La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/09/2015 | SéNéGAL | N°61

Sénégal | Sénégal, Cour suprême, 23 septembre 2015, 61


Texte (pseudonymisé)
ARRET N°61 du 23/9/15 J/404/RG/14 26/9/14 Administrative ------
-Bouré B et autres (Me Aliou SOW)
Contre : -Etat du Sénégal (Agent judiciaire de l’Etat) PRESENTS :
Mouhamadou DIAWARA, Président de chambre, Président,
Souleymane KANE,
Mahamadou Mansour MBAYE,
Waly FAYE,
Sangoné FALL,
Conseillers, RAPPORTEUR :
Sangoné FALL, PARQUET GENERAL:
Ousmane DIAGNE GREFFIER :
Cheikh DIOP
AUDIENCE:
23 Septembre 2015
MATIERE :
Administrative
RECOURS :
Excès de pouvoir REPUBLIQUE DU SENEGAL AU NOM DU PEU

PLE SENEGALAIS ---------------- COUR SUPREME ---------------- CHAMBRE ADMINISTRATIVE ---------------- -A l’audienc...

ARRET N°61 du 23/9/15 J/404/RG/14 26/9/14 Administrative ------
-Bouré B et autres (Me Aliou SOW)
Contre : -Etat du Sénégal (Agent judiciaire de l’Etat) PRESENTS :
Mouhamadou DIAWARA, Président de chambre, Président,
Souleymane KANE,
Mahamadou Mansour MBAYE,
Waly FAYE,
Sangoné FALL,
Conseillers, RAPPORTEUR :
Sangoné FALL, PARQUET GENERAL:
Ousmane DIAGNE GREFFIER :
Cheikh DIOP
AUDIENCE:
23 Septembre 2015
MATIERE :
Administrative
RECOURS :
Excès de pouvoir REPUBLIQUE DU SENEGAL AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS ---------------- COUR SUPREME ---------------- CHAMBRE ADMINISTRATIVE ---------------- -A l’audience publique de vacation du jeudi vingt trois septembre de l’an deux mille quinze ; ENTRE : -Bouré B, élève maitre inscrit au Centre Régional de Formation du Personnel de l’Education (CRFPE) de Ai ;
-Babacar FAYE, élève maitre inscrit au Centre Régional de Formation du Personnel de l’Education (CRFPE) de Ab ; Aa X, élève maitre inscrit au Centre Régional de Formation du Personnel de l’Education (CRFPE) Ao Am ; Ah AN, élève maitre inscrit au Centre Régional de Formation du Personnel de l’Education (CRFPE) de Dakar ; -Papa Ac AM, élève maitre inscrit au Centre Régional de Formation du Personnel de l’Education (CRFPE) de Thiés; -Mourtalla SALL, élève maitre inscrit au Centre Régional de Formation du Personnel de l’Education (CRFPE) de Af ; AG AH, élève maitre inscrit au Centre Régional de Formation du Personnel de l’Education (CRFPE) de Ap ; AI AJ, élève maitre inscrit au Centre Régional de Formation du Personnel de l’Education (CRFPE) de Diourbel ; -Betie MANGA, élève maitre inscrit au Centre Régional de Formation du Personnel de l’Education (CRFPE) de Al ; Y Ae A, élève maitre inscrit au Centre Régional de Formation du Personnel de l’Education (CRFPE) de Ziguinchor ; Et Y Ae C, élève maitre inscrit au Centre Régional de Formation du Personnel de l’Education (CRFPE) de Sédhiou; Tous, faisant tous élection de domicile en l’étude de Maître Aliou SOW, 44, Avenue Ai AL, 1er étage, appartement A, Dakar;
D’UNE PART ;
ET :
-L’Etat du Sénégal pris en la personne de Monsieur l’Agent judiciaire de l’Etat, en ses bureaux sis au Ministère de l’Economie et des Finances, building Peytavin, Avenue de la République x Carde à Dakar;
D’AUTRE PART ; Vu la requête reçue le 26 septembre 2014 au greffe central de la Cour suprême par laquelle, Ad B , Ah Ak, Aa X, Ah AN, Ag Ac AM, An AP, AG AH, AI AJ, Aj Z, Y Ae A et Y Ae C, élisant domicile … l’étude de Maître Aliou SOW, avocat à la cour, ont sollicité l’annulation de l’arrêté n°00003816 du 24 juillet 2014 du ministre de l’Éducation nationale portant annulation d’admission au concours des élèves-maîtres option « arabe et français » session 2013 ; Vu la loi organique n°2008-35 du 8 août 2008 sur la Cour suprême ; Vu l’exploit du 2 octobre 2014 de maître Joséphine Kambe SENGHOR, huissier de justice à Dakar, portant signification de la requête à l’Agent judiciaire de l’État ; Vu la quittance du 29 septembre 2014 attestant de la consignation de l’amende ; Vu le mémoire en défense de l’Agent judiciaire de l’État reçu le 1er décembre 2014 ; Vu l’arrêt attaqué ; Vu les autres pièces du dossier ; Ouï Monsieur Sangoné FALL, conseiller, en son rapport ; Ouï Monsieur Ousmane DIAGNE, avocat général, en ses conclusions tendant au rejet ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant que par Décision n° 00003816 du 24 juillet 2014, le Ministre de l’Éducation nationale (ci-après le ministre) a annulé l’admission de 690 élèves-maîtres au concours de recrutement des élèves-maîtres, option « arabe » et « français », session 2013 ; que Ad B et autres, qui font partie de ces 690 élèves-maîtres et avaient, pendant cinq mois, entamé une formation dans des centres régionaux de formation des personnels de l’éducation (CRFPE), sollicitent l’annulation de la Décision du Ministre pour excès de pouvoir ;
