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24/08/2016 | SéNéGAL | N°36

Sénégal | Sénégal, Cour suprême, 24 août 2016, 36


Texte (pseudonymisé)
Arrêt n° 36
Du 24 Aout 2016
Social
Affaire
n°J/309/RG/15
10/8/15
- La Société Matforce CSI sA
(Me Abdoulaye BABOU)
CONTRE
-Mamadou Al
AH
(Me Samba AMETTI)
RAPPORTEUR
Jean Louis Paul TOUPANE
PARQUET C
Maréme DIOP GUEYE
AUDIENCE
24 Aout 2016
PRESENTS
Jean Louis Paul TOUPANE, Président,
Waly FAYE,
Amadou Lamine BATHILY, Ibrahima SY,
Babacar DIALLO, Conseillers, Cheikh DIOP, Greffier;
MATIERE
Sociale REPUBLIQUE DU SENEGAL
AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS
COUR SUPREME
C

HAMBRE SOCIALE
AUDIENCE PUBLIQUE DE VACATION DU
MERCREDI VINGT QUATRE AOÛT DEUX MILLE
SEIZE
ENTRE :
-La Société Matforce C...

Arrêt n° 36
Du 24 Aout 2016
Social
Affaire
n°J/309/RG/15
10/8/15
- La Société Matforce CSI sA
(Me Abdoulaye BABOU)
CONTRE
-Mamadou Al
AH
(Me Samba AMETTI)
RAPPORTEUR
Jean Louis Paul TOUPANE
PARQUET C
Maréme DIOP GUEYE
AUDIENCE
24 Aout 2016
PRESENTS
Jean Louis Paul TOUPANE, Président,
Waly FAYE,
Amadou Lamine BATHILY, Ibrahima SY,
Babacar DIALLO, Conseillers, Cheikh DIOP, Greffier;
MATIERE
Sociale REPUBLIQUE DU SENEGAL
AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS
COUR SUPREME
CHAMBRE SOCIALE
AUDIENCE PUBLIQUE DE VACATION DU
MERCREDI VINGT QUATRE AOÛT DEUX MILLE
SEIZE
ENTRE :
-La Société Matforce CSI SA, poursuites et diligences de son représentant légal ayant son siège à la VDN en face du Cimetière Ac Ad, faisant élection de domicile en l’étude de Maître Abdoulaye BABOU, avocat à la Cour, Immeuble les Dunes C24, SODIDA à Am;
DEMANDERESSE, D’une part,
ET:
-Mamadou Al AH, domicilié villa n°19 Sacré cœur, élisant domicile … l’étude de Maître Samba AMETTI, avocat à la Cour, 130, Rue Ae Y x Aj Ah à Am ;
X,
D’autre part,
Vu la déclaration de pourvoi formée par Maître Abdoulaye BABOU, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de Société Matforce CSI SA;
Ladite déclaration est enregistrée au greffe central de la Cour suprême le 10 août 2015 sous le numéro J/309/RG/15 et tendant à ce qu’il plaise à la Cour, casser l’arrêt n°415 rendu le 10 juin 2015 par la première chambre de la Cour d’Appel de Am;
Ce faisant, attendu que l’arrêt est attaqué pour violation des articles L49 à L59 du Code du travail et manque de loyauté pour avoir informé un partenaire stratégique de la société Cummins sur la position de Matforce dans une offre concurrentielle;
la Cour
Vu la loi organique n°2008-35 du 8 août 2008 sur la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la lettre du greffe du 10 août 2015 portant notification de la déclaration de pourvoi au défendeur ;
Vu les conclusions écrites du parquet général tendant au rejet du pourvoi ;
Vu les moyens annexés ;
Ouï monsieur Jean Louis Paul TOUPANE, Président de chambre, en son rapport ;
Ouï madame Maréme DIOP GUEYE, avocat général représentant le parquet général, en ses
conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Dakar, 10 juin 2015, n°415) et les productions, que Ai Al AH, employé de la société MATFORCE, a été licencié pour des faits qualifiés de faute lourde ;
Sur les deux moyens réunis ;
Attendu que, sous le couvert de ces griefs, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion devant la Cour, les éléments de fait et de preuve soumis à l’examen des juges du fond ;
D?’où il suit qu’il est irrecevable ;
Par ces motifs:
Rejette le pourvoi ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre sociale de la Cour suprême, en son
audience publique de vacation tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents
