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26/02/2014 | SéNéGAL | N°11

Sénégal | Sénégal, Cour suprême, 26 février 2014, 11


Texte (pseudonymisé)
ARRET N°11 26/02/2014 Social -------------- La Société SIAGRO Contre El Ad Ac C
AFFAIRE: J-226/RG/12
RAPPORTEUR: Jean Louis Paul TOUPANE
MINISTERE PUBLIC:
Oumar DIEYE
AUDIENCE:
Du 26/02/2014
PRESENTS:
Jean Louis Paul TOUPANE, Président,
Souleymane KANE,
Ibrahima SY,
Amadou Lamine BATHILY,
Babacar DIALLO,
Conseillers,
Maurice Dioma KAMA, Greffier ; MATIERE :
Sociale
REPUBLIQUE DU SENEGAL
AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS
LA COUR SUPREME -------------- CHAMBRE SOCIALE -------------- A L’AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU MERCREDI

VINGT-SIX FEVRIER DEUX MILLE QUATORZE ; ENTRE :
La Société Industrielle Agro-Alimentaire dite B, sise 05 Rue...

ARRET N°11 26/02/2014 Social -------------- La Société SIAGRO Contre El Ad Ac C
AFFAIRE: J-226/RG/12
RAPPORTEUR: Jean Louis Paul TOUPANE
MINISTERE PUBLIC:
Oumar DIEYE
AUDIENCE:
Du 26/02/2014
PRESENTS:
Jean Louis Paul TOUPANE, Président,
Souleymane KANE,
Ibrahima SY,
Amadou Lamine BATHILY,
Babacar DIALLO,
Conseillers,
Maurice Dioma KAMA, Greffier ; MATIERE :
Sociale
REPUBLIQUE DU SENEGAL
AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS
LA COUR SUPREME -------------- CHAMBRE SOCIALE -------------- A L’AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU MERCREDI VINGT-SIX FEVRIER DEUX MILLE QUATORZE ; ENTRE :
La Société Industrielle Agro-Alimentaire dite B, sise 05 Rue Mage x Sarrault à Dakar mais ayant élu domicile en l’Etude de maîtres Guédel Ndiaye et associés, avocats à la Cour, au 73 bis, rue Aa Af Ab ;
Demanderesse ;
D’une part,
ET :
El Ad Ac C, demeurant à Diamniadio, faisant élection de domicile en l’étude de maîtres FALL et KANE, avocats à la Cour, 112 rue Marsat x Ae X à Dakar;
Défendeur ;
D’autre part,
VU la déclaration de pourvoi formée par maître Guédel Ndiaye et associés, avocats à la Cour agissant au nom et pour le compte de la société SIAGRO ;
Ladite déclaration enregistrée au greffe de la Cour suprême le 17 juin 2013 sous le numéro J-226/RG/2013 et tendant à ce qu’il plaise à la Cour, casser l’arrêt n° 179 du 13 mars 2013 par lequel, la chambre sociale de la Cour d’Appel de Dakar a confirmé le jugement entrepris ; CE FAISANT, attendu que l’arrêt est attaqué pour violation des articles L 271, L 272, L 273, L 274 L 275 du Code du travail relatifs à l’exercice des activités syndicales du travailleur, des articles L 218 et L 219 du même code, de l’article 16 de la Convention collective nationale interprofessionnelle et pour insuffisance de motifs ;
vu l’arrêt attaqué ;
vu les pièces produites et jointes au dossier ; vu la lettre du greffe en date du 19 juin 2013 portant notification de la déclaration de pourvoi au défendeur ; vu le Code du Travail ;
vu la loi organique n° 2008-35 du 08 août 2008 sur la Cour suprême ;
vu les moyens annexés ; vu les conclusions écrites de monsieur l’avocat général tendant au rejet du pourvoi ; LA COUR, OUÏ monsieur Jean Louis Paul TOUPANE, président, en son rapport ; OUÏ monsieur Oumar DIEYE, avocat général représentant le ministère public, en ses conclusions ; Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que, selon l’arrêt attaqué (Cour d’Appel de Dakar n° 179 du 14 mars 2013), qu’El Ad Ac C, employé de la société SIAGRO, a été licencié pour propos mensongers à l’encontre de ladite société et présence dans l’usine au cours de sa mise à pied ; Sur le premier moyen pris de la violation des articles L271, L 272, L 273, L 274 et L 275 du Code du travail relatifs à l’exercice des activités syndicales du travailleur ; Attendu que la cour d’Appel, saisie d’un différend individuel sur la nature du licenciement, les salaires et les dommages et intérêts n’avait pas à appliquer les textes visés au moyen portant sur le différend collectif ; D’où il suit que le moyen est inopérant; Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens réunis ; Attendu que les moyens se bornent à critiquer les motifs de l’arrêt ; D’où il suit qu’ils sont irrecevables ;
Par ces motifs :
Rejette le pourvoi.
Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre sociale de la Cour Suprême, en son audience publique ordinaire tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents messieurs :
Jean Louis Paul TOUPANE, président-rapporteur ;
Souleymane KANE,
Ibrahima SY,
Amadou Lamine BATHILY,
Babacar DIALLO, conseillers;
Oumar DIEYE, avocat général, représentant le ministère public ;
Maurice Dioma KAMA, greffier.
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président-rapporteur, les conseillers et le creffier. /.
Le président-rapporteur Jean Louis Paul TOUPANE
Les conseillers
Souleymane KANE Ibrahima SY Amadou Lamine BATHILY Babacar DIALLO
Le greffier Maurice Dioma KAMA ANNEXE Sur les moyens du pourvoi Du premier moyen tiré de la violation des articles L271, L272, L273, L 274 et L275 du Code du Travail, relatifs à l’exercice des activités syndicales du travailleur L’arrêt attaqué encourt la cassation en ce qu’il a retenu ce qui suit :
« Considérant que la grève et les revendications des travailleurs participent de l’exercice des activités syndicales : que même sous le coup d’une mise à pied suspendant le contrat de travail, les droits syndicaux du travailleur ne sont pas pour autant suspendus ; que la présence de DIOP à l’usine et le fait de parler à la presse des conditions de travail ne sauraient avoir un caractère fautif ; qu’en effet, l’article L29 du Code du Travail prohibe toute sanction consécutive à une activité syndicale ;
Considérant que c’est à bon droit que le juge d’instance, dont il convient d’adopter les motifs, a déclaré le licenciement de DIOP abusif, et condamné l’appelante au paiement des indemnités de rupture, des dommages-intérêts pour licenciement abusif et des indemnités de congés ;
Que par suite, il y a lieu de confirmer le jugement en toutes ses dispositions » ;
En statuant comme il l’a fait, le juge d’appel a manifestement violé la loi notamment les articles susvisés du Code du Travail.
En effet, s’il est vrai que l’activité syndicale est reconnue par la loi, elle ne peut toutefois s’exercer que dans le cadre des lois et règlements.
A cet égard, il y a lieu de préciser qu’aux termes des articles L272 et L273 du Code du Travail :
« Article L272 : tout différend collectif doit être immédiatement notifié par la partie la plus diligente :
A l’inspecteur du travail et de la sécurité sociale, lorsque le conflit est limité au ressort d’une inspection régionale du travail et de la sécurité sociale ;
Au directeur général du travail et de la sécurité sociale, lorsque le conflit s’étend sur les ressorts de plusieurs inspections régionales du travail et de la sécurité sociale ».
