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06/06/2012 | SéNéGAL | N°49

Sénégal | Sénégal, Cour suprême, 06 juin 2012, 49


Texte (pseudonymisé)
ARRET N°49 Du 06 juin 2012 ………. MATIERE : Civile et commerciale N° AFFAIRE :
J/ 190/ RG/ 11
Ag Ae B
Contre
Ndiawar NGUER RAPPORTEUR :
Mouhamadou DIAWARA PARQUET GENERAL:
Souleymane KANE AUDIENCE :
06 juin 2012 PRESENTS :
Mouhamadou DIAWARA Cheikh Tidiane COULIBALY Jean Louis Paul TOUPANE Mouhamadou Bachir SEYE Waly FAYE GREFFIER :
Macodou NDIAYE REPUBLIQUE DU SENEGAL Un Peuple – Un But – Une Foi …………….
AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS …………… COUR SUPREME ……………

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE …………… A L’AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU SIX JUIN DEUX MILLE DOUZE
ENTRE :
...

ARRET N°49 Du 06 juin 2012 ………. MATIERE : Civile et commerciale N° AFFAIRE :
J/ 190/ RG/ 11
Ag Ae B
Contre
Ndiawar NGUER RAPPORTEUR :
Mouhamadou DIAWARA PARQUET GENERAL:
Souleymane KANE AUDIENCE :
06 juin 2012 PRESENTS :
Mouhamadou DIAWARA Cheikh Tidiane COULIBALY Jean Louis Paul TOUPANE Mouhamadou Bachir SEYE Waly FAYE GREFFIER :
Macodou NDIAYE REPUBLIQUE DU SENEGAL Un Peuple – Un But – Une Foi …………….
AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS …………… COUR SUPREME …………… CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE …………… A L’AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU SIX JUIN DEUX MILLE DOUZE
ENTRE :
Ag Ae B: demeurant à Saint – Louis, à l’hôtel dite « Maison Rose », quartier Quai des Arts, Nord Saint - Louis, ayant domicile élu en l’étude de Maître Guédel NDIAYE & associés, avocats à la cour, 73 bis, Rue Ai Af Aj à Dakar et ayant pour conseil Maître Alioune Abatalib GUEYE, avocat à la cour ;
Demanderesse ;
D’une part
ET : Ndiawar NGUER, entrepreneur à l’enseigne TTE et/ou Directeur Général de l’entreprise TTE, en ses bureaux sis à Saint-Louis, quartier Diamaguene Sor, faisant élection de domicile aux études de Maîtres René Louis LOPY et Mouhamed Moustapha DIOP, avocats à la cour, à Thiès et Saint-louis ;
Défendeur ;
D’autre part ; Statuant sur le pourvoi formé suivant requête enregistrée au Greffe de la Cour suprême le 26 juillet 2011 sous le numéro J/190/RG/11, par Maîtres Guédel NDIAYE et Alioune Abatalib GUEYE, avocats à la cour, agissant au nom et pour le compte de la dame Ag Ae B contre l’arrêt n° 20 rendu le 10 mai 2011 par la Cour d’Appel de Saint-Louis, dans la cause l’opposant à Monsieur Ndiawar NGUER; Vu le certificat attestant la consignation de la somme devant garantir le paiement des droits de timbre et d’enregistrement du 29 juillet 2011 ; Vu la signification du pourvoi au défendeur par exploit du 05 août 2011 de Maître Pape GNING, Huissier de justice ; Vu le mémoire en défense présenté le 04 octobre 2011 par Maîtres René LOPY et Mouhamed Moustapha DIOP pour le compte de Ndiawar NGUER ; La COUR,
Ouï Monsieur Mouhamadou DIAWARA, Président, en son rapport ; Ouï Monsieur Souleymane KANE, Avocat général, en ses conclusions tendant à la cassation de l’arrêt attaqué ; Vu la loi organique n° 2008-35 du 8 août 2008 sur la Cour suprême ; Vu les moyens annexés ; Après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué, que dans le cadre d’un contrat portant extension et réhabilitation des locaux de l’immeuble dit « Maison Rose », Ag Ae B a été condamnée à payer à l’entrepreneur, Ndiawar NGUER, la somme de 50.154.509 F CFA outre celle de 20.000.000 F à titre de dommages et intérêts ; Sur le cinquième moyen pris de la violation de l’article 448 du Code des Obligations Civiles et Commerciales, en ce que la cour d’Appel a condamné Ag Ae B à payer à l’entrepreneur la somme de 29.071.000 F pour des travaux supplémentaires alors que la modification alléguée n’a jamais été conclue dans les mêmes formes que le contrat primitif ; Vu l’article 448 du Code des Obligations Civiles et Commerciales relatif au marché à forfait ; Attendu, selon les alinéas 2 et 3 de ce texte, que « toute modification du marché doit être convenue dans les mêmes formes que le contrat primitif et suivant un prix fixé