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30/03/2023 | OHADA | N°061/2023

OHADA | OHADA, Cour commune de justice et d'arbitrage (ohada), 30 mars 2023, 061/2023


Texte (pseudonymisé)
ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA) -------- COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA) --------- Deuxième chambre ------- Audience publique du 30 mars 2023
Pourvoi : n° 048/2021/PC du 11/02/2021 Affaire :La Clinique LES GENETS S.A.
Ah Aj Ae Z (Conseils : Maîtres Jean Charles TOUGMA et Emile SONTE, Avocats à la Cour) Contre La Société Générale Aa Ak (SGBF) S.A.
(Conseils : SCPA TRUST WAY, Avocats à la Cour) La Clinique Ag Al S.A. (Conseils : SCPA SOME et ASSOCIES, Avocats à la Cour) Arrêt N° 061/2023 du 30 mars 2023

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’H...

ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA) -------- COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA) --------- Deuxième chambre ------- Audience publique du 30 mars 2023
Pourvoi : n° 048/2021/PC du 11/02/2021 Affaire :La Clinique LES GENETS S.A.
Ah Aj Ae Z (Conseils : Maîtres Jean Charles TOUGMA et Emile SONTE, Avocats à la Cour) Contre La Société Générale Aa Ak (SGBF) S.A.
(Conseils : SCPA TRUST WAY, Avocats à la Cour) La Clinique Ag Al S.A. (Conseils : SCPA SOME et ASSOCIES, Avocats à la Cour) Arrêt N° 061/2023 du 30 mars 2023 La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant, en son audience publique du 30 mars 2023 où étaient présents : Messieurs : Armand Claude DEMBA,Président, rapporteur  Joachim GBILIMOU,Juge Ndodinguem Casimir BEASSOUM,Juge
et Maître Louis Kouamé HOUNGBO,Greffier ; Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 11 février 2021, sous le n°048/2021/PC et formé par Maîtres Jean Charles TOUGMA et Emile SONTE, Avocats à la Cour, demeurant respectivement à la Zone du Bois,11 BP 316, Ad et à Abidjan-Plateau, 18 BP 1517 Abidjan 18, agissant au nom et pour le compte de la Clinique LES GENETS S.A. et Ah Aj Ae Z, dans la cause les opposant à la Société Générale Aa Ak, dite SGBF, ayant pour conseils la SCPA TRUST WAY, Société Civile Professionnelle d’Avocats sise à Ad, quartier Ouaga 2000, BP 73 Ad 15, et à la Clinique Ag Al, ayant pour conseils la SCPA SOME et ASSOCIES, Avocats à la Cour, demeurant à Goughin-Avenue Kadiogo, Secteur N9, route de Bobo, 01 BP 1015 Ad, en cassation de l’ordonnance n° 146/2020, rendue le 03 septembre 2020 par le Premier Président de la Cour d’appel de Ad XAa AkA, dont le dispositif est libellé comme suit : « Déclarons les appels recevables ;
Rejetons en conséquence la fin de non-recevoir plaidée par la Société Générale Aa Ak ;
Ecartons de la procédure les notes de plaidoiries versées par les appelants au dossier ;
Infirmons partiellement la décision querellée :
Statuant à nouveau :
Disons que le juge des difficultés d’exécution est sans compétence pour se prononcer sur la demande en annulation du contrat de nantissement ;
Déclarons irrecevable la demande en restitution du matériel formulée par les appelants devant le Premier Juge ;
Confirmons les autres dispositions de l’ordonnance attaquée ;
Rejetons la demande de paiement en dommages-intérêts formulée par la Société Générale Aa Ak ;
Disons qu’il n’y a pas lieu à paiement de frais non compris dans les dépens… » ; Les requérants invoquent à l’appui de leur pourvoi les huit moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent Arrêt ; Sur le rapport de Monsieur Armand Claude DEMBA, Premier Vice-Président ; Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ; Attendu qu’il résulte des pièces de la procédure que, suivant convention de compte courant avec « cautionnement hypothécaire » -ainsi improprement dénommée par les parties à la place d’affectation hypothécaire - datée du 14 juillet 2006, le docteur Z consentait, en garantie du solde éventuellement débiteur de la Clinique LES GENETS, une hypothèque de deux milliards de FCFA au profit de la SGBF ; qu’à la même date, la Clinique LES GENETS et la SGBF concluaient une convention de nantissement du fonds de commerce étendue aux matériels ; que par la suite, la Clinique LES GENETS remboursait jusqu’à plus d’un milliard cent mille FCFA ; que le 11 février 2016, la