Arrêt n° 44
Du 28 septembre 2016
Social
Affaire
n°J/425/RG/15
28/10/15
- Aa Y et 111
autres
(Me Fara GOMIS)
CONTRE
-Bureau Sénégalais d’Intérim (BSI)
(Me François SARR &
associés)
RAPPORTEUR
Aminata LY NDIAYE
PAR UET GENERAL
Jean Aloïse NDIAYE
AUDIENCE
28 septembre 2016
PRESENTS
Jean Louis Paul TOUPANE, Président,
Aminata LY NDIAYE,
Amadou Lamine BATHILY, Seydina Issa SOW,
Babacar DIALLO, Conseillers, Cheikh DIOP, Greffier;
MATIERE
Sociale REPUBLIQUE DU SENEGAL
AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS
COUR SUPREME
CHAMBRE SOCIALE
AUDIENCE PUBLIQUE DE VACATION DU
MERCREDI VINGT HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE
SEIZE
ENTRE :
-Inethy Y et 111 autres, élisant domicile … l’étude de Maître Fara GOMIS, Avocat à la Cour, 90, Avenue Ae B à Dakar;
DEMANDEURS, D’une part,
ET:
-Bureau Sénégalais d’Intérim, (BSI), ayant son siège social à Ac Z, villa n°4580 à Dakar, élisant domicile …’étude de Maître François SARR & associés, Avocats à la Cour, 33, Avenue Ad Ab X à Af ;
C,
D’autre part,
Vu la déclaration de pourvoi formée par Maître Fara GOMIS, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte d’Aa Y et 111 autres;
Ladite déclaration est enregistrée au greffe central de la Cour suprême le 28 octobre 2015 sous le numéro J/425/RG/15 et tendant à ce qu’il plaise à la Cour, casser l’arrêt n°593T rendu le 23 juillet 2013 par la 2“"° chambre sociale de la Cour d’Appel de Dakar;
Ce faisant, attendu que l’arrêt est attaqué pour violation des dispositions des articles L53 du Code du travail, 24 de la convention collective nationale interprofessionnelle, défaut de base légale et insuffisance de motifs;
la Cour
Vu la loi organique n°2008-35 du 8 août 2008 sur la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la lettre du greffe du 28 octobre 2015 portant notification de la déclaration de pourvoi au défendeur
Vu le mémoire en défense du 31 décembre 2015 tendant au rejet du pourvoi ;
Vu les moyens annexés ;
Ouï madame Aminata LY NDIAYE, conseiller, en son rapport ;
Ouï monsieur Jean Aloïse NDIAYE, avocat général représentant le parquet général, en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’à la suite de la notification d’une lettre de préavis du 25 décembre 2004, leur signifiant un « arrêt de travail» à compter du 27 janvier 2005 pour motif de cessation d’activité au sein de la SOCOCIM, entreprise utilisatrice, Aa Y et cent douze (112) autres, tous travailleurs du Bureau sénégalais d’Intérim, dit BSI, ont saisi le tribunal du travail pour faire déclarer la rupture des relations de travail abusive ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L53 du Code du travail et 24 de la Convention collective nationale interprofessionnelle (CCNI) ;
Attendu, selon les textes sus-visés, qu’en cas de licenciement, le travailleur qui quitte l’entreprise au cours du préavis pour occuper un nouvel emploi et sans en aviser l’employeur, n’est tenu qu’au paiement de l’indemnité de préavis pour la durée du délai restant à courir;
Attendu que pour retenir que les contrats de travail ont été rompus par démission l’arrêt énonce que « l’initiative et la légitimité de la rupture s’apprécient au moment du départ des travailleurs de l’entreprise pendant la durée du préavis » et relève « qu’il ressort des conclusions non contestées du 16 avril 2013 de BSI que pendant la durée du préavis les travailleurs ont été embauchés par une autre société sans qu’il en résulte qu’ils ont donné avis ou présenté un nouveau contrat au moment du départ… »
Qu’en statuant ainsi, après avoir relevé que « le 25 décembre 2004, le Bureau sénégalais d’Intérim, par un écrit de la gérante portant lettre de préavis qui prend effet le 27 décembre 2004 a notifié à chaque travailleur un arrêt de travail à compter du 27 janvier 2005 », ce dont il résulte que les employés ont été licenciés, la cour d’Appel a violé, par fausse application, les textes susvisés ;
Sur le troisième moyen;
Vu l’article 109 du Code du Travail ;
Attendu que pour classer l’ensemble des travailleurs à la 3°"° catégorie, l’arrêt énonce et retient que « des travailleurs sont classés à la deuxième catégorie en qualité de gardiens, alors que d’autres exerçant la même fonction sont classés à la troisième catégorie et qu’il convient de les classer tous à la troisième catégorie ;( …) qu’en raison de la règle de l’avantage social de l’avantage social tiré du meilleur classement il convient de classer tous les travailleurs à la troisième catégorie, et d’ordonner pour tous la liquidation sur état des congés légalement dus demeurés impayés » ;
Qu’en se déterminant ainsi, sans préciser la convention collective ou de l’arrêté sur le fondement desquels elle a classé tous les travailleurs à la troisième catégorie, la cour d’Appel n’a pas légalement justifié sa décision ;
Par ces motifs,
et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens :
Casse et annule l’arrêt n° 595 T du 23 juillet 2013 de la Cour d’Appel de Dakar ;
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d’Appel de Thiès ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre sociale de la Cour suprême, en son
audience publique de vacation tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents messieurs :
Jean Louis Paul TOUPANE, président,
Aminata LY NDIAŸYE,
Amadou Lamine BATHILY,
Seydina Issa SOW,
Babacar DIALLO, conseillers,
Jean Aloïse NDIAYE, avocat général, représentant le parquet général;
Cheikh DIOP, greffier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, les conseillers et le greffier.
