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21/06/2018 | SéNéGAL | N°26

Sénégal | Sénégal, Cour suprême, 21 juin 2018, 26


Texte (pseudonymisé)
ARRÊT N°26 DU 21 JUIN 2018



LA SOCIÉTÉ NELL STEEL SÉNÉGAL

c/

Y A, AaZ B ET X AG





ACTION CIVILE – JURIDICTION PÉNALE – DOMMAGES-INTÉRêTS – EXCLUSION – JURIDICTION CIVILE – RÉPARATION PRÉJUDICE





Au sens des articles 2, 4 et 10 du code de procédure pénale, l’action civile exercée conjointement avec l’action publique ou séparément devant le juge civil est soumise à tous égards aux règles du code civil, lesquelles obligent le juge saisi à réparer intégralement et dans les limites des termes d

u litige le préjudice subi par la victime.



Dès lors, fait une exacte application des textes susvisés, la juridiction pénale qui, pour rejete...

ARRÊT N°26 DU 21 JUIN 2018

LA SOCIÉTÉ NELL STEEL SÉNÉGAL

c/

Y A, AaZ B ET X AG

ACTION CIVILE – JURIDICTION PÉNALE – DOMMAGES-INTÉRêTS – EXCLUSION – JURIDICTION CIVILE – RÉPARATION PRÉJUDICE

Au sens des articles 2, 4 et 10 du code de procédure pénale, l’action civile exercée conjointement avec l’action publique ou séparément devant le juge civil est soumise à tous égards aux règles du code civil, lesquelles obligent le juge saisi à réparer intégralement et dans les limites des termes du litige le préjudice subi par la victime.

Dès lors, fait une exacte application des textes susvisés, la juridiction pénale qui, pour rejeter une demande en dommages-intérêts, a relevé que la partie civile a déjà obtenu une décision de réparation de son préjudice par la juridiction civile.

La Cour suprême,

Vu la loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que, selon l’arrêt partiellement infirmatif attaqué (Dakar, 12 juillet 2017), par jugement n° 615/2014 du 17 juillet 2014, le tribunal correctionnel de Dakar a, entre autres, disqualifié les faits d’escroquerie et de complicité en faux, usage de faux en écritures privées et complicité, et condamné Y C, AaZ B et X AG à deux (02) ans d’emprisonnement ferme chacun, respectivement pour faux et usage de faux pour les deux premiers et complicité de ces chefs pour le dernier, ainsi qu’au paiement de la somme de deux cent soixante-quinze millions de francs (275 000 000 FCFA) à titre de dommages et intérêts à la société Nell Steel SA ;

Que statuant contradictoirement à l’égard de la partie civile, par défaut réputé contradictoire contre AaZ B et X AG et par défaut simple contre Y C, la cour d’Appel a, par l’arrêt n° 682 du 16 novembre 2016, requalifié les faits en abus de biens sociaux et complicité dudit délit, condamné Y C, AaZ B et X AG à deux (02) ans d’emprisonnement et cent mille francs (100 000) d’amende fermes respectivement pour abus de biens sociaux pour le premier et complicité de ce chef pour les deux derniers puis confirmé le jugement entrepris pour le surplus ;

Que, sur oppositions d’Y C et X AG, la cour d’Appel de Dakar a, par l’arrêt attaqué, en la forme, déclaré lesdites oppositions recevables, rejeté l’exception electa una via comme soulevée tardivement et, au fond, requalifié les faits en abus de biens sociaux, condamné Y A de ce chef à 2 ans de prison avec sursis, relaxé X AG au bénéfice du doute, et débouté la société Nell Steel SA de ses demandes après avoir constaté que son préjudice a été réparé ;

