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26/09/2013 | SéNéGAL | N°50

Sénégal | Sénégal, Cour suprême, 26 septembre 2013, 50


Texte (pseudonymisé)
ARRET N°50 du 26/9/13 J/258/RG/12 12/9/12 Administrative ------- - Ae Ab C et autres (Me Mohamed Seydou Diagne, Mes An & Bassel, Me Ciré Clédor LY)
Contre :
-Etat du Sénégal (Agent judiciaire de l’Etat) PRESENTS :
Fatou Habibatou Diallo, Président de Chambre, Président ;
Abdoulaye Ndiaye,
Mahamadou Mansour Mbaye,
Amadou Lamine Bathily, Waly Faye, Conseillers, RAPPORTEUR :
Fatou Habibatou Diallo, PARQUET GENERAL:
Abdourahmane Diouf, GREFFIER :
Cheikh Diop ; AUDIENCE :
26 septembre 2013
MATIERE :
Administrativ

e
RECOURS :
Excès de pouvoir REPUBLIQUE DU SENEGAL AU NOM DU PEUPLE...

ARRET N°50 du 26/9/13 J/258/RG/12 12/9/12 Administrative ------- - Ae Ab C et autres (Me Mohamed Seydou Diagne, Mes An & Bassel, Me Ciré Clédor LY)
Contre :
-Etat du Sénégal (Agent judiciaire de l’Etat) PRESENTS :
Fatou Habibatou Diallo, Président de Chambre, Président ;
Abdoulaye Ndiaye,
Mahamadou Mansour Mbaye,
Amadou Lamine Bathily, Waly Faye, Conseillers, RAPPORTEUR :
Fatou Habibatou Diallo, PARQUET GENERAL:
Abdourahmane Diouf, GREFFIER :
Cheikh Diop ; AUDIENCE :
26 septembre 2013
MATIERE :
Administrative
RECOURS :
Excès de pouvoir REPUBLIQUE DU SENEGAL AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS ----------------- COUR SUPREME ----------------- CHAMBRE ADMINISTRATIVE ----------------- - A l’audience publique de vacation du Jeudi vingt six septembre de l’an deux mille treize ;
ENTRE : - Ae Ab C, demeurant à Sacré cœur II, villa n°8607/G à Dakar ;
Ag Am, demeurant à Fann résidence à Aj ;
Ad Ao, demeurant à la cité Biagui à Dakar ;
Aq Al, demeurant à Sacré cœur III, à Dakar ;
Ak Ai Af, demeurant à la cité Ah Ac A à Dakar ; Ayant pour conseils : Maître Mohamed Seydou Diagne, avocat à la cour, 06, rue Jacques Bugnicourt (ex rue Kléber), 1er étage à droite à Dakar ;
Maîtres An & assoçiés, avocats à la cour, 20- 22, rue Aa Ap à Dakar ;
Maître Ciré Clédor Ly, avocat à la cour, Sacré cœur 3, villa 9989 à Dakar ;
D’UNE PART ;
ET :
- L’Etat du Sénégal pris en la personne de Monsieur l’Agent judiciaire de l’Etat, en ses bureaux sis au Ministère de l’Economie et des Finances, building Peytavin, Avenue de la République x Carde à Dakar ;
D’AUTRE PART ; Vu la requête reçue au greffe central de la Cour suprême le 12 septembre 2012, par laquelle Ae Ab C, Ag Am, Ad Ao, Aq Al et Ak Ai Af, ayant pour conseils : Maître Mohamed Seydou Diagne, Maîtres An & assoçiés et Maître Ciré Clédor Ly, avocats à la cour, sollicitent l’annulation du décret n°2012-679 du 6 juillet 2012 portant nomination des membres de la Cour de répression de l’enrichissement illicite ; Vu la Constitution de la République du Sénégal du 22 janvier 2001 modifiée ; Vu la loi organique n°2008-35 du 8 août 2008 sur la Cour suprême ; Vu la loi n°81-53 du 10 juillet 1981 relative à la Répression de l’enrichissement illicite ; Vu la loi n°81-54 du 10 juillet 1981 créant une Cour de répression de l’enrichissement illicite ;
Vu le décret n°2011-94 du 24 janvier 2011 portant attribution d’échelon de solde à des Magistrats ; Vu le décret n°2013-215 du 30 janvier 2013 portant nomination de Magistrats à des emplois du 2e grade, 1er groupe, 6e échelon indice 3205 ; Vu l’exploit du 9 octobre 2012 de Maître Oumar Tidiane Diouf, Huissier de justice à Dakar, portant signification de la requête ; Vu le reçu du 10 octobre 2012 attestant de la consignation de l’amende ; Vu le mémoire en défense de l’Agent judiciaire de l’Etat reçu au greffe le 10 décembre 2012 ; Vu le décret attaqué ; Vu les autres pièces du dossier ; Ouï Madame Fatou Habibatou Diallo, Présidente de la Chambre