La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/12/2016 | SéNéGAL | N°94

Sénégal | Sénégal, Cour suprême, 07 décembre 2016, 94


Texte (pseudonymisé)
ARRÊT N° 94 DU 7 DÉCEMBRE 2016



A

c/

SÉNÉGALAISE DE L’AUTOMOBILE





Responsabilité civile – responsabilité du fait personnel – faute – cas – achat d’un véhicule auprès d’un non propriétaire dépourvu d’un pouvoir spécial de vente



Selon les dispositions de l’article 460 alinéa 2 du code des obligations civiles et commerciales le mandataire ne peut, sans un pouvoir spécial, passer des actes de disposition.

C’est à bon droit qu’une cour d’appel retient la faute d’une société concessio

nnaire d’automobiles qui achète le véhicule à une personne, qui n’en était pas le propriétaire et ne justifiait pas de ses pouvoirs.



INTéRêTS – oblig...

ARRÊT N° 94 DU 7 DÉCEMBRE 2016

A

c/

SÉNÉGALAISE DE L’AUTOMOBILE

Responsabilité civile – responsabilité du fait personnel – faute – cas – achat d’un véhicule auprès d’un non propriétaire dépourvu d’un pouvoir spécial de vente

Selon les dispositions de l’article 460 alinéa 2 du code des obligations civiles et commerciales le mandataire ne peut, sans un pouvoir spécial, passer des actes de disposition.

C’est à bon droit qu’une cour d’appel retient la faute d’une société concessionnaire d’automobiles qui achète le véhicule à une personne, qui n’en était pas le propriétaire et ne justifiait pas de ses pouvoirs.

INTéRêTS – obligations de somme d’argent – dommages et intérêts moratoires – point de départ – principe – mise en demeure – exceptioN – Assignation – Office du juge – justification de la fixation d’un point de départ différent de la mise en demeure

Selon l’article 8 du code des obligations civiles et commerciales, dans les obligations qui se bornent au paiement d’une somme d’argent, les dommages intérêts moratoires sont dus à compter de la mise en demeure.

N’a pas donné de base légale à sa décision, une cour d’appel qui condamne une partie au paiement d’une somme en principal, outre les intérêts au taux légal, à compter de l’assignation, sans s’expliquer sur les circonstances qui l’ont conduite à fixer le point de départ desdits intérêts à la date de l’assignation.

La Cour suprême,

Ouï Monsieur El Hadji Malick Sow, Président, en son rapport ;

Ouï Monsieur Oumar Dièye, Avocat général, en ses conclusions tendant au rejet du pourvoi ;

Vu la loi organique n° 2008 -35 du 8 aout 2008 sur la Cour suprême ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la connexité, joint les pourvois N° J/6/RG/16 et J/61/RG/16 ;

Sur l’exception d’inconstitutionnalité :

Attendu que Mme Ab a demandé la saisine du Conseil constitutionnel, sur la conformité de l’article 35-1 de la loi organique susvisée à la Constitution, au motif que cette disposition porte atteinte au principe d’accès du citoyen à la justice ;

Attendu que selon l’article 20 de la loi organique sur le Conseil constitutionnel, la Cour suprême saisit obligatoirement ledit conseil, lorsque la solution du litige portée devant elle est subordonnée à l’appréciation de la conformité des dispositions d’une loi ou d’un accord international à la Constitution ;

Mais attendu que Mme Ab a présenté un moyen unique de cassation, conforme aux prescriptions de l’article 35-1 de la loi organique susvisée, de sorte que la Cour n’avait pas à appliquer les sanctions prévues par ce texte pour les moyens irrecevables ;

Qu’il convient de dire n’y avoir lieu à saisir le Conseil constitutionnel ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme Ab a acheté, le 10 février 2009, un véhicule auprès de la société La Sénégalaise de l’Automobile (SA), à 22 004 640 F ; qu’elle a soutenu qu’un an après, elle a remis les clés et les documents de la voiture à son époux, M. Aa, pour qu’il lui trouve un acquéreur ; qu’ayant constaté, dit-elle, la disparition du véhicule, après que son mari eut quitté le Sénégal, Mme Ab a contacté la SA qui lui a déclaré l’avoir racheté à son époux, à 13 220 215 F, pour le revendre à 17 000 000 F ; que Mme Ab a alors a assigné la SA en responsabilité et en paiement de la somme en principal de 17 000 000 F, outre celle de 10 000 000 F à titre de dommages intérêts ;

Sur le premier moyen du pourvoi de la SA, pris en ses deux branches et les deuxième, quatrième et sixième moyens du même pourvoi, réunis :

Attendu que la SA fait grief à l’arrêt de dire que le contrat de mandat ne peut être qu’écrit et de retenir sa responsabilité alors, selon le moyen :

1°) qu’aux termes des dispositions de l’article 41 du COCC, « aucune forme n’est requise pour la formation du contrat, sous réserve des dispositions exigeant un écrit ou d’autres formalités pour la validité d’un contrat déterminé » ;

