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24/02/2015 | SéNéGAL | N°34

Sénégal | Sénégal, Cour suprême, 24 février 2015, 34


Texte (pseudonymisé)
SUR LES MOYENS DU POURVOI.
L'arrêt querellé mérite cassation pour les moyens suivants :
1) violation de la loi
2) défaut de réponse à conclusions
3) dénaturation des faits.
1. Sur le premier moyen tiré de la violation de la loi.
Ce premier moyen consiste en quatre branches.
1.1. Sur la première branche du moyen tirée de la violation des articles 177, 178 et 190 du Code de Procédure Pénale.
Il a été soutenu in limine litis la violation de l’article 177 du Code de Procédure Pénale.
En effet, l’avis d’audience envoyé le 24 Décembre 2014 fait

mention de la date du 30 Décembre 2013 comme étant celle à laquelle l’audience devait se tenir.
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SUR LES MOYENS DU POURVOI.
L'arrêt querellé mérite cassation pour les moyens suivants :
1) violation de la loi
2) défaut de réponse à conclusions
3) dénaturation des faits.
1. Sur le premier moyen tiré de la violation de la loi.
Ce premier moyen consiste en quatre branches.
1.1. Sur la première branche du moyen tirée de la violation des articles 177, 178 et 190 du Code de Procédure Pénale.
Il a été soutenu in limine litis la violation de l’article 177 du Code de Procédure Pénale.
En effet, l’avis d’audience envoyé le 24 Décembre 2014 fait mention de la date du 30 Décembre 2013 comme étant celle à laquelle l’audience devait se tenir.
Or, l’audience qui s’est tenue à la date du 24 Décembre 2014 en réalité ne correspond pas à l’avis susvisé.
Il y a ainsi violation de l’article 190 du Code de Procédure Pénale par l’indication d’une fausse date d’audience.
Pour rejeter ce moyen, la Chambre d’Accusation fait état d’un avis rectificatif envoyé le 24 Septembre 2014.
Or, ladite pièce au jour des présentes n’a jamais été reçue et il n’a pas été rapporté la preuve qu’elle l’a été par les conseils soussignés des inculpés.
Subséquemment, en l’absence de toutes preuves du prétendu avis rectificatif, la Chambre d’Accusation ne pouvait sans violer les droits de la défense soutenir que l’article 190 n’a pas été violé.
Il échet d’infirmer sa décision pour cette première branche du moyen.
* *
De même, l’article 177, alinéa 4 du Code de Procédure Pénale dispose que les ordonnances dont l’inculpé ou la partie civile peut, aux termes de l’article 180, interjeter appel, leur sont signifiées à la requête du Procureur de la République dans les 24 heures.
En l’espèce, cette signification n’a jamais eu lieu, ne mettant pas les inculpés et leurs conseils en situation d’apprécier les motifs et le fondement du rejet de leur demande de mise en liberté provisoire.
A tort, la décision entreprise tout en reconnaissant cette carence substantielle de signification soutient que cette carence n’est pas prévue à peine de nullité par l’article 164 du même Code d’une part, et que d’autre part, ladite disposition n’a été prévue que pour permettre aux inculpés de relever appel dans les délais, ce qui a été fait.
Une telle motivation viole les dispositions de cet article en ce que, l’article 164 du Code de Procédure Pénale même en n’énumérant pas de façon stricte les causes de violation des droits de la défense énonce la notion de violation substantielle desdits droits.
Cela signifie qu’en dehors des cas précis des articles 105, 106 et suivants dudit Code, dès lors qu’une violation entraîne que l’inculpé ne puisse faire prévaloir pleinement son droit à la défense et que la violation qui en résulte est grave, il peut s’en prévaloir à titre de violation substantielle des droits de la défense.
Le fait d’empêcher l’inculpé d’être en connaissance des moyens et fondements de rejet de sa demande de liberté provisoire viole les dispositions susvisées.
Il n’appartient pas à la juridiction de chercher à établir l’objectif d’une loi en la matière ni à faire substituer par une motivation, un exposé des motifs inexistant en l’espèce, pour trouver une finalité ou un objectif à une disposition légale en la présente matière.
En conséquence, la décision est mal fondée et ajoute à la loi, ce qui la viole en donnant telle motivation relative à la violation de l’article 177, alinéa 4 du Code de Procédure Pénale.
Il échet subséquemment d’annuler la décision querellée pour ce motif.
