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27/01/2016 | SéNéGAL | N°02

Sénégal | Sénégal, Cour suprême, 27 janvier 2016, 02


Texte (pseudonymisé)
Arrêt n° 02
Du 27 Janvier 2016
Social
Affaire
n°J/069/RG/15
3/3/15
(Me Fara GOMIS)
CONTRE
-ONG Enda Tiers Monde (Me Ibrahima GUEYE)
RAPPORTEUR
Babacar DIALLO
PAR UET GENERAL
Oumar DIEYE
AUDIENCE
27 Janvier 2016
PRESENTS
Jean Louis Paul TOUPANE, Président,
Mouhamadou Bachir SEYE,
Aminata LY NDIAŸYE,
Amadou Lamine BATHILY
Babacar DIALLO, Conseillers, Cheikh DIOP, Greffier;
MATIERE
Sociale REPUBLIQUE DU SENEGAL
AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS
COUR SUPREME
CHAMBRE SOCIAL

E
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU
MERCREDI VINGT SEPT JANVIER DEUX MILLE
SEIZE
ENTRE :
-Straton A, domicilié aux HL...

Arrêt n° 02
Du 27 Janvier 2016
Social
Affaire
n°J/069/RG/15
3/3/15
(Me Fara GOMIS)
CONTRE
-ONG Enda Tiers Monde (Me Ibrahima GUEYE)
RAPPORTEUR
Babacar DIALLO
PAR UET GENERAL
Oumar DIEYE
AUDIENCE
27 Janvier 2016
PRESENTS
Jean Louis Paul TOUPANE, Président,
Mouhamadou Bachir SEYE,
Aminata LY NDIAŸYE,
Amadou Lamine BATHILY
Babacar DIALLO, Conseillers, Cheikh DIOP, Greffier;
MATIERE
Sociale REPUBLIQUE DU SENEGAL
AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS
COUR SUPREME
CHAMBRE SOCIALE
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU
MERCREDI VINGT SEPT JANVIER DEUX MILLE
SEIZE
ENTRE :
-Straton A, domicilié aux HLM Gueule Tapée Appartement n°449 en face du canal IV à Dakar, élisant domicile … l’étude de Maître Fara GOMIS, avocat à la Cour, 90, Avenue Ab B … … ;
DEMANDEUR,
D’une part,
ET:
-ONG Enda Tiers Monde, ayant son siège social à Dakar, Immeuble Ae, … … Cheikh Anta DIOP, poursuites et diligences de son Secrétaire exécutif, ayant pour conseil Maître Ibrahima GUEYE, avocat à la Cour, 52, Rue Aa C x Ac X ;
Z,
D’autre part,
Vu la déclaration de pourvoi formée par Maître Fara GOMIS, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de Ad A;
Ladite déclaration est enregistrée au greffe central de la Cour suprême le 19 août 2014 sous le numéro J/069/RG/14 et tendant à ce qu’il plaise à la Cour, casser l’arrêt n°201 rendu le 10 avril 2014 par la troisième chambre sociale de la Cour d’Appel de Dakar;
Ce faisant, attendu que l’arrêt est attaqué pour violation des articles 116-1, 116-2, 116-3 du Code de Procédure civile, 8 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, insuffisance des motifs et défaut de base légale;
la Cour
Vu la loi organique n°2008-35 du 8 août 2008 sur la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la lettre du greffe du 30 avril 2015 portant notification de la déclaration de pourvoi à la
défenderesse ;
Vu les conclusions écrites du ministère public tendant à la cassation de l’arrêt attaqué;
Vu les moyens annexés ;
Ouï monsieur Babacar DIALLO, conseiller, en son rapport ;
Ouï monsieur Oumar DIEYE, avocat général représentant le ministère public, en ses
conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Ad A, archiviste en service à l’organisation non gouvernementale ENDA Tiers Monde, a attrait celle-ci devant le Tribunal du travail de Dakar aux fins de déclarer son licenciement abusif et de paiement de diverses sommes d’argent ; que ENDA s’est prévalue de son immunité de juridiction ;
Sur le premier moyen, en sa seconde branche ;
Vu l’article 8 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l’action de Ad A, l’arrêt retient, d’une part, que ENDA Tiers Monde tire son immunité de l’accord de siège du 27 juin 1978, signé avec le Gouvernement du Sénégal, qui stipule en son article 5 que « ENDA, ses biens et avoirs en quelques endroits qu’ils se trouvent et quel qu’en soit le détenteur, jouissent de l’immunité de juridiction, sauf dans la mesure où ENDA y aurait expressément renoncé dans un cas particulier », d’autre part, que le ministère des affaires étrangères lui a délivré à cet effet une attestation d’accréditation, et enfin que ENDA Tiers Monde n’ayant pas renoncé à l’immunité de juridiction pour avoir tout mis en œuvre afin d’en bénéficier, ce privilège lui a été accordé après communication de la procédure au parquet ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si au moment des faits, ENDA Tiers Monde avait institué en son sein un tribunal ayant compétence pour statuer sur des litiges de cette nature, afin de permettre à Ad A d’exercer son droit à un recours effectif devant une juridiction, la cour d’Appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS,
Et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens :
Casse et annule, en toutes ses dispositions, l’arrêt n°201 rendu le 10 avril 2014 par la Cour d’Appel de Dakar ;