à l’avance » et que « l’inobservation de cette règle rend irrecevable toute demande d’augmentation du prix pour modification du projet ou augmentation des frais d’exécution de l’ouvrage » ; Attendu que pour inclure la somme de 29.071.099 F dans le montant de cinquante millions cent cinquante quatre mille cinq cent neuf francs (50.154.509 F) alloué à l’entrepreneur, la cour d’Appel a énoncé « qu’au cours des travaux, Ag Ae B a sollicité des travaux supplémentaires que l’expert a évalués à la somme de 29.071.099 F » ; Qu’en se déterminant ainsi sans rechercher si les travaux supplémentaires ont fait l’objet de devis comme dans le contrat primitif, la cour d’Appel n’a pas donné de base légale à sa décision ; Par ces motifs, Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l’arrêt n° 20 rendu le 10 mai 2011, entre les parties, par la Cour d’Appel de Saint-Louis ; Remet, en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel de Ab ; Condamne Ndiawar NGUER aux dépens ; Dit que le présent arrêt sera imprimé, qu’il sera transcrit sur les registres de la Cour d’Appel de Saint-Louis, en marge ou à la suite de la décision attaquée ; Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour Suprême, chambre civile et commerciale en son audience publique tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents Messieurs : Mouhamadou DIAWARA, Président – rapporteur,
Cheikh Tidiane COULIBALY, Jean Louis Paul TOUPANE, Mouhamadou Bachir SEYE,
Waly FAYE, Conseillers ; En présence de Monsieur Souleymane KANE, Avocat général, représentant le Parquet Général et avec l’assistance de Maître Macodou NDIAYE, Greffier. En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président – rapporteur, les Conseillers et le Greffier.
Le Président - rapporteur Mouhamadou DIAWARA
Les Conseillers Cheikh Tidiane COULIBALY Jean Louis Paul TOUPANE
Mouhamadou Bachir SEYE Waly FAYE Le Greffier Macodou NDIAYE ANNEXE
Moyens annexés au présent arrêt
Premier moyen tiré de la violation de l’article 1-6 du Code de procédure civile
L’arrêt attaqué encourt l’annulation en ce qu’il a violé les dispositions de l’article 1-6 du Code de procédure civile ; Il résulte en effet dudit article que :
« Le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ».
Il doit, après avoir provoqué les explications des parties, soulever d’office les moyens de pur droit, quel que soit le fondement juridique invoqué par celles-ci.
Il doit donner ou restituer aux faits leur exacte qualification ». Or dans sa motivation, le juge d’appel a retenu c qui suit :
« Considérant qu’il y a lieu d’ajouter à ces motifs pertinents du premier juge, les dispositions de l’article 161 du Code de procédure civile qui prescrivent que « la partie qui a des moyens de récusation à proposer est tenue de le faire, à peine d’irrecevabilité dans les 20 jours du jugement, par simple acte signé d’elle-même de son mandataire spécial contenant les causes de récusation et les preuves, si elle en a, ou offre de les vérifier par témoins » ; Que la récusation de l’expert par Ag Ae B n’étant intervenue que bien après que l’expert a terminé son travail est pour le moins tardive au regard du délai spécifié par la loi ; Considérant, en outre, que la dame Guillabert, bien que convoquée par l’expert et assistée d’un conseil, n’a inséré aucun dire ou réquisition dan le rapport comme l’y invitaient les dispositions de l’article 171 du Code de procédure civile ; qu’en ne le faisant pas, elle a acquiescé aux conclusions de l’expert » ; Il résulte de l’analyse de cette motivation que le premier juge a adopté des moyens de droit, tirés du non respect des dispositions des articles 161 et 171 du Code de procédure civile, alors que ces moyens n’ont jamais été discutés par les parties aussi bien en première instance qu’en appel ; ils n’ont pas été évoqués par le premier juge. Or, il résulte de 2 de l’article 1-6 du Code de procédure civile sus reproduit que le juge doit provoquer les explications des parties avant de soulever d’office les moyens de droit. Il s’agit d’une manière de respecter le principe du contradictoire.