messieurs :
Jean Louis Paul TOUPANE, président,
Amadou Lamine BATHILY,
Ibrahima SY,
Babacar DIALLO, conseillers,
Oumar DIEYE, avocat général, représentant le parquet général;
Cheikh DIOP, greffier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, les conseillers et le greffier
Le président -rapporteur
Jean Louis Paul TOUPANE
Les conseillers
Waly FAYE Amadou Lamine BATHILY Ibrahima SY Babacar DIALLO
Le greffier
Cheikh DIOP ANNEXE AFFAIRE N° J/309/RG/2015
Sur la violation des articles L49 à L59 du Code du Travail et de la mauvaise application de la loi
L’arrêt attaqué prend à son compte les mêmes motifs que ceux du tribunal du travail c’est la raison pour laquelle il conviendra de reprendre les mêmes motifs pour démontrer que le licenciement de Ai Al AH est bel et bien légitime parce que reposant sur des motifs réels et sérieux.
Première motif de licenciement : la livraison des groupes électrogènes sans aucun pouvoir
Sur ce point précis pour rejeter ce moyen la Cour dispose : « c’est bien le directeur financier de Matforce assurant l’intérim du directeur général qui a instruit AH de procéder à la livraison suite à la commande de la SENELEC, confrontée à des soulèvements de la population à Ag et d’ajouter « qu’il résulte des courriels échangées avec ses supérieurs notamment Ab AG et Ai Z que ces derniers étaient effectivement au courant de toute la procédure douanière gouvernant la circulation des marchandises et surtout que ses supérieurs sachant que AH n’avait pas compétence sur du matériel dépassant 100 millions lui ont quand même donné des instructions pour procéder à leur livraison.
Donc AH n’a pas outrepassé ses pouvoirs.
La cour d’Appel s’est fondée sur des faits faux non conformes à la réalité, même Ai Al AH n’a pas utilisé de tels arguments pour sa défense et il suffit de rappeler dans les lignes qui suivent le déroulement des faits :
Le sieur AH a fait sortir de Matforce des groupes électrogènes sous douane d’une valeur de près de 300 millions de francs CFA à destination de Ag.
La sortie et l’exploitation de marchandises sous douane est un délit douanier exposant le président directeur général de Matforce à une peine de prison et au paiement d’une amende de plus d’un milliard de francs, le sieur AH ne s’est pas soucié de la gravité de ses actes.
Plus décisif encore, Ai Al AH n’avait pas pouvoir à agir pour du matériel dont la valeur excède 100 millions de francs or en l’espèce la valeur des groupes électrogènes mouvementés par AH excède 300 millions de francs.
Le 27 juillet 2012 une demande d’explication lui a été adressée relativement aux faits commis d’une extrême gravité.
Pour seule réponse, Ai Al AH, dans sa lettre du 30 juillet 2012 reconnaît ses fautes et invoque l’ignorance des procédures comme circonstances atténuantes et déclare ce qui suit :
«Je n’avais aucun moyen de savoir que ces groupes électrogènes qu’on m’avait demandé d’installer n’étaient pas encore dédouanés, je ne connais pas les modalités de dédouanement, ni les différents régimes concernés… ».
Sur le bordereau de livraison de manuel qui n’est pas autorisé, Ai Al AH reconnaît aussi sa faute et invoque l’urgence. Il déclare in extenso dans sa lettre du 30 juillet 2012 ce qui suit :
« Vu l’urgence à laquelle nous faisions face et le fait que nous étions déjà en week end et les risques de manifestation, une décision bien intentionnée a été prise de signer manuellement ce BL pur faire sortir ces groupes que nous pensions avoir franchi toutes les barrières douanières et par la suite tout régulariser sur x3 à partir du 9 juillet 2012 ».