Sur le moyen unique en sa première branche tirée de la violation de l’article 2 du code de procédure pénale en ce que la cour d’Appel a débouté la partie civile de ses demandes aux motifs que « il n’est pas contestable au regard des débats et des pièces de la procédure que le juge civil a condamné Y A, par jugement n° 525 du TRHD en date du 03 mars 2015, à payer à Nell Steel sur demande reconventionnelle la somme de 266 710 996 FCFA à titre de dommages et intérêts pour sa créance matérialisée par le protocole d’accord du 30 mars 2011 précité et versé dans la présente procédure ; qu’il apparaît ainsi que la partie civile a déjà obtenu une décision de réparation de son préjudice par la juridiction civile dès lors que d’une part les deux procédures concernant les mêmes parties, ont la même cause et le même objet et qu’il ne résulte d’aucun document, ni allégué que le jugement civil allouant ces réparations a été infirmé ou annulé ; que l’examen des pièces permet en effet d’établir que la procédure civile sus évoquée et la présente procédure pénale visent chacune à obtenir l’indemnisation du préjudice de Nell Steel consécutif à la dissipation du fer », préférant ainsi rechercher le principe de la réparation dans une procédure civile postérieure fondée sur une faute contractuelle donc civile alors qu’en matière pénale, conformément au texte susvisé, l’indemnisation implique l’existence d’une infraction pénale qui est le fait générateur de cette action en réparation et qui, en l’espèce, se trouve être l’abus de biens sociaux commis par le prévenu et ses complices consacré par un jugement correctionnel antérieur ;

Mais, attendu que, qu’elle soit exercée conjointement avec l’action publique ou séparément devant le juge civil, l’action civile en réparation du dommage directement causé par l’infraction est soumise, en vertu des dispositions des articles 2, 4 et 10, alinéa 3 du code de procédure pénale, « à tous autres égards aux règles du code civil », lesquelles obligent le juge saisi à réparer intégralement mais souverainement et dans la limite des termes du litige le préjudice subi par la victime ;

Et, attendu qu’après avoir relevé « que la partie civile a produit au soutien de ses prétentions différents documents dont le protocole d’accord daté du 30 mars 2011 (…) qui définissait les termes prévus pour le règlement à l’amiable du préjudice de Neel Steel que les parties évaluaient à 266 710 966 F CFA et mettaient sur le compte de Lô ; que ledit protocole prévoyait principalement qu’Y C transférerait à Neel Steel la propriété de la villa formant le lot 76 d’un immeuble bâti à Hann Marinas ainsi qu’un hangar de 300 mètres carrés qu’il a acquis respectivement auprès des sociétés « Nouvelle destination » et « SCI ECOBAT » appartenant à AaZ B ; qu’également 03 terrains de Lô situés dans le département de Mbour devaient, aux termes du protocole précité, revenir au plaignant par transfert de propriété », puis énoncé « qu’il n’est pas contestable au regard des débats et des pièces de la procédure que le juge civil a condamné Y C, par jugement n° 525 du TRHCD du 03/03/2015, à payer à Neel Steel, sur demande reconventionnelle, la somme de 266 710 966 francs à titre de dommages et intérêts pour sa créance matérialisée par le protocole d’accord du 30 mars 2011… qu’il apparaît ainsi que la partie civile a déjà obtenu réparation de son préjudice par la juridiction civile dès lors que, d’une part, les deux procédures concernant les mêmes parties, ont la même cause et le même objet et qu’il ne résulte d’aucun document de la procédure, ni allégué que le jugement civil allouant ces réparations a été infirmé ou annulé ; que l’examen des pièces permet en effet d’établir que la procédure civile sus évoquée et la procédure pénale visent chacune à obtenir l’indemnisation du préjudice de Neel Steel consécutif à la dissipation du fer à béton lui appartenant par son ex directeur Y C, qu’il s’y ajoute que la partie civile a pris possession et pleine propriété de tous les biens dont les transferts étaient prévus d’un commun accord entre Lô et Neel Steel, dans le protocole du 30 mars 2011

