Réf. dossier I KZP 21/06
DELIBERATION
le 20 juillet 2006
la Cour Suprême - Chambre Pénale:
en audience tenue en formation suivante:
Président: Président de la CS Lech Paprzycki
Juges de la CS: Piotr Hofmanski (rapporteur)
Stanislaw Zablocki
Greffier d'audience: Marcin Pawelek
Avec la participation du Procureur du Parquet National, Beata Mik
Sur l'affaire d'Adam G.
Apres avoir examiné la question de droit, soumise en vertu de l'art. 441 § 1 CPP par la Cour d'Appel de Varsovie, par sa décision du 20 juin 2006, Réf. dossier II AKz 280/06, exigeant une interprétation fondamentale de la loi:
I. Est-ce que la formulation, contenue dans la disposition de l'art. 607 k § 1 CPP qui concerne la remise d'une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen et séjournant sur le territoire de la République de Pologne «afin d'engager une procédure pénale contre cette personne» (souligné par la CA), doit être interprétée à la lettre - avec, comme conséquence, de limiter la remise uniquement à des situations où elle est effectuée directement en vue d'une procédure pénale, ou est-ce qu'il convient de partir d'une interprétation plus large du motif «en vue d'engager une procédure pénale» (souligné par la CA), comme exprimant la possibilité de remettre la personne poursuivie par un mandat d'arrêt européen aux fins d'engager, dans l'Etat membre d'émission du mandat d'arrêt, une procédure autre que la procédure pénale qui a pour objectif est de réunir les conditions formelles et juridiques du déclenchement d'une procédure pénale - sachant que les conditions en question dépendent d'une décision arbitraire de l'autorité judiciaire de cet Etat, notamment lorsque cette décision doit établir que la personne poursuivie par le mandat, mineure au sens de la loi de l'Etat membre d'exécution, répondra dans l'Etat membre d'émission de son acte qui réunit les éléments constitutifs d'une infraction, devant une juridiction pénale?
II. Est-ce que le tribunal polonais peut refuser d'exécuter un mandat d'arrêt européen uniquement dans les conditions définies dans l'art. 607 p CPP (motifs de non-exécution obligatoire), ou dans l'art. 607 r § 1 CPP (motifs de non-exécution facultative), ou bien est-ce que le refus est possible également dans d'autres circonstances - comme le constat d'absence de motifs définis dans l'art. 607 k § 1 CPP fait par le tribunal polonais?
a décidé
de répondre comme suit:
L'autorité judiciaire de l'Etat membre d'exécution du mandat d'arrêt européen peut refuser de remettre la personne poursuivie, si elle constate que le mandat d'arrêt a été établi alors que les conditions de sa recevabilité n'étaient pas réunies.
La question de savoir si la remise de la personne qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen intervient en vue d'engager à son encontre - sur le territoire d'un autre Etat membre - une procédure pénale, n'est pas déterminée sur le terrain du droit de l'Etat membre d'exécution, mais par référence au droit de l'Etat membre d'émission, qui doit être interprété en tenant compte des dispositions de la décision-cadre du Conseil de l'Union Européenne du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres (2002/584/JAI).
L'émission d'un mandat d'arrêt européen est possible, que l'Etat d'émission ait ou n'ait pas encore déclenché la procédure pénale à l'encontre de la personne poursuivie. Toutefois, la remise peut intervenir uniquement lorsque les motifs d'émission du mandat d'arrêt démontrent que la conduite d'une telle procédure est juridiquement possible.
Attendu que la remise de la personne poursuivie intervient en vue d'une procédure pénale, la personne qui fait l'objet du mandat d'arrêt européen, devra être immédiatement renvoyée à l'Etat membre d'exécution si l'Etat membre d'émission renonce à ouvrir une procédure pénale contre cette personne.
MOTIFS
1. La question de droit présentée par la Cour d'Appel, exigeant une interprétation fondamentale de la loi, est apparue dans le contexte suivant.
Le 26 avril 2006, le Substitut du Procureur du Roi de Bruxelles a émis un mandat d'arrêt européen à l'encontre d'Adam G., né le 20 octobre 1988, citoyen polonais, domicilié en Pologne. Le mandat d'arrêt européen a été délivré suite à l'arrêt provisoire du juge de la jeunesse bruxellois du 26 avril 2006, qui avait ordonné le placement d'Adam G. dans une institution publique de protection de la jeunesse. L'arrêt en question, de même que le mandat d'arrêt européen subséquent, ont été émis au motif des soupçons de meurtre qui pèsent sur Adam G. Il est soupçonné d'avoir perpétré, en coopération directe avec une autre personne, un acte qualifié de meurtre commis pour faciliter le vol sur la personne de Joe van H., défini dans les art. 66, 461, 468 et 475 du Code pénal belge. Cette infraction est punie en Belgique de la réclusion à perpétuité.