Ainsi donc, le sieur AH avoue sans ambiguïté avoir violé les procédures habituelles de sorties de marchandises à Matforce ce qui constitue une faute impardonnable.
Sur le mouvement des groupes électrogènes d’une valeur de 300 millions qui excède ses compétences
Là aussi, Ai Al AH reconnaît sa faute et déclare :
« Je sais que pour tout montant qui dépasse les 100 millions, seul le PDG devra signer et j’en ai pris bonne note ».
En conséquence, pour le seul cas concernant les groupes électrogènes Ai Al AH a commis 3 fautes d’une extrême gravité dont chacune d’elles pourrait provoquer son licenciement pour faute lourde.
Les pièces versées au débat prouvent que les faits reprochés à Ai Al AH sont tous avérés, le demandeur ne les nie pas du reste mais se réfugie dans l’ignorance et la recherche de circonstances atténuantes.
C’est parce que Ai Al AH était chef de département, fonction importante qu’il ne devait pas commettre des fautes aussi lourdes de conséquences.
Au regard de tout ce qui précède, l’arrêt de la cour d’Appel n’a pas procédé à une correcte appréciation des faits qu’il a sélectionnés pour pouvoir tirer la bonne règle de droit.
La Cour suprême exerce son contrôle sur l’application correcte des règles de procédure et des règles de droit, relativement à l’application de la règle de droit retenue, il est vrai et non contesté que la Cour suprême ne réexamine pas tous les faits, toutefois elle a un droit de regard sur les faits qui ont été sélectionnés par le juge du fond pour parvenir à l’application de la règle de droit.
En l’espèce la cour d’Appel s’est fondée sur des faits faux en conséquence elle ne pouvait tirer la bonne règle de droit.
La Cour suprême tenant compte de la bonne appréciation des faits sélectionnés se doit de casser l’arrêt attaqué pour violation de la loi.
Sur le deuxième moyen tiré du manque de loyauté pour avoir informé un partenaire stratégique de la société à savoir la société Cummins sur la position de Matforce dans une offre concurrentielle.
Sur ce point l’arrêt attaqué dispose :
« Que, de surcroît les allégations de l’employeur consistant à dire que le demandeur a insinué des accusations contre le directeur de Matforce ne sont corroborées par aucune pièce de la procédure et ne sont étayées par aucun témoignage ».
« Qu’en outre, le simple fait pour le sieur AH de s'adresser directement aux dirigeants de la société Cummins partenaire de Matforce les informer que cette dernière ne voulait plus de leur offre dont le pilotage lui a été confié par le directeur général de Matforce ne saurait guère s’analyser en une faute lourde justifiant un licenciement ».
La cour d’Appel s’est prononcée sur deux griefs portés contre Al AH sans leur accorder aucune importance.
Il convient pour ce faire de rappeler les circonstances de la cause.
La lettre de licenciement pour faute lourde de AH rappelle sur ce point ce qui suit : « je viens d’être interpellé par Cummins pour une affaire interne pour laquelle vous avez écrit au fournisseur avec des insinuations à mon endroit, les informant que c’est moi qui ai décidé de ne pas faire avancer leur offre et pour ce message vous êtes bien gardé bien entendu de m’en faire copie ».
En s’adressant directement à la société Cummins, une multinationale américaine partenaire de très longue date de Matforce, en usant de propos maladroits, Al AH a mis gravement en danger les relations commerciales Matforce-Cummins.
De quoi s’agit-il ?
Matforce travaillait sur un projet d’une centrale à gasoil avec plusieurs partenaires, dont la société Cummins avec qui elle entretenait déjà de bons rapports commerciaux notamment l’exploitation des groupes électrogènes Cummins.
Cummins était en course avec d’autres sociétés sur un projet hybride de turbines éoliennes et de groupes électrogènes pour une centrale à gazoil. A l’interne, Ai Al AH travaillait sur le dossier Cummins et naturellement le PDG de Matforce étudie toutes les offres qui lui sont faites avant d’arrêter une position définitive.
