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19/07/2012 | SéNéGAL | N°71

Sénégal | Sénégal, Cour suprême, 19 juillet 2012, 71


Texte (pseudonymisé)
ARRET N° 71 du 19 juillet 2012 MATIERE Pénale
Affaire n° J/305/RG/11 du 10/11/2011 Ai Ah AS et autres (Mes Guédel NDIAYE et associés, Boubacar DRAME)
Contre
Ae Bb et autres (Mes Au B, Ad A, Ai Ak AQ, Ad Z, Abdourahmane SO, SCP CAMARA et SALL) RAPPORTEUR M. Ciré Aly BA PARQUET GENERAL Ndiaga YADE
AUDIENCE 19 juillet 2012 PRESENTS :
Mamadou Badio CAMARA, Président, Lassana Diabé SIBY, Ciré Aly BA, Adama NDIAYE et Mbacké FALL,
Conseillers, Awa DIAW,
Greffière,
REPUBLIQUE DU SENEGAL AU NOM DU PE

UPLE SENEGALAIS ------ COUR SUPREME CHAMBRE CRIMINELLE ------ A L’AUDIENCE PUBLIQUE...

ARRET N° 71 du 19 juillet 2012 MATIERE Pénale
Affaire n° J/305/RG/11 du 10/11/2011 Ai Ah AS et autres (Mes Guédel NDIAYE et associés, Boubacar DRAME)
Contre
Ae Bb et autres (Mes Au B, Ad A, Ai Ak AQ, Ad Z, Abdourahmane SO, SCP CAMARA et SALL) RAPPORTEUR M. Ciré Aly BA PARQUET GENERAL Ndiaga YADE
AUDIENCE 19 juillet 2012 PRESENTS :
Mamadou Badio CAMARA, Président, Lassana Diabé SIBY, Ciré Aly BA, Adama NDIAYE et Mbacké FALL,
Conseillers, Awa DIAW,
Greffière,
REPUBLIQUE DU SENEGAL AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS ------ COUR SUPREME CHAMBRE CRIMINELLE ------ A L’AUDIENCE PUBLIQUE DU JEUDI DIX NEUF JUILLET DEUX MILLE DOUZE
ENTRE : Ai Ah AS, commerçant, demeurant à Dakar, 116, avenue Ar Y ;
Ai X, commerçant, demeurant au 116, avenue Ar Y, Ac ;
Ae Ad A, commerçant, demeurant aux Parcelles Assainies unité 6, villa n°203, Ac ;
Ai AR A, commerçant, demeurant à Dakar, 116, avenue Ar Y ;
Élisant tous domicile en l’étude de leur conseil, Maître Guédel NDIAYE et associés, avocat à la Cour, 73, rue Ai Ab B, Ac ;
Am AH, commerçant, demeurant à As Ap 2, villa n°5483 mais ayant pour domicile élu l’étude de son conseil, Maître Boubacar DRAME, avocat à la cour, 133, cité Technopole, résidence Az Aa AN, 2ème étage, Pikine ;
DEMANDEURS ;
D’une part,
ET : Ae Bb, né le … … … à …, fils de feu El An Ad et de Av Y, prothésiste dentaire, demeurant au 23, rue A AP, Ac ;
Ai AS, né le … … … à …, fils de Ciré et de Ao AK, opérateur économique, demeurant à Ax Ay en face cité Comico, Dakar ;
El An Ae Y, né en 1926 à Dakar, fils de feu Ag et de At AI, directeur de l’Institut islamique de la grande mosquée de Dakar ;
Faisant élection de domicile en l’étude de leurs conseils, Maîtres Ad A, Ai Ak AQ, Ad Z, Abdourahmane SO, SCP CAMARA & SALL et Au B, 2 Place de l’Indépendance, immeuble SIDH, 2ème étage, Dakar, avocats à la cour ;
DEFENDEURS ;
D’autre part,
Statuant sur les pourvois formés suivant déclarations souscrites au greffe de la cour d’appel de Dakar les 31 octobre 2011 par Maître Pascal GOMIS de la SCPA Guédel NDIAYE et associés, muni d’un pouvoir spécial dûment signé et délivré par Ai Ah AS, Ai X, Ae Ad AL, Ai AR A, et 02 novembre 2011 par Maître Boubacar DRAME, agissant au nom et pour le compte de Am AH en vertu d’un pouvoir spécial régulier, contre l’arrêt n°896 rendu le 28 octobre 2011 par la troisième chambre correctionnelle de ladite cour qui, infirmant le jugement entrepris et statuant à nouveau, a relaxé les prévenus Ae Bb, Ai AS et El An Ae Y, ordonné au séquestre Al AG de restituer des sommes détenues à titre de redevances locatives à Ai AS et dit qu’il sera référé à la cour d’appel de Dakar en cas de difficultés ; La Cour, Vu la loi organique n° 2008-35 du 08 août 2008 sur la Cour suprême ; Vu les mémoires produits ; Vu les moyens annexés au présent arrêt ; Vu les conclusions du ministère public ; Ouï Monsieur Ciré Aly BA, Conseiller, en son rapport ; Ouï Monsieur Ndiaga YADE, Avocat général, représentant le Ministère public, en ses conclusions tendant à la cassation de l’arrêt ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi, Attendu que les défendeurs ont conclu, d’une part, à la déchéance de Ai Ah AS, Ai X, Ae Ad A et Ai AR A de leur pourvoi, en application de l’article 35 de la loi organique susvisée, au motif que l’arrêt attaqué est disponible depuis le 22 novembre 2011 et, d’autre part, à l’irrecevabilité