En l’espèce, force est de constater que le juge d’appel ne s’est pas conformé à cette disposition. Son arrêt encourt la cassation de ce chef. Sur le deuxième moyen tiré de la violation de l’article 161 du Code de procédure civile
La demanderesse au pourvoi a exposé ci-dessus les mérites de la cassation de l’arrêt en ce que le juge d’appel n’a pas provoqué les explications des parties, avant de soulever d’office les moyens tirés de la violation des articles 161 et 171 du Code de procédure civile. Assurément, si le juge d’appel l’avait fait, il se serait très vite rendu compte de l’inopportunité de viser de telles dispositions puisqu’elles sont mal à propos en l’occurrence, ce que Mme B n’aurait pas manqué de lui préciser. En effet, pour faire application de l’article 161 du Code de procédure civile, le juge d’appel a retenu ce qui suit : « Considérant qu’il y a lieu d’ajouter à ces motifs pertinents du premier juge, les dispositions de l’article 161 du Code de procédure civile qui prescrivent que « la partie qui a des moyens de récusation à proposer est tenue de le faire, à peine d’irrecevabilité dans les 20 jours du jugement, par simple acte signé d’elle-même de son mandataire spécial contenant les causes de récusation et les preuves, si elle en a, ou offre de les vérifier par témoins » ; Que la récusation de l’expert par Ag Ae B n’étant intervenue que bien après que l’expert a terminé son travail est pour le moins tardive au regard du délai spécifié par la loi » 
Or, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, Mme Guillabert n’a jamais entendu récuser l’expert désigné par le tribunal régional de Saint-Louis. Les contestations qu’elle a formulées dans ses conclusions après expertise et dans ses conclusions d’appel ont porté essentiellement sur le travail qui a été effectué par l’expert. Elle n’a donc pas mis en cause l’impartialité de l’expert, au motif qu’il aurait eu des liens de parenté ou encore d’alliance avec la partie adverse. Il n’est pas vain de préciser en effet que les motifs de récusation de l’expert sont prévus par les dispositions de l’article 223 du Code de procédure civile, auxquelles renvoie l’article 162 du même code. En confirmant le jugement en ce qu’il a homologué le rapport d’expertise, au motif que la demanderesse au pourvoi n’aurait pas récusé l’expert, la cour d’Appel a violé la loi, par fausse application de l’article 161 susvisé, le fait qu’un expert n’ait pas été récusé par une partie ne signifiant absolument pas que son travail est bon et doit être homologué. Sa décision encourt la cassation de ce chef. Sur le troisième moyen tiré de la violation de l’article 171 du Code de procédure civile
L’arrêt querellé encourt la cassation, en ce qu’il a violé les dispositions de l’article 171 du Code de procédure civile. En effet, pour confirmer le jugement du tribunal régional de Saint-Louis en ce qu’il a homologué le rapport d’expertise, le juge d’appel a retenu ce qui suit : Considérant, en outre, que la dame Guillabert, bien que convoquée par l’expert et assistée d’un conseil, n’a inséré aucun dire ou réquisition dan le rapport comme l’y invitaient les dispositions de l’article 171 du Code de procédure civile ; qu’en ne le faisant pas, elle a acquiescé aux conclusions de l’expert ; Qu’il y a lieu, en conséquence, de dire et juger que c’est à bon droit que le premier juge a homologué le rapport litigieux » ; Or l’expert n’a jamais mis les parties dans les conditions d’annexer leurs observations et leurs dires à la suite du rapport. Il ne résulte ni du rapport ni d’aucune autre pièce de la procédure, que l’expert s’est conformé à ce préalable pour permettre à la demanderesse au pourvoi d’annexer ses observations au rapport d’expertise. Ce n’est qu’après le dépôt de son rapport que les parties ont eu l’opportunité s’en prendre connaissance et de déposer des conclusions après expertise dans lesquelles elles ont formulé leurs observations. Il importe de préciser en tout état de cause qu’après le dépôt du rapport, les parties sont libres de soumettre au juge toutes les observations qu’elles jugent utiles, et c’est justement pour cela qu’après la p reprise de l’instance consécutive au dépôt du rapport au greffe, le tribunal régional de Saint-Louis a renvoyé l’affaire pour permettre aux parties de déposer des conclusions