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28/03/2019 | SéNéGAL | N°11

Sénégal | Sénégal, Cour suprême, 28 mars 2019, 11


Texte (pseudonymisé)
ARRÊT N°11 DU 28 MARS 2019



- LA COMPAGNIE GÉNÉRALE D’EXPLOITATION DE CARRIèRES,

DITE COGECA

c/

ÉTAT DU SÉNÉGAL





DéLéGUé DU PERSONNEL – LICENCIEMENT – PROCéDURE – MINISTRE CHARGé DU TRAVAIL – FAUTE LOURDE – APPRéCIATION – CRITèRES – DéTERMINATION – CAS



Il appartient au ministre chargé du Travail de rechercher, sous le contrôle du juge administratif, si le licenciement d’un délégué du personnel est justifié par une faute suffisamment grave en tenant compte des règles applicables Ã

  son contrat et des exigences propres à l’exécution normale du mandat dont il est investi.





La Cour suprême,



Vu la loi organique n° 2017-09 du ...

ARRÊT N°11 DU 28 MARS 2019

- LA COMPAGNIE GÉNÉRALE D’EXPLOITATION DE CARRIèRES,

DITE COGECA

c/

ÉTAT DU SÉNÉGAL

DéLéGUé DU PERSONNEL – LICENCIEMENT – PROCéDURE – MINISTRE CHARGé DU TRAVAIL – FAUTE LOURDE – APPRéCIATION – CRITèRES – DéTERMINATION – CAS

Il appartient au ministre chargé du Travail de rechercher, sous le contrôle du juge administratif, si le licenciement d’un délégué du personnel est justifié par une faute suffisamment grave en tenant compte des règles applicables à son contrat et des exigences propres à l’exécution normale du mandat dont il est investi.

La Cour suprême,

Vu la loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême ;

Vu le code du travail ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que le 12 février 2018, les travailleurs de la Compagnie générale d’exploitation de carrières dite « COGECA » ont cessé le travail pour exiger une rencontre avec la direction après avoir constaté une baisse de la rémunération des heures supplémentaires ;

Qu’après avoir fait évacuer les lieux par la gendarmerie, la direction de la COGECA a saisi l’inspecteur régional du travail qui, par décision du 2 mars 2018, a autorisé le licenciement des délégués du personnel Ad Ar, Ai Aa, Ah Aq, Ac Ab, Al Af, Ap Ag Ak, An Aj et Ap Am X, pour grève illicite et occupation illégale des lieux de travail ;

Que, par décision n° 1150 du 26 juin 2018, le ministre du Travail a infirmé cette décision ;

Que la COGECA sollicite l’annulation de la décision du ministre en soulevant quatre moyens tirés de la dénaturation des faits, d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une violation de la loi et d’un défaut de base légale ;

Considérant que l’État du Sénégal conclut au rejet du recours comme mal fondé ;

Sur le premier moyen tiré de la dénaturation des faits, en ce que le ministre du Travail a infirmé la décision de l’inspecteur du travail autorisant le licenciement des délégués du personnel au motif que l’employeur s’est limité à affirmer que les mis en cause sont les instigateurs de la grève illicite et qu’il n’a formulé aucun grief contre chaque délégué alors que ce qui a motivé sa décision de sanctionner, c’est moins le rôle d’instigateur que la participation de chaque travailleur concerné à cette grève illicite ;

Sur le deuxième moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation en ce que pour asseoir sa décision d’infirmation, le ministre du Travail énonce que l’employeur s’est basé sur des faits, en réalité, d’ordre collectif, pour sanctionner individuellement des délégués du personnel, alors que les mis en cause ont été l’objet de licenciement pour avoir participé à une grève illicite, illégale et occupé illégalement les lieux de travail, commettant ainsi une entrave à la liberté de travail ;

Sur le troisième moyen tiré de la violation de la loi en ce que le ministre du Travail a considéré que les fautes invoquées par l’employeur sont d’ordre collectif alors que la grève observée par les travailleurs a été faite en violation des articles L 272 et L 273 du code du travail ; qui plus est, il a été démontré que chacun des mis en cause a pris part à cette grève ;

Sur le quatrième moyen tiré d’un défaut de base légale en ce que la décision du ministre du Travail a infirmé la décision de l’inspecteur au motif que les faits pour lesquels l’employeur a sanctionné les travailleurs sont d’ordre collectif, alors que la loi n’interdit pas que le travailleur ayant participé collectivement avec d’autres à des faits constitutifs de faute dans l’exécution de son contrat de travail soit sanctionné par un licenciement ;

Les moyens étant réunis ;

Considérant qu’il appartient au ministre du Travail saisi d’un recours des travailleurs de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si les faits qui leur sont reprochés sont d’une gravité suffisante pour justifier leur licenciement compte tenu des règles applicables à leur contrat de travail et des exigences propres à l’exécution normale du mandat dont ils sont investis ;

Considérant que le ministre qui, exerçant ce contrôle, a relevé que l’employeur n’a pas formulé de griefs sérieux contre chaque délégué du personnel pris nommément mais s’est limité à affirmer que les mis en cause sont les instigateurs de la grève illicite alors qu’aucun élément matériel ne permet objectivement d’arriver à cette conclusion, a, hors toute dénaturation, fait l’exacte appréciation des faits ;

Considérant, par ailleurs, que le ministre qui, se fondant sur les dispositions de l’article L 214, a énoncé d’une part, que les travailleurs ont cessé momentanément le travail la journée du 12 février 2018 pour exiger une rencontre avec la direction après avoir constaté une baisse dans la rémunération des heures supplémentaires et, d’autre part, que l’employeur s’est basé sur des faits en réalité d’ordre collectif pour sanctionner individuellement les délégués, a, légalement justifié sa décision ;

Qu’il s’ensuit que les moyens sont mal fondés ;

Par ces motifs :

Rejette le recours contre la décision n° 001150 du 26 février 2018 du ministre du Travail, infirmant la décision du 2 mars 2018 de l’inspecteur régional du travail et de la sécurité sociale de Dakar, portant autorisation de licenciement des délégués du personnel Ad Ao Ar, Ai Aa, Ah Aq, Ac Ab, Al Af, Ap Ag Ak, Ae An Aj et Ap Am;X ;

Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre administrative de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents Madame et Messieurs :

PRÉSIDENT : ABDOULAYE NDIAYE ; CONSEILLERS : B Z, OUMAR GAYE, Y X, AG C WADE ; AVOCAT GÉNÉRAL : OUSMANE DIAGNE ; AVOCATS : MAîTRE NDéNé NDIAYE, AGENT JUDICIAIRE DE L’ÉTAT ; GREFFIER : CHEIKH DIOP.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11
Date de la décision : 28/03/2019

Analyses

DéLéGUé DU PERSONNEL – LICENCIEMENT – PROCéDURE – MINISTRE CHARGé DU TRAVAIL – FAUTE LOURDE – APPRéCIATION – CRITèRES – DéTERMINATION – CAS


Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.supreme;arret;2019-03-28;11 ?
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