ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA) -------- COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA) --------- Première chambre ------- Audience publique du 13 juillet 2023
Pourvoi : n° 351/2021/PC du 20/09/2021
Affaire : A Ai Aa Ae (Conseils : SCPA LEGALIS, Avocats à la Cour)
Contre
Banque Commerciale du Ah Ak (BCB SA) (Conseils : SCPA BIRBA-GUITANGA & associés, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 164/2023 du 13 juillet 2023
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première chambre, a rendu l’Arrêt suivant, en son audience publique du 13 juillet 2023 où étaient présents : Madame Esther Ngo MOUTNGUI IKOUE,Présidente Messieurs Arsène Jean Bruno MINIME, Juge Mariano Esono NCOGO EWORO, Juge Mounetaga DIOUF, Juge, rapporteur Adelino Francisco SANCA, Juge
et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier ; Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 20 septembre 2021, sous le n°351/2021/PC et formé par la SCPA LEGALIS et Maître Yissoun Armand BOUYAIN, Avocats à la Cour, demeurant respectivement à Ouaga 2000, arrondissement n°12, Avenue Ag Ac C, 01 BP 661, et au 11 BP 644 Ad 01, Ah Ak, agissant au nom et pour le compte de madame A Ai Aa Ae, manager d’entreprise, dans la cause qui l’oppose à la Banque Commerciale du Ah Ak SA dont le siège se situe au 653 avenue du Docteur Aj X, Ad, Ah Ak, ayant pour conseils la SCPA BIRBA-GUITANGA & associés, Avocats à la Cour, Rue 22.02 Echangeur du Nord Tampouy-Ouagadougou, 07 BP 5200 Ad, Ah Ak, en cassation de l’ordonnance de référé n°096 du 29 avril 2021 rendue par le Premier Président de la Cour d’appel de Ad et dont le dispositif est le suivant :
« statuant publiquement, en la forme des référés, contradictoirement, en matière de difficulté d’exécution et dernier ressort ;
En la forme Af A Ai Aa Ae recevable en ses exceptions de nullité et fins de non-recevoir et l’y disons partiellement fondée ;
En conséquence, déclarons nul l’acte d’appel signifié le 15/02/2021 à 10 h 45 mn ;
Déclarons en revanche l’acte d’appel signifié le 15/02/2021 à 11 h 31 mn recevable ;
Déclarons également Me BATIONO Paul, huissier de justice, recevable en sa demande d’intervention volontaire ;
Donnons acte à maître BIRBA Christophe et Me GUITENGA Samuel Ibrahim en leur substitution de moyens pour le compte de la Banque Commerciale du Burkina (BCB) à ceux proposés par Me OUATTARA Yacoub et Me KABORE Eliane Marie Natacha, avocats déportés ;
Déclarons cependant la BCB irrecevable en sa procédure d’inscription en faux incident contre un acte authentique ;
Déclarons Me BATIONO Paul recevable en sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 174 du code de procédure civile ;
Au fond Infirmons l’ordonnance n°010/02/2021 rendue par le juge de l’exécution du Tribunal de grande instance de Ad ;
Statuant à nouveau Af A Ai Aa Ae mal fondée en sa demande de paiement des causes de la saisie ;
Disons qu’il n’a pas lieu à condamner l’intimée au paiement des frais exposés non compris dans les dépens ;
La condamne en revanche aux dépens. » ; La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur Mounetaga DIOUF, Juge ; Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ; Attendu qu’il ressort de l’arrêt attaqué et des productions que, sur autorisation de l’ordonnance n°008 du 27 janvier 2020, la dame A Ai Aa Ae pratiquait, le 29 janvier 2020, une saisie conservatoire de créances entre les mains de la Banque Commerciale du Burkina (BCB SA) pour obtenir le paiement de la somme de quarante-deux millions sept cent soixante-dix-neuf mille cinq cent (42 779 500) F CFA que lui devait la société MARINE ROUTIERE SA, dont sept millions en principal ; qu’après avoir reçu l’acte de saisie, la BCB déclarait que le compte de la société MARINE dans ses livres présentait un solde créditeur de six mille trois cent vingt-neuf (6329) F CFA ; que le 18 mai 2020, dame TIENDREBEOGO procédait à une saisie-attribution de créances contre le même débiteur entre les mains de la même banque pour recouvrer la somme de six cent quatre-vingt millions cinq cent vingt-huit mille cinq cent (680 528 500 ) F CFA dont vingt-huit millions (28 000 000) F CFA en principal ; que le 20 mai 2020, la BCB, qui n’a pas pu faire la déclaration prévue à l’article 156 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, déclarait à l’huissier instrumentaire que le compte de sa débitrice supposée était débiteur de quarante et un mille six cent soixante-sept (41 667) F CFA ; que le 1er juillet 2020, dame TIENDREBEOGO convertissait la saisie conservatoire du 29 janvier 2020 en saisie-attribution de créances et la dénonçait à la société MARINE ROUTIERE SA le 02 juillet 2020 ; qu’estimant qu’il y avait une contradiction entre la déclaration de la BCB SA qui faisait état du caractère créditeur de la somme de six mille trois cent vingt-neuf (6329) F CFA du compte de la société MARINE lors de la saisie conservatoire et celle faite lors de la saisie-attribution du 18 mai 2020 qui révélait un solde débiteur du même compte de la somme de quarante et un mille six cent soixante-sept (41 667) F CFA, dame TIENDREBEOGO obtenait du juge de l’exécution du Tribunal de grande instance de Ad la condamnation de la BCB à lui payer la somme six cent quatre-vingt millions cinq cent vingt-huit mille cinq cent (680 528 500 ) F CFA au titre des causes de la saisie outre celle de un million (1 000 000) F CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que sur appel de la BCB SA, le Premier Président de la Cour d’appel de Ad rendait l’ordonnance dont pourvoi ;