en son rapport ; Ouï Monsieur Abdourahmane Diouf, Avocat Général, en ses conclusions tendant au renvoi de l’exception d’inconstitutionnalité au Conseil constitutionnel ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant que par décret n°2012-679 du 6 juillet 2012, le Président de la République, après avis du Conseil supérieur de la Magistrature, a nommé les membres de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) ; que c’est ce décret que Ae Ab C et quatre autres attaquent en annulation en développant deux moyens et en soulevant in fine l’exception d’inconstitutionnalité dudit décret et celle de la loi n°81-54 du 10 juillet 1981 créant la CREI ; Sur la recevabilité du recours :
Considérant que L’Agent judiciaire de l’Etat conclut à l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt et de qualité à agir au motif que le recours en annulation appartenant exclusivement à celui qui souffre personnellement du maintien de l’acte administratif, la nomination des Magistrats à une Cour et le droit de simples citoyens que sont les requérants n’ont absolument aucun lien ; Considérant que Ae Ab C et les quatre autres ont soutenu sans être contredits qu’ils font déjà l’objet d’une procédure d’enquête préliminaire relative à l’enrichissement illicite au niveau de la Division des investigations criminelles de la Police et de la Section de recherches de la Gendarmerie nationale, à la suite de la nomination de membres de la CREI par le décret attaqué ; Considérant que le recours pour excès de pouvoir n’est ouvert qu’à ceux qui peuvent justifier que l’annulation qu’ils demandent, présente pour eux un intérêt personnel, la notion d’intérêt s’entendant comme le droit de ne pas souffrir personnellement de l’illégalité ; Considérant que le décret attaqué nomme les magistrats composant la CREI chargés de poursuivre, d’instruire les procédures et de juger tous ceux qui seront soupçonnés ou prévenus d’enrichissement illicite ;
Qu’ainsi les requérants qui sont déjà dans la phase de l’enquête préliminaire ont qualité et intérêt à agir en annulation du décret ; qu’il échet de déclarer leur recours recevable ; Sur la recevabilité en la forme du moyen tiré de l’exception d’inconstitutionnalité Considérant que l’Agent judiciaire de l’Etat qui conclut en outre à l’irrecevabilité en la forme de ce moyen soutient que les requérants qui se livrent à un détournement de procédure, ne démontrent pas en quoi la contestation de la régularité de la nomination des magistrats de la Cour est subordonnée à la constitutionnalité ou non de la loi portant création de la Cour et en ce qu’étant une exception préjudicielle, celle-ci doit être soulevée « in limine litis » et avant tous les moyens développés sur le fond ; Considérant que l’exception d’inconstitutionnalité n’est pas une exception de procédure mais un moyen de fond visant à établir le défaut de base légale de l’acte attaqué qui se fonde sur un texte de loi dont la constitutionnalité est contestée ; qu’ainsi l’ordre dans lequel il est présenté n’a aucune incidence sur sa recevabilité ; Sur le moyen tiré de l’exception d’inconstitutionnalité, en ce que, en premier lieu, l’appréciation de la constitutionnalité du décret attaqué a une incidence manifeste sur la solution à apporter au litige par la juridiction et, en second lieu, en ce que la loi sur la CREI viole manifestement les dispositions des articles 1 al 4 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques prévoyant, que toute personne coupable d’une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure, la déclaration de culpabilité et la condamnation conformément à la loi, alors qu’en vertu des dispositions de l’article 17 de la loi sur la CREI, les décisions de la Cour ne sont pas susceptibles d’appel ; Considérant qu’il résulte de l’article 92 de la Constitution que le Conseil constitutionnel connait des exceptions d’inconstitutionnalité soulevées devant la Cour suprême.