Au terme de la réflexion et des études, le sieur AH a adressé au PDG de Matforce le mail suivant :
Offre Cummins « Bonjour Monsieur Z
Aa l’offre pour les turbines éoliennes hybrides de COGECA que nous venons de finaliser avec Cummins, en résumé il s’agira de :
5 turbines éoliennes de 95 kw chacun
Coût total investissement 1 milliard 75 millions FCFA
Des économies de 205 mille litres de gasoil soit 143 millions par an.
Une fois que la validez je pourrai la remettre en personne à Baka qui est pressé de le voir.
En réponse, le PDG de Matforce ayant porté son choix sur une autre offre que celle de Cummins, pourtant partenaire par ailleurs, adresse à Ai AH le mail ci- dessous :
« Ak Ai,
Je vous demande de ne pas remettre cette offre.
Vous pourrez informer BAKA que les raisons sont les suivantes :
Nous avons encore une offre concurrente en HFO qui est ma préférence et pour laquelle je me suis réuni avec son président qui doit décider…
Au regard de cette décision interne Ai Al AH aurait du exécuter les instructions du PDG de Matforce qui constituent une mesure interne mais malheureusement Ai Al AH s’est adressé directement aux dirigeants de Cummins pour leur dire que Monsieur Ai Z ne voulait plus de leur projet.
Ainsi, par mail adressé à monsieur Af B dirigeant de Cummins, le sieur AH lui déclare que leur projet n’agrée pas monsieur SOW qui a porté son choix ailleurs. A son tour, le dirigeant de Cummins s’est adressé au PDG de Matforce pour se plaindre avec comme menace la rupture des relations commerciales. Le tout par la faute de Ai Al AH qui a outrepassé ses pouvoirs et mis en danger la vie de l’entreprise Matforce.
Revenant sur le premier argument de l’arrêt selon lequel la preuve n’est pas rapportée que AH a initié des accusations auprès de Cummins contre le président directeur général de Matforce.
Les échanges de mails entre le président directeur général de Matforce, Ai Al AH et le directeur de Cummins qui s’est plaint en menaçant de rompre les relations commerciales sont versés dans le dossier.
On se demande alors comment la cour d’Appel a pu les ignorer dès lors que Ai AH lui-même ne les nie pas.
Le deuxième argument de la cour d’Appel selon lequel « le simple fait pour le sieur AH de s’adresser directement au dirigeant de la société Cummins partenaire de Matforce ne saurait guère s’analyser en une faute lourde justifiant un licenciement ».
Sur ce plan l’arrêt attaqué du 10 juin 2015 reconnaît explicitement que AH a commis une faute mais dans la hiérarchie des fautes, il y a les fautes simples et les fautes lourdes et dans d’autres pays il y a les fautes graves.
L’arrêt attaqué a violé la loi à savoir la reconnaissance d’une faute même simple qui légitime le licenciement et lorsque le licenciement est prononcé même pour une faute simple, le travailleur n’a pas droit à des indemnités de licenciement.
En l’espèce il est incompréhensible que la cour d’Appel après avoir admis l’existence des faits reprochés à Al AH ait refusé d’appliquer la règle de droit qui s’impose à savoir la légitimité du licenciement même pour faute simple privatif d’indemnité de licenciement.
Ai Al AH se retrouvant ainsi avec moins d’un an de présence à Matforce avec des dommages-intérêts de 150 000 000 FCFA.
Qu’il résulte de tout ce qui précède que les griefs articulés dans la lettre de licenciement sans droit, c'est-à-dire fautes lourdes de Ai Al AH le 14 août 2012 sont bien fondés.
Que ce faisant l’arrêt n° 415 du 10 juin 2015 de la chambre sociale de la cour d’Appel a violé toutes les dispositions du Code du Travail relatives au licenciement notamment les articles L49, L50, L51, L52, L53, L54, L55, L56, L57, L58, L59 pour mauvaise application de la loi.
En conséquence, casser et annuler l’arrêt n° 415 du 10 juin 2015 de la chambre sociale de la Cour d’Appel de Dakar.
Renvoyer la cause et les parties devant une autre chambre sociale autrement composée.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 36
Date de la décision : 24/08/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.supreme;arret;2016-08-24;36 ?
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