Adam G. a été arrêté en Pologne le 27 avril 2006. Le 29 avril 2006, le Procureur de district de Varsovie s'est adressé au Tribunal de district de Varsovie pour lui demander d'exécuter le mandat d'arrêt européen et d'appliquer la mesure de détention préventive à 3 mois à l'égard d'Adam G.. Par sa décision du 29 avril 2006, le Tribunal a ordonné une détention préventive d'Adam G. pour une période de 3 mois, à savoir jusqu'au 27 juin 2006, et différé pour le 31 mai l'audience consacrée à l'exécution du mandat d'arrêt européen, après avoir reçu une déclaration d'Adam G. par laquelle celui-ci lui avait signifié son refus d'être remis à la Belgique et de ne pas se voir appliquer l'art. 607 e § 1 CPP. En même temps, le Tribunal de district a décidé de s'adresser - selon les modalités prévues par l'art. 607 z § 1 CPP - au Substitut du Procureur du Roi de Bruxelles pour demander la communication de toutes les dispositions belges régissant la responsabilité pénale des mineurs qui ont perpétré un meurtre pour faciliter le vol après la 17ème, et avant la 18ème année d'âge. En réponse à cette demande, le Parquet du Procureur du Roi de Bruxelles a précisé les règles de comparution des personnes ayant commis une infraction avant leur 18ième année devant le tribunal pour adultes. Dans l'annexe à son courrier, le Parquet belge cite les art. 9, 79 et 80 du Code pénal belge, ainsi que l'art. 38 de la loi belge du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse. Le Tribunal de district de Varsovie a été informé également que le Parquet du Procureur du Roi de Bruxelles avait l'intention de s'adresser au juge de la jeunesse pour lui demander de se dessaisir de l'affaire, suite à quoi Adam G. comparaîtrait devant le tribunal belge comme un adulte.
Le 11 mai 2006, Le Procureur délégué au Parquet de district a procédé à l'interrogatoire d'Adam G., à Varsovie, en présence du Substitut du Procureur du Roi de Bruxelles, des commissaires de la police fédérale bruxelloise et du juge d'instruction du Tribunal de Première Instance de Bruxelles; l'interrogatoire a été enregistré à l'aide du matériel d'enregistrement audiovisuel.
Par sa décision du 16 mai 2006, le Tribunal de district de Varsovie a demandé au Parquet du Procureur du Roi de Bruxelles des explications complémentaires concernant le fonctionnement de l'art. 38 de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, notamment dans le but de savoir s'il était possible de demander que l'art. 38 de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse soit appliqué à l'égard d'Adam G. avant sa remise à la Belgique. Le cas échéant, au moment d'exécuter le mandat d'arrêt européen, le tribunal polonais aurait une connaissance précise de la procédure dans le cadre de laquelle la personne remise serait jugée en Belgique.
Par son courrier du 29 mai 2006, le Parquet du Procureur du Roi de Bruxelles a précisé qu'en vertu de l'art. 38 de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, le juge peut se dessaisir de l'affaire et remettre le mineur au procureur, suite à quoi le mineur aura à comparaître devant le tribunal pour adultes. Avant de prendre cette décision, le juge recueille les avis et analyse les circonstances et la nature de l'infraction, ainsi que les antécédents et la personnalité du prévenu. Le Parquet belge a fait également savoir que le tribunal de la jeunesse avait d'ores et déjà entrepris des démarches visant à établir le bien-fondé du dessaisissement (notamment, en formulant une demande d'expertise et en procédant à l'audition d' Adam G. le 11 mai 2006 à Varsovie), en prouvant par ces initiatives qu'il envisageait sérieusement de se dessaisir de l'affaire pour la transmettre au parquet, notamment au vu de la gravité de l'acte dont Adam G. était soupçonné, et du faut qu'il avait déjà été condamné pour vol par un tribunal de la jeunesse belge.
En plus, le Parquet belge a informé le tribunal polonais qu'au cas où le tribunal de la jeunesse belge prendrait la décision selon les modalités de l'art. 38 de la loi du 8 avril 1965, tous les arrêts déjà rendus cesseraient de s'appliquer, y compris l'arrêt qui avait servi de base à l'établissement du mandat d'arrêt européen, ce dernier devant par conséquent être renouvelé. A supposer que la décision en question soit prise avant la remise de Adam G. à la Belgique, ce dernier serait habilité à former un recours, et l'affaire serait renvoyée au juge de la jeunesse, en revenant ainsi au stade qui précède le lancement de la procédure pénale.
Le 31 mai 2006, le Tribunal de district de Varsovie a décidé de remettre Adam G. aux autorités judiciaires du Royaume de Belgique en vue d'engager à son encontre une procédure pénale sur le territoire belge, à condition expresse que suite au jugement définitif rendu à l'issue de la procédure engagée en Belgique - l'Etat membre d'émission du mandat d'arrêt européen - Adam G. soit renvoyé en Pologne. En motivant son arrêt, le Tribunal de district de Varsovie - conscient de la complexité des problèmes qui se sont posés à lui - indique que la remise de Adam G. à la Belgique intervient aux fins de poursuites en matière pénale. Par conséquent, si à l'issue de son procès Adam G. est condamné par un jugement définitif, il devra alors, en tant que citoyen polonais, être renvoyé en Pologne. Même si la décision du Tribunal de district ne formule pas expressément une autre condition, selon laquelle le renvoi de Adam G. en Pologne devra intervenir également au cas où le tribunal belge déciderait de ne pas appliquer l'art 38 de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, en indiquant que la remise intervient en vue de procédure pénale, cette autre condition est de fait posée.
Au cours de l'audience du 31 mai 2006, le tribunal polonais a décidé également de prolonger la détention préventive jusqu'au 31 juillet 2006.
Les avocats de Adam G. ont formé un recours contrel'arrêt du 31 mai 2006 relatif à la remise de Adam G. à la Belgique en vertu du mandat d'arrêt européen.
Dans son pourvoi, Maître Tadeusz de Virion fait grief à l'arrêt d'avoir violé l'art. 607 k CPP, du fait le tribunal polonais a prononcé la remise d'Adam G. aux autorités judiciaires du Royaume de Belgique sans avoir établi au préalable si celle-ci intervenait effectivement en vue d'une procédure pénale. L'auteur du recours demande que l'arrêt soit réformé de façon à refuser l'exécution du mandat d'arrêt européen à l'égard d'Adam G.