Sur la recevabilité du recours :
Considérant que l’Agent judiciaire de l’État, pour le compte de l’État du Sénégal, conclut, sur le fondement de l’article 73-1 de la loi n°2008-35 du 8 août 2008 portant création de la Cour suprême selon lequel le délai pour se pourvoir est de deux mois à compter de la date de la publication de l’acte attaqué, à l’irrecevabilité de la requête en annulation introduite le 26 septembre 2014 alors que la décision du Ministre de l’Éducation nationale a été publiée le même jour ; Considérant, selon les dispositions de l’article 5 de la loi n°70-14 du 6 février 1970 (la loi du 6 février 1970) fixant les règles d’applicabilité des lois, des actes administratifs à caractère règlementaire et des actes administratifs à caractère individuel, que, sauf exception prévue par la loi et sous réserve de dispositions contraires, les actes administratifs à caractère individuel, quelles qu’en soient la forme et l’origine, deviennent exécutoires dès leur notification ; Considérant que la décision attaquée n’est pas un acte règlementaire faisant courir le délai du recours à compter de la date de sa publication au sens de l’article 2 de la loi du 6 février 1970 modifiée ; qu’elle est plutôt une décision individuelle prise dans un acte collectif en ce qu’elle concerne plusieurs personnes nommément désignées et qu’il ne résulte pas des pièces de la procédure que celles-ci en aient reçu notification comme le prévoit l’article 5 de cette loi; qu’il s’ensuit que le délai du recours de deux mois de l’article 73-1 de la loi organique susvisée n’a pu courir contre eux et la requête en annulation doit être déclarée recevable ; Sur la légalité de la Décision n°00003816 du 24 juillet 2014 du Ministre de l’Éducation nationale (MEN) portant annulation d’admissions au concours de recrutement d’élèves-maîtres, options « arabe » et « français », session, 2013 ;
Considérant que Ad B et autres soulèvent cinq (5) griefs contre la décision du ministre :
son incompétence et la violation de la souveraineté du jury en ce que, dans l’organisation des concours et examens publics, celui-ci est seul compétent pour tirer les conséquences des erreurs commises et le ministre ne peut pas annuler partiellement l’admission des 690 élèves-maîtres et retenir la validité de l’admission des autres ; « la violation du principe général du droit de la défense » puisque les élèves-maîtres n’ont pas été informés des griefs retenus contre eux et n’ont pas discuté les éléments du rapport les incriminant ; « la violation du principe de l’intangibilité des effets individuels de l’acte administratif » dans la mesure où les 690 élèves-maîtres ont été régulièrement déclarés admis et reconnus comme appartenant au corps des fonctionnaires, que les droits acquis individuellement par chaque élève-maître ne sauraient être remis en cause et que même si l’admission devait être considérée comme illégale, l’autorité administrative ne pouvait agir que dans le délai du recours pour excès de pouvoir ; « le défaut de motivation », l’acte attaqué ne renseignant pas sur les motifs de fait et de droit qui le soutiennent ; « l’inopposabilité des faits » en ce sens que les élèves-maîtres n’ont pas été mis en mesure de discuter les griefs retenus contre eux et n’ont pas été pris dans des cas de fraude, la fraude étant un délit qui ne peut être retenu que par une juridiction compétente, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ; Considérant que l’Agent judicaire de l’Etat, qui conclut, sur le fond, au rejet du recours, explique que suite au Concours de recrutement des élèves-maîtres, session 2013, et au regard du soupçon de fraude révélé par le