du pourvoi de Am AH par application de l’article 58 de la même loi organique ; Attendu que Ai Ah AS et autres ont formé pourvoi le 31 octobre 2011 contre l’arrêt du 28 octobre 2011 ; que, sur la lettre de réclamation du 9 novembre 2011 d’une expédition de l’arrêt attaqué, reçue à la même date,  le greffier en chef de la cour d’appel de Dakar a porté en mention « arrêt non disponible »  ; Qu’il s’ensuit que Ai Ah AS et autres, qui ont présenté leur requête aux fins de pourvoi le 26 janvier 2012 accompagnée d’une expédition du 19 janvier 2012 de l’arrêt attaqué, sont relevés de déchéance en application de l’article 62 de la loi organique précitée ; Attendu, en revanche, que Am AH, autre demandeur au pourvoi, n’a pas produit le récépissé de versement des sommes consignées ; Qu’il doit, dès lors, être déclaré déchu de son pourvoi en application de l’article 35-3 de la loi organique précitée ;  Attendu que par l’arrêt infirmatif attaqué, la cour d’appel de Dakar a renvoyé Ae Bb, Ai AS et El An Ae Y des fins de la poursuite des chefs d’escroquerie, d’abus de confiance, de faux, d’ usage de faux en écritures privées et de complicité puis ordonné la restitution au prévenu Ai AS  des sommes détenues au titre des loyers ; Sur les premier, deuxième, septième et neuvième moyens réunis, pris d’une insuffisance de motifs et d’un manque de base légale ; Vu les articles 472, 500 du code de procédure pénale et 6 de la loi 84-19 du 02 février 1984 fixant l’organisation judiciaire ; Attendu que tout jugement ou arrêt doit, à peine de nullité, contenir des motifs propres à justifier sa décision ; que l’insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; Attendu que pour renvoyer les prévenus Ae Bb, Ai AS et El An Ae Y des fins de la poursuite, l’arrêt énonce, d’une part, «  dans le cadre de l’exécution du projet, aucune somme d’argent n’a été remise à Ai AS au titre des contrats prévus par l’article 383 du code pénal », d’autre part, « l’absence de preuve des remises de fonds provoquées aussi bien par un contrat visé par l’article 383 du code pénal ou par des manœuvres frauduleuses de l’article 379, alors surtout qu’en l’espèce l’abus de la qualité vraie de secrétaire général de la grande mosquée de Ae Bb n’est pas indubitablement établi » et, enfin «  la confusion des dates dans l’acte, même si elle a l’apparence d’une altération, procède seulement d’une erreur matérielle de plume… » ; Qu’en se déterminant ainsi, après avoir relevé « …que le prévenu Ai AS, confronté à des difficultés financières, s’est révélé incapable de réaliser le projet et a dû recourir à des investisseurs, Ai Ah AS et autres ; que, sur demande de Ai AS, ils ont convenu de réaliser le projet ensemble et de partager les bénéfices », sans préciser, d’une part, la nature des relations entre les requérants, la société Galoya et Ai AS et sans expliquer les causes de l’octroi à Ai AS de 75% des redevances sur les constructions pour la réalisation desquelles sa participation n’est pas exactement déterminée ; d’autre part , sans qualifier le comportement de Ae Bb, secrétaire général de la grande mosquée, supposé agir pour le compte de celle-ci mais qui a perçu d’importantes sommes pour le compte de Ai AS et au nom de l’agence immobilière de l’est  dont l’existence n’est pas prouvée et, enfin, sans indiquer comment Ai AS est devenu l’unique promoteur bénéficiant de 75% des redevances locatives  sans faire usage de l’ acte dressé à cet effet le 24 mai 2004 et alors que les travaux devant démarrer le 1er janvier 2004, cent douze (112) cantines avaient déjà été construites en 2002, la cour d’appel a insuffisamment motivé sa décision, la privant de base légale ; D’où il suit que la cassation est encourue ; PAR CES MOTIFS Casse et annule l’arrêt n°896 rendu le 28 octobre 2011 par la cour d’appel de Dakar ;
Renvoie la cause et les parties devant la même cour d’appel autrement composée ; Met les dépens à la charge du Trésor public ;
