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13/03/2019 | SéNéGAL | N°14

Sénégal | Sénégal, Cour suprême, 13 mars 2019, 14


Texte (pseudonymisé)
ARRÊT N° 14 DU 13 MARS 2019



Al X

& 48 AUTRES

c/

SOCIéTé VAN OERS SéNéGAL





APPEL – APPEL EN MATIèRE SOCIALE – EFFET DéVOLUTIF – OBLIGATION DE JUGER SUR PIèCES, MêME EN L’ABSENCE D’éCRITURE D’APPEL



En vertu du principe de l’effet dévolutif selon lequel l’appel remet en question la chose jugée devant la juridiction d’appel, et de l’article L 265 du code du travail aux termes duquel « l’appel est jugé sur pièces », la cour d’Appel, disposant des mêmes pouvoirs que ceux qui sont re

connus au premier juge, doit statuer à nouveau en fait et en droit, même en l’absence d’écriture en appel.



A méconnu le sens et la portée de ces règle...

ARRÊT N° 14 DU 13 MARS 2019

Al X

& 48 AUTRES

c/

SOCIéTé VAN OERS SéNéGAL

APPEL – APPEL EN MATIèRE SOCIALE – EFFET DéVOLUTIF – OBLIGATION DE JUGER SUR PIèCES, MêME EN L’ABSENCE D’éCRITURE D’APPEL

En vertu du principe de l’effet dévolutif selon lequel l’appel remet en question la chose jugée devant la juridiction d’appel, et de l’article L 265 du code du travail aux termes duquel « l’appel est jugé sur pièces », la cour d’Appel, disposant des mêmes pouvoirs que ceux qui sont reconnus au premier juge, doit statuer à nouveau en fait et en droit, même en l’absence d’écriture en appel.

A méconnu le sens et la portée de ces règles, la cour d’Appel qui, pour confirmer partiellement le jugement entrepris, s’est bornée à retenir que le juge d’instance a fait une bonne appréciation, tant en fait qu’en droit, des chefs de demandes ainsi rejetés et que les parties n’ont pas sérieusement remis en cause les dispositions du jugement relatives à ces chefs de demande, les appelants s’étant bornés à solliciter une enquête.

Sommaire 2

CONTRAT DE TRAVAIL, EXéCUTION – OBLIGATIONS DE L’EMPLOYEUR – DéFAUT D’AFFILIATION à UNE INSTITUTION DE PRéVOYANCE SOCIALE – PRéJUDICE RéPARABLE

Selon l’article 24 de la loi n° 75-50 du 3 avril 1975 relative aux institutions de prévoyance sociale, l’employeur doit, dans un délai de deux mois à compter du premier embauchage, affilier le travailleur en qualité de membre-participant aux institutions de prévoyance sociale obligatoires.

A violé la loi, la cour d’Appel qui, pour débouter les travailleurs de leur demande en réparation, a retenu « qu’il ressort d’une jurisprudence constante et bien établie que les travailleurs n’ont pas qualité à les réclamer en justice ; qu’une telle action appartient auxdites institutions », alors qu’en vertu des articles 118, 124 et 133 du code des obligations civiles et commerciales, ensemble les articles 130 du code du travail, en cas de défaut d’affiliation aux institutions de prévoyance sociale obligatoires, le travailleur dispose d’une action en réparation du préjudice en découlant.

La Cour suprême ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que des travailleurs ont attrait la Société Van Oers Sénégal, leur ex-employeur, devant le tribunal du travail de Thiès pour l’entendre dire qu’ils étaient liés par un contrat à durée indéterminée et la condamner à leur payer diverses sommes d’argent ;

Attendu que la société Van Oers Sénégal conteste la recevabilité du pourvoi pour tardiveté, au motif que le conseil des demandeurs, qui a reçu notification de l’arrêt attaqué le 17 août 2017, n’a introduit son pourvoi que le 4 septembre 2017, après l’expiration du délai légal de 15 jours ;

Attendu, selon l’article 73-1 de la loi organique susvisée, que le pourvoi est formé dans les quinze jours de la notification de la décision attaquée, à personne ou à domicile, par une déclaration souscrite soit au greffe de la juridiction qui a rendu la décision, soit au greffe de la Cour suprême ; que l’article 39 du même texte précise que tous les délais de procédure sont francs et que lorsque le dernier jour d’un délai est non ouvrable, le délai est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable qui suit ;

Attendu que Samba Ametti, avocat des demandeurs, ayant reçu l’arrêt attaqué le 17 août 2017, le délai de quinze jours, pour former un pourvoi, arrivait à expiration le samedi 2 septembre 2017, jour non ouvrable ; que le délai est dès lors prorogé jusqu’au premier jour ouvrable ;

