et légitime à agir, en dehors de leur qualité d’usagers ;

Considérant que, d’une part, le recours administratif, ne constituant pas un recours parallèle faisant obstacle à la recevabilité du recours pour excès de pouvoir, peut dès lors, s’exercer simultanément avec un recours contentieux ;

Considérant que, d’autre part, le recours pour excès de pouvoir n’est ouvert qu’à ceux qui peuvent justifier que l’annulation qu’ils demandent, présente pour eux un intérêt personnel, la notion d’intérêt s’entendant comme le droit de ne pas souffrir personnellement de l’illégalité d’un acte administratif ;

Que les requérants qui ont établi leur qualité d’usager des services de télécommunications par la production de leur numéro de téléphone, ont, par ce seul fait, justifié leur intérêt à agir ;

Que, dès lors, l’irrecevabilité n’est pas encourue ;

Considérant que l’État du Sénégal conclut au rejet du recours ;

Sur le premier moyen tiré de la violation des articles 4 et 23 de la loi n° 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications en ce que le décret attaqué a approuvé la convention de renouvellement pour une durée de dix-sept (17) ans en violation flagrante de la convention du 15 juillet 1997 qui prévoit une durée de cinq (5) ans ;

Sur le deuxième moyen tiré de la violation de l’article 23 du code des télécommunications en ce que, la procédure prévue par la convention de concession du 15 juillet 1997 n’a pas été respectée, empêchant ainsi les usagers et les tiers d’user de leur droit d’objection pour s’opposer aux conditions du renouvellement ;

Les deux moyens étant réunis ;

Considérant que, selon les dispositions de son article 4, la loi n° 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications vise notamment à instaurer de façon progressive un marché ouvert et concurrentiel des réseaux et services de télécommunications dans le respect des intérêts des utilisateurs en termes de choix, de prix, de qualité et de rentabilité ;

Que l’article 23 du même texte ajoute que « l’établissement et l’exploitation de réseaux ou services de télécommunications ouverts au public faisant appel à des ressources rares ou empruntant le domaine public sont subordonnés à l’obtention d’une licence délivrée par décret portant approbation d’une convention de concession et d’un cahier de charges » ;

Considérant que, d’une part, les requérants ne caractérisent et ne spécifient la violation par le décret attaqué des objectifs fixés par l’article 4 du texte susvisé ;

Que dès lors, ce grief vague et imprécis ne saurait être accueilli ;

Considérant que, d’autre part, il ressort des dispositions de l’article 23 que tout opérateur exploitant un réseau de télécommunications ou fournissant un service dans ce domaine doit bénéficier d’une licence accordée par décret portant approbation d’une convention de concession et d’un cahier des charges ;

Que l’alinéa 2 du même texte précise le contenu de la convention de concession, laquelle fixe l’objet et la durée de la licence, les conditions et les procédures de son renouvellement, de la modification de ses termes et de sa fin ainsi que les dispositions relatives au règlement des litiges ;

Considérant que la Sonatel et l’État ont fixé l’objet et la durée de la licence conformément aux procédures de modification des termes de la convention ;

Que l’irrégularité éventuelle pouvant affecter au préalable la procédure de sélection des candidats n’a aucune incidence sur la validité du décret d’approbation ;

Qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le troisième moyen tiré de la violation de l’article 24 de la même loi en ce que le décret attaqué a approuvé la convention de concession, alors que l’Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP) n’a pas respecté la procédure de sélection des candidats et ce, malgré le refus de l’Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP) de l’autoriser à procéder par entente directe à l’attribution de la licence 4G ;

Considérant que l’article 24 visé au moyen décrit les différentes étapes de la sélection des candidats souhaitant exploiter un réseau de télécommunications en précisant notamment que la procédure de sélection est assurée par l’Autorité de Régulation et que la licence est accordée aux personnes morales sur la base d’un appel public à candidatures et son attribution est subordonnée au paiement d’une contrepartie financière ;

Considérant que si l’ARTP n’a pu conduire le processus jusqu’à son terme, en raison des contraintes qui lui sont propres, les contestations relatives à ces opérations préalables et à la signature du protocole entre l’État et la Sonatel relèvent de la compétence du juge du contrat ;

Considérant que, sans préjudice du recours de plein contentieux dont disposent les tiers à un contrat administratif pour en contester la validité, les tiers qui se prévalent d’intérêts auxquels l’exécution du contrat est susceptible de porter une atteinte directe et certaine sont recevables à contester, devant le juge de l’excès de pouvoir, la légalité de l’acte administratif portant approbation du contrat ;

Que cependant, ils ne peuvent soulever dans le cadre d’un tel recours que les moyens tirés de vices propres à l’acte d’approbation et non ceux relatifs au contrat lui-même ;

Qu’en l’espèce, le grief articulé par les requérants se rapporte au contrat et non au décret d’approbation de la convention de concession de la Sonatel, il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé ;

Par ces motifs :

Rejette le recours formé par Massokhna Kane, Abdel Kader Djilali Lô, Serigne Modou Bousso Dieng Thiané, Ousmane Lô, Ab Ah, Ae Ag, Ac Ad, Ciré Aa Af et SOS Consommateurs contre le décret n° 2016-1081 du 3 août 2016 portant approbation de la Convention de concession et du Cahier des charges de la SONATEL ;

Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre administrative de la Cour suprême, en son audience publique de vacation, tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents Madame et Messieurs :

PRÉSIDENT : X A, B C, OUMAR GAYE, ADAMA NDIAYE ; CONSEILLERS : IDRISSA SOW ; AVOCAT GÉNÉRAL : MARèME DIOP GUéYE ; AVOCATS : MAÎTRE MASSOKHNA KANE, AGENT JUDICIAIRE DE L’ÉTAT ; GREFFIER : CHEIKH DIOP.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20
Date de la décision : 13/06/2019

Analyses

RECOURS – EXCèS DE POUVOIR – PROCéDURE – RECOURS PRéALABLE – EFFETS – DéTERMINATION


Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.supreme;arret;2019-06-13;20 ?
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