Dit que le présent arrêt sera imprimé, qu’il sera transcrit sur les registres de la cour d’appel de Dakar en marge ou à la suite de la décision attaquée ; Ordonne l’exécution du présent arrêt à la diligence du Procureur général près la Cour suprême ; Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour suprême, chambre criminelle, en son audience publique tenue les jour, mois et an ci-dessus et à laquelle siégeaient Messieurs : Mamadou Badio CAMARA, Président, Lassana Diabé SIBY, Ciré Aly BA, Adama NDIAYE et Mbacké FALL, Conseillers ; En présence de Monsieur Ndiaga YADE, Avocat général, représentant le Ministère public et avec l’assistance de Maître Awa DIAW, Greffière ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président, les Conseillers et la Greffière. Le Président : Mamadou Badio CAMARA

Les Conseillers : Lassana Diabé SIBY Ciré Aly BA Adama NDIAYE Mbacké FALL
La Greffière Awa DIAW
ANNEXE MOYENS DU POURVOI SUR LE PREMIER MOYEN TIRE DE LA CONTRARIETE DES MOTIFS Sur la première branche du moyen L'arrêt attaqué a relevé la propriété des demandeurs au pourvoi sur la quasi-totalité des cantines du Centre Commercial El H Aj C. Cette constante ressort des attendus de l'arrêt attaqué, ci-dessus reproduits: «Considérant, en effet, que le prévenu Ai AS confronté à des difficultés financières, s'est révélé incapable de réaliser le projet et a dû recourir à des investisseurs. Monsieur Ad X, Ai Ah AS, Ai AR A, Ai X. Sur demande de Ai AS, ils se sont tous entendus à réaliser le projet ensemble et du partage des bénéfices suivant le modèle du projet réalisé à l'Avenue Aw AJ sur initiative du même Amadou LY.», Curieusement, le même arrêt a ordonné le reversement des revenus locatifs du Centre au seul prévenu Ai AS dit Ai, en ces termes: « Qu'il convient d'ordonner la restitution des sommes versées au séquestre Al AG au titre des redevances mensuelles à Ai AS et nous en référer conformément à l'article 417-2 du Code de Procédure pénale en cas de difficultés ». A commis une contrariété de motifs, la Cour d'Appel de Dakar qui : tout en reconnaissant que les demandeurs au pourvoi ont financé la quasl- totalité des cantines; décide que les revenus locatifs desdites cantines doivent êtres à une autre personne. Que son arrêt encourt la cassation de ce chef. Sur la deuxième branche du moyen L'arrêt attaqué relève que la preuve des remises caractérisant le délit d'escroquerie reproché à Oumar D IENE n'est pas prouvée: « Considérant que la seule qualité que pouvait porter Ae Bb est celle de Secrétaire Général de la Grande Mosquée; que l'abus de cette qualité vraie n'a pas été établi, ainsi que la remise des 112 millions ; que de telles remises, en l'état du dossier, procèdent de simples affirmations; aucun écrit, aucun témoignage ne vient les corroborer ». Or, il ressort du même arrêt que cette remise a bel et bien eu lieu, même si Bb prétend avoir reçu moins que la somme de 112.000.000 FCFA invoquée par les demandeurs au pourvoi: « Considérant dès lors que le payement par divers chèques de 2004 d'un montant total de 8.050.000F ne peut s'analyser comme le règlement des droits de constructions exigés par l'appelant Bb ». Ce faisant, l'arrêt attaqué est entaché d'une contrariété de motifs, parce que la Cour d'Appel ne peut d'une part considérer que les remises invoquées pat: les mémorants relèvent de simples affirmations, et reconnaître par ailleurs que Bb a perçu un montant de 8.050.000 F de remises faites entre ses mains par les demandeurs au pourvoi. La contrarié de motifs étant un motif de cassation, il conviendrait de prononcer la cassation pour ce motif également. SUR LE DEUXIEME MOYEN TIRE DE L'INSUFFISANCE DES MOTIFS CONSTITUTIVE D'UN DEFAUT DE BASE LEGALE Sur la première branche du moyen Il a été reproché à Ae Bb d'avoir encaissé des sommes d'un montant total de 112.000.000 FCFA des demandeurs au pourvoi, représentant les pas de porte au profit de la Grande Mosquée de Dakar, pour leur permettre de réaliser la construction des cantines. Une partie de cette somme, soit 8.050.000F a été remise à Ae Bb par chèque, le défendeur au pourvoi a effectivement reconnu l'avoir encaissée. Pour écarter la dissipation des fonds reprochée à Bb, l'arrêt attaqué s'est borné à relever que : « Considérant que Ae Bb entendu a nié