Dans son recours Maître Mikolaj Pietrzak soulève la violation de l'art. 607 r § 1 point 6 en liaison avec l'art. 6 CPP, en indiquant que le tribunal a renoncé à la faculté qu'il avait de refuser de remettre la personne poursuivie aux autorités du Royaume de Belgique du fait que la Belgique applique la peine de réclusion à perpétuité et que seule la procédure réalisée en Pologne offre les garanties du respect plein et entier du droit à la défense. En formulant ce grief, l'avocat a demandé de réformer l'arrêt et de refuser la remise de Adam G. à la Belgique, éventuellement d'annuler l'arrêt attaqué et de faire réexaminer l'affaire par le Tribunal de district de Varsovie.
En connaissant les recours des avocats représentant la personne poursuivie, le 20 juin 2006 la Cour d'Appel de Varsovie a conclu à la nécessité d'une interprétation fondamentale de la loi et sursis à statuer, en renvoyant à la Cour Suprême la question de droit citée dans la première partie de la présente résolution, et en prolongeant en même temps la détention préventive d'Adam G. jusqu'au 27 juillet 2006.
En motivant son arrêt, la Cour d'Appel de Varsovie fait savoir qu'elle est consciente du fait que la procédure de l'art. 38 de la loi belge relative à la protection de la jeunesse qu'il était prévu d'appliquer après la remise de Adam G. à la Belgique, tend à réunir les conditions nécessaires pour engager une procédure pénale, mais ne constitue pas en soi une procédure pénale au sens strict du terme. Par conséquent, la question se pose de savoir si l'expression utilisée par le législateur dans l'art. 607 k § 1 CPP «en vue d'engager une procédure pénale» appelle une interprétation restrictive ou si au contraire elle doit être prise dans une acception large, ce qui amènerait le tribunal à considérer que dans les circonstances de fait et de droit qui caractérisent l'affaire, la remise a pour objectif la conduite d'une procédure pénale. En présentant les arguments en faveur de chacune des interprétations possibles, la Cour d'Appel identifie également une autre question qui se pose en fait de façon préalable à celle d'interprétation, à savoir si la juridiction polonaise qui statue sur l'exécution du mandat d'arrêt européen est compétente pour examiner les conditions d'émission du mandat. La Cour d'Appel s'interroge notamment si le catalogue des motifs de non-exécution du mandat d'arrêt européen contenu dans l'art. 607 p et dans l'art. 607 r CPP est exhaustif, ou si la non-exécution peut se fonder également sur d'autres dispositions, notamment celles de l'art. 607 k § 1 CPP qui autorise la remise de la personne poursuivie aux autorités d'un autre Etat membre uniquement lorsque la remise intervient en vue d'engager une procédure pénale.
Le Procureur du Parquet National, en prenant position sur l'affaire, a notamment considéré qu'en statuant sur le mandat d'arrêt européen (art. 607 l CPP), le tribunal devrait s'assurer en premier lieu de la conformité du mandat avec les exigences de l'art. 607 k § 1 CPP et de la décision-cadre du Conseil de l'Union Européenne du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres (2002/584/JAI), pour analyser par la suite si on est ou non en présence des circonstances prévues à l'art. 607 p CPP, l'art. 607 r CPP et l'art. 607 s CPP.
II. En étudiant les questions de droit soumises par la Cour d'Appel, la Cour Suprême arrive à la conclusion qu'elles remplissent les conditions définies à l'art. 441 § 1 CPP du fait de soulever un problème complexe, qui n'a pas été étudié précédemment par la jurisprudence; en même temps, l'interprétation adoptée sera décisive par l'issue
de l'affaire.
Avant de passer à l'analyse quant au fond des questions de droit remontées par la Cour d'Appel, nous devons formuler quelques hypothèses préliminaires.
Tout d'abord, la procédure entamée aujourd'hui selon les modalités de l'art. 38 de la loi belge du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse a pour objectif de déterminerla procédure qui sera appliquée pour trancher la question de la responsabilitéd'Adam G. et me constitue pas en soi une procédure pénale. En effet, cette procédure peut aboutir soit au déclenchement d'une procédure pénale (par le dessaisissement du juge et le transfert de l'affaire au procureur), soit à l'application de l'une des mesures prévues pour les mineurs. Cette dernière mesure, indépendamment de la qualification qu'elle a dans le système juridique des Etats membres d'émission et d'exécution du mandat d'arrêt européen, ne constitue pas une procédure pénale au sens de la décision-cadre du Conseil de l'Union Européenne du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres (2002/584/JAI). La décision-cadre ne s'intéresse pas du tout à ce type de procédure. Même si aucun article de la décision-cadre, ni - par conséquent - les textes nationaux qui transposent celle-ci ne le constatent pas clairement, il n'en reste pas moins vrai, comme l'indique pertinemment la Cour d'Appel de Varsovie dans la motivation de son arrêt, que le considérant 5 de la décision-cadre traite de la remise des personnes aux fins d'exécution des jugements et de poursuites en matière pénale. Il convient de rappeler également l'Avis du Comité Economique et Social européen sur la prévention de la délinquance juvénile, les modes de traitement de la délinquance juvénile et le rôle de la justice des mineurs dans l'Union européenne du 9 mai 2006 (2006/C 110/13), qui pointe l'absence d'une stratégie européenne de la lutte contre la délinquance juvénile, et rappelle que les instruments juridiques communs adoptés jusqu'ici- comme le mandat d'arrêt européen - ne s'appliquent pas aux délinquants juvéniles.