après expertise. En retenant qu’une partie ne peut formuler des observations que dans les formes prévues par les dispositions de l’article 171 du Code de procédure civile, le juge d’appel a violé la loi pour avoir donné aux dispositions de l’article 171 un sens et une portée qu’elles ne peuvent avoir. En effet, la possibilité qu’elles offrent aux parties d’annexer des dires et observations en cours d’expertise, n’est qu’une simple faculté qui leur est offerte, et qui n’empêche point qu’elles puissent discuter les termes du rapport définitif que dépose l’expert. En retenant donc que l’absence de dires ou d’observations annexées au rapport vaut acquiescement aux conclusions expertales, l’arrêt attaqué a violé les dispositions susvisées qui ne peuvent empêcher que les parties discutent lesdites conclusions devant le juge du fond. Sa décision encourt la cassation pour ce motif également. Sur le quatrième moyen tiré de la violation de l’article 156 du Code de procédure civile
Il résulte des dispositions de l’article 179 du Code de procédure civile que l’expert n’émet qu’un avis et que le juge n’est pas tenu de s’y conformer, il n’en demeure pas moins que dès lors qu’il désigne un expert, le juge est tenu d’apprécier si l’expert a rempli la mission qui lui a été assignée, avant d’en adopter les conclusions. Cependant, tel n’a pas été le cas en l’espèce, ni le juge de première instance ni le juge d’appel n’ont apprécié si l’expert a rempli fidèlement sa mission. En effet, pour confirmer le jugement du tribunal régional de Saint-Louis en ce qu’il a homologué le rapport d’expertise, la cour d’Appel de Saint-Louis retient ce qui suit :
« Considérant, premièrement, que pour homologuer le rapport de l’expert, le premier juge a rappelé, à bon droit, que le chef de service de l’urbanisme, compte tenu de sa qualification professionnelle, remplit les critères pour éclairer le tribunal sur le différend faisant l’objet de la saisine, a prêté serment, a respecté le principe du contradictoire et a exactement répondu à l’objet de sa mission avant de déposer son rapport dans le délai imparti ; Considérant que l’expert a indiqué, sans être contredit, comme du reste l’a relevé le premier juge qu’il a travaillé sur la base de documents techniques détenus par les parties et a étudié l’ensemble des travaux réalisés pour faire la comparaison avec le devis et les comptes entre les parties ; Considérant qu’il y a lieu d’ajouter à ces motifs pertinents du premier juge, les dispositions de l’article 161 du Code de procédure civile qui prescrivent que « la partie qui a des moyens de récusation à proposer est tenue de le faire, à peine d’irrecevabilité dans les 20 jours du jugement, par simple acte signé d’elle-même ou de son mandataire spécial contenant les cause de récusation et les preuves, si elle en a, ou offre de les vérifier par témoins » ; Que la récusation de l’expert par Ag Ae B n’étant intervenue que bien après que l’expert a terminé son travail est pour le moins tardive au regard du délai spécifié par la loi ; Considérant, en outre, que la dame Guillabert, bien que convoquée par l’expert et assistée d’un conseil, n’a inséré aucun dire ou réquisition dans le rapport comme l’y invitaient les dispositions de l’article 171 du Code de procédure civile ; qu’en ne le faisant pas, elle a acquiescé aux conclusions de l’expert ; Qu’il y a lieu, en conséquence, de dire et juger que c’est à bon droit que le premier juge a homologué le rapport litigieux ; Qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris sur ce point » ; Il résulte d’une telle motivation que le juge d’appel s’est basé principalement sur les qualifications professionnelles alléguées de l’expert et la méthodologie qu’il a dit avoir adopté pour donner du crédit à ses conclusions. Il est allé même jusqu’à reprocher à Mme B de n’avoir pas récusé l’expert dans le délai de l’article 161 du Code de procédure civile ; Or, la demanderesse au pourvoi a exposé des griefs précis contre le rapport d’expertise. En effet, l’expert n’a fait qu’effectuer des calculs, pour prétendument faire les comptes entre les parties, alors que le jugement avant dire droit du tribunal régional de Saint-Louis du 21 avril 2009 lui a assigné la mission précise d’évaluer les travaux repris ;
les travaux finis ;
les travaux à reprendre.
