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12/12/2013 | SéNéGAL | N°61

Sénégal | Sénégal, Cour suprême, 12 décembre 2013, 61


Texte (pseudonymisé)
ARRET N°61 du 12/12/13 J/345/RG/11 29/12/11 Administrative ------- -Ndiaga Ag (Me Mouhamadou Bamba Cissé)
Contre :
-Etat du Sénégal -Directeur général des Douanes,
(Agent judiciaire de l’Etat) PRESENTS :
Fatou Habibatou Diallo, Président de chambre, Président,
Abdoulaye Ndiaye, Mahamadou Mansour Mbaye,
Waly Faye, Sangoné Fall,
Conseillers, RAPPORTEUR :
Fatou Habibatou Diallo ; PARQUET GENERAL:
Abdourahmane Diouf; GREFFIER :
Cheikh Diop; AUDIENCE :
12 décembre 2013
MATIERE :
Administrative
RECOURS :
Excès de po

uvoir REPUBLIQUE DU SENEGAL AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS ----------------- COUR SU...

ARRET N°61 du 12/12/13 J/345/RG/11 29/12/11 Administrative ------- -Ndiaga Ag (Me Mouhamadou Bamba Cissé)
Contre :
-Etat du Sénégal -Directeur général des Douanes,
(Agent judiciaire de l’Etat) PRESENTS :
Fatou Habibatou Diallo, Président de chambre, Président,
Abdoulaye Ndiaye, Mahamadou Mansour Mbaye,
Waly Faye, Sangoné Fall,
Conseillers, RAPPORTEUR :
Fatou Habibatou Diallo ; PARQUET GENERAL:
Abdourahmane Diouf; GREFFIER :
Cheikh Diop; AUDIENCE :
12 décembre 2013
MATIERE :
Administrative
RECOURS :
Excès de pouvoir REPUBLIQUE DU SENEGAL AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS ----------------- COUR SUPREME ----------------- CHAMBRE ADMINISTRATIVE ----------------- -A l’audience publique ordinaire du Jeudi douze décembre de l’an deux mille treize ;
ENTRE : -Ndiaga Ag, Inspecteur des douanes, demeurant à Hann Maristes à Dakar, mais élisant domicile … l’étude de Maître Mouhamadou Bamba Cissé, avocat à la cour, 127, Avenue Ad Aa A Ae Ah à Dakar;
D’UNE PART ;
ET :
- L’Etat du Sénégal pris en la personne de Monsieur l’Agent judiciaire de l’Etat, en ses bureaux sis au Ministère de l’Economie et des Finances, building Peytavin, Avenue de la République x Carde à Dakar ;
- Directeur général des Douanes, en ses bureaux sis aux au 8, 10 allées Ac Ai à Dakar; D’AUTRE PART ; Vu la requête reçue le 29 décembre 2011 au Greffe central de la Cour suprême, par laquelle Ab Ag, élisant domicile … l’Etude de Maître Mouhamadou Bamba Cissé, avocat à la cour, sollicite à titre principal le sursis à statuer jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel se prononce sur la conformité à la Constitution de l’article 8 la loi n°69-64 du 30 octobre 1969 relative au statut du personnel des Douanes, à titre subsidiaire, l’annulation de la décision n°70/MEF/DGD/BP du 8 décembre 2011 du Directeur général des Douanes avec toutes les conséquences de droit ; Vu la Constitution de la République du Sénégal ; Vu la loi organique n°2008-35 du 8 août 2008 sur la Cour suprême ; Vu la loi n°69-64 du 30 octobre 1969, relative au statut du personnel des Douanes ; Vu le décret n°69-1373 du 10 décembre 1969 fixant les modalités d’application de la loi n°69-64 du 30 octobre 1969, relative au statut du personnel des Douanes ; Vu l’exploit du 17 janvier 2012 de Maître Emilie Monique Malick Thiaré, huissier de justice à Dakar, portant signification de la requête au Directeur général des Douanes et à l’Agent judiciaire de l’Etat ; Vu le mémoire en défense du Directeur général des Douanes reçu au greffe le 15 mars 2012 ; Vu l’arrêt n°42 du 26 juillet 2012 de la Chambre administrative de la Cour suprême ; Vu la décision n°2 du 6 décembre 2012 du Conseil constitutionnel ; Vu l’arrêt n°6 du 31 janvier 2013 de la Chambre administrative de la Cour suprême ; Vu la décision n°2 du 18 juillet 2013 du Conseil constitutionnel ; Vu la requête reçue au greffe le 1er août 2013 par laquelle Ab Ag introduit un nouveau moyen ; Vu l’exploit servi le 14 août 2013 par Maître Mintou Boye Diop, huissier de justice à Dakar portant signification de la dite requête ; Vu la décision attaquée ; Ouï Madame Fatou Habibatou Diallo, Présidente de la Chambre, en son rapport ; Ouï Monsieur Abdourahmane Diouf, Avocat général, en ses conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant que lors de la réunion du Comité de suivi du Forum régional des Agents de Douanes de l’espace Union Economique Monétaire Ouest Af CB) tenue à Dakar, Ab Ag, membre du Comité et 2e Vice-président de l’Amicale des Inspecteurs et Officiers de Douanes, a suggéré l’adaptation du statut du personnel des Douanes aux dispositions constitutionnelles relatives au droit syndical ;