Malheureusement, le tribunal polonais se trouve dans l'impossibilité d'adresser une question préjudicielle à la Cour des Communautés Européennes sur le fondement de l'art. 35 du Traité sur L'union Européenne, du fait que la Pologne n'a pas encore déclaré accepter la compétence de la Cour de justice pour statuer à titre préjudiciel sur les instruments relevant du troisième pilier dans les conditions prévues dans l'art. 35 al. 2 du Traité sur l'Union Européenne. Or, la question de savoir si le mandat d'arrêt européen s'applique aux mineurs, relève de la problématique de l'étendue et de la validité de la décision-cadre du 13 juin 2002. Dans ces conditions, la Cour Suprême est amenée à prendre une position autonome sur cette question.
Cette hypothèse de départ, selon laquelle la procédure prévue dans la décision-cadre ne s'applique pas aux mesures engagées à l'encontre des mineurs, ne fait que poser le problème de l'interprétation de l'objectif dans lequel la personne poursuivie est remise à un autre Etat membre au titre du mandat d'arrêt européen.
La deuxième question liminaire se rapporte à la hiérarchie des questions de droit soumises à la Cour Suprême par la décision de la Cour d'Appel. Il ne fait aucun doute que la question présentée en deuxième position constitue en fait le point de départ; en fonction de la réponse donnée, la question posée en premier devra être examinée ou tombera d'elle-même. Il ne peut y avoir de doutes quant au fait de savoir que l'analyse des objectifs qui ont motivé le choix d'émettre le mandat d'arrêt européen fait par l'autorité judiciaire d'un autre Etat membre n'est plus ni moins qu'un réexamen (une sorte de vérification) des conditions de recevabilité du mandat. Par conséquent, c'est seulement en répondant par l'affirmative à cette question que nous seront obligés de réfléchir sur le sens à donner à l'exigence d'établir le mandat «aux fins d'exécution (...) de poursuites en matière pénale». De ce fait, la structure de la présente résolution de la Cour Suprême ne reflète pas l'ordre dans lequel la Cour d'Appel de Varsovie a formulé ses questions de droit. La Cour Suprême a considéré comme opportun de replacer les questions qui lui sont soumises dans un contexte plus large: en fait, la lecture des motifs de l'arrêt du Tribunal de district de Varsovie du 31 mai 2006, et de ceux de l'arrêt de la Cour d'Appel de Varsovie du 20 juin 2006, nous convainc de la nécessité d'éclaircir les notions employées dans les dispositions relatives à la remise des personnes en vertu du mandat d'arrêt européen entre les Etats membres de l'Union Européenne.
III. En formulant sa deuxième question de droit, la Cour d'Appel de Varsovie part du principe que les circonstances dont il est question à l'art. 607 k § 1 CPP peuvent être considérées comme des motifs supplémentaires du refus d'exécuter le mandat d'arrêt européen. La position du Procureur du Parquet National, présentée dans la lettre du 30 juin 2006, va dans le même sens. La Cour Suprême considère cette hypothèse comme erronée. Les conditions sur lesquelles repose l'exécution du mandat d'arrêt européen ont été formulées uniquement à l'art. 607 p et à l'art. 607 r CPP (ainsi que, en ce qui concerne le mandat d'arrêt européen émis en vue d'exécuter une peine ou une mesure de sécurité privative de liberté à l'égard d'une personne poursuivie - à l'art. 607 s CPP). Ces dispositions transposent en droit polonais le contenu des art. 3 et 4 de la décision-cadre du 13 juin 2002.
L'objectif du mandat d'arrêt européen (engagement de poursuites en matière pénale) constitue l'une des conditions sur lesquelles repose l'émission, et non pas l'exécution du mandat. C'est par conséquent l'autorité judiciaire de l'Etat membre d'émission du mandat d'arrêt européen qui apprécie le fondement de la demande de remise. L'exigence de l'objectif pénal (au même titre que, par exemple, le soupçon d'infraction) ne peut être traitée de la même façon que les conditions d'exécution du mandat d'arrêt. Si elle est soumise, dans une mesure très limitée d'ailleurs, au contrôle de l'autorité judiciaire de l'Etat membre d'exécution, c'est uniquement dans le contexte de la légalité d'émission du mandat, et non pas de la légalité de remise de la personne poursuivie à l'Etat membre qui a établi le mandat.
Par conséquent, la principale question est de savoir si l'autorité judiciaire de l'Etat membre d'exécution du mandat européen a le droit d'établir une deuxième fois (vérifier) les éléments qui ont présidé à son émission. La jurisprudence ne permet pas de dégager uneinterprétation unique. A titre d'exemple, la High Court irlandaise, dans deux arrêts du 9 septembre 2005 et du 14 octobre 2005, rendus dans l'affaire Minister of Justice, Equality and Law Reform contre Michael Falkon (2005 36Ext), dans: M. Hudzik, Europejski nakaz aresztowania a nieletni sprawcy czynów zabronionych (Mandat d'arrêt européen et les délinquants mineurs - problématique choisie) (article déposé pour publication dans la Revue judiciaire européenne), reconnaît la recevabilité d'un tel réexamen, sous réserve qu'il n'intervient qu'à titre exceptionnel (voir également la Cour d'Appel de Cracovie, l'arrêt du 15 juillet 2004, II AKz 257/04, Cahiers judiciaires de Cracovie 2004, no 9, item 41). La Cour de Cassation belge prend le contre-pied de cette position dans son arrêt du 25 janvier 2005, rendu dans la Section néerlandaise, II Chambre, P.05,0065,N (dans: M. Hudzik, voir ci-dessus), on argumentant que le juge qui prend la décision d'exécuter le mandat d'arrêt européen n'a pas à en réexaminer la légalité, au risque d'empiéter sur les compétences réservées aux autorités de l'Etat membre d'émission. Jusque-là, la littérature n'a pas consacré beaucoup de place à cette question, mais les quelques considérations qu'on y trouve ne permettent pas d'affirmer que l'Etat membre d'exécution n'est en aucun cas autorisé à examiner la conformité du mandat d'arrêt avec le droit européen (S. de Groot, Mutual Trust in (European) Extradition (dans:) R. Blexon (ouvr.coll.) Handbook on the European Arrest Warrant, The Hague 2005, p. 91; F. Impala, The European Arrest Warrant in the Italian legal system. Between mutual recognition and manual fear within the European Area of Freedom, Security and Justice, Utrecht Law Reveiw, Volume 1, Issue 2 (December) 2005, p. 70; M. Hudzik, Dobre narzedzie, niedobra sprawa (Bon instrument, mauvaise cause), Rzeczpospolita 2006, no 132). Là-dessus, la Cour Suprême part du principe que le réexamen de légalité du mandat d'arrêt européen dans l'Etat membre d'exécution est possible, mais qu'il doit s'exercer dans des limites très strictes et uniquement à l'égard de certaines conditions de son émission. En particulier, la Cour exclut que le réexamen du bien-fondé de la décision de l'autorité judiciaire de l'Etat membre d'émission puisse s'exercer sur les éléments qui relèvent de l'appréciation du juge statuant, comme notamment l'existence d'un soupçon justifié d'infraction à l'égard de la personne qui fait l'objet du mandat d'arrêt (voir l'arrêt de la Cour d'Appel de Cracovie du 15 juillet 2004 cité ci-dessus). Les conditions de validité comme par d'exemple la compétence d'un organe pour émettre le mandat revêtent, par contre, un autre caractère.