et de faire les comptes entre les parties. Or, s’il ne s’était pas agi de faire les comptes entre les parties, le juge aurait désigné un expert comptable et uniquement pour cela. Sa mission devait également consister en la détermination précise des travaux effectués par l’entrepreneur, de ceux qui ont été repris par la demanderesse au pourvoi, de ceux qui ont été finis et de ceux qui étaient à reprendre. Il s’agit d’autant de parties de sa mission que l’expert a omis d’examiner alors que c’est précisément ce qui lui était demandé. Il s’y ajoute que l’expert n’a, à aucun moment, analysé de manière approfondie ce qui lui a été demandé. La demanderesse au pourvoi en veut pour preuve, les termes « dans l’ensemble » (page 2 paragraphe 3), « peut être » (page 3 paragraphes 4 et 5) qui caractérisent l’imprécision et l’approximation et sont aux antipodes de sa mission. En outre, les travaux de Nguer comportent des malfaçons qui avaient, au demeurant, été constatées et exposées par le Bureau Véritas qui suivait les travaux en cours d’exécution. Il importe de rappeler que les parties avaient convenu à l’article 5 du contrat que « le contrôle des travaux (serait) assuré par le Bureau d’Etudes VERITAS SENEGAL ». Dans le compte rendu de contrôle technique du 15 septembre 2000, le contrôleur a retenu que les longrines étaient à reprendre, conformément aux plans de renforcement approuvés par les services. Cependant, le sieur Nguer n’a nullement jugé utile de se plier aux recommandations dudit contrôleur, alors que celui-ci a été conjointement désigné par les parties. Il s’y ajoute que la demanderesse au pourvoi a versé aux débats un procès-verbal de constat qui matérialise les malfaçons constatées dans les travaux.
Or aux termes de l’article 6 du contrat : « L’ouvrage devra être d’excellente qualité, conforme à tous points de vue aux règles de l’art, exempt de toute malfaçon et présenter toute le perfection dont il est susceptible. S’il ne satisfait à ces conditions, il sera refusé, démoli et remplacé aux frais de l’entrepreneur ». Les experts Ah A Ac dont les services ont été requis pour analyser le rapport du sieur Dia ont opéré une analyse sans complaisance. Ah A Ac ont d’abord retenu que la réunion au cours de laquelle les éléments ont été remis à l’expert n’a duré que 20 mn. Ils ajoutent qu’aucune mensuration ni aucun constat n’a été fait par l’expert. Or c’est justement ce qui lui était demandé. De ce qui précède, il est aisé de se rendre à l’évidence que l’expert n’a pas rempli sa mission, alors qu’aux termes de l’article 156 du Code de procédure civile. « Lorsqu’au cours d’un procès, l’appréciation des faits de la cause ou des mesures à ordonner exige des connaissance qui soient étrangères au juge, l’expertise est ordonnée par un jugement qui énonce d’une manière précise la mission de l’expert, celle-ci ne peut porter que sur des questions purement techniques. En ces d’urgence, elle peut être ordonnée par le juge des référés ». C’est en conséquence de tout cela que la demanderesse au pourvoi a sollicité que son rapport soit annulé et qu’il plaise au juge d’appel infirmer le jugement et ordonner une nouvelle expertise. Curieusement suivant en cela le premier juge, le juge d’appel a rejeté la demande de Mme B au motif que le sieur Dia a été désigné au vu de sa qualification professionnelle, qu’il aurait réuni tous les documents techniques détenus par les parties et étudié l’ensemble des travaux pour faire la comparaison entre les devis et les comptes entre les parties, et qu’ainsi il aurait rempli sa mission. Ainsi, en homologuant le rapport d’expertise au seul motif qu’au vu de sa qualification professionnelle, le sieur Dia a rempli les critères nécessaires pour éclairer le tribunal sur le différend faisant l’objet de sa saisine, l’arrêt de la cour d’Appel a violé l’autorité rattachée au jugement avant dire droit en