1.2. Sur la deuxième branche du moyen tirée de la violation des articles 19 et 20 du Décret N° 002980 du 07 Avril 2011 portant Régime Financier et Comptable des Etablissements Publics, des Agences et autres Organismes Publics Similaires :
Monsieur Af Ac X est inculpé uniquement de détournement de deniers publics.
Il n’est pas inculpé de faux et usage de faux ni de complicité d’escroquerie sur derniers publics.
Les conditions de main- levée de la détention provisoire au titre de l’article 152 du Code Pénal sont limitativement et spécialement prévues par l’article 140, 2° du Code de Procédure Pénale.
Elles consistent entre autres aux contestations sérieuses formées par l’inculpé.
En l’espèce, lesdites contestations ont été largement développées par Monsieur Af Ac X autant devant le juge d’instruction au niveau de la Chambre d’Accusation.
Elles sont des contestations en droit et des contestations en fait.
D’abord, en droit, les dispositions légales régissant la comptabilité des Etablissements Publics font que l’Ordonnateur qu’était Monsieur Af Ac X était tenu d’ordonnancer les A dépenses sur la base des pièces comptables préparées et déposées à son niveau par l’Agent comptable.
L'article 19 dispose du décret N° 002980 du 07 Avril 2011 portant Régime Financier et Comptable desdits Etablissements Publics dispose expressément que l’Ordonnateur de dépenses agissant comme tel ne procède pas au paiement « mais donne l’ordre au comptable de payer ».
Or, pour rejeter la contestation de Monsieur X de n’avoir posé aucun acte matériel de détournement de derniers publics, le juge d’instruction comme la Chambre d’Accusation qui l’a repris, motive que Monsieur Af Ac X a reconnu avoir participé par la signature des ordres de paiement, aux actes de détournement de derniers publics.
Le fait pour Monsieur X d’avoir ordonnancer la dépense par l’ordre de paiement, ne constitue que l’accomplissement d’une obligation légale en sa qualité d’Ordonnateur.
Il ne peut constituer, indépendamment de toute intention délictuelle ou de faute, un acte matériel de détournement de deniers publics.
Au contraire, si un faux existe par le fait du comptable qui en est inculpé, l’ordonnancement du paiement ne peut lui être que subséquent donc postérieur : il ne peut qu’en découler et non en être un élément constitutif.
Et de la jurisprudence même de la juridiction de céans, le Comptable Public conformément au décret susvisé prépare les pièces, vérifie leur régularité formelle et les soumet à l’Ordonnateur pour l’ordonnancement de la dépense.
Subséquemment, c’est en violation du décret susvisé définissant les attributions respectives de l’Ordonnateur d’une part et du Comptable Public d’autre part, qu’autant Monsieur le juge d’instruction que la Chambre d’Accusation ont disposé que Monsieur Af Ac X, par l’ordonnancement de la dépense, a participé matériellement à un détournement de deniers publics.
Il y a ainsi violation des articles 19 et 20 du décret N° 002980 du 07 Avril 2011 portant Régime Financier des Etablissements Publics, des Agences et autres Organismes Publics Similaires.
Il échet d’annuler l’arrêt dont pourvoi sur le fondement de cette deuxième branche du moyen.
1.3. Sur la troisième branche du moyen tirée de la violation des articles 140- 2° du Code de Procédure Pénale et 152 du Code Pénal.
L'article 140- 2° du Code de Procédure Pénale exige pour la main- levée du mandat contre l’inculpé de détournement de deniers publics, entre autres conditions, les contestations sérieuses.
La Chambre d’Accusation, après un résumé des moyens précédemment exposés devant le juge d’instruction et ceux qui lui ont été soumis, conclut « qu’en l’état actuel de la procédure, les contestations faites par les inculpés Af Ac X et Ab B ne peuvent être considérées comme absolument sérieuses ».
Par lecture stricte et exégétique, ladite motivation repose sur des contestations faites par les inculpés mais qui ne sont pas considérées comme des contestations absolument sérieuses.
= Or, l’article 140- 2° du Code de Procédure Pénale dispose qu’il peut être donné main- levée des mandats d’arrêt ou de dépôt obligatoires en cas de contestations sérieuses.
Il s’ensuit qu’en exigeant que les contestations sérieuses soient absolues dans le cas de Monsieur Af Ac X, l’arrêt querellé ajoute à la loi susvisée dans la qualification et l’exigence d’un caractère absolu des contestations sérieuses.