Qu’ainsi, le pourvoi introduit le 4 septembre 2017, correspondant au premier jour ouvrable, est recevable ;

 

Sur le premier moyen tiré de la violation du principe de la régularité dans la composition des juridictions de jugement ;

Attendu qu’il ne ressort ni de l’arrêt ni des autres productions que les magistrats qui ont rendu l’arrêt attaqué n’ont pas assisté aux débats ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen tiré de la violation des articles 3 de la loi no 2014-26 du 3 novembre 2014 fixant l’organisation judiciaire, d’une part, et 54-26 du code de procédure civile, ensemble l’article L 270 du code du travail, d’autre part ;

Attendu que l’appréciation d’une réouverture des débats relève du pouvoir discrétionnaire des juges du fond ;

D’où il suit que, sous le couvert d’une violation de la loi, le moyen qui ne tend qu’à remettre en cause cette appréciation, est irrecevable ;

Sur le septième moyen pris de la violation de l’article 13 du code des obligations civiles et commerciales et du défaut de base légale au regard de l’article 46 de la Convention collective nationale interprofessionnelle, dite CCNI, quant à la prime de transport ;

Attendu que le calcul de la distance séparant la résidence du travailleur de son lieu de travail est une question de fait laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond ;

D’où il suit que le moyen, qui ne tend qu’à remettre en cause cette appréciation, est irrecevable ;

Sur le huitième moyen pris de la violation des articles 2 de la loi no 2014-26 du 3 novembre 2014 fixant l’organisation judiciaire, 1-5 et 1-6 du code de

procédure civile ensemble l’arrêté ministériel no 2755 IISSM du 13 avril 1957 fixant, à défaut de convention collective, les catégories professionnelles, les salaires minima par catégorie professionnelle et les primes d’ancienneté des travailleurs relevant des professions agricoles et assimilées quant au rappel différentiel de salaires et congés y afférents ;

Attendu que le moyen, qui en réalité n’est tiré que de la violation l’arrêté ministériel no 2755 du 13 avril 1957, n’a pas été soutenu devant les juges du fond ;

D’où il suit que, nouveau et mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ;

Sur le dixième moyen pris de la violation des articles L 56 du code du travail ensemble l’article 6 du décret n° 70-180 du 20 février 1970 fixant les conditions d’engagement du travailleur saisonnier quant au licenciement d’Au Aj ;

Attendu que, sous le couvert d’une violation de la loi, le moyen ne tend qu’à remettre en cause les appréciations souveraines des juges du fond sur les éléments de faits et de preuve soumis à leur examen ;

D’où il suit qu’il est irrecevable ;

Sur les onzième et douzième moyens tirés de la dénaturation des conclusions du 14 août 2014 des appelants quant au licenciement d’Ao Az et de la violation de l’article L 56 du code du travail, réunis ;

Attendu qu’ayant relevé et retenu que « dans la lettre de licenciement les motifs retenus sont : ignorance par le chef de garage de ses responsabilités qui expose des équipement à toutes sortes de pannes et de dysfonctionnement de nature à entraîner l’arrêt total, et manque de gérer le matériel en bon père de famille ; que ces manquements ont été qualifiés de faute lourde ;…qu’il ne serait pas vain de rappeler que l’entretien permanent du matériel fait partie des tâches assignées au chef de garage ; qu’en plus de souffler, graisser, laver les moteurs, la vidange régulière relève de la compétence du chef de garage ; qu’en effet, laisser un générateur électrique roulait pendant 150 heures sans être vidangé, constitue une faute ; que contrairement à ses déclarations, Adama n’a pas établi la responsabilité du fournisseur ; que s’abstenir de vidanger le générateur et d’entretenir les moteurs constitue une faute légitimant le licenciement », la cour d’Appel, nonobstant le motif erroné mais surabondant selon lequel Adama ne conteste pas les faits, a fait l’exacte application de la loi ;

Mais, sur le troisième moyen ;

Vu le principe de l’effet dévolutif de l’appel et l’article L 265 alinéa 5 du code du travail ;

Attendu que, d’une part, en vertu du principe susvisé, l’appel remet en question la chose jugée devant la juridiction d’appel et, d’autre part, aux termes du texte susvisé, « l’appel est jugé sur pièces » ;

Attendu que, pour confirmer partiellement le jugement entrepris, l’arrêt retient que le juge d’instance a fait une bonne appréciation, tant en fait qu’en droit, des chefs de demandes ainsi rejetés et que les parties n’ont pas sérieusement remis en cause les disposi-tions du jugement relatives à ces chefs de demande, les appelants s’étant bornés à solliciter une enquête ;