date du 21 avril 2009 qui avait clairement assigné à l’expert une mission précise, conformément à l’article 156 du Code de procédure civile. En effet, dès lors que ledit jugement a fixé la mission de l’expert avec précision, le fait pour le juge du fond de ne pas vérifier si l’expert a examiné la mission qui lui est confiée, est une violation de l’autorité rattachée à la décision ayant nommé l’expert et fixé sa mission. L’arrêt querellé encourt la cassation. Une telle position est du reste l’orientation de jurisprudence de la Haute Cour, (Cour de Cassation, n° 8 du 2-12-1998 – Fazah c/ Saït – Note sous l’article 156 du Code de procédure civile). Sur le sixième moyen tiré de l’insuffisance de motifs
L’arrêt encourt le grief d’insuffisance de motifs pour avoir retenu ce qui suit :
« Considérant d’une part que Ag Ae B ne conteste pas avoir mis unilatéralement fin aux relations contractuelles, comme elle le reconnaît dans la sommation interpellative du 21 juin 2007, qu’elle allègue simplement, mais sans en administrer la preuve, que c’est parce que l’entrepreneur ne s’était pas conformé à ses intentions ; qu’elle n’a pas, d’autre part, rapporté la preuve d’avoir payé à Ndiawar Nguer une autre somme que celle de 60..685.550 F CFA. Considérant qu’au vu de ce qui précède et des conclusions de l’expert, las somme restant due à Ndiawar Nguer doit être évaluée comme suit : (139.744.755 F + 29.071.099 F) – (60..685.550 + 57.975.795 F) = 50.154.509 F
Qu’en effet, en l’absence de la preuve que les travaux repris par le maître de l’ouvrage à hauteur de la somme de 11.066.000 F l’ont été du fait de la mauvaise exécution par l’entrepreneur, cette somme doit rester à la charge de Ag Ae B ; Qu’il convient, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Ag Ae B à payer à Ad Aa la somme de 50.154.509 F au titre de la créance contractuelle ». Pour condamner Mme B à payer au sieur Nguer la somme de 50.154.509 F CFA au titre de la créance prétendument contractuelle, le juge d’appel s’est fondé exclusivement sur les devis établis par le sieur Nguer, sans prendre en compte les travaux effectivement réalisés. Or, contrairement à ce qu’a retenu le juge d’appel, même dans le cadre d’un marché à forfait, où le prix est fixé d’avance, la facture ne peut être réclamée que si les travaux correspondant au devis ont été réalisés et facturés par l’entrepreneur. C’est à partir de ce moment que l’entrepreneur dispose d’une créance certaine liquide et exigible. En se fondant sur les devis, qui ne correspondent nullement aux travaux réalisés, le premier juge n’a pas suffisamment motivé sa décision qui encourt l’annulation. La décision de la Cour d’Appel de Saint-Louis encourt d’autant plus cette sanction que les prétendues factures sur lesquelles se fonde le sieur Nguer pour réclamer des sommes à Mme B ont été établies en 2008, donc bien après l’introduction de l’instance qui a commencé par une assignation en date du 20 juillet 2007. L’arrêt encourt également la cassation pour insuffisance de motifs en ce qu’il a retenu ce qui suit : « Considérant qu’il ressort des dispositions de l’article 118 du « Code e procédure civile » (sic) qu’est responsable, celui qui, par sa faute cause un dommage à autrui ; Considérant que cette responsabilité peut être contractuelle ou délictuelle selon que la faute résulte de la méconnaissance d’une obligation contractuelle ou non ; Considérant qu’en l’espèce Ag Ae B a méconnu ses obligations contractuelles tant pas la rupture injustifiée de la convention qu’en ne payant pas les travaux exécutés ; Que ces faits ont causé à Ndiawar Nguer un préjudice évident que le premier juge a évalué à la somme de 20.000.000 F CFA ; Qu’il échet de confirmer le jugement entrepris sur ce point, compte tenu de l’importance des sommes en cause et de l’ancienneté de la créance ; Considérant qu’ayant succombé en toutes ses demandes, il