ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA) -------- COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA) --------- Première chambre ------- Audience publique du 13 juillet 2023
Pourvoi : n° 166/2022/PC du 16/05/2022
Affaire : Société Internationale d’Assurances Multirisques (SIDAM SA) (Conseils : SCPA EFFI & associés, Avocats à la Cour)
Contre
Société MCI Care Côte d’Ivoire, Ex MCI SOGEM (Conseils : Cabinet d’Avocats KOUABENAN, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 171/2023 du 13 juillet 2023
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première chambre, a rendu l’Arrêt suivant, en son audience publique du 13 juillet 2023 où étaient présents : Madame Esther Ngo MOUTNGUI IKOUE,Présidente Messieurs Arsène Jean Bruno MINIME, Juge Mariano Esono NCOGO EWORO, Juge Mounetaga DIOUF, Juge, rapporteur Adelino Francisco SANCA, Juge
et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier ; Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 16 mai 2022, sous le n°166/2022/PC et formé par la SCPA EFFI & associés et Maître EFFI Kokora Serge Richard, Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan-Plateau, immeuble Tropic 3, 2ème étage , porte D21, 25 BP 1908 Abidjan 25, République de Côte d’Ivoire, agissant au nom et pour le compte de la Société Internationale d’Assurances Multirisques (SIDAM SA ), dont le siège se situe à Abidjan-Plateau immeuble SIDAM, 34 avenue Houdaille, 01 BP 7733 Abidjan 01, République de Côte d’Ivoire, dans la cause qui l’oppose à la MCI CARE Côte d’Ivoire, ex MCI SOGEM, dont le siège se situe au 4 boulevard Roume, immeuble A, Abidjan-Plateau, 06 BP 1309 Abidjan 06, République de Côte d’Ivoire, ayant pour conseils le Cabinet d’Avocats KOUABENAN, Avocats à la Cour, demeurant à Aa Ab Ac Ad, Saint Viateur, cité Oasis 3, deuxième carrefour à droite, à la montée, immeuble carrelé à façade orange, 3ème étage, 06 BP Abidjan 1636, Abidjan 06, République de Côte d’Ivoire,
en cassation de l’arrêt RG n° 937/2021 du 24 mars 2022 rendu par la Cour d’appel de commerce d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la SIDAM ;
Déclare recevable le recours en annulation formé par la société MCI CARE Côte d’Ivoire, Ex MCI-SOGEM contre la sentence arbitrale N° CACI :179-ARB/21 rendue le 17 novembre 2021 sous l’égide de la CACI par le tribunal arbitral ;
Annule ladite sentence arbitrale ;
Condamne la Société Internationale d’Assurances Multirisques dite SIDAM SA aux entiers dépens de l’instance, distraits au profit du Cabinet d’Avocats KOUABENAN, Avocats à la Cour aux offres de droit. » ; La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur Mounetaga DIOUF, Juge ; Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ; Attendu qu’il ressort de l’arrêt attaqué que, par convention en date du 18 avril 2012, la SIDAM confiait à la société MCI CARE CÔTE D’IVOIRE la gestion de portefeuilles d’assurance « maladie » contenant chacun plusieurs assurés et bénéficiaires et dénommés SIDAM, SIDAM- COOPEC, SIDAM-CORA, OLAM ; qu’en exécution de la convention, la société MCI CARE était chargée du paiement des sinistres découlant de la gestion desdits portefeuilles moyennant une commission et le remboursement des débours engagés sur présentation des bordereaux de sinistres et de factures à la SIDAM ; qu’estimant que cette dernière restait lui devoir un montant reliquataire de 1.467.335.637 FCFA sur un total de 7.927.248.950 FCFA retenu après rapprochement des parties, la société MCI CARE saisissait la Cour arbitrale de Côte d’Ivoire (CACI) pour demander le paiement dudit montant augmenté des sinistres et honoraires postérieurs à la date du 23 février 2018 à laquelle ils avaient arrêté leurs comptes ; qu’après avoir homologué le rapport d’expertise commandité pour l’occasion, le tribunal arbitral, constitué sous l’égide de la CACI, condamnait la SIDAM SA à payer à MCI CARE la somme de 125.821.851 FCFA, outre celle de 5.001.891 FCFA au titre des intérêts moratoires, soit au total la somme de 130.823.742 FCFA, condamnait MCI CARE à payer à la SIDAM SA la somme de 569.197.164 FCFA et ordonnait la compensation entre ces différents montants, ce qui mettait finalement à la charge de MCI CARE la somme de 438.373.422 FCFA à payer à la SIDAM SA ; que sur recours de la MCI CARE, la Cour d’appel de commerce d’Abidjan rendait l’arrêt annulant la sentence arbitrale et qui fait l’objet du pourvoi ;