SGBF, s’estimant créancière de la Clinique LES GENETS de la somme de 2.105.359.576 FCFA qui représentait le solde débiteur après clôture du compte courant, procédait à la réalisation de l’hypothèque sur l’immeuble où le docteur Z exploitait sa Clinique ; que par jugement n° 375 du 24 mai 2027 du Tribunal de grande instance de Ad, l’immeuble lui était adjugé pour la somme de 1.650.000.000 FCFA, un fol enchérisseur, le nommé Af B, étant, quant à lui, condamné au paiement de la somme de 350.000.000 FCFA représentant la différence du prix ; qu’après cette adjudication, la Clinique LES GENETS, qui persistait à demeurer dans les lieux, était expulsée, tant de sa personne que de tout autre occupant de son chef et, selon ses dires, « sans ses biens mobiliers professionnels » ; que pour la SGBF, la Clinique LES GENETS restait néanmoins lui devoir la somme principale de 150.359.139 FCFA, à laquelle s’ajoutent des condamnations à des dommages-intérêts, frais et intérêts conventionnels courus depuis la clôture du compte, soit un total de 349.125.159 FCFA ; que le 02 aôut 2019, et pour la réalisation de la sureté du 14 juillet 2006, la SGBF faisait donc servir à la Clinique LES GENETS commandement de payer cette dernière somme, qui représenterait le reliquat de sa créance après adjudication ; qu’en réaction, la Clinique LES GENETS et le docteur Z l’assignaient le 02 octobre 2019 par-devant le juge de l’exécution pour s’entendre annuler la vente aux enchères publiques prévue pour le 03 octobre 2019 ; que nonobstant cette procédure, la SGBF procédait à la vente forcée à la date susdite ; que le fonds de commerce étendu au matériel professionnel était acquis par la Clinique Ag Al ; que le 26 février 2020, le Juge de l’exécution du Tribunal de grande instance de Ad, saisi par la Clinique LES GENETS et le docteur Z, rendait l’ordonnance n° 55-3 qui rejetait aussi bien leur demande de restitution de matériel que l’exception de nullité des actes d’inscription en faux à titre incident par eux soulevée contre plusieurs pièces ; que sur recours des requérants, le Premier Président de la Cour d’appel de Ad rendait l’ordonnance objet du présent pourvoi ; Sur la première branche du sixième moyen de cassation Attendu qu’il est fait grief à l’ordonnance attaquée d’avoir retenu que la demande de restitution du matériel professionnel de la Clinique LES GENETS et du docteur Z est irrecevable, aux motifs qu’en vertu des dispositions de l’article 144 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, aucune action de restitution de matériel ne peut être intentée après la vente des biens saisis, alors, selon le moyen, que ledit article « tendrait à s’appliquer si et seulement si nous étions dans le cadre d’une procédure de saisie-vente ; que la SGBF n’a pas procédé à la saisie-vente mais plutôt à la vente elle-même » ; qu’ainsi, en déclarant irrecevable la demande des requérants sur ce fondement, le juge d’appel a violé l’article 144 de l’Acte uniforme précité et exposé sa décision à la cassation ;
Attendu qu’aux termes de l’article 144 susvisé, « la nullité de la saisie pour un vice de forme ou de fond autre que l’insaisissabilité des biens compris dans la saisie, peut être demandée par le débiteur jusqu’à la vente des biens saisis. Le créancier saisissant met en cause les créanciers opposants. Si la saisie est déclarée nulle avant la vente, le débiteur peut demander la restitution du bien saisi s’il se trouve détenu par un tiers, sans préjudice des actions en responsabilité exercées dans les termes du droit commun. Si la saisie est déclarée nulle après la vente, mais avant la distribution du prix, le débiteur peut demander la restitution du produit de la vente » ;
Attendu qu’il est établi, en l’espèce, que pour le recouvrement de sa créance, la SGBF n’a accompli aucun acte de saisie-vente mais s’est évertuée à procéder à la vente forcée des biens de la Clinique LES GENETS et du docteur Z, motif pris de la réalisation du nantissement du fonds de commerce de la Clinique étendu aux matériels ; que l’article 14 sus transcrit ne vaut cependant application que dans le cadre d’une opération régulière de saisie-vente ; qu’il s’en infère qu’en déclarant irrecevable la demande de restitution du matériel professionnel formulée par la Clinique LES GENETS et le docteur Z sur la foi de l’article 144 de l’Acte uniforme portant sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, lequel n’est applicable qu’aux opérations de la saisie-vente, le juge d’appel a violé cet article par mauvaise application ; qu’il y a lieu de casser l’ordonnance attaquée et d’évoquer sur le fond, sans qu’il soit utile d’examiner les moyens restants ;