Ainsi, la Chambre d’Accusation, crée par sa motivation un degré ou une hiérarchie dans les contestations sérieuses, ce qui constitue un précédent grave et dangereux.
Cette création par rajout à la loi ne permet pas à la Cour de céans d'apprécier en dehors des normes légales la réalité dans la proportion des contestations sérieuses entre des contestations sérieuses insuffisantes, des contestations sérieuses moyennes, des contestations sérieuses totales et des contestations sérieuses absolues.
Si la loi laisse au juge une appréciation souveraine de l’existence des contestations sérieuses, en revanche elle ne lui donne nullement le pouvoir de fixer un niveau dès lors que les contestations sont reconnues sérieuses comme en l’espèce.
S’agissant d’une loi de procédure pénale, elle est d’interprétation stricte et le juge ne peut y ajouter sans rendre une décision en violation de ladite loi comme en l’espèce.
Il échet au vu de la motivation de la Chambre d’Accusation selon laquelle « les contestations faites par les inculpés Af Ac X et Ab B ne peuvent être considérées comme absolument sérieuses » de dire et juger que cette dernière a ajouté à la loi en exigeant un caractère absolu aux contestations sérieuses reconnues explicitement à Monsieur Af Ac X dans sa motivation.
Qu'’il échet d’annuler l’arrêt pour ce motif.
Il n’est pas discuté qu’au titre des mesures conservatoires, il a été saisi sur Madame Ad C des sommes excédant le montant présumé préjudice subi par l’Etat.
Or, lesdites sommes déposées en consignation constituent une consignation même forcée.
Dans’le cadre de l’article 152 du Code Pénal et des articles 140- 2°, ladite consignation même forcée, pour une valeur supérieure au montant du préjudice présumé, doit faire accorder la main- levée du mandat de dépôt.
Le juge d’instruction a refusé ladite main- levée et la Chambre d’Accusation ne s’est même pas prononcée sur ce point pour rejeter la demande de liberté provisoire.
En cela l’arrêt viole l’article 140- 2° du Code de Procédure Pénale et il échet de le casser.
Enfin, l’article 152 du Code Pénal retenu à l’encontre de Monsieur Af Ac X comme chef d’inculpation définit le délit de détournement de deniers publics en caractérisant les faits matériels qui le constituent.
Or, autant l’ordonnance du juge d’instruction que l’arrêt dont pourvoi font référence quant aux faits matériels non pas à « une soustraction par Monsieur Af Ac X de deniers ou effets en tenant lieu, des pièces, titres de paiement etc. au préjudice de l’Etat » mais à des faits matériels de non livraison effective de motopompes et tentes, d’un comptage approximatif du matériel livré, de bons de livraison faux et établis sur la base de confiance uniquement.
Lesdits actes matériels tout au long de l’instruction et au vu des attributions de chacun, n’ont jamais été établis comme relevant de la responsabilité directe et des tâches de Monsieur Af Ac X.
A les supposer réels et établis, les faux et usage de faux ainsi que l’escroquerie prétendue sur détournement de derniers publics n’ont jamais été visés comme chef d’inculpation contre Monsieur Af Ac X.
Ils relèvent d’infractions prévues par d’autres dispositions légales autant dans leur matérialité que dans l’élément intentionnel.
Or, la Chambre d’Accusation motive ainsi « qu’il y a ainsi un réel doute sur le caractère sérieux et réel de la livraison arguée par les inculpés, situation qui résulterait d’une gestion informelle du projet dont Af Ac X était le coordonnateur et d'opérations de réception qui portent la marque de la légèrement de Ab B qui demande au comptable matière de lui décharger le bon de livraison sur la base de la confiance sans procéder aux vérifications requises. »
Il résulte d’une telle motivation qu’aucun acte matériel de détournement de deniers publics en dehors de la seule signature par ordonnancement de paiement, n’est imputé à Monsieur Af Ac X sur la base des pièces à lui soumises par le comptable public.
Même une gestion informelle de projet ne peut constituer un acte de détournement de deniers publics quelle qu’en soit l’importance du préjudice subi par l’entité gérée, en l’absence d’un acte matériel de soustraction, d’un élément intentionnel de détournement.
Subséquemment, en rejetant la demande de liberté provisoire de Monsieur Af Ac X sans même invoquer les éléments constitutifs de l’infraction prévue par l’article 152 du Code Pénal mais en le motivant par des actes matériels de faux et usage de faux, escroquerie sur deniers publics et de gestion informelle pour lesquels Monsieur Af Ac X n’est pas inculpé, la Chambre d’Accusation viole l’article 152 du Code Pénal.