2°) qu’aux termes des dispositions de l’article 33 du COCC, l’aveu judiciaire est recevable en toute matière ;

3°) qu’en achetant le véhicule, la demanderesse au pourvoi n’a commis aucun manquement, elle s’est au contraire bien conformée à la loi et aux usages en matière de vente de véhicules ;

4°) qu’en matière de vente de véhicule, aucun formalisme n’est exigé par la loi, ce qui fait que le juge d’appel ne pouvait se fonder sur la prétendue absence de contrat de vente pour retenir sa responsabilité ;

5°) que le juge d’appel ne dit pas en quoi la non-production d’un contrat de vente d’un véhicule serait de nature à engager la responsabilité de l’acquéreur, alors surtout qu’aucune disposition de la loi n’exige la signature d’un contrat de vente en la matière ;

Mais attendu qu’ayant relevé qu’il ressort de l’alinéa 2 de l’article 460 du code des obligations civiles et commerciales que le mandataire ne peut, sans un pouvoir spécial, passer des actes de disposition, comme c’est le cas en l’espèce, ou agir en justice, sous réserve des actes conservatoires et interruptifs de délais, et retenu qu’il n’est point dérogé aux règles relatives à la représentation des parties devant les tribunaux, la cour d’appel en a exactement déduit que l’achat par la SA du véhicule à M. Aa, qui n’en était pas le propriétaire et ne justifiait pas de ses pouvoirs, constituait une faute ;

D’où il suit que le moyen est mal fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la SA fait encore grief à l’arrêt attaqué d’avoir infirmé partiellement le jugement du 20 août 2013 et, statuant à nouveau, déclaré la vente nulle, avant de condamner la Sénégalaise de l’Automobile à payer à la dame Ab la somme de 17 000 000 FCFA à titre de réparation, alors, selon le moyen, qu’aux termes des dispositions de l’article 91 du COCC, « sauf dans le contrat à exécution successive, le contrat nul est réputé n’avoir jamais existé et les parties doivent restituer ce qu’elles ont reçu » ; que dès lors la conséquence qui s’ensuit de l’annulation du contrat de vente devait être la restitution des prestations reçues de part et d’autre ;

Mais attendu que la SA ayant été déclaré responsable du dommage subi par Mme Ab sur le fondement des dispositions des articles 118 et suivants du COCC, la cour était tenu de la condamner à réparer le préjudice causé ;

D’où il suit que le moyen est mal fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi de Mme AbBb :

Attendu que Mme Ab fait grief à l’arrêt de ne lui avoir alloué que la somme de 17 000 000 F à titre de dommages et intérêts, alors qu’il est constat comme résultant des énonciations de l’arrêt querellé que le véhicule dont il s’agit avait été acquis par la mémorante au prix de 22 004 640 francs ;

Mais attendu que l’évaluation du préjudice relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond ;

D’où il suit que le moyen est irrecevable ;

Mais sur le septième moyen du pourvoi de la SA :

Vu l’article 8 du COCC ;

Attendu que, selon ce texte, dans les obligations qui se bornent au paiement d’une somme d’argent, les dommages intérêts moratoires sont dus à compter de la mise en demeure ;

Attendu que la cour d’appel a condamné la SA à payer à Mme Ab la somme de dix-sept millions de francs (17 000 000 F), outre les intérêts de droit, à compter de l’assignation ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans s’expliquer sur les circonstances qui l’ont conduite à fixer le point de départ des intérêts de droit à la date de l’assignation, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs :

Casse et annule l’arrêt n° 363 rendu le 23 novembre 2015 par la cour d’appel de Dakar, mais uniquement en ce qu’il a fixé le point de départ des intérêts de droit à la date de l’assignation ;

Remet en conséquence la cause les parties dans l’état où elles étaient avant ledit arrêt et pour être fait droit les renvoie devant la cour d’appel de Thiès ;

Condamne Mme Ab aux dépens ;

Dit que le présent arrêt sera imprimé, qu’il sera transcrit sur les registres de la cour d’appel de Dakar, en marge ou à la suite de la décision attaquée ;

Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour suprême, chambre civile et commerciale en son audience publique tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents Messieurs et Madame :

Président-Rapporteur : El Hadji Malick Sow ; Conseillers : Souleymane Kane, Aminata Ly Ndiaye, Amadou Lamine Bathily, Seydina Issa Sow ; Avocat général : Oumar Dièye ; Avocats : Maîtres Sembène, Diouf, Fall, Maître Guédel Ndiaye & Associés ; Greffier : Maurice Dioma Kamama.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 94
Date de la décision : 07/12/2016

Analyses

Responsabilité civile – responsabilité du fait personnel – faute – cas – achat d’un véhicule auprès d’un non propriétaire dépourvu d’un pouvoir spécial de vente


Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.supreme;arret;2016-12-07;94 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award