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14/06/2018 | SéNéGAL | N°36

Sénégal | Sénégal, Cour suprême, 14 juin 2018, 36


Texte (pseudonymisé)
ARRÊT N°36 DU 14 JUIN 2018



B C A

c/

ÉTAT DU SÉNÉGAL





FONCTIONNAIRE ET AGENTS PUBLICS – POUVOIR DISCIPLINAIRE – DéTOURNEMENT DE POUVOIR – SANCTION DéGUISéE – CAUSE – MUTATION D’UN AGENT PUBLIC – DéCISION – ANNULATION



Encourt l’annulation pour détournement de pouvoirs, la décision de mutation d’un agent public par une autorité administrative qui a usé de ses prérogatives pour prendre à son encontre une sanction déguisée sous la forme d’une promotion.





La Cour suprême,r>


Après en avoir délibéré conformément à la loi ;



Considérant que, par note de service du 25 novembre 2016, le ministre de la Santé et de l’Action sociale a...

ARRÊT N°36 DU 14 JUIN 2018

B C A

c/

ÉTAT DU SÉNÉGAL

FONCTIONNAIRE ET AGENTS PUBLICS – POUVOIR DISCIPLINAIRE – DéTOURNEMENT DE POUVOIR – SANCTION DéGUISéE – CAUSE – MUTATION D’UN AGENT PUBLIC – DéCISION – ANNULATION

Encourt l’annulation pour détournement de pouvoirs, la décision de mutation d’un agent public par une autorité administrative qui a usé de ses prérogatives pour prendre à son encontre une sanction déguisée sous la forme d’une promotion.

La Cour suprême,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Considérant que, par note de service du 25 novembre 2016, le ministre de la Santé et de l’Action sociale a nommé B C A, précédemment médecin-chef du district sanitaire de Diofior, chef du bureau régional de l’immunisation et de la surveillance épidémiologique (BRISE) de Thiès ;

Que B C A sollicite l’annulation de ladite mesure en soulevant un moyen unique pris du détournement de pouvoir ;

Considérant que l’agent judiciaire de l’État soulève l’irrecevabilité de la requête au motif qu’elle est dirigée contre une mesure d’ordre interne qui ne fait pas grief au requérant ;

Considérant qu’aux termes de l’article 74 de la loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême, « le recours pour excès de pouvoir n’est recevable que contre une décision explicite ou implicite d’une autorité administrative » ;

Considérant que l’acte attaqué est une décision administrative explicite qui affecte la situation professionnelle du requérant et, par conséquent, susceptible de recours pour excès de pouvoir ;

Qu’il s’ensuit que l’irrecevabilité n’est pas encourue ;

Sur le moyen tiré du détournement de pouvoir en ce que la note de service a muté le médecin-chef du district de Diofior dans un but fondé sur des considérations contraires à l’ordre public ;

Considérant que, par ce moyen, le requérant reproche au ministre de la Santé d’avoir pris la décision dans le seul but de « l’éloigner du district de Diofior et ce faisant lui ôter toute qualité à agir au nom et pour le compte de la puissance publique » et, ainsi l’empêcher, en sa qualité de médecin-chef dudit district, de poursuivre une plainte pour exercice illégal de la médecine initiée contre Aa Ab, infirmier ; que, selon lui, cette mesure d’affectation est une sanction prise pour satisfaire un militant politique, en l’occurrence Ab, poursuivi

en justice ; qu’il ajoute que les propos « diffamatoires » tenus par le ministre lors d’une interview radiophonique montre que celui-ci a agi pour des considérations autres que l’intérêt général et le bon fonctionnement du service ;

Considérant que le détournement de pouvoir s’analyse en un vice qui affecte une décision prise dans un but autre que celui pour lequel son auteur a reçu compétence ;

Considérant qu’il ressort du procès-verbal de constat faisant la transcription d’une émission radiophonique du 30 décembre 2016 que le ministre de la Santé et de l’Action sociale, s’expliquant sur les raisons de la mesure d’affectation, a tenu les propos suivants : « le médecin en question, je l’ai fait appeler à deux reprises dans mon bureau pour échanger avec lui. Je lui ai dit que ce n’était pas la bonne manière de gérer son personnel ; qu’il devait davantage faire attention dans sa façon de manager. Il m’a fait la promesse qu’il ferait plus attention. J’ai remarqué plus tard la tension qui existait dans le district… Mais face à la persistance dans la situation, j’ai décidé de le faire quitter… en le redéployant dans une zone où il pourrait s’épanouir, car ne gérant plus de personnel » ;

Considérant que les déclarations de B C A selon lesquelles « l’autorité administrative, auteur de la décision est intervenue en faveur du mis en cause alors qu’il était en garde à vue (…), un militant politique très actif dans les rangs de la mouvance au pouvoir (…), que malgré l’extrême gravité des faits, sa garde à vue a été immédiatement levée … que deux jours après sa remise en liberté la note de service a été prise », ont été confirmées par celles du ministre contenues dans son interview en ces termes : « pour éviter des perturbations, j’ai fait des démarches en appelant le gouverneur, le médecin-chef m’enquérir de la situation et demander la clémence, même s’il est possible qu’il ait commis une faute. Finalement on lui a accordé une liberté provisoire en attendant l’audience» ;

Considérant qu’il résulte des énonciations du jugement n° 451 du 28 décembre 2016 du tribunal de grande instance de Fatick, qu’à la suite de la plainte de B C A, médecin-chef, Aa Ab, infirmier chef du poste de santé du village de …, arrêté par les éléments de la brigade de gendarmerie de Fimela et mis en liberté provisoire le 25 novembre 2016, a été condamné pour exercice illégal de la médecine ;

Considérant … quitté… en le redéployant dans une zone où il pourrait s’épanouir, car ne gérant plus de personnel » ;

Considérant que le requérant, qui occupait antérieurement les fonctions de médecin-chef de district, a été nommé chef du BRISE ;

Que les termes de l’intervention radiophonique du ministre selon lesquels « … quitter un district pour se retrouver pratiquement adjoint au médecin-chef de région qui est un poste certes méconnu, mais très intéressant que je voudrais renforcer depuis l’affaire du virus Ebola… », renvoient à d’autres responsabilités dont les contours sont indéterminés ;

Considérant qu’ainsi, en prenant la mesure d’affectation le 25 novembre 2016, jour de la mise en liberté provisoire d’Aa Ab, l’autorité administrative, sous le couvert d’une promotion, a poursuivi à son encontre une sanction déguisée, en usant de ses prérogatives et, par conséquent, sa décision encourt l’annulation ;

Par ces motifs :

Annule la note de service n° 14790/MSAS/DRH/DGP/bfp du 25 novembre 2016 du ministre de la Santé et de l’Action sociale ;

Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre administrative de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents Madame et Messieurs:

PRÉSIDENT : ABDOULAYE NDIAYE ; CONSEILLERS : MATAR DIOP, ADAMA NDIAYE, WALY FAYE, HABIBATOU BABOU WADE ; AVOCAT GÉNÉRAL : OUSMANE DIAGNE ; AVOCATS : MAÎTRE SOULEYE MBAYE ; GREFFIER : CHEIKH DIOP.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 36
Date de la décision : 14/06/2018

Analyses

FONCTIONNAIRE ET AGENTS PUBLICS – POUVOIR DISCIPLINAIRE – DéTOURNEMENT DE POUVOIR – SANCTION DéGUISéE – CAUSE – MUTATION D’UN AGENT PUBLIC – DéCISION – ANNULATION


Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.supreme;arret;2018-06-14;36 ?
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