faible niveau d’élèves-maîtres qui avaient du mal à suivre la formation, un certain nombre de faits ont établi la matérialité de la falsification des notes de candidats, à leur demande ou à celle de leur parents, en complicité avec des agents du système éducatif ; que c’est ainsi qu’après enquête d’inspection, les dispositions ont été prises par le ministre en rapport avec les directions concernées de son ministère pour l’annulation de l’admission des 690 élèves-maîtres dont les notes ont été relevées et qui ne remplissaient pas les conditions pour être admis ; que répondant aux griefs soulevés par Ad B et autres, il a fait valoir : que le ministre, qui a agi dans l’intérêt du service public de l’enseignement, a compétence pour prendre la décision d’admission et est seul habilité à prendre la décision d’annulation des admissions prises sur des « bases » irrégulières ; que dans l’organisation du concours de recrutement des élèves-maîtres, il n’y a pas de jury souverain responsable de tout le processus d’examen jusqu’à la délibération et que, même dans le cas d’un jury souverain, le jury délibère souverainement dès lors qu’il ne commet ni erreur de droit ni erreur matérielle et l’appréciation doit porter sur la valeur pédagogique des copies et des travaux des candidats et non sur des erreurs ou des falsifications dans le report des notes ; que s’agissant de « la violation du droit à la défense », la loi n° 61-33 du 15 juin 1961 relative au statut général des fonctionnaires qui consacre, en son article 48, un droit à la défense, ne leur est pas applicable parce qu’ils n’ont pas la qualité d’agents de l’État ; que le principe général invoqué ne l’est pas non plus parce qu’il n’entre en jeu que lorsqu’il s’agit d’une décision relative à une sanction alors qu’en l’espèce, la décision attaquée ne l’est pas et n’a pas été prise parce que l’on reproche aux élèves-maîtres concernés, une fraude, laquelle relève du juge pénal, mais sur les notes qu’ils ont réellement obtenues et qui ne leur donnent pas droit à l’admission au concours de recrutement des élèves-maîtres ; que les élèves-maîtres n’ont pas de droits acquis à faire prévaloir comme appartenant au corps des fonctionnaires pour la bonne raison que, d’une part, ce n’est qu’après avoir réussi à l’examen de fin de formation que l’élève-maître est recruté en qualité de maître stagiaire, et, d’autre part, « il ne peut y avoir droits acquis d’une décision obtenue par fraude » ; qu’il n’y a pas d’obligation de motivation sans texte et que la décision querellée n’est pas une sanction ; que le ministre n’a pas opposé aux élèves-maîtres la fraude qui est du ressort du juge pénal mais a tiré les conséquences des résultats réels des épreuves ; Considérant, en premier lieu, que, selon l’article 1° de l’arrêté interministériel n° 004182 du 11 juin 2012 relatif à l’organisation du test de recrutement et à la formation des élèves-maîtres et élèves professeurs, signé par les ministres de l’Économie et des Finances et de l’Éducations nationale et produit par l’Agent judicaire de l’Etat, que : « pour le préscolaire et l’élémentaire, la Direction des Examens et Concours est chargée, en collaboration avec les structures concernées, de (…) délibérer et proclamer les résultats définitifs (…) » ; qu’il résulte des pièces de la procédure que c’est sous la présidence du Directeur de la Formation et de la Communication du Ministère de l’Éducations nationale (MEN), en compagnie d’autres membres au nombre de douze (12) dont, notamment, des représentants de la Direction des Examens et Concours AKAO), la Directrice des Ressources humaines, d’Inspecteurs de l’enseignement élémentaire ou de l’éducation, tous formant la commission de délibération, que le procès-verbal de délibération du 11 mars 2014 portant admission de 2545 candidats élèves-maîtres, parmi lesquels les 690 élèves-maîtres évincés, a été établi ; Considérant qu’aucun texte, notamment l’arrêté interministériel précité, ne conférait, pour ce concours-ci, au Ministre de l’Éducation nationale, le pouvoir d’annuler les admissions résultant des travaux de la commission de délibération ; que cela tient de la nature de cet organe qui, agissant, comme l’ont, par ailleurs, relevé certains de ses membres répondant aux demandes d’explications du ministre, en qualité de jury, dispose de pouvoirs souverains et exclusifs lui permettant, seul, de prendre les mesures idoines contre les irrégularités affectant le concours et de faire observer, en toutes circonstances, le principe d’égalité entre les candidats corrélé à celui d’indivisibilité du concours ;
