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01/08/2012 | SéNéGAL | N°73

Sénégal | Sénégal, Cour suprême, 01 août 2012, 73


Texte (pseudonymisé)
ARRET N°73 Du 1er août 2012 ………. MATIERE : Civile et commerciale N° AFFAIRE :
J/ 304/ RG/ 11
AXA Assurances Sénégal
Contre
La Société Manutention Logistique Transport RAPPORTEUR :
Mouhamadou DIAWARA PARQUET GENERAL:
Oumar DIEYE AUDIENCE :
1er août 2012 PRESENTS :
Mouhamadou DIAWARA Jean Louis Paul TOUPANE Waly FAYE Ibrahima SY Amadou Lamine BATHILY GREFFIER :
Macodou NDIAYE
REPUBLIQUE DU SENEGAL Un Peuple – Un But – Une Foi …………….
AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS …………… COU

R SUPREME …………… CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE …………… A L’AUDIENCE PUBLIQUE DE VACATION DU PREMIER AO...

ARRET N°73 Du 1er août 2012 ………. MATIERE : Civile et commerciale N° AFFAIRE :
J/ 304/ RG/ 11
AXA Assurances Sénégal
Contre
La Société Manutention Logistique Transport RAPPORTEUR :
Mouhamadou DIAWARA PARQUET GENERAL:
Oumar DIEYE AUDIENCE :
1er août 2012 PRESENTS :
Mouhamadou DIAWARA Jean Louis Paul TOUPANE Waly FAYE Ibrahima SY Amadou Lamine BATHILY GREFFIER :
Macodou NDIAYE
REPUBLIQUE DU SENEGAL Un Peuple – Un But – Une Foi …………….
AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS …………… COUR SUPREME …………… CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE …………… A L’AUDIENCE PUBLIQUE DE VACATION DU PREMIER AOUT DEUX MILLE DOUZE
ENTRE :
AXA Assurances Sénégal, prise en la personne de son Directeur Général en ses bureaux sis à Dakar, 05 Place de l’indépendance, élisant domicile … l’étude de Maîtres BA & TANDIAN, avocats à la cour, 20 Avenue des Jambaar à Dakar;
Demanderesse ;
D’une part
ET : La Société Manutention Logistique Transport dite M.L.T., prise en la personne de son représentant légal, en ses bureaux sis à Dakar, 33 Boulevard de la libération, faisant élection de domicile en l’étude de Maître Cheikh Ahmed Tidiane NDAO, avocat à la cour, 4 Boulevard Ad Ab à Dakar ; Défenderesse ; D’autre part ; Statuant sur le pourvoi formé suivant requête enregistrée au Greffe de la Cour suprême le 10 novembre 2011 sous le numéro J/304/RG/11, par Maîtres BA & TANDIAN, avocats à la cour, agissant au nom et pour le compte de la compagnie AXA Assurances Sénégal contre l’arrêt n° 552 rendu le 26 juillet 2011 par la Cour d’appel de Dakar, dans la cause l’opposant à la société MLT ; Vu le certificat attestant la consignation de la somme devant garantir le paiement des droits de timbre et d’enregistrement du 23 novembre 2011 ; Vu la signification du pourvoi à la défenderesse par exploit du 16 novembre 2011 de Maître Issa Mamadou DIA, Huissier de justice ; Vu le mémoire en défense présenté le 13 janvier 2012 par Maître Cheikh Ahmed Tidiane NDAO pour le compte de la MLT ; La COUR,
Ouï Monsieur Mouhamadou DIAWARA, Président - rapporteur, en son rapport ; Ouï Monsieur Oumar DIEYE, Avocat général, en ses conclusions tendant au rejet du pourvoi ; Vu la loi organique n° 2008-35 du 08 août 2008 sur la Cour suprême ; Vu les moyens annexés ; Après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu que par l’arrêt infirmatif attaqué, la Cour d’Appel de Dakar a débouté AXA Assurances de ses demandes en responsabilité et en paiement dirigées contre la société Manutention Logistique Transport (MLT) ; Sur le premier moyen, en ses trois branches, tiré de la violation du principe dispositif ; Vu l’article 1-6 du code de procédure civile ; Attendu que, selon ce texte, le juge chargé de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, ne peut se déterminer sur un moyen de pur droit soulevé d’office qu’après avoir recueilli au préalable les explications des parties ; Attendu que pour débouter AXA assurances de ses demandes, la cour d’Appel après avoir énoncé « qu’il ressort des dispositions des articles 4 et 5 de la Convention de Hambourg, que le transporteur maritime est responsable des pertes et dommages subis par les marchandises de leur prise en charge à leur livraison entre les mains du destinataire ou de son mandataire…que le manutentionnaire qui effectue des opérations de déchargement