Article L273 : la procédure de conciliation sera celle prévue par la convention collective pour le règlement des différends collectifs. En cas de conciliation des parties dans le délai de dix jours qui suivent leur convocation, un procès-verbal en tenant acte est dressé sur le champ par l’inspecteur du travail et de la sécurité sociale et signé par les parties auxquelles il est délivré copie. A défaut de procédure de conciliation prévue par la convention collective, ou en cas d’échec de ladite procédure, l’inspecteur ou le directeur général du travail et de la sécurité sociale devra, dans les 48 heures après sa saisine, convoquer les parties. Dès lors que la conciliation n’a pas été constatée dans ce délai, le lock-out ou la grève déclenchés après avis de 30 jours déposé au niveau des syndicats des employeurs ou des travailleurs concernés, est licite ».
Aux termes de l’article L274 du même code :
« Le lock-out et la grève déclenchés en violation des dispositions ci-dessus, sont considérés comme illicites ».
L’article L275 dudit Code d’ajoute :
« Le lock-out et la grève déclarés illicite entraînent :
2 – Pour les travailleurs, la perte du droit aux indemnités et aux dommages-intérêts prévus en cas de rupture de contrat » Il ressort de la combinaison des articles L274 et L275 du Code du Travail que la grève déclenchée en violation des articles L271 et suivants du Code du Travail est considérée comme illicite et que la grève déclarée illicite entraîne, pour les travailleurs, la perte du droit aux indemnités et aux dommages-intérêts prévus en cas de rupture de contrat.
En l’espèce, le sieur DIOP, qui reconnaît avoir participé à un mouvement de grève ne prouve pas avoir satisfait aux exigences légales prévues par les dispositions sus reproduites.
En énonçant que le sieur DIOP s’est fondé sur ses droits syndicaux pour participer à un mouvement de grève et énoncer des revendications, pour déclarer en conséquence abusif le licenciement qui a été prononcé à son encontre, sans pour autant rechercher si les conditions prévues par la loi pour déclencher une grève étaient réunies, alors surtout qu’en pareil cas, les indemnités de rupture et les dommages-intérêts sont exclus, le juge d’appel a violé la loi.
Sa décision encourt la cassation pure et simple de ce chef.
Du deuxième moyen tiré de la violation des articles L218 et L219 du Code du Travail L’arrêt attaqué encourt également la cassation en ce qu’il a retenu ce qui suit :
« Considérant que la grève et le revendications des travailleurs participent de l’exercice des activités syndicales ; que même sous le coup d’une mise à pied suspendant le contrat de travail, les droits syndicaux du travailleur ne sont pas pour autant suspendues ; que la présence de DIOP à l’usine et le fait de parler à la presse des conditions de travail ne sauraient avoir un caractère fautif ; qu’en effet, l’article L29 du Code du Travail prohibe toute sanction consécutive à une activité syndicale ».
En statuant comme il l’a fait, le juge d’appel a consacré la prérogative du sieur DIOP de parler au nom et pour le compte des employés, alors que cette mission est du ressort exclusif des délégués du personnel.
En effet, il appartient aux délégués et à eux seul de se prononcer au nom et pour le compte des employés pris collectivement, conformément aux dispositions de l’article L218 du Code du Travail, même si les travailleurs (pris individuellement) ont la faculté de présenter eux-mêmes à l’employeur « leurs réclamations et suggestions », conformément aux dispositions de l’article L219 dudit Code.
Les réclamations collectives relèvent de l’apanage exclusif des délégués du personnel qui sont investis d’un mandat prévu par la loi, mandat qu’ils ne peuvent déléguer à un autre.
En statuant comme il l’a fait, le juge d’appel a violé la loi.
Son arrêt attaqué par le présent recours encourt la cassation pour ce motif.
Du troisième moyen tiré de la violation de l’article 16 de la Convention collective nationale interprofessionnelle L’arrêt encourt la cassation en ce qu’il a retenu ce qui suit :
« Que même sous le coup d’une mise à pied suspendant le contrat de travail, les droits syndicaux du travailleur ne sont pour autant suspendues ; que la présence de DIOP à l’usine et le fait de parler à la presse des conditions de travail ne sauraient avoir un caractère fautif ».
Cette motivation procède d’une erreur de droit manifeste : en effet, pendant la période de mise à pied, l’ensemble des droits et obligations du travailleur sont suspendus.