Qu’aux termes des dispositions de l’article 20 de la loi organique n°92-23 du 30 mai 1992 sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique n°99-71 du 17 février 1999, « Lorsque la solution d’un litige porté devant le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation, [remplacés par Cour suprême], est subordonnée à l’appréciation de la conformité des dispositions d’une loi ou des stipulations d’un accord international à la Constitution, la haute juridiction saisit obligatoirement le Conseil constitutionnel de l’exception d’inconstitutionnalité ainsi soulevée et surseoit à statuer jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel se soit prononcé… » ; Considérant que les requérants concluent à l’inconstitutionnalité du décret attaqué alors que la Chambre de Céans est saisie de l’appréciation de la légalité dudit décret ; Considérant que nulle part dans le moyen, il n’est fait état de la non-conformité à la Constitution des dispositions de la loi n°81-54 du 10 juillet 1981 créant une Cour de répression de l’enrichissement illicite, les requérants soutenant plutôt la non-conformité de ladite loi en son article 17 au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, alors que l’exception d’inconstitutionnalité doit être soulevée lorsqu’il s’agit d’apprécier la conformité des dispositions d’une loi ou des stipulations d’un accord international à la Constitution ; Considérant qu’en l’espèce, la solution du litige n’est nullement subordonnée à l’appréciation de la conformité de la loi sur la CREI à la Constitution ;
Qu’ainsi, le moyen étant mal fondé, il n’y a pas lieu à renvoi de l’exception au Conseil constitutionnel ; Sans qu’il soit besoin de statuer sur le second moyen, sur le moyen tiré de la violation de la loi n°81-54 du 10 juillet 1981 créant une Cour de répression de l’enrichissement illicite, en ce que l’article 4 al 3 de ladite loi prévoit que le Procureur spécial de la Cour est assisté d’un Substitut nommé par décret, conformément aux règles constitutionnelles et statutaires, parmi les Magistrats des Cours et Tribunaux ayant atteint au moins le 1er groupe du 2e grade ou parmi les Juges de paix de classe exceptionnelle, alors que le décret attaqué a nommé un Substitut du Procureur spécial qui ne remplit pas les conditions prévues par la loi, puisqu’étant au moment de sa nomination un magistrat du 2e grade, 2e groupe ; Considérant que l’Agent judiciaire de l’Etat a conclu au rejet du moyen comme mal fondé en soutenant que préalablement à la prise du décret qui relève du pouvoir discrétionnaire du Président de la République, les avis de la Cour suprême et du Conseil supérieur de la Magistrature ont été recueillis ;
Considérant qu’en l’espèce, d’une part, le Président de la République, contrairement à ce que soutient l’Agent judiciaire de l’Etat, n’a pas un pouvoir discrétionnaire, mais dispose d’une compétence liée, et d’autre part, l’avis du bureau de la Cour suprême recueilli ne concernait que la nomination du Premier Avocat général près ladite Cour à la CREI ; Considérant qu’aux termes de l’article 4 al 3 de la loi visée au moyen, le Procureur spécial est assisté d’un Substitut nommé par décret, conformément aux règles constitutionnelles et statutaires, parmi les Magistrats des Cours et Tribunaux ayant atteint au moins le 1er groupe du 2e grade ou parmi les Juges de paix de classe exceptionnelle ; Considérant qu’il résulte du décret n°2013-215 du 30 janvier 2013 portant nomination de Magistrats à des emplois du 2e grade, 1er groupe, 6e échelon, indice 3205 produit par les requérants en cours d’instruction, que le magistrat Antoine Félix Abdoulaye Diome, matricule de solde 603270/N, était un magistrat du 2e groupe, 2e grade au moment de sa nomination en juillet 2012 comme Substitut près le Procureur spécial, puisque ce n’est que depuis janvier 2013 qu’il occupe un emploi du 2e grade, 1er groupe, à savoir Substitut du Procureur de la République près le Tribunal régional de 1ère classe de Saint-Louis ;