Sur l’évocation Attendu que par acte d’huissier daté du 11 mars 2020, la Clinique LES GENETS et le docteur Z ont interjeté appel de l’ordonnance n°55-3/2020, rendue le 26 février 2020 par le Juge de l’exécution du Tribunal de grande instance de Ad, dont le dispositif suit :
« Statuant en la forme des référés, en matière de difficultés d’exécution, contradictoirement à l’égard des parties et en premier ressort ;
En la forme :
Nous déclarons compétent ;
Rejetons l’exception de nullité des actes d’inscription en faux incident contre le procès-verbal d’inventaire de fonds de commerce en date du 19 juillet 2019, la convention de nantissement étendue aux matériels en date du 14 juillet 2006, le formulaire de demande d’inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier en date du 21 août 2014, la signification de vente aux enchères publiques en date du 16 septembre 2019 et le procès-verbal de vente de fonds de commerce en date du 03 octobre 2019 ;
Rejetons les fins de non-recevoir tirées du défaut de droit d’agir de la Clinique LES GENETS et du docteur Z ;
Recevons les inscriptions en faux demandées à titre incident par la Clinique LES GENETS et le docteur Z ;
Déclarons recevable l’intervention volontaire de la Clinique Ag Al ;
Au fond Rejetons l’inscription en faux à titre incident contre les actes ci-dessus ;
Disons qu’au jour de la vente du fonds de commerce étendue au matériel professionnel, la convention du nantissement produisait ses effets, conformément aux dispositions de l’Acte uniforme du 17 avril 1997 portant organisation des suretés ;
Rejetons en conséquence la demande de restitution formulée par la Clinique LES GENETS et le docteur Z ;
Ai la Clinique LES GENETS et le docteur Z de leur demande en annulation du commandement de payer en date du 02 oût 2019 ;
Les déboutons également de leur demande de cantonnement à 105 392 678 F CFA de la créance de la SGBF ainsi que du surplus de leurs demandes ;
Déboutons la SGBF et la Clinique Ag Al de leur demande en paiement de dommages intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;
En revanche, condamnons la Clinique LES GENETS et le docteur Z à payer à la SGBF la somme de 600 000 F CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Les condamnons également à payer à la Clinique Ag Al la somme de 200 000 F CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens… » ;
Attendu qu’au soutien de leur appel, la Clinique LES GENETS et le docteur Z concluent à l’infirmation de l’ordonnance querellée en ce qu’elle a, d’une part, violé les articles 163 et 164 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général et, d’autre part, rejeté leur demande tendant à obtenir l’inscription en faux incident contre le procès-verbal d’inventaire de fonds de commerce en date du 19 juillet 2019, la convention de nantissement étendue aux matériels en date du 14 juillet 2006, le formulaire de demande d’inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM) en date du 21 août 2014, la signification de vente aux enchères publiques en date du 16 septembre 2019, le procès-verbal de vente du fonds de commerce en date du 03 octobre 2019 et le procès-verbal de vente de matériels professionnels en date du 03 octobre 2019; qu’ils réclament aussi bien la restitution de leurs matériels que la réparation des préjudices qu’ils ont subis ;
Attendu que la SGBF forme, quant à elle, appel incident pour demander l’infirmation partielle de l’ordonnance ; qu’elle fait valoir que le juge de l’exécution est incompétent pour annuler la convention de nantissement et que seul le tribunal de commerce peut annuler ce contrat ; qu’elle poursuit en demandant l’irrecevabilité des demandes de restitution et d’annulation de la vente aux enchères publiques ; que la Cour, sur l’appel principal, confirmera donc l’ordonnance attaquée en tout ce qu’elle a rejeté comme mal fondé, avant de condamner la Clinique LES GENETS et le docteur Z au paiement de la somme de 500 000 000 F CFA à titre de dommages - intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;