Renvoie la cause et les parties devant la cour d’Appel de Thiès ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre sociale de la Cour suprême, en son audience
publique ordinaire tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents messieurs:
Jean Louis Paul TOUPANE, Président,
Mouhamadou Bachir SEYE,
Aminata LY NDIAŸYE,
Amadou Lamine BATHILY
Babacar DIALLO, Conseillers,
Cheikh DIOP, Greffier ;
Oumar DIEYE, avocat général, représentant le ministère public ;
Cheikh DIOP, greffier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, les conseillers et le greffier Le président le conseiller-rapporteur
Jean Louis Paul TOUPANE Babacar DIALLO
Les conseillers
Mouhamadou B. SEYE Aminata LY NDIAYE Amadou L. BATHILY
Le greffier
Cheikh DIOP Sur le premier moyen tiré de la violation de la loi
Première branche : violation des règles de procédure prévues par les articles 116-1 et suivants du Code de procédure civile (CPC), notamment en ses articles 116-2 et 116-3 ;
En ce que, pour déclarer l’action du mémorant irrecevable, l’arrêt querellé a considéré comme seules conditions :
-D’une part, que l'ONG Enda Tiers Monde n’a pas renoncé à
l’immunité de juridiction pour avoir tout mis en œuvre afin d’en bénéficier et ;
-D’autre part, qu’après communication de la procédure au parquet,
le ministère public est intervenu pour reconnaître à l’ONG le bénéfice de l’immunité de juridiction.
Qu’autrement dit, pour que l’exception préjudicielle d’immunité de juridiction soit effective et puisse entraîner l’irrecevabilité de l’action du mémorant devant le tribunal, il suffit seulement que l’ONG Enda Tiers Monde qui l’invoque, n’y renonce pas et que le Ministère public intervienne pour lui reconnaître ce bénéfice de l’immunité de juridiction ;
Or, attendu qu’il existe toute une procédure prévue par les articles 116-2 et 116-3 du CPC avant que le ministère public ne puisse intervenir dans l’instance pour présenter l’exception préjudicielle d’immunité juridictionnelle ;
Qu’en déclarant donc irrecevable l’action du mémorant en se fondant seulement sur la non-renonciation de l’Ong à son immunité de juridiction d’une part et, d’autre part, sur l’intervention du ministère public qui lui reconnaît ce bénéfice, la cour d’Appel a manifestement violé la loi pour n’avoir pas pris en compte toute la procédure prévue par les dispositions des articles 116-2 et 116-3 du CPC ;
Deuxième branche : violation de l’article 8 de la déclaration universelle des droits de l’homme, déclaration prévue et insérée dans le préambule de la Constitution du Sénégal.
Attendu qu’il résulte de cet article 8 de la déclaration universelle des droits de l’homme que : «toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre tous les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la Constitution ou par la loi » ;
Or, attendu qu’en déclarant irrecevable l’action du mémorant sans lui faire bénéficier de la procédure des articles 116-1, 116-2 et 116-3 du CPC alors que, d’une part, il n’existe pas de procédure, ni d’organe à l’interne de règlement des conflits au sein de l’ONG Enda Tiers Monde au moment des faits et que, d’autre part, le mémorant a tout mis en œuvre pour bénéficier d’un traitement conforme à ses droits, ce dernier se trouve, sans aucun doute, devant un déni de justice ;
Qu’en effet, en déclarant sa procédure irrecevable, la cour d’Appel dénie au mémorant toute possibilité de bénéficier d’un procès juste et équitable tant devant un organe ad’hoc, que devant une juridiction étatique ; ce qui constitue une violation d’un principe fondamental reconnu par déclaration universelle des droits de l’homme et la Constitution de la République du Sénégal, celui d’avoir le droit au juge ;
Que la doctrine et la jurisprudence s’accordent sur cette position en considérant que le droit au juge constitue un principe général du droit applicable à toutes les organisations internationales ;
Que c’est ainsi que la Cour de cassation française a écarté dans un «attendu» célèbre l’immunité de juridiction de la banque africaine de développement car, celle-ci n’avait pas pu régler le litige à l’interne et, la Cour de décider comme suit: « Mais attendu que la banque africaine de développement ne peut se prévaloir de l’immunité de juridiction dans le litige l’opposant au salarié qu’elle a licencié dès lors qu’à l’époque des faits, elle n’avait pas institué en son sein un tribunal ayant compétence pour statuer sur des litiges de cette nature, l’impossibilité pour une partie d’accéder au juge chargé de se prononcer sur sa prétention et d’exercer un droit qui relève de l’ordre public international constituant un déni de justice fondant la compétence de la juridiction française lorsqu’il existe un rattachement avec la France » (cf Cour de cassation, chambre sociale 25 janvier 2005 Bull. 2005 V n° 16 page 13) ; à préciser que ce document est versé aux débat depuis l’instance devant le tribunal ;