avoir reçu la somme indiquée en 2001 et a précisé que le seul montant perçu en 2004, l'était en raison de payement de redevances locatives reçues par chèques en 2004 du fait de la gestion des cantines que Ai AS lui a confiée » Ae Bb n'a cependant jamais rapporté la preuve de cette allégation, alors surtout qu'au cours de l'instruction, il avait donné une version contraire, en soutenant que les sommes en question rémunéraient un dépôt sur le site de plusieurs containers par les demandeurs au pourvoi. Cette contradiction avait d'ailleurs été dûment relevée par le magistrat instructeur dans l'ordonnance de renvoi du 30 novembre 2009 : « Qu'en effet, lors de l'enquête préliminaire, Ae Bb avait soutenu qu'elles correspondaient à des loyers dus au titre des cantines avant de se raviser devant le magistrat instructeur pour dire qu'elles rémunéraient plutôt des dépôts groupés de containers », En écartant le grief reproché à Bb, en dépit des contradictions révélant son incapacité à établir à quel titre il a encaissé ces sommes, l'arrêt attaqué souffre d'une insuffisance de motifs, et encourt la cassation de ce chef. Sur la deuxième branche du moyen Les manœuvres frauduleuses constitutives d'escroquerie reprochées aux prévenus Ae Bb et Ai AS dit Ai résultent de plusieurs éléments du dossier. Pour encaisser diverses sommes de Am AH et des demandeurs, Ae Bb s'est attribué la qualité de Secrétaire Général de la Grande Mosquée. Ce titre est inexistant, la preuve des allégations du prévenu sur ce point n'ayant pas été rapportée. Plus grave encore, l'Imam AR, successeur de feu Aj C entendu en qualité de témoin, a confirmé que ce poste est inexistant. Le même prévenu dans ses agissements, a reconnu avoir encaissé 33.000.000 F de Am AH et lui a, sans aucun pouvoir ni aucune qualité, signé une autorisation de construire 33 cantines dans l'enceinte de la Grande Mosquée, alors que seule la Mairie et les autorités de l'Urbanisme peuvent délivrer une telle autorisation. La manœuvre était donc uniquement destinée à l'encaissement des fonds. Il est par ailleurs constant que Ae Bb a encaissé des revenus locatifs des cantines, en qualité de gérant de la Société Immobilière de l'Est en 2003, alors même que cette société était inexistante: Cela ressort clairement des énonciations du jugement du 27 avril 2010 : « Que mieux, il utilisait même un cachet faisant état d'une agence immobilière qui n'avait aucune existence juridique en 2003 d'autant que lui-même a déclaré à la barre que ladite agence a été immatriculée en 2004 ». D'autres encaissements ont été faits au nom du Centre Commercial Aj C, alors que cette structure n'a aucune personnalité juridique et que Bb n'a excipé d'aucune qualité lui permettant d'agir au nom de cette structure. Pour signer la demande d'autorisation de construire du 28 août 2002, Ae Bb a signé en qualité de « représentant du Comité de Gestion de la Grande Mosquée ». Enfin, les témoins Ba A et Bc Z, qui ont assisté à la remise des fonds par Am AH, ont tous affirmé qu'Oumar Bb leur a reversé sur les sommes des commissions, ce qui prouve qu'il les a encaissées pour son compte. Tous ces éléments sont indiscutablement constitutifs des manœuvres frauduleuses ayant permis au prévenu de disposer et de dissiper d'importantes sommes d'argent au préjudice des parties civiles. En rejetant le délit d'escroquerie à l'égard de Bb en dépit de la présence des éléments constitutifs de ce délit, la Cour d'Appel a insuffisamment motivé sa décision, ce qui l'expose inéluctablement à la cassation. Le même grief est encouru en ce qui concerne le sieur Amadou L Y dit Ai, dont les manœuvres ont consisté en l'utilisation de documents fictifs pour se faire passer comme promoteur unique du projet, alors que tous les éléments constants du dossier révèlent que, contrairement à ses allégations, il n'a rapporté aucune preuve d'avoir construit ne serait-ce qu'une seule cantine, cette absence de preuve étant par ailleurs corroborée par ses multiples variations sur ce point. L'arrêt attaqué encourt de ce fait la cassation, pour insuffisance de motifs. Sur la troisième branche du