Qu’ainsi, ne remplissant pas la condition prévue par la loi pour être nommé au poste de Substitut du Procureur spécial en juillet 2012, le décret attaqué encourt l’annulation et ce, même si l’avis préalable du Conseil supérieur de la Magistrature a été requis, la régularité de la procédure de prise de décision ne pouvant effacer l’illégalité qui affecte l’acte ; Considérant qu’un acte administratif annulé est réputé n’avoir jamais existé ; Que toutefois s’il apparait que l’effet rétroactif de l’annulation est de nature à entrainer des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que l’acte a produits que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au Juge administratif de prendre en considération les conséquences de la rétroactivité de l’annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence ; Considérant qu’eu égard, d’une part à l’intérêt général qui s’attache à la sécurité des procédures d’information ouvertes devant la CREI auxquelles l’intéressé a concouru et d’autre part au motif d’annulation retenu, l’annulation rétroactive de la nomination du Substitut du Procureur spécial porterait une atteinte manifestement excessive au fonctionnement du service public de la justice ;
Que dès lors, il y a lieu dans les circonstances de l’espèce, de ne prononcer l’annulation du décret qu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de la présente décision et uniquement en ce qu’il porte nomination d’Antoine Félix Abdoulaye Diome, Substitut du Procureur spécial près la CREI ;
PAR CES MOTIFS :
Déclare le recours recevable en la forme ; Dit n’y avoir lieu à renvoi de l’exception d’inconstitutionnalité au Conseil constitutionnel ; Annule le décret n°2012-679 du 6 juillet 2012 uniquement en ce qu’il porte nomination de Antoine Félix Abdoulaye Diome Substitut du Procureur spécial près la Cour de répression de l’enrichissement illicite ; Dit que l’annulation prend effet à compter de l’expiration d’un délai d’un (1) mois, à compter de la date de la présente décision ; Ordonne la restitution de l’amende consignée ; Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour suprême, Chambre administrative, en son audience publique de vacation tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents :
Fatou Habibatou Diallo, Président de Chambre, Président ;
Abdoulaye Ndiaye,
Mahamadou Mansour Mbaye,
Amadou Lamine Bathily, Waly Faye, Conseillers,
Cheikh Diop, Greffier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président de Chambre, Président, les Conseillers et le Greffier.
Le Président de Chambre, Président : Fatou Habibatou Diallo Les Conseillers : Abdoulaye Ndiaye Mahamadou Mansour Mbaye Amadou Lamine Bathily Waly Faye Le Greffier :
Cheikh Diop 


Synthèse
Numéro d'arrêt : 50
Date de la décision : 26/09/2013

Analyses

RECOURS POUR EXCÈS DE POUVOIR – RECEVABILITÉ – CONDITIONS – INTÉRÊT À AGIR – APPLICATION DIVERSES.


Parties
Demandeurs : CHEIKH TIDIANE SY ET AUTRES
Défendeurs : ÉTAT DU SÉNÉGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2023
Fonds documentaire ?: Bulletin des arrets
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.supreme;arret;2013-09-26;50 ?
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