Qu’il s’ensuit que le jury, étant seul habilité à tirer les conséquences de l’erreur ou de la fraude commise lors des délibérations du concours et de procéder aux corrections nécessaires, le ministre de l’Éducations nationale ne peut, sans excéder ses pouvoirs, annuler l’admission de 690 élèves-maîtres sur les 2545 initialement déclarés admis ; Considérant, en deuxième lieu, que les principes généraux du droit sont applicables en matière d’organisation des concours ; qu’en l’espèce, eu égard à la nature des faits, au besoin de transparence dans le choix opéré pour évincer 690 parmi les 2545 déclarés admis par le jury et à la gravité de la mesure prononcée, celle-ci ne pouvait, sans violation du principe général des droits de la défense, être prise sans que les élèves-maîtres incriminés aient été mis à même de se défendre ; qu’en effet, la mesure prise constitue pour chacun d’eux une mesure individuelle négative en ce qu’elle porte gravement atteinte à chaque situation individuelle ; Considérant, en troisième lieu, sur le principe de l’intangibilité des droits acquis et sous réserve de ce qui a été dit sur les pouvoirs et la souveraineté du jury, que l’Agent judicaire de l’Etat ne peut pas, sans se contredire, affirmer, d’une part, que le ministre n’oppose pas aux élèves-maîtres la fraude (page 9, paragraphes 6 et 7, page 11, paragraphes 6 et 7 de son mémoire en défense) et soutenir, d’autre part, pour s’opposer aux prétentions de Ad B et autres, « qu’il ne peut y avoir droits acquis d’une décision obtenue par fraude » (page 10, paragraphe 6 et 7 du même mémoire) ; Considérant que l’admission déclarée des élèves-maîtres incriminés et leur formation pendant cinq mois dans des centres régionaux de formation des personnels de l’éducation (CRFPE) leur ont conféré des droits, notamment ceux relatifs à une formation certificative d’un an, à une bourse mensuelle et le droit de se présenter à l’examen de fin de formation pour, en cas de réussite, être recrutés en qualité de maîtres stagiaires (articles 13, 14, 16 et 17 de l’arrêté interministériel) ; que, du reste, les admissions décriées, fussent-elles entachées d’irrégularités, ne pouvaient être remises en cause, au sens de l’article 5 de la loi du 6 février 1970 modifiée, que dans le délai du recours pour excès de pouvoir ou, le recours ayant été intenté, pendant la durée et dans les limites du recours ; Considérant, en définitive, au regard de tout ce qui précède et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les quatrième et cinquième moyens de la requête, que la demande en annulation de Ad B et autres est fondée ;
PAR CES MOTIFS :
Annule la décision n° 00003816 du 24 juillet 2014 du ministre de l’Éducation nationale portant annulation des admissions de 690 élèves-maîtres au concours de recrutement des élèves-maîtres, option « français » et « arabe », session 2013 ; Ordonne la restitution de l’amende consignée ; Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour suprême, Chambre administrative, en son audience publique de vacation tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents :
Mouhamadou DIAWARA, Président de chambre, Président,
Souleymane KANE,
Mahamadou Mansour MBAYE,
Waly FAYE,
Sangoné FALL,
Conseillers,
Cheikh DIOP, Greffier ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président de Chambre, Président, les Conseillers et le Greffier.
Le Président de Chambre, Président :
Mouhamadou DIAWARA Les Conseillers :
Souleymane KANE Mahamadou Mansour MBAYE
Waly FAYE Sangoné FALL Le Greffier : Cheikh DIOP


Synthèse
Numéro d'arrêt : 61
Date de la décision : 23/09/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.supreme;arret;2015-09-23;61 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award