moyen Les griefs reprochés à Ai AS sont fondés sur ses manquements découlant de l'accord par lequel il a été convenu avec ses partenaires, en l'occurrence les mémorants, de réaliser le projet de Centre Commercial Aj C. L'arrêt attaqué ne pouvait écarter les charges qui pèsent sur Ai AS, sans déterminer le contenu de ses obligations précises dans le cadre du projet. Or cela, la Cour d'Appel s'est bien gardée de le faire. Elle s'est seulement contentée de renvoyer à un projet de construction d'un autre centre commercial à Aw AJ, en ces termes: « Sur demande de Ai AS ils se sont tous entendus à réaliser le projet ensemble et du partage des bénéfices suivant le modèle du projet réalisé à l'Avenue Aw AJ sur initiative du même Ai AS ». En se déterminant ainsi, la décision de la Cour d'Appel est entachée d'une insuffisance de motif, empêchant à la Haute Cour de céans d'exercer son contrôle et encourt la cassation de ce chef également. SUR LE TROISIEME MOYEN TIRE DU DEFAUT DE REPONSE A CONCLUSIONS CONSTITUTIVE D'UN DEFAUT DE BASE LEGALE Le sieur Ai AS s'est pour sa défense, prévalu de la qualité de promoteur exclusif du projet du Centre Commercial Aj C, sur la base de la copie d'une lettre du 28 juin 2001 prétendument signée par feu Aj C. La valeur juridique de cette lettre a été contestée sur la base de l'article 28 du COCC, contestation dûment relevée par le juge de première instance : « Que la lettre du 28 septembre 2001 prétendument signée par feu Aj C est une simple copie non certifiée et ne saurait avoir aucune conséquence juridique ainsi qu'en dispose l'article 28 du code des obligations civiles et commerciales; Qu'ils ont fait noter que même l'Imam AR a contesté la véracité de cet acte en ce que feu Aj C s'est retiré et demeurait inaccessible pour cause de maladie pendant 6 mois avant son décès intervenu en septembre 2001. »  L'écrit en question a été évoqué en filigrane par l'arrêt attaqué: « Considérant que par un acte écrit, du reste non authentifié, de l'Imam Aq Aj C initiateur du projet Ai AS a été confirmé Promoteur; il était de ce fait chargé de trouver le financement pour "construire, exploiter et transférer" ». La Cour d'Appel s'est toutefois gardée de trancher la contestation relative à la valeur de la lettre du 28 juin 2001, moyen pourtant présenté à elle par les demandeurs au pourvoi. Sa décision est, pour ce motif, entachée d'un défaut de réponse à un moyen articulé par les parties, en un défaut de réponse à conclusions toutes choses qui s'analyse comme une absence de motifs. La cassation est encourue de ce chef .
SUR LE QUATRIEME MOYEN TIRE DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 28 DU COCC Pour conférer à Ai AS dit Ai la qualité de promoteur unique du projet, l'arrêt attaqué s'est fondé sur la copie d'une lettre non authentifiée, et dont la valeur juridique a été vigoureusement contestée par les demandeurs au pourvoi. L'arrêt a, en effet, retenu le motif suivant: «Considérant que par un acte écrit, du reste non authentifié, de l'Imam Aq Aj C initiateur du projet Ai AS a été continué Promoteur; il était de ce fait chargé de trouver le financement pour "construire, exploiter et transférer" ». Ce faisant, la Cour d'Appel a violé en toute flagrance les dispositions de l'article 28 du COCC, aux termes duquel : « La copie, photocopie ou toute autre reproduction d'actes authentiques, ou d'actes sous seings privés a la même force probante que l'acte lui-même lorsqu'elle est certifiée conforme par un officier public ou, dans les limites de leurs attributions, par le conservateur de la propriété foncière et le receveur de l'enregistrement. La copie, photocopie ou toute autre reproduction d'actes sous seings privés a également la même force probante que l'acte lui-même, lorsqu'elle est certifiée conforme par un officier de police judiciaire », La copie produite aux débats n'étant pas certifiée conforme à l'original, la Cour d'Appel ne pouvait lui conférer une force probante qu'en violant les dispositions de l'article 28 du COCC susvisé. La violation de la loi étant un motif de cassation, l'arrêt encourt la cassation de ce chef.