Il échet de casser et annuler l’arrêt dont pourvoi pour ce motif.
2. Sur le deuxième moyen tiré du défaut de réponse à conclusions.
L'arrêt dont cassation expose clairement qu’il a été reproché au juge d’instruction d’avoir rejeté la liberté provisoire pour Monsieur Af Ac X alors que celle- ci a été accordée au Comptable Public (Ae B) sous la seule motivation que les pièces comptables soumis pour l’ordonnancement des dépenses par Monsieur X ne devaient faire l’objet que d’un examen d’une régularité apparente par l’Agent Comptable (Madame Ae B).
En conséquence, il a été fait grief au juge de reconnaître des contestations sérieuses en faveur de l’Agent Comptable par le seul fait d’une exigence d’un examen de la régularité apparente des pièces comptables alors même que ce sont ces dites pièces qui fondent la signature de l’ordre de paiement d’une part et de rejeter comme contestations sérieuses, le même argument de Monsieur Af Ac X.
Sur ce point, la Chambre d’Accusation n’a ni motivé, ni rendu une décision.
Or, une telle demande devant la juridiction doit faire l’objet d’une décision motivée.
En omettant de se prononcer sur ce point, la Chambre d’Accusation a statué par défaut de réponse à conclusions.
Ce défaut de réponse justifie la cassation de l’arrêt et il échet de l’annuler purement et simplement pour ce motif.
3. Sur le troisième moyen tiré de la dénaturation des faits.
L'arrêt entrepris fait grief à Monsieur Af Ac X et aux autres inculpés d’avoir formulé des contestations « pas absolument sérieuses » notamment pour démontrer l’effectivité de la livraison du matériel.
Il rejette les contestations en exposant que le témoin Aa Ag A a contesté la sincérité d’une telle livraison.
Ensuite, il en conclut « qu’il y a ainsi un réel doute sur le caractère sérieux et réel de la livraison arguée par les inculpés, situation qui résulterait d’une gestion informelle du projet dont Af Ac X était le coordonnateur et d'opérations de réception qui portent la marque de la légèreté de Ab B qui demande au Comptable Matière de lui décharger le bon de livraison sur la base de la confiance sans procéder aux vérifications requises ».
Le témoin visé Aa Ag A n’a nullement contesté l’effectivité des livraisons comme établi par la confrontation effectuée devant le juge d’instruction le 14 novembre 2014.
Ensuite, pour avancer un doute sur le caractère sérieux et réel de la livraison, la Chambre d’Accusation motive les griefs contre Monsieur Af Ac X par hypothèse.
Elle n’établit pas le doute par une gestion informelle réelle et établie de Monsieur Af Ac X mais par une gestion qui serait informelle par l’expression « situation qui résulterait d’une gestion informelle du projet dont Af Ac X était le coordonnateur ».
Ainsi, alors qu’il est de jurisprudence constante que le juge ne peut motiver sa décision sur les faits contre un inculpé par hypothèse mais par des constatations, au demeurant souveraines, l’arrêt entrepris impute à Monsieur Af Ac X une hypothétique gestion informelle du projet dont il était le coordonnateur pour lui dénier, subséquemment, le bénéfice des « contestations absolument sérieuses ».
En procédant ainsi, alors même que la gestion n’est nullement établie comme informelle, l’arrêt entrepris dénature les faits de l’espèce à l’encontre de Monsieur Af Ac X pour le priver de la liberté provisoire.
Il échet subséquemment de le casser pour ce motif.
PAR CES MOTIFS.
EN LA FORME.
Déclarer recevable le pourvoi formé par Monsieur Af Ac X contre l’arrêt N° 314 du 31 Décembre 2014 contradictoirement rendu à l’égard des parties par la Chambre d’Accusation de la Cour d’Appel de Dakar.
AU FOND.
Casser et annuler l’arrêt N° 314 du 31 Décembre 2014 pour les moyens exposés dans la présente requête ainsi que tous autres que la Cour croira devoir relever même d’office.
Renvoyer la cause et les parties devant la juridiction compétente.
SOUS TOUTES RESERVES
POUR REQUÊTE AFIN DE CASSATION
Présentée à Dakar, le 24 Février 2015.
Maître Moulaye KèME


Synthèse
Numéro d'arrêt : 34
Date de la décision : 24/02/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.supreme;arret;2015-02-24;34 ?
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