Sur la première branche du premier moyen, les deuxième et troisième moyens réunis Attendu que dans la première branche du premier moyen, il est fait grief à l’ordonnance attaquée d’avoir violé l’article 122 du code de procédure civile du Ah Ak en ce qu’il a inversé l’ordre de traitement des demandes de la requérante qui a sollicité en premier lieu l’irrecevabilité du second appel pour défaut d’intérêt et, en deuxième lieu, la nullité du premier acte d’appel pour défaut de qualité de l’appelant, aux motifs qu’en application dudit texte, les exceptions de nullité doivent être soulevées avant les fins de non-recevoir, alors selon le moyen, que s’il est vrai que la disposition sus invoquée énonce en son alinéa 1er le principe de la priorité des exceptions sur les fins de non-recevoir, son alinéa 2 prévoit que ledit article ne s’applique pas aux exceptions de connexité et de nullité des actes de procédure pour vice de forme ou pour inobservation des règles de fond, qui peuvent être soulevées en tout état de cause ;
Attendu que, dans le deuxième moyen, la requérante fait grief à l’ordonnance attaquée une contrariété de motifs en ce qu’après avoir retenu que l’article 122 sus visé n’est pas applicable à l’exception de nullité présentée par elle, la juridiction d’appel a pourtant invoqué le même texte pour imposer un ordre d’analyse et de réponse de ses demandes ;
Attendu que, dans le troisième moyen, la requérante reproche à l’ordonnance dont pourvoi, un manque de base légale en ce qu’elle s’est autorisée à inverser l’ordre de présentation et d’analyse des exceptions sur la base de l’article 122 sus indiqué alors, selon le moyen, que cette disposition prévoit que son alinéa 2 ne s’applique pas en l’espèce ;
Mais attendu que l’article 122 du code de procédure civile du Ah Ak prévoit que, sauf pour l'exception de connexité́ et les exceptions de nullité́ des actes de procédure pour vice de forme ou pour inobservation des règles de fond qui peuvent être proposées en tout état de cause, les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité́, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir et ce, même si les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public ; Attendu que cette disposition s’adresse plutôt aux parties qui doivent observer, sous peine d’irrecevabilité, l’ordre de présentation des exceptions entres elles d’abord, ensuite l’ordre de présentation entre lesdites exceptions, les fins de non-recevoir et les défenses au fond ; que le fait que les parties puissent, à titre d’exception, soulever, en tout état de cause, l'exception de connexité́ et les exceptions de nullité́ des actes de procédure pour vice de forme ou pour inobservation des règles de fond ne signifie pas que le juge est tenu de les examiner en priorité ; que l’ordre d’examen des moyens de défense qui s’impose au juge est réglementé à travers tout le titre 6 dudit code qui va de l’article 120 à l’article 149 du code de procédure civile ; que ce dernier texte prévoit que dans le cas où la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité́ sera encartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ;
Attendu qu’en l’espèce, le juge d’appel a été saisi de deux actes d’appel provenant du même appelant et dirigés contre la même ordonnance ; que les deux actes d’appel sont datés tous du 15 février 2021, mais l’un a été établi à 10 heures 45 minutes par une personne dont la qualité d’huissier ou de clerc d’huissier n’a pas été rapportée, et l’autre à 11 h 31 minutes pour couvrir l’irrégularité ; que l’intimée a demandé d’abord l’irrecevabilité du second appel et ensuite la nullité du premier appel ; qu’après jonction des deux procédures d’appel, le premier Président de la Cour de Ad, sous le visa de l’article 122 mais aussi de l’article 149 du code sus visé, a jugé que ces dispositions, «… en raison des diligences qu’elles imposent au juge, fixent nécessairement l’ordre légal d’analyse des demandes formulées par l’intimée… ; que dans le cas où la situation donnant lieu à la fin de non- recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si la cause a disparu au moment où le juge statue ; qu’il est constant qu’à la suite du premier acte d’appel, un second acte d’appel a été instrumenté par Ab B, Huissier de justice ; qu’il est admis que la sanction d’un tel cas est l’irrecevabilité pour défaut d’intérêt en raison de l’effet dévolutif de l’appel… » ; qu’en appréciant dans ces conditions le bien-fondé de la demande de nullité avant celle de la fin de non-recevoir, le juge d’appel n’a pas violé le texte visé au moyen, ne s’est pas contredit dans ses motifs et a légalement justifié sa décision ; qu’il échet dès lors de rejeter la branche du premier moyen ainsi que les deuxième et troisième moyens comme non fondés ;