Le président Le conseiller-rapporteur
Jean Louis Paul TOUPANE Aminata LY NDIAYE
Les conseillers
Amadou Lamine BATHILY Seydina Issa SOW Babacar DIALLO
Le greffier
Cheikh DIOP ANNEXE AFFAIRE N° J/425/RG/2015
Sur le premier moyen tiré de la violation des dispositions de l’article L53 du Code du travail et de l’article 24 de la Convention collective nationale interprofessionnelle
Attendu qu’après avoir « interprété à contrario » les dispositions de l’article L53 du Code du Travail et de l’article 24 de la CCNI, l’arrêt querellé en a déduit, dans son dispositif, que « les contrats de travail sont rompus par démission » et a « débouté les travailleurs de l’indemnité de licenciement et des dommages-intérêts » ;
Qu’autrement dit, la rupture des contrats de travail est imputable aux travailleurs (les mémorants) pour avoir démissionné ; ce qui les prive de l’indemnité de licenciement et des dommages-intérêts ;
Or, attendu qu’il ne peut y avoir démission à l’espèce dès lors que le préavis a été signifié aux travailleurs par l’employeur pour cause de licenciement alors surtout que la rupture par licenciement est effective dès que l’employeur a notifié par écrit sa décision aux travailleurs ; Que même si les travailleurs n’avaient pas attendu l’expiration du délai de préavis en acceptant d’être embauchés par une autre société et en quittant sans en aviser leur employeur, comme cela ressort de la motivation de la Cour, il ne peut résulter de « l’interprétation à contrario » de ces articles, une démission des travailleurs ;
Que c’est ce qui ressort des dispositions de l’article L53 alinéa 1 du Code du Travail qui précisent que : « Toute rupture du contrat à durée indéterminée, sans préavis ou sans que le délai de préavis ait été intégralement observé, emporte obligation, pour la partie responsable, de verser à l’autre partie une indemnité dite « indemnité de préavis », dont le montant correspond à la rémunération et aux avantages de toute nature dont aurait bénéficié le travailleur durant le délai de préavis qui n’aura pas été effectivement respecté » ;
D’où il s’ensuit que le travailleur qui quitte l’entreprise avant l’expiration du délai de préavis et sans en aviser l’employeur, ne démissionne pas, mais il encourt le risque de payer à l’employeur l’indemnité de préavis pour le délai restant à courir ;
Qu’il s’y ajoute qu’il est de jurisprudence constante que la démission est la manifestation sérieuse et sans équivoque de la volonté de son auteur et, par conséquent, elle ne peut résulter d’une interprétation, même à contrario, des dispositions précitées par rapport aux faits de l’espèce ;
Qu’il échet, par conséquent, casser et annuler l’arrêt pour violation de la loi, notamment les dispositions de l’article L53 du Code du travail et de l’article 24 de la CCNI ;
Sur le second moyen tiré du défaut de base légale
Attendu que dans sa motivation, la Cour s’est fondée sur les conclusions du 16 avril 2013 de BSI pour y relever que BSI aurait soutenu sans « être contesté » que « pendant la durée du préavis les travailleurs ont été embauchés par une autre société sans qu’il en résulte qu’ils ont donné avis ou présenté un nouveau contrat au moment du départ » avant d’en tirer la conséquence suivante : « il échet de dire que ce faisant, les travailleurs prennent eux-mêmes, de leur propre chef, l’initiative de la rupture, ils ont de ce fait procéder à une rupture de leurs contrats, ce en violation des articles L53 du Code du Travail et 24k de la CCNI, et qui s’analyse en démission, il y a lieu de dire qu’il n’y a pas licenciement » ;
Mais attendu qu’il ne résulte nulle part desdites conclusions du 16 avril 2013 de BSI une telle affirmation, ni de tels propos, même implicitement ;
Qu’en revanche, BSI a toujours reconnu être à l’initiative de la rupture des contrats de travail pour avoir licencié les mémorants, mais seulement, il a toujours persisté à soutenir que ce licenciement est légitime ;
Qu’en statuant donc comme elle l’a fiat en se fondant sur des faits non allégués et non contenus dans les uniques conclusions en cause d’appel du 16 avril 2013 que BSI a déposées, la Cour a manqué de donner de base légale à sa décision ;
Qu’il échet, par conséquent, casser et annuler l’arrêt pour défaut de base légale ;
Sur le troisième moyen tiré de l’insuffisance de motif
En ce que la Cour a relevé « des pièces du dossier que des travailleurs sont classés à la deuxième catégorie en qualité de gardiens alors que d’autres exerçant la même fonction sont classés à la 3*"° catégorie » pour classer « tous les travailleurs à la 3°" catégorie », en raison, « de la règle de l’avantage social tiré du meilleur classement » ;
Or, attendu qu’il ne résulte pas du dossier, des travailleur classés à la 3" catégorie ;
Qu’en revanche, tous les travailleurs (mémorants) sont classés à la 2*"° catégorie hormis quelques d’entre eux qui sont classés à la 5°" catégorie, soit en qualité de chef d’équipe, soit pour avoir été promus et ils bénéficient, depuis lors, des avantages attachés à cette 5°" catégorie ;
Que dès lors, en déclassant ces travailleurs de la 5°" catégorie à la 3°" catégorie, alors que ceux bénéficient de la rège dite du maintien des avantages acquis, l’arrêt querellé n’a pas suffisamment motivé sa décision ;
Que ce faisant, il encourt la cassation pour insuffisance de motif ;