Sur la compétence du juge de l’exécution Attendu que la SGBF fait grief au premier juge d’avoir rejeté l’exception d’incompétence qu’elle a soulevée ; Attendu qu’aux termes de l’article 49 de l’Acte uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, « la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou le magistrat délégué par lui » ;
Attendu que, pour rejeter l’exception de compétence soulevée par la SGBF, le premier juge a retenu « qu’il est constant que la procédure de la vente forcée du matériel en cause a été entreprise par la SGBF sur le fondement d’une convention de nantissement ; la vente étant une mesure d’exécution forcée dans les circonstances de l’espèce, l’action en restitution introduite par les demandeurs s’analyse en une contestation de la procédure de réalisation du nantissement ; qu’il résulte de l’article 61 de la loi n°15-2019/AN du 02 mai 2019 portant organisation judiciaire au Aa Ak que le juge de l’exécution du tribunal de grande instance a compétence exclusive pour connaitre, en premier ressort, notamment des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’Ordre judiciaire ; que fondement pris de cette disposition, toute contestation née à …’occasion de la réalisation d’un nantissement, comme c’est le cas en l’espèce, peut être portée devant le juge de l’exécution » ;
Attendu qu’en se déterminant de la sorte, le premier juge a bien spécifié qu’il retenait sa compétence, non pour annuler le contrat de nantissement en cause, mais bien pour se prononcer sur les contestations liées à sa réalisation ; qu’il y a donc lieu pour la Cour de céans de confirmer son ordonnance sur ce point ;
Sur la recevabilité des pièces complémentaires Attendu que la SGBF conclut à l’irrecevabilité de pièces produites par ses contradicteurs, à savoir un procès-verbal de saisie conservatoire de biens meubles corporels du 27 mars 2017, un procès -verbal de saisie conservatoire complémentaire de biens meubles corporels du 06 juin 2017, des procès-verbaux d’enquête préliminaire et un rapport de visite et de constat diligentés par la Gendarmerie Nationale et un procès-verbal d’huissier de constat et d’inventaire dressé en avril 2021 à la requête du docteur Z; qu’elle argue qu’elles sont nouvelles, mélangées de faits et de droit et, surtout, postérieures à l’ordonnance appelée ;
Mais attendu, à l’évidence, que cette sollicitation ne tient pas compte du caractère hybride de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA, juridiction de fond après cassation ; qu’une pièce nouvelle ne peut être, certes, présentée pour la première fois en cassation, mais elle peut l’être à tout moment en première instance ou en appel ; que par ailleurs, à ce stade de l’évocation sur le fond par la Cour de céans, les pièces en cause, complémentaires en réalité, ne sont pas produites par les appelants en suite de faits nouveaux, mais bien en lien avec les mêmes faits qui ont été à l’origine du litige opposant les parties ; qu’il ne saurait être fait grief à une partie de compléter ou d’affiner son argumentaire par des pièces complémentaires, lesquelles, en dépit de leur postériorité à l’ordonnance appelée, s’inscrivent manifestement dans la continuité d’un litige qui demeure pendant par-devant diverses juridictions ; que, de tout ce qui précède, l’exception de la SGBF mérite rejet ;
Sur les inscriptions en faux incident Attendu que les recourants se sont inscrits en faux contre la convention de nantissement, et font grief au premier juge de l’exécution d’avoir rejeté leur demande ;
Attendu que pour les débouter, le premier juge a retenu, à bon droit, « que la convention de nantissement arguée de faux a été signée par la SGBF et la Clinique LES GENETS ; que cette dernière ne désavoue ni les clauses contractuelles ni sa signature qui y est apposée et n’apporte par ailleurs la preuve d’aucune falsification ou d’altération de l’acte ; que celui-ci fait foi entre les parties contractantes ; que la non-inscription ou l’absence de renouvellement de l’inscription de cette sûreté au RCCM ne peut conférer à l’acte le caractère de faux ; que l’inscription en faux contre la convention de nantissement ne peut donc prospérer … » ; qu’il y a lieu, pour la Cour, de confirmer cette motivation ;