Le droit syndical étant un droit rattaché au contrat de travail, la suspension du contrat de travail entraîne ipso facto la suspension de l’exercice de ce droit.
En retenant que le droit syndical n’est pas suspendu pendant la mise à pied du travailleur, le juge d’appel a violé la loi.
Il plaira à la Haute Cour casser l’arrêt pour ce motif également.
Du quatrième moyen tiré de l’insuffisance de motifs L’arrêt attaqué encourt la cassation en ce qu’il a retenu ce qui suit :
« Considérant que la grève et les revendications des travailleurs participent de l’exercice des activités syndicales ; que même sous le coup d’une mise à pied suspendant le contrat de travail, les droits syndicaux du travailleur ne sont pas pour autant suspendues ; que la présence de DIOP à l’usine et le fait de parler à la presse des conditions de travail ne sauraient avoir un caractère fautif ; qu’en effet, l’article L29 du Code du Travail prohibe toute sanction consécutive à une activité syndicale ».
Le juge d’appel s’est limité exclusivement à la liberté syndicale sans pour autant analyser si les propos tenus par le sieur DIOP outrepassaient ou non les limites reconnues par l’exercice d’une telle liberté, la précision étant ici faite que la liberté ne doit pas se transformer en anarchie.
En effet, même si l’activité syndicale est reconnue, son exercice ne saurait être détourné par un employé pour solder des comptes personnels avec l’employeur.
En l’occurrence, le sieur DIOP s’est totalement départir des prérogatives reconnues aux délégués du personnel, qu’il n’est d’ailleurs pas, dans le cadre de leurs missions (cf articles L218 du Code du Travail), pour tenir des propos malveillants à l’encontre de son employeur et de ses supérieurs hiérarchiques.
Le sieur DIOP s’est en effet permis de jeter le discrédit sur son employeur en tenant au grand jour et publiquement, sur une chaîne de télévision et une radio de la place, des propos mensongers, calomnieux et attentatoires à la dignité de l’entreprise.
Il a en effet soutenu que le directeur des ressources humaines n’était pas compétent et a exigé son remplacement ; il a déclaré en outre que les « agents crèvent à Kirène », a aussi accusé l’entreprise de graves défaillances dans ses rapports avec les institutions de prévoyance sociale.
Il n’a contesté aucun de ses propos : mieux il les a fièrement assumés, le torse bombé ! Or la concluante est parfaitement en règle avec les institutions sociales, comme l’attestent les reçus de règlement produits aux débats (cote d’appel), ce qui, déjà, prouve que les propos tenus publiquement par El H Ac C sont mensongers et calomnieux ! Contrairement à ce qu’a retenu la cour d’appel, s’il est permis au travailleur d’exprimer son opinion syndicale, cette liberté d’expression doit s’exercer dans les conditions prévues par la loi et ne doit en aucune façon porter atteinte à la bonne marche de l’entreprise ou remettre en cause le lien de subordination.
En ayant refusé d’analyser le caractère fautif ou non des propos tenus par le sieur DIOP, que même les délégués du personnel n’ont pas osé tenir en dépit de la protection qui leur est reconnue, sous prétexte qu’il les avait tenus dans le cadre de l’activité syndicale, le juge d’appel a insuffisamment motivé sa décision.
En statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel de Dakar a ouvert la porte à tous les abus et a mis tous les employeurs de la place à la merci d’individus qui pourront désormais se répandre sur les ondes en toute impunité, même s’ils ne font que régler leur compte en déversant leur bile avec force propos injurieux, offensants et calomnieux… Cette porte grand ouverte à de telles dérives, que la Cour d’appel vient d’ouvrir, la Haute Cour de céans doit s’empresser de la refermer au plus vite ! Aussi l’arrêt de la Cour d’appel sera-t-il cassé pour ce motif également


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11
Date de la décision : 26/02/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.supreme;arret;2014-02-26;11 ?
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