doit être considéré comme agissant au nom et pour le compte du bord sauf preuve contraire », a retenu « qu’il est de jurisprudence constante qu’en l’absence de preuve de ce que le manutentionnaire agissait pour le compte du destinataire subrogé, il faut retenir que celui-ci agissait au nom du transporteur maritime qui a transigé et que dans ce cas, sa responsabilité ne peut plus être recherchée que par son mandant »; Attendu qu’en soulevant d’office le moyen de pur droit tiré des articles 4 et 5 de la Convention de Hambourg, sans avoir préalablement provoqué les explications des parties, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ; Par ces motifs, Sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens du pourvoi : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l’arrêt n° 552 rendu le 26 juillet 2011, entre les parties, par la Cour d’Appel de Dakar ;
Remet, en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel de Aa ; Condamne la société Manutention Logistique Transport aux dépens ;
Dit que le présent arrêt sera imprimé, qu’il sera transcrit sur les registres de la Cour d’Appel de Dakar, en marge ou à la suite de la décision attaquée ; Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour Suprême, chambre civile et commerciale en son audience publique tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents Messieurs : Mouhamadou DIAWARA, Président - rapporteur,
Jean Louis Paul TOUPANE, Waly FAYE, Ibrahima SY,
Amadou Lamine BATHILY, Conseillers ; En présence de Monsieur Oumar DIEYE, Avocat général, représentant le Parquet Général et avec l’assistance de Maître Macodou NDIAYE, Greffier. En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président - rapporteur, les Conseillers et le Greffier.
Le Président - rapporteur Mouhamadou DIAWARA
Les Conseillers Jean Louis Paul TOUPANE Waly FAYE
Ibrahima SY Amadou Lamine BATHILY Le Greffier Macodou NDIAYE ANNEXE
MOYENS ANNEXES AU PRESENT ARRET
Premier moyen : violation du principe dispositif
La délimitation de la matière litigieuse demeure l’affaire des parties
Cette règle de procédure civile est expressément consacrée par les articles 1-1 à 1-6 du Code de procédure civile. Article 1-1
« Les parties introduisent l’instance sous réserve des cas où la loi en dispose autrement. Elles conduisent l’instance sous les charges qui leur incombent ; elles doivent notamment accomplir les actes de procédure dans les délais et formes requis. Elles peuvent mettre fin à l’instance avant son extinction par l’effet d’un jugement ou en vertu de la loi ». Article 1-1
« Les parties fixent l’objet du litige par l’acte introductif d’instance et les conclusions en défense. Une fois l’instance liée, elles ne peuvent modifier les éléments du débat par l’introduction de demandes nouvelles, sauf si celles-ci se rattachant à la demande initiale par un lien suffisant. Le juge ne peut ni statuer sur des choses non demandées, ni adjuger plus qu’il n’a été demandé ». En vertu de ces règles, il n’était pas possible pour le juge de trancher le litige par le biais d’une qualification juridique ne résultant pas des conclusions des parties. La seule exception consacrée par l’article 1-6 du Code de procédure civile se rapporte au moyen de pur droit, lequel peut être soulevé d’office par le juge. « Il doit, après avoir provoqué les explications des parties, soulever les moyens de pur droit quelque soit le fondement juridique invoqué par celles-ci » alinéa 2. Il reste bien entendu que le concept de moyen de « pur droit » doit être compris de manière stricte, car la prérogative d’annulation pour ce moyen est un privilège reconnu à la seule juridiction de cassation. Ensuite, même devant la haute juridiction, la compréhension restrictive doit être de rigueur, le moyen de pur droit ne supposant l’articulation d’aucun fait. Par conséquent, la cour d’Appel ne peut, en aucun cas, appliquer d’office une règle de droit non envisagée ni, à fortiori, discutée par les parties. elle le peut d’autant moins qu’ils ne s’agit nullement ici de « moyen de pur droit ». Dans la présente affaire, de débat de responsabilité se focalisait