Attendu que les appelants font également grief au premier juge d’avoir rejeté leur demande tendant à obtenir l’annulation du formulaire d’inscription au RCCM, lequel est pourtant un faux manifeste ; qu’alors que l’article 8 de la convention de nantissement stipule que la durée de l’inscription est de cinq ans et devait intervenir au plus tard le 27 juin 2011, la SGBF a inscrit la convention au RCCM le 21 août 2014 et pour une durée de 10 ans, tout en précisant, en violation de la volonté des parties, qu’il s’agit d’une inscription définitive ; que pour rejeter cette demande, le premier juge a retenu, en substance et sur le fondement de l’article 68, ancien, de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, « que si la mention du délai de dix (10) ans a caractérisé la mauvaise foi de la banque en l’espèce, sans qu’il ne soit nécessaire d’ordonner la rectification des mentions erronées au regard des circonstances de l’affaire, il y a lieu de considérer que l’inscription du nantissement, prise le 21 août 2014, ne valait que pour une période de cinq (5) ans, sauf renouvellement avant l’expiration de ce délai » ;
Mais attendu que le premier juge ne peut, sans se contredire, relever la « mauvaise foi de la banque » et dire mal fondée l’inscription en faux en cause ; qu’il est de principe consacré que commet un faux intellectuel, l’auteur qui aura constaté ou fait constater faussement un fait ayant une portée juridique dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d’autrui ou encore, pour se procurer un avantage illicite ; qu’en l’espèce, il est manifeste que le but recherché par la SGBF, en modifiant frauduleusement la durée telle qu’elle était convenue entre les parties, était de se ménager une pièce fondamentale qui lui permettrait d’organiser une vente forcée au détriment de la Clinique LES GENETS et du docteur Z ; que le faux étant donc avéré sur le formulaire d’inscription du 21 août 2014, lequel mentionne d’apparente mauvaise foi la durée de dix (10) ans au lieu de cinq (5) ans en application du texte légal,  il y a lieu d’infirmer l’ordonnance attaquée sur ce point ; Attendu que les recourants reprochent encore au premier juge d’avoir rejeté leur inscription en faux contre le procès-verbal d’inventaire du 19 juillet 2019 qui contient, selon eux, des énonciations mensongères ; que pour rejeter cette demande, le juge s’est fondé sur les dispositions des articles 15 et 16 de la loi n°054-2017 du 05 décembre 2017 portant réglementation de la profession d’huissier, retenant que les constatations effectuées par un huissier « font foi jusqu’à preuve du contraire et ne peuvent faire l’objet d’une procédure d’inscription de faux » ;
Mais attendu que cette interprétation de la loi précitée est erronée, l’article 172 de celle-ci n’excluant aucun acte authentique d’une procédure en contestation de faux ; qu’ainsi, et de première part, il convient de relever que l’examen de la pièce arguée de faux révèle une incohérence textuelle, en ce que le procès-verbal d’inventaire de fonds de commerce est daté du 19 juillet 2019, alors que le commandement de payer la créance reliquataire de 349.125.139 F CFA, qui devrait logiquement précéder l’inventaire, est daté, quant à lui, du 02 août 2019 ; qu’à l’instar de l’intimée, la simple erreur matérielle aurait pu être évoquée si, de seconde part, d’autres faits tout autant ambigus n’étaient constatés ; que c’est le cas des matériels de la Clinique LES GENETS, non inventoriés et ne figurant pas sur la liste des biens vendus, qui ont été retrouvés par les services de Gendarmerie dans une villa privée, dans la Clinique Ag Al ou dans la Clinique dénommée «  Clinique Médicale du Bois » dont le directeur général d’alors, le docteur Ac Y Ab, prétend que « ledit matériel s’y trouvait pour raison de maintenance ou réparation »; qu’il s’en déduit que la pièce incriminée est bien fausse, intellectuellement, pour n’avoir été établie que pour les besoins de la vente forcée ; que par conséquent, l’ordonnance querellée est également infirmée sur ce point ;