Qu’à la suite de ces propos, le Directeur général des Douanes lui a notifié une sanction disciplinaire de 30 jours d’arrêt de rigueur pour des faits qualifiés de « participation à une réunion publique en rapport avec des activités de nature syndicale, et de prise de position de nature à jeter le discrédit sur les institutions » ;
Que c’est cette sanction inscrite à son dossier que Ab Ag attaque en annulation après avoir soulevé in limine litis l’exception d’inconstitutionnalité de l’article 8 de la loi n°69-64 du 30 octobre 1969 relative au statut du personnel des Douanes et en développant deux moyens ;
Que par arrêts n°42 du 26 juillet 2012 et n°6 du 31 janvier 2013, la Chambre de Céans a renvoyé l’exception d’inconstitutionnalité au Conseil constitutionnel et a sursis à statuer sur la requête en annulation ;
Que par décision n°2 du 18 juillet 2013 rendue dans une affaire similaire, le Conseil constitutionnel a déclaré non contraire à la Constitution l’article 8 de la loi n°69-64 du 30 octobre 1969 relative au statut du personnel des Douanes ;
Que par requête reçue au greffe le 1er août 2013, signifiée à la partie adverse par exploit d’huissier du 14 août 2013, le requérant a introduit un nouveau moyen ; Sur le moyen nouveau tiré de la violation par l’article 8 de la loi relative au statut du personnel des Douanes de la Convention 87 de l’organisation internationale du travail (O.I.T) sur la liberté syndicale et de la déclaration universelle des droits de l’homme ;
Considérant que, sous ce moyen de pur droit, le requérant soutient que l’article 8 de la loi relative au statut de la Douane qui sert de fondement à la décision attaquée viole l’article 3 al 2 de la Convention 87 de l’OIT que le Sénégal a ratifiée et la déclaration universelle des droits de l’homme en ses articles 20, 21 et 23, au motif que la première dispose que « Les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter le droit syndical ou à en entraver l’exercice légal », et la seconde « reconnait à toute personne les droits collectifs, sociaux et politiques sans aucune discrimination » ; Considérant en effet que l’article 98 de la Constitution de la République du Sénégal dispose que : « Les Traités ou Accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque Accord ou Traité de son application par l’autre partie » ;
Qu’en application de cette disposition, la Cour suprême procède au contrôle de la compatibilité d’une loi avec les stipulations d’un Traité même lorsque la loi est postérieure à l’acte international en cause comme c’est le cas en l’espèce ; Considérant que selon l’article 8 de la loi n°69-64 du 30 octobre 1969 relative au statut du personnel des Douanes, le personnel des Douanes de tout grade, en activité, de service, en position de détachement ou de disponibilité ne jouit ni du droit de grève, ni du droit syndical ; Considérant que les dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui reconnaissent à toute personne les droits collectifs, sociaux et politiques sans aucune discrimination, sont reprises par la Constitution en son article 8, sur lequel a déjà porté le contrôle de constitutionalité ;
Que l’article 8 de la loi de 1969 ayant été déclaré non contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel, ne saurait être contraire à la Déclaration universelle des droits de l’homme qui figure dans le préambule de la Constitution et qui fait corps avec elle;
Que s’agissant de la Convention de l’OIT, si effectivement elle invite les Etats à s’abstenir de toute intervention de nature à limiter le droit syndical ou à en entraver l’exercice légal, le comité de l’OIT sur la liberté syndicale a, lui, retenu (304e Rapport cas 1719) comme relevé par la décision du Conseil constitutionnel que : « L’interdiction du droit de grève aux travailleurs des Douanes, fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat, n’est pas contraire aux principes de la liberté syndicale », et précisé en son 336e rapport cas n°2383 que pour « les fonctionnaires de l’administration et du pouvoir judiciaire exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat, leur droit de recourir à la grève peut faire l’objet de restrictions, telle que la suspension ou l’interdiction » ;