principalement sur le caractère contradictoire du rapport d’expertise, son opposabilité au manutentionnaire, et éventuellement, l’étendue de la responsabilité de celui-ci du regard de dispositions du Code des obligations civiles et commerciales. En aucun moment la responsabilité du manutentionnaire MLT n’a été analysée en articulation avec les dispositions des la convention de Hambourg, en ses articles 4 et 5. Ni en première instance, ni en appel, un tel débat n’a pu être posé. Il suffit, pour en avoir confirmation, de se reporter aux conclusions d’instance et d’appel échangées entre les parties qui sont versées au dossier. De même, pas une seule fois le conseil de la mise en état et la Cour elle-même n’ont invité les parties à formuler les observations orales ou écrites sur ce point précis. C’est dès lors non sans surprise que la société demanderesse au pourvoi a découvert la décision d’appel et la motivation sous-jacente qui n’avait jamais été discutée. Les juges d’appel ont substitué leur qualification juridiction à celles proposées par les parties. Il y a donc là bien une violation d’une règle qui constitue, avec d’autres, le principe dispositif. Cette manière de procéder doit d’autant plus être sanctionnée, que même dans l’hypothèse du moyen de pur droit, il est fait obligation au juge qui entend le soulever, de provoquer, au préalable, les explications des parties sur ce point. Violation du principe du contradictoire
Les parties n’ont jamais conclu sur ce point, et n’ont pas été invitées à la faire pour la sauvegarde du caractère contradictoire des débats. En conclusion sur ce point, la violation du principe dispositif est flagrante en l’espèce, et cela suffit pour justifier la cassation de l’arrêt n° 552 rendu par la chambre commerciale économique et financière n° 3 de la Cour d’Appel de Dakar, au visa des articles 1-1 à 1-6 du Code de procédure civile. Par ailleurs, aux irrégularités de procédure vient s’ajouter une motivation défaillante et contestable, au regard de règles applicables en matière de transport maritime. Deuxième moyen : insuffisance de motifs équivalant à un défaut de base légale
La motivation principale retenue par les juges d’appel résulte d’une interprétation des articles 4 et 5 de convention de Hambourg du 30 mars 1978. En effet, partant de la règle selon laquelle le transporteur maritime était responsable des pertes et dommages subis par la cargaison de la prise en charge à la livraison, les juges d’appel en déduisent deux conséquences : premièrement : que les opérations de déchargement sont effectuées pour le compte du bord, sauf preuve contraire ; deuxièmement : « en l’absence de preuves de ce que le manutentionnaire agissait pour le compte du destinataire subrogé, il faut retenir que celui-ci agissait au nom du transporteur maritime qui a transigé et que dans ce cas, sa responsabilité ne peut être recherchée que par son mandant ». Cette motivation, il faut en convenir, pose problème. En tout premier lieu, il ne semble pas judicieux d’invoquer les dispositions de la convention de Hambourg pour trancher le litige ayant trait à la responsabilité du manutentionnaire, dans la mesure où le texte ne prévoit nullement de règlementer une telle question. En deuxième lieu, pour établir la responsabilité du transporteur, le destinataire d’une cargaison bénéficie d’un régime de preuves allégé par le mécanisme des la présomption de responsabilité : il lui suffit de prouver que le dommage a eu lieu pendant que les marchandises étaient sous la garde du transporteur ou de ses préposés. L’arrêt inverse la charge de la preuve en affirmant ce qui suit : le manutentionnaire est censé décharger pour le compte du transporteur ; la responsabilité du manutentionnaire ne peut être mise en cause que par son mandant ; pour que l’action du destinataire puisse aboutir, il doit faire la preuve qu’il est ce mandant. Si les juges d’appel avaient invité les parties à conclure sur ce point, il leur serait facile d’identifier, dans le cas d’espèce, le mandant ou le cocontractant de la société MLT, outre qu’elles auraient sans doute discuté la pertinence de