Attendu qu’une nouvelle fois, s’agissant de l’inscription en faux de l’acte de signification de vente aux enchères publiques du 16 septembre 2019 et du procès-verbal de vente de fonds de commerce en date du 03 octobre 2019, le premier juge a retenu que ces actes ont été dressés par un huissier de justice, officier public, et font foi jusqu’à preuve du contraire, avant de rejeter cette demande ;
Mais attendu que, pour les mêmes motifs que ceux développés pour la pièce précédente, la Cour dit cette interprétation erronée et infirme conséquemment l’ordonnance appelée sur ce point ; qu’ensuite, la lecture de l’acte de signification dont il s’agit fait ressortir, encore une fois, la mauvaise foi de la SGBF qui vise, en gros caractères, « l’article 123 de l’ACTE UNIFORME », sans qu’il soit possible de déterminer, à première vue, de quel Acte uniforme il est question ; qu’il est exact que l’article 123 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution prévoit des opérations de vente forcée, mais dans le cadre exclusif de la saisie-vente, laquelle, en l’espèce, n’a jamais été effectuée ; que ces constatations, apparemment anodines, contribuent à mettre en exergue la mauvaise foi de la SGBF, qui fait établir un acte de signification visant une convention de nantissement dont elle sait pertinemment que le renouvellement de l’inscription n’a pas été fait dans le délai requis ; que cet acte est donc aussi entaché de faux que le procès-verbal de vente du 03 octobre 2019 qui s’y réfère et, surtout, mentionne en sa deuxième page la continuation des « poursuites de la saisie-vente (…) pratiquée par exploit de Maître Alexis ILBOUDO, huissier de justice », alors même que pareille saisie n’a jamais eu lieu ;
Sur le commandement de payer du 02 août 2019 et le cantonnement de la créance de SGBF Attendu que les appelant font grief à la décision attaquée d’avoir jugé leur demande mal fondée, alors qu’en violation des articles 324 et 254 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, les intérêts n’ont pas été réclamés lors de la réalisation de l’hypothèque ; que dès lors, la SGBF n’est admise à réclamer que les intérêts découlant de la créance reliquataire de 105.392.678 F FCA, soit 10.174.003 F CFA ; qu’ainsi, le commandement doit être annulé en vertu des articles 141, 142 et 143 du Code de procédure civile du Aa Ak ;
Mais attendu que le premier juge a retenu que « s’il est constant que le reliquat de la créance de la banque a été établi à la somme de 105.392.678 F CFA à la suite de la saisie-immobilière, il convient de relever que, conformément à l’article V de la convention de compte courant avec affectation hypothécaire, le solde du compte clôturé le 11 février 2016 a produit des intérêts au taux légal (…) ; il reste que les intérêts échus sur la créance principale, allant de la clôture du compte jusqu’au jugement d’adjudication n’ont pas été payés par la Clinique LES GENETS, et c’est à bon droit que la SGBF en réclame le paiement… » ; qu’en statuant de la sorte, le premier juge a justement motivé le rejet de la demande d’annulation du commandement de payer du 02 août 2019 et de cantonnement de la créance de SGBF ; que son ordonnance mérite confirmation sur ce point ;
Sur l’annulation de la vente du 03 octobre 2019 Attendu que la SGBF sollicite la confirmation de l’ordonnance n°55-3 du 26 février 2020, en ce qu’elle a rejeté la demande d’annulation de la vente aux enchères publiques des biens de la Clinique LES GENETS et du docteur Z ; qu’elle prétend, à l’appui de la motivation du premier juge, que « c’est sur le fondement de son droit de réalisation (…), conféré par les articles 89 et 56-1 de l’Acte uniforme portant organisation des suretés du 17 avril 1997 », qu’elle a fait procéder à la vente du fonds de commerce ; qu’aucun texte de l’Acte uniforme portant sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ne consacre une telle voie de recours ;