SUR LE CINQUIEME MOYEN TIRE DE LA DENATURATION DES ELEMENTS DE LA CAUSE L'arrêt attaqué prétend faussement que les parties se sont accordées sur la qualité de promoteur du projet du sieur Ai AS dit Ai. Il ressort en effet des énonciations de l'arrêt déféré: « Que toutes les parties s'accordent à dire que l'imam Aj C a désigné Ai AS, Promoteur du projet chargé de construire les cantines, et a désigné, en outre, Ae Bb chargé du suivi du projet en sa qualité de Secrétaire Général de la Grande Mosquée ». Or, les contestations opposées par les mémorants sur ce point sont constantes, et ressortent du procès-verbal d'enquête, des actes d'instruction, du jugement du 27 avril 2010 et des débats à l'instance d'appel. En relevant tout le contraire des éléments du dossier sur ce point, la Cour d'Appel a dénaturé les éléments de la cause. Le même grief est encouru par l'arrêt attaqué sur un autre point. Pour écarter l'infraction d'escroquerie à la charge d'Oumar Bb, l'arrêt attaqué a adopté la motivation suivante: «Considérant que le fait de souscrire à un contrat de vente dont la régularité formelle et substantielle est hors de toute suspicion n'est pas constitutive de manœuvres frauduleuses; qu'il y a lieu sur ces points d'infirmer le jugement entrepris. » L'arrêt attaqué relève également que: «considérant que le promoteur Ai AS a reçu le prix de vente de 33 cantines ». Or, il ne peut y avoir vente de cantine dès lors qu'il résulte de tous les éléments du dossier et des déclarations constantes des prévenus eux-mêmes que ces sommes perçues de DRAME, autant que celles perçues des mémorants l'ont été au titre des pas de porte leur permettant de construire eux-mêmes les cantines. Il ne saurait dès lors être question pour eux d'acheter les cantines qu'ils ont personnellement construites. Pour cette raison. il n'a été excipé d'aucun contrat de vente de cantines entre les prévenus Ai AS et Ae Bb. d'une bar! et Am AH et 1er mémorant.f d'autre bar! et bour Par ailleurs, la nature de ces encaissements ressort expressément des déclarations d'Amadou AS du 05 mai 2008 devant le juge d'instruction: « Je lui ai plutôt proposé d'assurer la construction des trente cantines moyennant versement de pas de porte d'un montant de 1.500.000 F par cantine soit au total une somme de 50.000.000 . Nous sommes finalement tombés d'accord sur la contre proposition de Am AH de verser 1.100.000 F de pas de porte pour chaque cantine soit au total une somme de 33.000.000 F ». En retenant que les sommes susvisées ont été reçues à titre de prix de vente de cantines et non au titre de pas de porte, l'arrêt déféré est entachée du grief de dénaturation des faits de la cause. Il encourt la cassation de ce chef. SUR LE SIXIEME MOYEN TIRE DE LA DENATURATION D'UN ECRIT Le sieur Ai AS dit Ai s'est prévalu, entre autres documents, de la convention du 20 août 2002 qu'il a signée avec El An Ae Y, Directeur de l'Institut Islamique, pour se prévaloir de la qualité de promoteur unique du projet. Ce document, versé au dossier au cours de l'instruction, a été dénaturé par la Cour d'Appel qui, dans son arrêt, a retenu que : « Considérant que c'est sur l'intervention du notable de la Collectivité Af, qui serait adjoint à l'Imam, le nommé Ad AP, que le Directeur de l'Institut, El An Ae Y, par respect à la mémoire de feu Aj C, a accepté de lever l'interdiction et a souscrit un protocole avec Ai AS pour la construction de cantines en donnant une forme écrite plus élaborée aux initiatives entreprises par l'ancien Imam; que sur ce , il reconduit la qualité de promoteur que l'ancien Imam avait revêtu Ai AS». Or, il ressort dudit protocole, notamment de son article 4 : « Il est expressément entendu que le Promoteur et ses partenaires conviennent des modalités de leurs accords particuliers qui ne sauraient impliquer, de quelque manière que ce soit, le maitre d'ouvrage ». En retenant la qualité de promoteur unique d'Amadou AS en dépit des stipulations expresses du protocole visées dans les motifs ci-dessus, l'arrêt déféré est entaché du grief de dénaturation et encourt la cassation de ce chef. SUR LE SEPTIEME MOYEN TIRE DU MANQUE DE BASE LEGALE Pour déterminer les termes de la convention liant Ai AS et les mémorants, l'arrêt attaqué s'est fondé sur les seules déclarations de ce dernier: «Considérant que Ai AS s'est limité à dire qu'en vertu d'un contrat de " construire exploiter et transférer " qui le liait à feu Aj C, il s'est limité à rechercher des financements et a conclu un accord avec les personnes précitées, ayant abouti à la construction des cantines; que l'accord consistait à financer ensemble les constructions à les occuper moyennant redevances, à les vendre ou à les louer; que c'est sur cet accord que toutes les cantines ont été édifiées; qu'il a souligné n'avoir pas reçu les financements en mains propres, les membres du projet ayant eux -mêmes acheté directement les matériaux nécessaires à la construction ». La Cour d'Appel s'est exclusivement fondée sur les allégations du prévenu pour motiver sa décision sur tous les points de droit soulevés. En se déterminant ainsi, la Cour d'Appel de Dakar a manqué d'indiquer la base légale de sa décision. La cassation est encourue de ce chef. SUR LE HUITIEME MOYEN TIRE DE L'INEXACTITUDE DES FAITS La Cour d'Appel de Dakar retient que les demandeurs au pourvoi reprochent à Ai AS de leur avoir dissimulé sa qualité de promoteur. Il ressort en effet de la décision attaquée: « Considérant que les parties civiles intervenantes au projet ont relevé que le prévenu Ai AS avait dissimulé sa qualité de promoteur en ne révélant que le projet et non ses liens avec la grande mosquée ». Or, les mémorants n'ont jamais reproché à Ai AS d'avoir dissimulé sa qualité de promoteur, mais bien au contraire, lui ont toujours contesté cette qualité. En se déterminant ainsi, l'arrêt attaqué souffre d'une inexactitude matérielle des faits, et s’expose à la censure.
SUR LE NEUVIEME MOYEN TIRE DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 383 DU CODE PENAL Pour écarter le délit d'abus de confiance à l'encontre d'Amadou AS, l'arrêt attaqué relève que ce dernier n'a perçu aucune somme au titre d'un des contrats visés à l'article 383 du Code pénal: « Considérant que les Avocats du prévenu ont relevé qu'aucune somme d'argent n'a été remise à Amadou L Y en vertu d'un des contrats énumérés par l'article 383 du Code pénal; Considérant que dans le cadre de l'exécution du projet aucune somme d'argent n'a été remise à Ai AS au titre d'un des contrats prévus par l'article 383 du Code pénal, contrats contenant ou opérant obligation ou décharge en vertu duquel, le prévenu après simple mise en demeure n'aura pas représenté l'effet convenu ou procédé à l'exécution de son obligation ». Or, il résulte clairement des statuts de la SCI GALOYA que les associés de cette société, en l'occurrence les demandeurs au pourvoi, ont bel et bien désigné Ai AS à comme cogérant avec M. AS, donc en qualité de mandataire dans le cadre de l'exécution du projet dont l'objet est bien défini à l'article 2 des statuts. Ai AS était donc bel et bien mandataire, contrairement aux énonciations de l'arrêt attaqué et qu'il s'est approprié seul les avantages et fruits provenant de la réalisation du projet commun. En écartant le délit d'abus de confiance, la Cour d'Appel de Dakar a violé l'article 383 du Code pénal, par refus d'application de ce texte aux faits de la cause. Sa décision encourt la cassation de ce chef. SUR LE DIXIEME MOYEN TIRE DE LA VIOLATION DES ARTICLES 132, 135 ET 136 DU CODE PENAL Il ressort des éléments du dossier que les sieurs Amadou L Y et El An Ae Y ont signé le 24 mai 2004 intitulé un contrat "bail à construction" par lequel le deuxième nommé, en sa qualité de Directeur de l'Institut Islamique et sur demande du premier nommé, le désigne comme unique promoteur du Centre Commercial Aj C, les travaux devant démarrer le 1er janvier 2004. Cet acte contient manifestement de fausses allégations, et a été uniquement conçu pour permettre à Ai AS de détourner les revenus du Centre Commercial à hauteur de 75, le surplus devant être affecté à la Grande Mosquée. Pour repousser les infractions de faux et usage de faux reprochées aux prévenus, la Cour d'Appel de Dakar a motivé sa décision de la manière suivante: « Considérant qu'en tout état de cause la confusion des dates dans l'acte, même si elle a l'apparence d'une altération traduit bien le fait que les travaux avaient bien pu redémarrer le 1er janvier 2004 (2ème phase), suite à l'intervention de Ad AP suivie de l'accord verbal du Président du Comité de gestion; que c'est en raison de cette volonté que la réunion du Comité de gestion s'est tenue le 29 janvier pour décider officiellement de la poursuite