Sur la seconde branche du premier moyen Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les article 57, 156 et 161 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE) en ce que pour infirmer l’ordonnance condamnant la BCB à payer à dame TIENDREBEOGO les causes de la saisie-attribution du 18 mai 2020, le premier Président de la Cour d’appel de Ad a dénié à la banque sa qualité de tiers saisi alors, selon le moyen, qu’en application des articles 156 et 161 sus visés, la jurisprudence majoritaire de la CCJA considère que le tiers saisi est la personne qui détient effectivement, au moment de la saisie, une somme d’argent appartenant au débiteur saisi et qu’en l’espèce, la qualité de tiers saisi de la BCB ne peut souffrir d’aucune contestation dans la mesure où celle-ci a déclaré, lors de la saisie conservatoire du 29 janvier 2020, détenir pour le compte du débiteur saisi la somme de six mille trois cent vingt-neuf (6329) F CFA ; Mais attendu qu’au sens des articles 57, 156 et 161 AUPSRVE, lorsqu’une saisie conservatoire de créance entre les mains d’une banque contre un débiteur est suivie d’une saisie attribution de créance entre les mains de la même banque et contre le même débiteur, il faut distinguer, dans le cadre de la responsabilité recherchée de ce tiers saisi, selon que l’action est introduite dans le cadre de la saisie conservatoire convertie en saisie attribution ou dans le cadre d’une saisie attribution déclenchée ab initio et distinctement de la saisie conservatoire ; que la responsabilité de la banque, en tant que tiers saisi dans le cadre d’une saisie attribution distincte, ne saurait être tirée des déclarations de ladite banque lors d’une saisie conservatoire précédente et non liée avec la saisie attribution qui a suivi par un acte de conversion ; que de telles déclarations ayant été faites dans un contexte où la mesure a été prise sur la base d’un simple principe de créance et sans titre exécutoire, elles peuvent ne plus être d’actualités en raison de plusieurs facteurs qui peuvent impacter le solde du compte, lesquels facteurs ne pouvant être appréciés que lorsque la faute du tiers est recherchée sur la base de la violation des obligations qui sont les siennes au sens des articles 38, 58 et 161 AUPRSVE ; Attendu qu’en l’espèce, après avoir, le 29 janvier 2020, pratiqué une saisie conservatoire de créance entre les mains de la Banque Commerciale du Burkina (BCB SA), convertie en saisie attribution le 1er juillet 2020, pour obtenir le paiement de la somme de quarante-deux millions sept cent soixante-dix-neuf mille cinq cent (42 779 500) F CFA que lui devait la société MARINE ROUTIERE SA, la requérante pratiquait distinctement une saisie attribution de créance le 18 mai 2020, contre la même débitrice et entre les mains de la même banque pour recouvrer cette fois-ci la somme de six cent quatre-vingt millions cinq cent vingt-huit mille cinq cent (680 528 500 ) F CFA ; que si lors de la saisie conservatoire, la banque déclarait détenir pour le compte de la débitrice la somme de six mille trois cent vingt-neuf (6329) F CFA, elle déclarait, à l’occasion de la saisie attribution, que le compte de la société MARINE ROUTIERE SA était débiteur de quarante et un mille six cent soixante-sept (41 667) F CFA ; que même si le fait que le compte déclaré précédemment créditeur a été par la suite déclaré débiteur malgré l’effet d’indisponibilité de la somme de six mille trois cent vingt-neuf (6329) F CFA qui y a été trouvée peut être analysé comme un manquement de la banque, la responsabilité dudit établissement en tant que tiers saisi, ne peut être recherché que le cadre de la saisie conservatoire du 29 janvier 2020 convertie en saisie attribution le 1er juillet 2020 sur la base des articles 38, 58 et 161 AUPPSRVE, et non dans le cadre de la saisie attribution du 18 mai 2020, déclenchée en sus et distinctement de la mesure conservatoire et soumise, en ce qui concerne le tiers saisi, à l’article 156 AUPSRVE ; que dans la présente cause, la responsabilité de la banque est recherchée dans le cadre de la saisie attribution ab initio à l’occasion de laquelle le compte du saisi a été déclaré débiteur ; que par ces motifs substitués, il échet de dire que la juridiction d’appel, qui a infirmé l’ordonnance du premier juge aux motifs que la BCB n’a pas la qualité de tiers saisi, n’a pas commis le grief qui lui reproché ; que le moyen n’étant pas fondé, il y a lieu de le rejeter ;
Attendu qu’en définitive, aucun moyen n’a prospéré ; qu’il échet de rejeter le pourvoi ;
Sur les dépens Attendu que dame A Ai Aa Ae ayant succombé doit supporter les dépens ;
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le pourvoi ;
Condamne dame A Ai Aa Ae aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus, et ont signé : La Présidente
Le Greffier