A la marge des réflexions autour des questions de droit soumises par la Cour d'Appel, il convient de signaler que ce sont précisément les compétences du Procureur du Parquet du Procureur du Roi de Bruxelles pour émettre le mandat d'arrêt européen qui peuvent être sujettes à caution. Conformément à l'art. 32 § 2 de la loi belge du 19 décembre 2003, qui transpose en droit belge le mandat d'arrêt européen, le Procureur du Roi a compétence pour émettre un mandat d'arrêt européen uniquement lorsque la remise doit intervenir en vue de purger une peine déjà prononcée, éventuellement en vue d'appliquer une autre mesure privative de liberté dont il est question à l'art. 2 a de la décision-cadre du 13 juin 2002. Conformément à l'art. 32 al. 1 de la loi belge du 19 décembre 2003, c'est le juge d'instruction qui est habilité à délivrer un mandat d'arrêt européen en vue d'exécuter de poursuites pénales contre une personne poursuivie (et s'appuyant sur une décision de détention préventive ou sur une autre décision similaire). Cette solution légale doit être replacée dans le contexte du mandat d'arrêt européen faisant l'objet de la présente résolution, qui sous la lettre b) - indiquant la décision sur laquelle se fonde le mandat d'arrêt - cite l'arrêt du Tribunal de Première Instance - Tribunal de la Jeunesse à Bruxelles du 26 avril 2006 au point 1 (mandat d'arrêt ou décision judiciaire ayant la même force) et non pas au point 2 (jugement exécutoire). Ces observations ne permettent pas toutefois de conclure qu'en l'occurrence, le mandat d'arrêt européen a été émis par un organe non autorisé: il faut en fait se souvenir qu'au stade actuel de la procédure déclenchée en Belgique, l'affaire n'a pas encore été transférée au procureur selon les modalités de l'art. 38 de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, et que par conséquent la compétence du juge d'instruction à émettre le mandat d'arrêt ne peut être établie avec certitude. Cette question échappe toutefois à la compétence de la Cour Suprême, car elle dépasse les limites des questions de droit, relevant de l'art. 441 § 1 CPP. Avant de prendre une décision définitive concernant l'exécution du mandat d'arrêt européen dont il est question, il sera nécessaire d'étudier cette question en tenant compte de l'art. 2 § 3 de la loi belge du 19 décembre 2003, selon lequel le mandat d'arrêt européen constitue une décision prise par une autorité judiciaire compétente de l'Etat membre de l'Union Européenne.
Selon la Cour Suprême, l'objectif dans lequel le mandat d'arrêt européen a été émis doit également être réexaminé. A supposer que l'autorité judiciaire de l'Etat d'exécution du mandat d'arrêt européen constate qu'il a été établi par exemple aux fins de procédure civile, et le mandat s'avère immédiatement inexécutoire. Il ne fait en plus aucun doute qu'en l'espèce, le refus de remise ne s'appuierait pas sur les motifs qui empêchent l'exécution du mandat d'arrêt européen, mais sur le constat que le mandat a été émis alors que les conditions de son émission n'étaient pas réunies dans l'Etat membre d'émission (ce qui reviendrait à constater que la décision transmise à l'autorité judiciaire de l'Etat membre d'exécution ne constitue pas en fait un mandat d'arrêt européen).
Il est en plus indubitable que le réexamen des conditions d'émission du mandat d'arrêt européen doit précéder l'examen des motifs qui en empêchent éventuellement l'exécution (y compris des motifs qui entraînent l'illégalité de la remise d'une personne poursuivie à un autre Etat membre et de ceux qui permettent uniquement de refuser d'exécuter le mandat).
Le réexamen des conditions d'émission du mandat, réalisé dans l'Etat membre d'exécution, doit, comme nous l'avons souligné plus haut, rester limité à des cas exceptionnels, au nom du principe de confiance mutuelle qui fonde la coopération judiciaire entre les Etats membres de l'Union Européenne.