l’argument juridique. De surcroit, société MLT est la mieux placée pour révéler l’identité de la partie avec laquelle elle a traité. En l’espèce, le manutentionnaire avait bien été commis par l’assuré de la demanderesse au pourvoi, ainsi que cela ressort du contrat souscrit entre CIC Sénégal et MLT, le 1er.12.2005 (contrat annexé à la présente requête). Bien entendu, la responsabilité du manutentionnaire n’étant jamais discutée sous l’angle d’approche de l’arrêt critiqué, un tel document n’avait pas été versé au dossier du demandeur à l’action. Autre remarque plus décisive encore, la règle formulée par les magistrats d’appel ne ressort nullement des dispositions de la convention d Ac qui n’a d’ailleurs pas été invoquée par les parties, faut-il le rappeler. Au contraire, les parties fondent leurs actions sur les articles 118 et suivants du Code des obligations civiles et commerciales. Il faut également rappeler que dans la présente affaire, l’assignation faite devant le tribunal régional hors classe de Dakar ne visait que le seul manutentionnaire, à savoir, la société MLT. Dès lors, il est difficilement compréhensible que les juges d’appel aient pu écarter, d’un revers de main, les conclusions échangées entre les parties, les qualités juridiques en découlant, pour leur substituer, ex nihilo, une motivation pour laquelle leur avis n’aura été ni requis ni entendu, en violation flagrante du principe dispositif, comme déjà rappelé tantôt, et du contradictoire, par voie de conséquence. Au bénéfice de ces différentes observations, il convient de retenir que la décision de la cour d’Appel déférée à la censure de la Haute Cour souffre d’une insuffisance de motifs équivalant à un défaut de base légale, et que par conséquent, elle mérite largement d’être cassée, puis la cause renvoyée, soit, devant la chambre spéciale statuant en matière commerciale après cassation de la Cour d’Appel de Dakar, soit, devant une juridiction d’appel de l’intérieur du pays. L’arrêt encourt un autre grief, tenant à la contradiction de motifs. Troisième moyen : contradiction de motifs équivalant à un défaut de motifs
La motivation de l’arrêt comporte une contradiction d motifs, dans la mesure où les juges d’appel mettent en avant une fin de non-recevoir, pour débouter Axa Assurance Sénégal de toutes ses demandes. En effet, la demande de Axa, selon l’arrêt, n’est susceptible de prospérer que si ladite société fournit la preuve de sa qualité de mandante. La fin de non-recevoir est à cheval entre la défense au fond et l’exception, d’où son caractère mixte. Il s’agit de « tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen du fond pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ». Vincent & Guinchard, procédure civile, Dallo 2 27è édition, page 181. En d’autres termes, la motivation retenue aurait dû conduire la cour d’Appel à déclarer l’action de Axa Assurances Sénégal irrecevable, au lieu de la juger mal fondée. L’objection de la cour d’Appel touche incontestablement au droit d’agir de la société Axa, celle-ci n’ayant pas prouvé avoir mandaté la société MLT, d’après le raisonnement de la cour d’Appel. Il y a donc contradiction de motifs équivalant au défaut de motifs, dans le cas d’espèce, l’arrêt encourt donc la cassation sur ce point également. La cour ne manquera pas de faire droit à cette demande de cassation, et de renvoyer l’affaire, soit devant la chambre spéciale statuant en matière commerciale après cassation de la Cour d’Appel de Dakar, soit devant telle autre cour d’Appel de son choix.


Synthèse
Formation :
Numéro d'arrêt : 73
Date de la décision : 01/08/2012

Analyses

POUVOIRS DES JUGES – POUVOIRS DES JUGES DU FOND – OFFICE DU JUGE – SOULEVER D’OFFICE UN MOYEN DE PUR DROIT – CONDITION – EXPLICATIONS PRÉALABLES DES PARTIES


Parties
Demandeurs : AXA ASSURANCES SÉNÉGAL
Défendeurs : LA SOCIÉTÉ MANUTENTION LOGISTIQUE TRANSPORT

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2023
Fonds documentaire ?: Bulletin des arrets
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.supreme;arret;2012-08-01;73 ?
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