Qu’en statuant ainsi, alors que les juges d’appel disposent des mêmes pouvoirs que ceux qui sont reconnus au premier juge et doivent statuer à nouveau en fait et en droit, au vu du dossier, même en l’absence de nouvelles écritures, la cour d’Appel a méconnu le sens et la portée du principe et du texte susvisés ;

Sur les quatrième et cinquième moyens, réunis ;

Vu les articles 6 du décret n° 70-180 du 20 février 1970 fixant les conditions d’engagement du travailleur saisonnier et 10 de la Convention collective nationale interprofessionnelle ;

Attendu que, pour débouter les travailleurs de leur demande de conversion de leur engagement en contrat à durée indéterminée, l’arrêt retient, par motifs adoptés, « que pour Al X et ses 28 collègues, il ressort de l’examen des bulletins de paie versés au dossier que les employés ont signé des contrats saisonniers » et, par motifs propres, pour Aq Ak et autres « qu’ils sont dans la même situation de travailleurs saisonniers » ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les relations avaient commencé avant la signature des contrats saisonniers, la cour d’Appel n’a pas mis la Cour suprême en mesure d’exercer son contrôle ;

Sur le sixième moyen ;

Vu les articles 118, 124 et 133 du code des obligations civiles et commerciales, ensemble les articles 130 du code du travail et 24 de le loi n° 75-50 du 3 avril 1975 relative aux institutions de prévoyance sociale

Attendu que, selon le dernier texte, l’employeur doit, dans un délai de deux mois à compter du premier embauchage, affilier le travailleur en qualité de membre-participant aux institutions de prévoyance sociale obligatoires ;

Attendu que, pour débouter les travailleurs de leur demande de paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du défaut par l’employeur de les déclarer aux institutions de prévoyance sociale, l’arrêt retient « qu’il ressort d’une jurisprudence constante et bien établie que les travailleurs n’ont pas qualité à les réclamer en justice ; qu’une telle action appartient auxdites institutions » ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’en cas de défaut d’affiliation d’un travailleur aux institutions de prévoyance sociale obligatoires, le travailleur dispose d’une action en réparation du préjudice y découlant, la cour d’Appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le neuvième moyen ;

Vu l’article 1-6 alinéa 1er du code de procédure civile, ensemble l’article L 270 du code du travail ;

Attendu qu’aux termes du premier texte susvisé « le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables » ;

Attendu que, pour débouter les travailleurs de leur demande de dommages et intérêts pour non-dotation en tenues de travail et en équipements de protection, l’arrêt retient que les travailleurs n’ont pas produit le texte de base qui fonde cette réclamation ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il appartient au juge de qualifier les faits présentés afin de déterminer la règle qui leur est applicable, la cour d’Appel a méconnu le sens et la portée du texte cité ci-dessus ;

Par ces motifs :

Casse et annule l’arrêt n° 35 rendu le 28 juin 2017 par la cour d’Appel de Thiès, mais seulement en ce qu’il a :

- débouté Aq Ak, Aw Ab, Av Ab, Ag Ak, Aq Ax, Ba Bk, Bf Bi, Pape Pouye, As Bk, Ai X, Bl Bk, Bd Az, Am Bk, Bl Bi, Al An, Aw Ak, Al Ab et At Az, de leurs demandes ;

- confirmé le jugement en ce qu’il a débouté de leur demandes Al X, Aq Ak, Be Ad, Bg Ad, Ac Bi, Ao Bk, Bl Z, Bd Ab, Bh Az, Bd Bi, Aa Bc, Ar Bk, Ai X, Ah Ak, Ae Ak, Ai Ak, Ar Bk, Bh Af, Aa Ak, Ai Ak, Ai Bj, Al Bk, Bb Ab, Bb Af, Au Az, Ap Af, Ay Az, Bb Az et Ar B ;

Renvoie la cause et les parties devant la cour d’Appel de Dakar ;

Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre sociale de la Cour suprême, en son audience publique tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents Madame et Messieurs :

PRÉSIDENT : JEAN LOUIS PAUL TOUPANE ; RAPPORTEUR : BABACAR DIALLO ; CONSEILLERS : BABACAR DIALLO, AMADOU Y A, AG C Z, AMADOU LAMINE BATHILY ; AVOCAT GÉNÉRAL : AHMETH DIOUF ; GREFFIER : MAÎTRE MACODOU NDIAYE.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 14
Date de la décision : 13/03/2019

Analyses

APPEL – APPEL EN MATIèRE SOCIALE – EFFET DéVOLUTIF – OBLIGATION DE JUGER SUR PIèCES, MêME EN L’ABSENCE D’éCRITURE D’APPEL


Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.supreme;arret;2019-03-13;14 ?
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