Pour compléter cette position, remarquons encore que l'appréciation permettant de conclure que les conditions d'émission du mandat d'arrêt européen ont été oui ou non remplies, doit être dans tous les cas réalisée sur le terrain du droit interne de l'Etat dans lequel le mandat a été émis, sans jamais perdre de vue les dispositions de la décision-cadre transposée dans ce droit national par les textes qui servent de base à cette appréciation. A supposer, à contrario, que l'autorité judiciaire de l'Etat membre d'exécution tente de réaliser ce type de vérification en se plaçant sur le terrain de son droit national, et non pas sur celui de l'Etat membre d'émission, et on court le risque (atténué, il est vrai, du fait que les dispositions nationales ne font que transposer en interne un texte unique et doivent le faire de façon précise) de sombrer dans le chaos, en enfreignant gravement le principe de confiance mutuelle. On pourrait difficilement faire grief à l'autorité judicaire de l'Etat membre d'émission de n'avoir pas pris en compte les éléments que le droit interne de l'Etat d'exécution érige en conditions indispensables de l'émission du mandat d'arrêt européen.
IV. Reconnaître que l'objectif dans lequel la personne poursuivie doit être remise à l'Etat membre d'exécution du mandat d'arrêt européen fait partie des éléments qui peuvent être réexaminés par l'autorité judiciaire de l'Etat membre d'exécution, c'est déplacer notre débat sur le terrain de la première question de droit formulée par la Cour d'Appel. En prenant position sur ce point, il faut tenir compte des hypothèses déjà adoptées, et considérer que ce ne sont ni les dispositions du droit polonais, ni d'ailleurs les
dispositions de la décision-cadre du Conseil de l'Union Européenne (qui, conformément à l'art. 34. al. 2b du Traité sur l'Union Européenne ne sont pas d'application directe), mais les dispositions du droit belge, interprétées en tenant compte de la décision-cadre, qui constituent ici le cadre d'évaluation approprié. En même temps, étant donné la convergence des textes qui régissent cette question, l'interprétation retenue aura un caractère universel.
Avant de poursuivre ces considérations, il est indispensable de trancher - une fois de plus, de façon provisoire - la question de savoir si la Cour Suprême a la compétence pour procéder à l'interprétation des décisions -cadres et du droit étranger selon les modalités de l'art. 441 CPP.
L'interprétation grammaticale de cette disposition devrait conduire à la conclusion que seuls les actes normatifs dénommés «lois», votés par le parlement polonais selon les modalités prévues dans les art. 118 - 122 de la Constitution de la République de Pologne, relèvent du pouvoir interprétatif de la Cour Suprême. La Cour part cependant du principe que la disposition de l'art. 144 § 1 CPP doit être interprétée de façon fonctionnelle, et arrive à la conclusion qu'une question de droit peut porter non seulement sur une disposition légale, mais également sur une disposition d'un autre acte normatif: arrêté, convention internationale ratifiée, acte de droit local, voir même une disposition du droit étranger, si seulement au vu des circonstances d'une affaire en instance la cour d'appel doit interpréter l'acte normatif de ce type, et qu'elle est par conséquent obligée de formuler une question de droit requérant une interprétation fondamentale de la disposition (des dispositions) de cet acte normatif.
L'art. 441 § 1 CPP tend à garantir l'uniformité de la jurisprudence en matière pénale sur un point très important, qui est celui de l'interprétation du droit. En plus des lois, en connaissant les pourvois en appel, les cours d'appel sont fréquemment amenées à interpréter les actes normatifs prévus dans le système constitutionnel polonais, et - dans le contexte international marqué par une progression systématique des échanges - les traités internationaux ratifiés par la Pologne ou les actes normatifs du droit interne d'autres pays. Les questions de droit, qui suscitent d'importantes interrogations et appellent une interprétation fondamentale, peuvent surgir non seulement à la lecture d'un texte qualifié de «loi», mais également à propos de tous les autres actes normatifs. Les arrêtés sont pris d'ailleurs sur des délégations exprimées expressément dans la loi, comportent des normes à caractère universel et sont destinés à garantir l'exécution correcte de la loi, en complétantle contenu de la disposition légale et en précisant les comportements exigés des destinataires de la loi. Les actes de droit local constituent par contre la source du droit de la République de Pologne dans les domaines relevant de la compétence des organes qui les ont adoptés. Quant aux conventions internationales, suite à leur publication celles-ci sont intégrées dans l'ordre juridique interne et deviennent directement applicables, à moins qu'elles requièrent l'adoption d'une loi.
La conviction que l'art. 441 § 1 CPP appelle une interprétation fonctionnelle et que la Cour Suprême peut recourir à cette dernière pour la lecture des actes normatifs autres que les lois, est acquise à la fois dans la jurisprudence de la Cour Suprême (voir les motifs des arrêts: du 30 novembre 1986, VI KZP 12/86, OSNKW 1986, c. 12, item 91, du 30 mai 1989, VI KZP 4/89, OSNKW 1989, c. 5-6, item 37, du 17 novembre 1997, I KZP 16/97, OSNKW 1997, c. 11-12, item 95, du 19 février 2003, I KZP 47/02, OSNKW 2003, c. 3-4, item 23, du 20 juillet 2005, I KZP 18/05, OSKNW 2005, c. 9, item 74), et dans la littérature: (voir R.A. Stefanski: Instytucja pytan prawnych do Sadu Najwyzszego w sprawach karnych (Institution de la question de droit en matière pénale adressée à la Cour Suprême), Cracovie 2001, pp. 268 - 269; J. Bartoszewski: Dzialalnosc uchwalodawcza Sadu Najwyzszego. Wybrane problemy (Résolutions de la Cour Suprême. Problèmes choisis) dans: T. Nowak (ouv.coll.) Nowe prawo karne procesowe, Zagadnienia wybrane Ksiega ku czci Profesora Wieslawa Daszkiewicza (Nouveau droit de la procédure pénale. Questions choisies. En l'honneur du professeur Wieslaw Daszkiewicz), Poznan 1999, p. 187; S. Wlodyka Przeslanki dopuszczalnosci pytan prawnych do Sadu Najwyzszego (Prémisses de recevabilité des questions de droit à la Cour Suprême), NP 1971, no 2, p. 176; P. Hofmanski (sous la dir.), E, Sadzik, K. Zgryzek: Kodeks postepowania karnego. Komentarz (Code de procédure pénale. Commentaire), t. II, Warszawa 2004, p. 652, remarques formulées lors de l'approbation de la résolution précitée de la Cour Suprême du 19 février 2003).