Sur la recevabilité du pourvoi Attendu que, dans son mémoire en réponse reçu au greffe de la Cour le 15 septembre 2022, la société MCI CARE COTE D’IVOIRE a soulevé l’irrecevabilité du recours en cassation au motif, d’une part, que la requête aux fins de pourvoi ne mentionne pas le nom et l’adresse de l’avocat ayant occupé pour la défenderesse au pourvoi devant la juridiction nationale dont la décision fait l’objet du pourvoi, la date à laquelle l’arrêt attaqué a été signifié à la SIDAM SA, alors, selon la défenderesse, qu’en application de l’article 28.6 du Règlement de procédure de la Cour, de tels manquements non régularisés entraînent l’irrecevabilité du recours ;
Mais attendu que l’absence des mentions prévues à l’article 28 précité dans la requête aux fins de pourvoi n’entraine l’irrecevabilité du recours que suite à une demande de régularisation formulée par le greffe à l’attention du requérant et restée infructueuse ; qu’en l’espèce, aucune demande de régularisation du recours n’a été adressée à la SIDAM SA ; que le pourvoi est donc recevable ; qu’il échet dès lors de rejeter la fin de non-recevoir comme non fondée ;
Sur l’excès de pouvoir, relevé d’office Attendu que l’excès de pouvoir, prévu à l’article 28 bis du Règlement de procédure, sanctionne la décision prise par une juridiction en dehors de ses attributions juridictionnelles, notamment lorsqu’elle méconnaît les limites de sa saisine, soit parce qu’elle n’est pas encore saisie, soit parce qu’elle ne l’est plus ;
Attendu qu’il résulte de l’article 27 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage (AUA) que « la juridiction compétente statue dans les trois mois de sa saisine. Lorsque ladite juridiction n’a pas statué dans ce délai de trois (03) mois, elle est dessaisie et le recours peut être portée devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage dans les quinze (15) jours suivants » ;
Attendu qu’il résulte des articles 46 et 173 du code de procédure civile, commerciale et administrative ivoirien qu’au jour fixé pour l’audience, si l’affaire est enrôlée, elle est obligatoirement appelée ; que l’article 140 alinéa 4 du même code dispose qu’ « En tout état de cause, le tribunal doit statuer dans un délai de six mois maximum, à compter de la première audience. » ; qu’il ressort également des articles 41 et 49 de la loi ivoirienne relative aux juridictions de commerce que si les parties comparaissent, la juridiction de commerce s’assure que les parties ont entrepris les diligences en vue de parvenir à un règlement amiable du litige ; que l’article 45, alinéa 3 de la même loi dispose qu’« En tout état de cause, le jugement est rendu dans un délai impératif de trois mois à compter de la première audience. » ; qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions qu’aucune juridiction ivoirienne ne peut commencer à instruire une affaire avant la date fixée pour la première audience, elle-même fixée par le demandeur sur l’acte de saisine ou lors de l’enrôlement ; qu’il en ressort que la notion de date de saisine prévue par l’article 27 AUA doit être entendue, en République de Côte d’Ivoire, comme celle à laquelle la juridiction nationale peut légalement commencer l’instruction de son dossier, à savoir la date de la première audience ;
Attendu qu’en l’espèce, l’affaire objet du recours en annulation de la sentence arbitrale a été appelée pour la première fois à l’audience du 23 décembre 2021, le délai de trois mois qui commence à courir à compter de ce jour expire le jour du dernier mois qui porte le même quantième que le jour de l’acte ou de l’événement qui le fait courir ; que ce jour qui porte le même quantième étant le 23, la cour d’appel qui a statué le 24 mars 2021, alors que le délai avait expiré la veille à savoir le 23 mars 2021, l’a fait hors délai ; qu’au moment où elle statuait, la cour d’appel était donc dessaisie au profit de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ; qu’en statuant alors qu’elle n’était plus saisie, la cour d’appel a commis un excès de pouvoir et son arrêt est dès lors nul et non avenu ; qu’il échet dès lors de déclarer l’arrêt nul et non avenu et de dire n'y avoir à évocation ;
Sur les dépens Attendu que la société MCI CARE COTE D’IVOIRE a succombé ; qu’il échet de la condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Déclare le pourvoi recevable ;
Déclare l’arrêt l’arrêt RG n° 937/2021 du 24 mars 2022 rendu par la Cour d’appel de commerce d’Abidjan nul et non avenu ;
Dit n’y avoir lieu à évocation ;
Condamne la société MCI CARE COTE D’IVOIRE aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus, et ont signé : La Présidente
Le Greffier