ARRÊT N°53 DU 18 OCTOBRE 2018
L’INSTITUT PASTEUR DE DAKAR (IPD)
c/
ÉTAT DU SÉNÉGAL
DéLéGUé DU PERSONNEL – LICENCIEMENT – JUSTIFICATION – FAUTE LOURDE – APPRéCIATION – ERREUR MANIFESTE – CAUSE – REFUS D’AUTORISATION – DéCISION MINISTRE DU TRAVAIL – ANNULATION
Commet une erreur manifeste d’appréciation, le ministre du Travail qui refuse d’autoriser le licenciement d’un délégué du personnel qui reconnait avoir utilisé, sans autorisation, les adresses électroniques professionnelles des membres du personnel aux heures de service, pour diffuser des propos blessants et calomnieux à l’encontre d’un responsable de l’entreprise alors que de tels faits sont constitutifs d’une faute lourde suffisamment grave pour justifier la sanction envisagée par l’employeur.
La Cour suprême,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant que par décision n° 001668 du 8 août 2017, le ministre du Travail a infirmé la décision n° 001379/IRTSS/DK du 29 mars 2017 de l’inspecteur du travail et de la sécurité sociale portant autorisation de licenciement de Aa Ab, délégué du personnel à l’Institut Pasteur de Dakar ;
Que l’Institut Pasteur a introduit le présent recours en développant trois moyens ;
Sur le premier moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation en ce que le ministre a infirmé la décision alors que les faits établis dans leur matérialité sont constitutifs de fautes passibles de sanctions laissées à l’appréciation souveraine de l’employeur en vertu de son pouvoir disciplinaire ;
Et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens ;
Considérant que l’agent judiciaire de l’État s’en rapporte à la décision de la Cour ;
Considérant que l’erreur manifeste d’appréciation s’analyse en une erreur apparente et grave rendant la décision inadaptée aux motifs qui l’ont provoquée ou est constituée lorsque l’administration s’est de manière grossière trompée dans l’appréciation des faits qui ont motivé sa décision ;
Considérant que la décision du ministre, infirmant celle de l’inspecteur du travail qui va dans le sens contraire de la proposition du directeur du travail à l’issue de l’enquête objet de visa, ne contient aucun motif ;
Qu’en réponse à la lettre du président de la chambre, l’agent judiciaire de l’État a produit le rapport d’enquête du directeur du travail qui conclut en ces termes : « à la lumière de ce qui précède, il convient de noter que le vendredi 12 août 2016, 132 travailleurs de l’Institut Pasteur de Dakar ont reçu dans leurs adresses emails professionnelles de l’expéditeur louis pasteur naaleer******@gmail.com un mail dirigé contre le directeur des ressources humaines de l’institution. Le mis en cause a reconnu en être l’auteur et avoir participé à la réflexion sur les modalités de sa diffusion. Pour toutes ces considérations, il convient d’autoriser le licenciement » ;
Considérant qu’en l’espèce, les faits tels qu’articulés par le requérant ont été reconnus par l’employé qui s’est même excusé en reconnaissant la gravité de son acte ;
Considérant que le fait pour le délégué du personnel d’utiliser sans autorisation les adresses électroniques professionnelles aux heures de travail pour diffuser des propos pour le moins blessants et calomniateurs à l’égard du directeur des ressources humaines constitue une faute suffisamment lourde de nature à justifier son licenciement ;
Qu’ainsi, en se bornant à infirmer la décision autorisant le licenciement sans prendre en compte les faits matériellement établis et reconnus par l’employé, le ministre a commis une erreur manifeste d’appréciation des faits ;
Qu’il s’ensuit que sa décision encourt l’annulation ;
Par ces motifs
Annule la décision n° 001668/MTDSOPRI/DGTSS/DRTOP/DT du 8 août 2017 du ministre du Travail, du Dialogue social, des Organisations professionnelles et des Relations avec les Institutions infirmant la décision n° 001379/IRTSS/DK du 29 mars 2017 de l’inspecteur régional du travail et de la sécurité sociale autorisant le licenciement de Hamet Fall, délégué du personnel ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre administrative de la Cour suprême, en son audience publique de vacation, tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents Mesdames et Messieurs :
PRÉSIDENT : ABDOULAYE NDIAYE ; CONSEILLERS : MATAR DIOP, HABIBATOU BABOU WADE, IBRAHIMA SY, FATOU FAYE LECOR ; AVOCAT GÉNÉRAL : MARèME DIOP GUéYE ; AVOCAT : SCP MAME ADAMA GUéYE ; GREFFIER : éTIENNE WALY DIOUF.