Qu’ainsi, l’OIT considère que la liberté syndicale et le droit de grève n’ont pas une portée absolue, le législateur étant habilité à en limiter ou à en interdire l’exercice en cas de nécessité, comme l’a fait la loi portant statut du personnel des Douanes en son article 8, qui, en conséquence, n’encourt pas le reproche du moyen ;
Qu’il échet de rejeter le moyen comme mal fondé ; Sur le moyen tiré de l’existence d’un vice de procédure, en ce qu’en prenant l’initiative de le sanctionner, le Directeur général des Douanes ne l’a jamais mis à même de se défendre puisqu’il n’a pas été informé au préalable des faits qui lui sont reprochés et qualifiés d’office par le Directeur, alors que les dispositions de l’article 19 de la loi n°69-64 du 30 octobre 1969 soumettent les sanctions à une explication préalable de l’intéressé sur les faits qui lui sont reprochés dans le cadre d’une procédure respectant scrupuleusement les droits fondamentaux de la défense consacrés par la Constitution ; que la grille des sanctions prévues par l’article 79 du décret n°69-1373 du 10 décembre 1969 portant application de la loi ne saurait échapper à une telle règle ; Considérant que le Directeur général des Douanes soutient que l’acte attaqué est une mesure d’ordre intérieur, relative au fonctionnement interne de l’administration destinée à assurer la discipline et l’organisation ; qu’il relève de la pure discipline militaire, surtout du pouvoir discrétionnaire, tel que cela résulte des dispositions de l’article 20 du statut du personnel des Douanes ; Considérant que selon l’article 19 de la loi n°69-64 du 30 octobre 1969 relative au statut du personnel des Douanes, indépendamment des sanctions d’ordre intérieur dont la définition et l’application feront l’objet d’un décret, le personnel des Douanes peut être frappé de sanctions disciplinaires allant de la radiation du Tableau d’avancement à la radiation des cadres ; Considérant qu’il ressort de l’article 76 du décret n°69-1373 du 10 décembre 1969 fixant les conditions d’application de la loi précitée que « Les fautes commises par les membres du Service des douanes, qui ne présentent pas un caractère de gravité justifiant le prononcé de l’une des sanctions prévues à l’article 19 de la loi n°69-64 du 30 octobre 1969, sont sanctionnées par des punitions d’ordre intérieur ;
Ces punitions peuvent, également, être infligées dans les cas où la faute, quoique constituant l’une des infractions prévues par l’article 18 ou étant passible d’une des sanctions prévues à l’article 19 de la loi, appelle une répression immédiate ou nécessite, par les circonstances où elle a été commise une sanction publique. Dans ce cas, elles ne font pas obstacle aux poursuites judiciaires, ni à l’exercice de l’action disciplinaire » ; Considérant qu’il résulte des articles 78 et 79 du décret précité que les punitions d’ordre intérieur vont de l’avertissement simple aux arrêts de rigueur de 8 à 30 jours ; que ces punitions, conformément à l’article 83, sont notifiées aux membres du Service des Douanes qui en font l’objet, leur libellé devant mentionner les faits les ayant entrainées, elles sont classées ainsi que les procès-verbaux de notification au dossier des intéressés et s’appliquent dès qu’elles ont été notifiées selon l’article 84 du même décret ; Considérant qu’il ressort de la combinaison des dispositions suscitées que l’obligation de mettre le mis en cause à même de s’expliquer sur les faits qui lui sont reprochés avant de lui infliger une sanction, ne s’impose à l’autorité que si elle entend prendre l’une des sanctions prévues à l’article 19 de la loi susvisée ; Considérant que l’autorité n’est pas assujettie au respect de cette formalité lorsqu’il s’agit d’une punition d’ordre intérieur, comme en l’espèce, le décret qui prévoit ce type de sanction l’obligeant tout au plus à mentionner, dans l’acte de notification de la punition, les faits qui l’ont motivée ;
Qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé ; Sur le second moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation, en ce que l’arsenal législatif et règlementaire qui encadre le pouvoir normatif du Directeur général des Douanes ne lui confère nullement un pouvoir de qualification des faits, alors que l’examen de la décision querellée démontre qu’il a qualifié à tort les faits qui soutendent la mesure lorsqu’il vise notamment une prise de position de nature à jeter le discrédit sur les institutions publiques ; qu’il en résulte que les faits ont été qualifiés comme tel, selon son bon vouloir et que partant, il y’a manifestement une erreur de jugement dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire ; Considérant que le défendeur soutient que les articles 77, 78, 79 et 81 du décret d’application qui énumèrent toutes les mesures d’ordre intérieur relevant de la compétence reconnue au Directeur général des Douanes, prouvent à suffisance que, dans le cas d’espèce, c’est une juste appréciation des faits, gestes, déclarations, manifestations et comportements de l’auteur qui motivent amplement la mesure d’ordre intérieur qu’appelaient ses sorties et déclarations, en violation flagrante de ses obligations statutaires légales et de son serment professionnel ; Considérant qu’il y a erreur manifeste d’appréciation lorsque l’administration s’est trompée de manière grossière dans l’appréciation des faits qui ont motivé sa décision ; Considérant qu’il résulte de l’article 8 de la loi n°69-64 du 30 octobre 1969 relative au statut du personnel des Douanes, que les libertés d’expression, d’aller et de venir, de réunion, d’association du personnel des Douanes sont limitées par décret en fonction des nécessités de service ; Considérant que selon l’article 9 du décret d’application, les membres du personnel des Douanes doivent en tout temps, qu’ils soient de service ou non, s’abstenir en public de tout acte, de tout propos de nature à faire déconsidérer le personnel des Douanes ou à troubler l’ordre public ; qu’ils ne peuvent ni prendre la parole en public sauf pour l’exécution du service ou avec l’autorisation du Ministre des Finances, ni prendre part aux réunions à caractère politique ou syndical ; Considérant qu’il ressort des propres déclarations du requérant que lors de la réunion de Dakar, il a suggéré, dans son discours d’ouverture, l’adaptation du statut du personnel des Douanes aux dispositions constitutionnelles relatives au droit syndical ; Considérant que ces faits constituent un manquement aux obligations qui découlent des textes suscités régissant son statut ;
Qu’ainsi en prononçant à l’encontre du requérant une mesure d’arrêt de rigueur pour fait de participation à une réunion publique en rapport avec des activités de nature syndicale et de prise de position de nature à jeter le discrédit sur des Institutions, le Directeur général des Douanes n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :
Vu les arrêts n°42 du 26 juillet 2012 et n°6 du 31 janvier 2013 de la Chambre administrative ; Vu les décisions n°2 du 6 décembre 2012 et n°2 du 18 juillet 2013 du Conseil constitutionnel ; Rejette le recours de Ab Ag formé contre la décision du 8 décembre 2011 du Directeur général des Douanes ; Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour suprême, Chambre administrative, en son audience publique ordinaire tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents : Fatou Habibatou Diallo, Président de chambre, Président,
Abdoulaye Ndiaye, Mahamadou Mansour Mbaye,
Waly Faye, Sangoné Fall, Conseillers,
Cheikh Diop, Greffier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président de Chambre, Président, les Conseillers et le Greffier.
Le Président de Chambre, Président : Fatou Habibatou Diallo Les Conseillers : Abdoulaye Ndiaye Mahamadou Mansour Mbaye Waly Faye Sangoné Fall Le Greffier :
Cheikh Diop.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 61
Date de la décision : 12/12/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.supreme;arret;2013-12-12;61 ?
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