et ceci pour régler le volet civil du contentieux », la cour d’Appel, qui n’était pas saisie pour censurer le jugement civil sus indiqué rendu en méconnaissance des dispositions de l’article 4 du même code, a pu en déduire « que Neel Steel qui a obtenu une décision de réparation de son préjudice par la juridiction civile et récupéré en plus tous les biens censés, aux termes du protocole du 30 mars 2011, mettre fin au litige et l’indemniser des dommages subis, est mal fondé pour solliciter à nouveau des dommages et intérêts » ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur la deuxième branche tirée de la violation des articles 166 et 167 de l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales et les GIE en ce que la cour d’Appel ne pouvait pas, sans violer le principe de la supranationalité des actes uniformes sur les lois nationales, rendre l’arrêt attaqué aux motifs que « il résulte des dispositions des articles 10 du CPP que « l’action civile est soumise à tous égards aux règles du code civil » et l’article 134 du COCC « que les dommages et intérêts doivent être fixés de telle sorte qu’ils soient pour la victime la réparation intégrale du préjudice », fondant ainsi sa motivation sur l’article 134 du COCC alors que, même s’il est vrai que le code de procédure pénale est applicable en raison de la particularité procédurale de chaque état membre de l’OHADA, il reste que l’incrimination et la réparation sont consacrées par l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales et les GIE et la peine est prévue par la loi n° 98-22 du 26 mars 1998 portant sur les sanctions pénales applicables aux infractions contenues dans l’Acte Uniforme susvisé ;

Sur la troisième branche tirée de la violation des articles 380 et 381 du code des obligations civiles et commerciales en ce que la cour d’Appel ne pouvait se fonder sur les déclarations des prévenus pour en déduire une prise de propriété des immeubles par la partie civile alors que, conformément aux articles susvisés, cette propriété devait résulter de la mention au livre foncier ou du versement aux débats d’un état de droits réels mentionnant la transcription des droits réels de la partie civile au livre foncier et non d’un protocole d’accord dont elle n’a même vérifié les formalités d’exécution et qui ne confère pas un droit de propriété ;

Les branches étant réunies ;

Mais, attendu que ces éléments du moyen, qui n’indiquent pas le chef de dispositif critiqué, tendent, sous le couvert de violation de dispositions que le juge d’appel n’a point appliquées, à rediscuter la portée des éléments de preuve et de fait laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond ;

D’où il suit qu’ils sont irrecevables ;

Par ces motifs :

Rejette le pourvoi formé par la société Nell Steel SA contre l’arrêt n° 514 du 12 juillet 2017 de la cour d’Appel de Dakar ;

La condamne aux dépens ;

Dit que le présent arrêt sera imprimé, qu’il sera transcrit sur les registres de la cour d’Appel de Dakar, en marge ou à la suite de la décision attaquée ;

Ordonne l’exécution du présent arrêt à la diligence du Procureur général près la Cour suprême ;

Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour suprême, chambre criminelle, en son audience publique ordinaire tenue les jour, mois et an ci-dessus et à laquelle siégeaient Madame et Messieurs :

PRÉSIDENT, CONSEILLER DOYEN : AMADOU BAL ; CONSEILLERS : MATAR DIOP, ADAMA NDIAYE, MBACKÉ FALL ET IBRAHIMA SY : AVOCAT GÉNÉRAL : NDIAGA YADE ; AVOCATS : MAÎTRES YÉRI BA, NABILA OUMAÏS ET ALASSANE CISSé, MAÎTRES SOULÈYE MBAYE, YOUSSOUPHA CAMARA, BABACAR NDIAYE ; GREFFIÈRE : MAÎTRE ROKHAYA NDIAYE GUèYE.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26
Date de la décision : 21/06/2018

Analyses

ACTION CIVILE – JURIDICTION PÉNALE – DOMMAGES-INTÉRêTS – EXCLUSION – JURIDICTION CIVILE – RÉPARATION PRÉJUDICE


Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.supreme;arret;2018-06-21;26 ?
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