y a lieu de rejeter sa demande en paiement de la somme de 50.000.000 F à titre de dommages et intérêts, comme mal fondée ». Il résulte d’une telle motivation que le premier juge n’a pris en compte que les moyens du sieur Nguer pour retenir la responsabilité contractuelle de la demanderesse au pourvoi. Or Mme B a exposé de manière précise qu’au lieu du sieur Nguer, c’est elle-même qui a subi un préjudice énorme, et l’a exposé de manière détaillée dans ses écritures d’appel en ces termes : « En effet, le sieur Nguer n’a respecté aucun de ses engagements contractuels. D’abord, il résulte de l’article 4 du contrat que le délai d’exécution ne pouvait excéder 12 mois. Le sieur Nguer n’a nullement respecté ce délai contractuel, ce qui s’analyse en une faute contractuelle. En outre, il s’était engagé, conformément à l’article 6 du contrat, à fournir un travail d’excellente qualité. Or tel n’a pas été le cas, les malfaçons qui jalonnent son œuvre sont criardes que la concluante a été obligée de recourir aux services d’autres entrepreneur pour finaliser ses travaux, les pièces versées aux débats l’attestent à suffisance. Ainsi, c’est bien au contraire la concluante qui a subi un préjudice énorme consécutif aux fautes contractuelles du sieur Nguer. Dès lors, il est clair que c’est le sieur Nguer qui doit être condamné à payer des sommes à Mme.B. Il conviendrait dès lors, de débouter le sieur Nguer de sa demande de dommages et intérêts et d’allouer à la concluante la somme de 50.000.000 F CFA à titre de dommages et intérêts ». Au vu de ce qui précède, il est aisé de se rendre à l’évidence que le juge d’appel n’a fait aucune référence aux moyens soulevés par la demanderesse au pourvoi tirés de ce que la responsabilité contractuelle du sieur Nguer se trouve dans le fait qu’il n’a pas respecté les délais contractuels et que son travail comporte des malfaçons. Pour débouter la mémorante de sa demande en paiement de dommages et intérêts, le premier juge s’est fondé sur les prétentions du sieur Nguer sans prendre en compte celles de la mémorante qui a articulé de manière claire et précise les fautes qui ont conduit à la rupture du contrat. En déboutant Mme B de sa demande de dommages et intérêts, sans examiner sérieusement ses moyens, la décision attaquée souffre d’une insuffisance de motifs et encourt la cassation. Sur le point précis de la motivation, la demanderesse au pourvoi ne saurait terminer sans rappeler les propos du conseiller Faye dans son traité classique sur la Cour de cassation : « L’obligation de motiver les jugements est pour le justiciable la plus précieuse des garanties ; elle le protège contre l’arbitraire, lui fourni la preuve que sa demande et ses moyens ont été sérieusement examinés ; et, en même temps, elle met obstacle à ce que le juge puisse soustraire sa décision au contrôle de la Cour de cassation ». Au vu de tous ces moyens, il plaira à la Haute Cour casser et annuler l’arrêt n° 20 du 10 mai 2011 de la chambre civile et commerciale de la Cour d’Appel de Saint-Louis et renvoyer la cause et les parties devant une autre cour d’Appel.


Synthèse
Formation :
Numéro d'arrêt : 49
Date de la décision : 06/06/2012

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS – CONTRAT D’ENTREPRISE – TRAVAUX IMMOBILIERS – MARCHE À FORFAIT – MODIFICATION – CONDITIONS – FORME IDENTIQUE AU CONTRAT PRIMITIF – INCLUSION DES TRAVAUX SUPPLÉMENTAIRES DANS LA SOMME DUE À L’ENTREPRENEUR – OMISSION DE RECHERCHER SI LES TRAVAUX SUPPLÉMENTAIRES FONT L’OBJET DE DEVIS COMME DANS LE CONTRAT PRIMITIF – MANQUE DE BASE LÉGALE


Parties
Demandeurs : FABIENNE DIOUF GUILLABERT
Défendeurs : NDIAWAR NGUÈR

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2023
Fonds documentaire ?: Bulletin des arrets
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.supreme;arret;2012-06-06;49 ?
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