Que c’est pourquoi, l’arrêt querellé encourt purement et simplement la cassation ;
Sur le second moyen tiré de l’insuffisance de motifs
En ce que l’arrêt entrepris a considéré tacitement et à tort que le fait pour le Ministère public de s’être fondé sur une attestation d’accréditation qui date du 29 avril 2004 c'est-à-dire, à une date bien antérieure à la procédure, pour intervenir dans ladite procédure et reconnaître à l’ONG le bénéfice de l’immunité juridictionnelle, est conforme à la loi ;
Alors qu’il résulte de l’alinéa 3 de l’article 116-2 du CPC que : « s’il résulte des vérifications opérées que la personne citée jouit effectivement de l’immunité invoquée, le ministre chargé des affaires étrangères établit une attestation d’accréditation qu’il transmet au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, en même temps que l’assignation ou la citation et la revendication d’immunité formulée par la partie » ;
Qu’autrement dit, l’attestation d’accréditation ne peut pas être antérieure à la requête introductive de l’action puisque ces vérifications ne sont opérées que lorsque la partie, contre qui l’exception d’immunité de juridiction est soulevée, a initié son action ;
Or, attendu que l’attestation d’accréditation, qu’invoque le ministère public dans ses conclusions civiles en date du 17 juin 2008, a été produite et délivrée, le 29 avril 2004, c'est-à-dire, trois ans avant que le mémorant n’initie sa procédure devant le tribunal du travail ;
Qu’en confirmant donc le jugement sur ce point, l’arrêt entrepris n’a pas été suffisamment motivé ou, si mieux aime la Cour, l’arrêt entrepris a violé les dispositions de l’article 116-2 alinéa 3 du CPC et encourt conséquemment la cassation ;
Sur le troisième moyen tiré du défaut de base légale
En ce que l’arrêt entrepris a commencé par bien déterminer le siège des dispositions applicables à l’exception préjudicielle d’immunité de juridiction en ces termes : « Considérant que la procédure de mise en place de cette exception est spécifiée par les articles 116-1, 116-2, 116-3 et suivants du CPC ;
Mais attendu que pour reconnaître à l'ONG Enda Tiers Monde le bénéfice de l’exception préjudicielle de l’immunité de juridiction et, conséquemment, déclarer irrecevable la procédure du mémorant, la Cour s’est limitée à combiner les dispositions des articles 116-2 et 113-3 qui définissent la procédure à suivre au cas où une partie se prévaut du bénéfice de ladite immunité ainsi que le rôle et le moment de l’intervention du ministère public ;
Que c’est ce qui résulte de l’arrêt entrepris lorsqu’il précise : « Considérant, cependant que l’ONG Tiers Monde n’y a pas renoncé puisqu’elle a tout mis en œuvre pour en bénéficier ; qu’il ressort de l’article 116-1, combiné à l’article 57 du CPC, qu’elle l’a diligentée, dans le respect des textes qui l’organisent ; qu’il est précisé à l’article 116-1 alinéa 1, in fine, que la partie qui jouit de l’immunité juridictionnelle, sans être obligée de comparaître, peut se voir reconnaître, le bénéfice de ladite procédure au parquet, le bénéfice de l’immunité de juridiction lui a été accordé, qu’ainsi, sans qu’il soit besoin de s’attarder sur les autres fins et moyens soulevées par 1 es parties , comme l’a bien analysé le juge d’instance, il échet de déclarer la requête de Ad A irrecevable, cette exception étant préjudicielle à l’action, dont l’application, coupe court à toute autre forme de discussion » pour en conclure : « qu’il y a lieu de confirmer le premier juge qui a fait une analyse pertinente des faits et une correcte application de la loi » ;
Qu’en procédant ainsi, l’arrêt querellé a fait une mauvaise interprétation de la loi en décidant que le fait de communiquer la procédure au ministère public conformément à l’article 57 du CPC combiné à l’article 116-1 suffit pour le parquet puisse intervenir dans la procédure et reconnaître à l’ONG le bénéfice de l’immunité de juridiction sans respecter les dispositions des articles 116-2 et 116-3 du CPC ;
Qu’en conséquence, en statuant comme il l’a fait, l’arrêt mérite dès lors cassation.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 02
Date de la décision : 27/01/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.supreme;arret;2016-01-27;02 ?
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