L'interprétation du droit étranger peut s'avérer indispensable pour trancher en faveur de l'application de la loi polonaise (lorsqu'on apprécie par exemple l'applicabilité du principe de réciprocité), ou pour savoir si l'Etat polonais est lié par un disposition d'une loi étrangère du fait de l'adhésion à l'Union Européenne et au regard des principes de fonctionnement des instruments relevant du troisième pilier, qui garantissent leur bonne transposition. Les difficultés d'interprétation des textes étrangers auxquels se heurtent les juridictions d'appel, peuvent s'avérer infiniment plus complexes que la lecture des textes polonais. La littérature insiste sur cette difficulté, en considérant qu'elle justifie le recours aux experts d'interprétation, ce qui normalement n'est pas autorisé pour les textes polonais.
Par conséquent, il serait irrationnel de prétendre que le recours en cassation constitue l'unique gage de cohérence jurisprudentielle dans le domaine de l'interprétation du droit étranger. Tout d'abord, de nombreux arrêts rendus dans le cadre des relations juridiques internationales prennent la forme de décisions qui ne peuvent être attaquées que par la voie de cassation par les parties définies à l'art. 521 CPP. Ensuite, une tentative d'harmonisation de la jurisprudence par la cassation peut intervenir seulement à un stade avancé de la procédure, trop tardif au vu des impératifs de la coopération internationale. Dans la procédure pénale, le recours en cassation ne fait pas partie des moyens de recours ordinaires, mais présente un caractère exceptionnel d'un moyen permettant d'attaquer les jugements définitifs, et par conséquent exécutoires. Cette exécution entraîne des conséquences souvent graves, et difficilement réparables, notamment dans le domaine international. Par conséquent, il faut s'efforcer d'éviter des erreurs de jugement avant que les décisions n'acquièrent la force de chose jugée et ne soient mises en exécution. Les questions de droit peuvent jouer ce rôle. Il faut être conscient également que la Cour Suprême n'est pas en mesure de lever les difficultés commentées ci-dessus par un usage plus fréquent de l'art. 441 § 5 CPP. En fait, la Cour Suprême ne peut donner son avis que si la question de droit émanant de la cour d'appel a été légitimement présentée selon les modalités de l'art. 441 § 1 CPP. Il est par contre évident que lorsqu'il est question des compétences de la Cour Suprême pour procéder à une interprétation fondamentale fondée sur l'art. 441 § 1 CPP et du droit de la cour d'appel à demander une interprétation selon ces mêmes modalités, le terme de «loi» ne peut être compris d'une autre façon. En fait, concernant cette disposition, la Cour Suprême ne dispose que des prérogatives dérivées des attributions de la juridiction d'appel.
Il convient de rappeler également qu'en droit polonais, l'abandon de interprétation grammaticale de la notion de «loi», ne concerne pas uniquement la disposition de l'art. 441 § 1 CPP, mais également, par exemple, celle de l'art. 4 du Code pénal. En dépit du fait qu'il ne se réfère explicitement qu'à la «loi», on admet généralement et avec un esprit de suite relativement fort, qu'à chaque fois qu'une disposition pénale fait référence à d'autres dispositions - même inférieures à la loi - qui définissent les limites d'illégalité, l'évolution de ces dispositions doit être considérée comme le changement d'une «loi» (voir par exemple la résolution de la Cour Suprême du 27 octobre 1988, VI KZP 11/88, OSNKW 1988, c. 11-12, item 77, ainsi que les arrêts de la Cour Suprême: du 21 juillet 1988, OSNKW 1988, c. 11-12, item 79 et du 11 octobre 2000, III KKN 356/99, OSNPiPr 2001, c. 2, item 1).
Selon l'avis de la Cour Suprême, ce dernier constat l'habilite à interpréter l'art. 32 § 1 de la loi belge du 19 décembre 2003 dans le contexte du mandat d'arrêt européen émis par la Belgique. Conformément à cette disposition, le mandat d'arrêt européen peut être émis lorsque l'on dispose des éléments indiquant que la personne poursuivie en vue de poursuites pénales séjourne sur le territoire d'un autre Etat membre. Si l'on part du principe que la procédure à l'égard des mineurs, régie par la loi belge du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse ne constitue pas une procédure pénale, la question qui se pose peut être formulée en termes suivants: est-ce que l'émission d'un mandat d'arrêt européen, dans la situation où la procédure pénale peut être déclenchée à condition que l'affaire soit transmise au Procureur selon les modalités de l'art. 38 de cette loi, intervient «aux fins de poursuites en matière pénale contre la personneremise » au sens de l'art. 32 § 1 de la loi du 19 décembre 2003 qui transpose en droit belge les dispositions européennes régissant le mandat d'arrêt européen? Etant donné que le mandat d'arrêt européen a été émis par le Parquet du Procureur du Roi de Bruxelles, il faut admettre que l'émetteur a répondu à cette question par l'affirmative. Selon la Cour Suprême, la présente interprétation est pertinente. Il ne fait en effet aucun doute que la procédure devant le tribunal de la jeunesse peut aboutir au transfert de l'affaire au procureur, et que l'objectif du mandat sera par conséquent atteint. Ni le contenu de l'art. 32 § 1 de la loi belge du 19 décembre 2003, ni les dispositions de la décision-cadre du Conseil de l'Union Européenne du 13 juin 2002 n'exigent que la procédure pénale soit ouverte au moment de l'émission du mandat d'arrêt européen. Face à la multitude de solutions adoptées par les Etats membres, une telle exigence ne serait pas pertinente. Il faut par contre que la procédure déclenchée dans l'Etat membre d'émission, dans le cadre de laquelle il a été décidé que la personne poursuivie serait privée de liberté, puisse aboutir à la procédure pénale. Il faut en plus qu'il s'agisse réellement d'une procédure pénale, et non pas d'une autre procédure, même comportant des éléments répressifs.