des travaux, poursuite à laquelle fait état la lettre du 16.02.2004 ; Qu'il s'ensuit que le contrat de bail finalisé le 24.05.2004 vient entériner des faits antérieurs résultant d'un contrat verbal avec seulement une erreur matérielle de plume et à la lumière des faits ainsi exposés, le sieur Y qui n'avait aucun intérêt dans l'acte n'a pas commis de faux et n'en a pas usé et par voie de conséquence son cosignataire Ai AS ». La Haute Cour de céans relèvera que l'altération de la vérité dans un écrit est établie, alors que l'élément intentionnel du faux est incontestable dès lors que Y, au moment de signer cet acte, était parfaitement au courant que le projet était déjà réalisé en grande partie, pour avoir fait établir un contrat dans ce sens par exploit du 06 mai 2002. Par ailleurs, El An Ae Y s'est bien gardé, lors de la signature de la convention incriminée, de s'assurer qu'Amadou AS dispose d'un quelconque investissement ou a financé la construction d'une seule des cantines déjà réalisées sur le site. Quant à Ai AS, il a sollicité et obtenu la signature de cette convention fixant le démarrage des travaux en janvier 2004, alors qu'il a reconnu tant à l'enquête préliminaire, devant le juge d'instruction que devant le premier juge, que les travaux ont été entamés depuis 2001. En signant cette convention en 2004 et en l'utilisant pour prendre possession de 75 des revenus du Centre Commercial, Ai AS s'est rendu coupable de faux et d'usage de faux, et le sieur El An Ae Y du délit de faux. En relaxant les prévenus de ces différents chefs de délit, alors que la commission par eux des faits relevés ci-dessus est établie et que tous les autres éléments constitutifs de ces infractions sont réunies, l'arrêt attaqué a violé les textes visés au moyen pour refus de les appliquer, et encourt la cassation de ce chef. SUR L’ONZIEME MOYEN TIRE DE L'EXISTENCE D'UN MOTIF DUBITATIF Pour relaxer Ai AS et El An Ae Y des délits de faux et d'usage de faux, la Cour d'Appel de Dakar a adopté la motivation suivante: «Considérant qu'en tout état de cause la confusion des dates dans l'acte, même si elle a l'apparence d'une altération traduit bien le fait que les travaux avaient bien pu redémarrer le 1er janvier 2004 (2éme phase), suite à l'intervention de Ad AP suivie de l'accord verbal du Président du Comité de gestion; que c'est en raison de cette volonté que la réunion du Comité de gestion s'est tenue le 29 janvier pour décider officiellement de la poursuite des travaux, poursuite à laquelle fait état la lettre du 16.02.2004 ; Qu'il s'ensuit que le contrat de bail finalisé le 24.05.2004 vient entériner des faits antérieurs résultant d'un contrat verbal avec seulement une erreur matérielle de plume et à la lumière des faits ainsi exposés, le sieur Y qui n'avait aucun intérêt dans l'acte n'a pas commis de faux et n'en a pas usé et par voie de conséquence son cosignataire Ai AS ». Ce motif est caractérisé par des suppositions et incertitudes lui conférant une nature dubitative. En effet, l'arrêt attaqué, après avoir relevé l'altération qui existe dans l'écrit incriminé; considère, par pure supposition que les travaux ont dû redémarrer en janvier 2004. L'adoption d'un motif dubitatif constitue un vice de forme, qui empêche la Cour Suprême d'exercer son contrôle. L'arrêt déféré encourt la cassation de ce chef. SUR LE DOUZIEME MOYEN TIRE DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 45 DU CODE PENAL Il a été reproché à Ae Bb d'avoir aidé Ai AS à détourner les revenus du Centre Commercial, en créant la Société Civile Immobilière de l'Est, pour y loger lesdits revenus. Quant à Ai AS, il lui a été reproché d'avoir prêté son concours à Ae Bb pour l'encaissement des pas de porte et des revenus locatifs, en usant d'actes révélant sa fausse qualité de promoteur pour l'habiliter à accomplir les actes délictueux qui lui sont reprochés. En refusant de retenir à leur encontre les délits de complicité d'escroquerie et complicité d'abus de confiance, l'arrêt attaqué a violé les dispositions de l'article 45 du Code pénal. A l'instar des autres, cette violation expose la décision querellée à la cassation.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 71
Date de la décision : 19/07/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.supreme;arret;2012-07-19;71 ?
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