L'appréciation de l'objectif pour lequel on demande la remise de la personne dans le cadre du mandat d'arrêt européen, doit être réalisée en tenant compte des circonstances concrètes de l'affaire, et non pas in abstracto. Ce n'est pas par hasard que le Parquet du Procureur du Roi de Bruxelles décrit dans son courrier les éléments qui augmentent la probabilité que suite à la remise d'Adam G. à la Belgique l'affaire soit transférée au procureur et qu'Adam G. fasse l'objet d'une procédure pénale selon les règles applicables aux adultes. La nature de l'acte dont il est soupçonné, ainsi que ses antécédents judiciaires, font partie des éléments de ce type. Ces éléments sont à prendre en compte par le tribunal polonais qui procède au réexamen des conditions d' émission du mandat d'arrêt européen par le Parquet du Procureur du Roi de Bruxelles.
En concluant à la nécessité d'évaluer l'objectif de l'émission du mandat d'arrêt européen, la Cour Suprême ne dépasse pas le cadre de l'art. 441 § 1 CPP. Le procureur du Parquet national est parti vraisemblablement d'une autre hypothèse, en demandant dans sa position écrite que la Cour Suprême refuse de statuer sur la première des deux questions de la Cour d'Appel de Varsovie. Il ne faut pas confondre le fait d'apprécier in concreto le respect des conditions d'émission du mandat d'arrêt européen et le constat, selon lequel en procédant à cette appréciation, le tribunal doit tenir compte non seulement des exigences légales et réglementaires qui entourent l'émission du mandat d'arrêt européen, mais également des circonstances concrètes de l'émission de ce mandat.
V. L'appréciation des conditions d'émission du mandat d'arrêt européen doit tenir compte du droit en vigueur dans l'Etat membre d'émission et des dispositions de la décision-cadre du Conseil de l'Union Européenne du 13 juin 2003. Reste à savoir quelle est, en droit polonais, la fonction de l'art. 607 k § 1 CPP, selon lequel la remise de la personne poursuivie à un autre Etat membre doit intervenir aux fins de poursuites en matière pénale. A l'évidence, on ne peut considérer que l'article en question formule les motifs sur lesquels l'autorité judiciaire polonaise doit se fonder pour émettre le mandat d'arrêt européen du fait qu'il a été intégré au chapitre 65 b CPP concernant la demande de remise de la personne poursuivie en vertu du mandat d'arrêt européen adressée aux autorités polonaises, et également parce que cette fonction est dévolue à l'art. 607 a CPP. Les conditions d'émission du mandat d'arrêt européen sont formulées toujours par le droit de l'Etat d'émission de celui-ci, et c'est son droit qui constitue le fondement pertinent pour apprécier le respect de ces conditions. La référence à l'objectif de la remise faite dans l'art. 607 k § CPP signifie que le législateur admet qu'en remettant la personne poursuivie à un autre Etat membre on subordonne cette remise à l'existence d'un objectif pénal. S'il s'avère par la suite que cet objectif ne peut être atteint, la personne remise doit être relâchée, ou, éventuellement, comme dans l'affaire analysée - renvoyée en Pologne. Sur ce terrain, on doit appliquer le principe aut dedere aut iudicare, en vertu duquel ce sont les autorités polonaises qui ont l'obligation de juger toutes les personnes qui ne peuvent pas être mises sous la compétence judiciaire de l'Etat requérant la remise.
En résumé: l'expression «aux fins (....) de poursuites en matière pénale» doit être prise au sens large du terme, comme signifiant que cette exigence est remplie à chaque fois que la procédure pénale constitue l'une des procédures auxquelles pourra être soumise la personne poursuivie dans l'Etat membre d'émission du mandat d'arrêt européen. «L'objectif de procédure pénale» au sens de l'art. 607 k § CPP doit être compris comme permettant de formuler une réserve, selon laquelle la remise de la personne poursuivie intervient si et seulement si la procédure qui sera in fine déclenchée à son encontre, est une procédure pénale.
Prétendre que la disposition de l'art. 607 k§ CPP permet de transmettre la personne poursuivie à condition que l'objectif qu'elle formule soit atteint,
pose la question de la garantie que la personne remise réintégrera effectivement le territoire polonais au cas où l'Etat membre d'émission renoncerait à engager à son encontre une procédure pénale. Ces garanties découlent clairement du principe de confiance mutuelle entre les Etats membres, et des règles qui régissent la coopération internationale en matière pénale. Il est évident que si le Tribunal de la Jeunesse de Bruxelles ne transmet pas l'affaire d'Adam G. au Procureur, et par conséquent au tribunal pour adultes selon les modalités de l'art. 38 de la loi belge du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, il sera dans l'impossibilité d'appliquer à son égard une autre procédure, vu que la remise a été effectuée «aux fins de poursuites en matière pénale». Par conséquent, la personne poursuivie devra être remise à nouveau à la Pologne, et c'est seulement en Pologne qu'elle pourra être jugée pour le crime perpétré.