Mais attendu que rien n’est plus faux ; que, de prime abord, aucun renouvellement de l’inscription n’a été fait dans le délai requis ; que l’article 83 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés du 17 avril 1997 dispose que « l’inscription conserve les droits du créancier pendant cinq années à compter de sa date ; son effet cesse si elle n’a pas été renouvelée avant l’expiration de ce délai » ; qu’en l’espèce, l’alinéa 3 de l’article 8 de la convention de nantissement de fonds de commerce prévoit que « si le compte courant n’est pas clôturé trois (3) mois avant la date d’expiration de la durée légale de validité de l’inscription qui est de cinq (5) ans, soit le 27 juin 2011, la banque procédera à son renouvellement » ; qu’il s’infère de la combinaison de ces deux dispositions que l’inscription du nantissement de 2006 à la date du 21 août 2014 au greffe du tribunal compétent obligeait la SGBF à le renouveler avant le terme du 21 août 2019 pour que son effet soit conservé ; que les pièces du dossier renseignent clairement que c’est à la date du 30 août 2019 que la SGBF a visé pour la première fois et notifié le nantissement en cause ; qu’ainsi, son utilisation envers et contre le docteur Z, tiers et non signataire du contrat à titre personnel, est nulle et de nul effet ; que de ce fait, aucun renouvellement de l’inscription du nantissement de 2006 n’ayant été opéré avant la date d’échéance du 21 août 2019, toute réalisation de ladite convention pour des opérations de vente de fonds de commerce est nulle et de nul effet ; Qu’ensuite, il est constant que pour la réalisation du nantissement, l’article 89 de l’Acte uniforme portant organisation des suretés du 17 avril 1997 renvoie à l’article 56-1 du même Acte uniforme qui dispose que le créancier nanti procède à la vente « dans les conditions prévues par les dispositions organisant les voies d’exécution » ; or que la SGBF a réalisé la vente forcée par voie d’huissier, en dehors de toute juridiction compétente et en invoquant une saisie-vente qui n’a jamais été effectuée ; Que, de tout ce qui précède, il y a lieu d’annuler la vente aux enchères publiques du 03 octobre 2019 ; Sur la demande de restitution Attendu que la SGBF demande la confirmation de l’ordonnance querellée en ce qu’elle a rejeté la demande de restitution du matériel ; qu’elle soutient, une nouvelle fois, que toute restitution est impossible dès lors que c’est sur le fondement de son droit de réalisation du nantissement, qu’elle a fait procéder à la vente du fonds de commerce ;
Mais attendu qu’il vient d’être démontré supra qu’aucun renouvellement de l’inscription n’a été fait dans le délai requis ; que par ailleurs, la vente du 03 octobre 2019 a été annulée ; qu’en conséquence, rien ne s’oppose à la restitution à leurs légitimes propriétaires du matériel  qui figure sur le procès-verbal d’inventaire du 19 juillet 2019 et le procès-verbal de vente du 03 octobre 2019 ; qu’est également concerné par cette restitution, le matériel que la SGBF a illégitimement retenu, parce que non inventorié comme il ressort des constatations de la gendarmerie ; qu’à défaut de restitution, la SGBF sera condamnée au paiement de sommes d’argent transcrites dans le dispositif ;
Sur la réparation des préjudices subis par la Clinique LES GENETS et le docteur Z Attendu que la Clinique LES GENETS sollicite de la Cour la condamnation de la SGBF au paiement de la somme totale de 11.733. 694. 856 FCFA, représentant aussi bien « l’aggravation continue du préjudice au jour de la censure par la Haute cour » que les « dommages – intérêts » sur le fondement de l’article 61 de la loi n° 15-2019/AN portant organisation judiciaire du Aa Ak, ou « le solde » autour duquel s’ordonnera une compensation, ou encore « la confiscation et la vente illégale et frauduleuse du matériel professionnel sans droit ni titre » et, enfin, « les frais exposés et non compris dans les dépens » ;
Attendu que la vente forcée du 03 octobre 2019 a été assortie d’irrégularités et de fraudes diverses à la procédure qui ont causé d’énormes préjudices à la Clinique LES GENETS et au docteur Z ; que le fonds de commerce étendu au matériel de la Clinique est évalué à 6.000.000.000 FCFA ; que du jour de la vente jusqu’à la date du prononcé du présent Arrêt, la Clinique Ag Al, tiers acquéreur, en a interdit l’exploitation à la Clinique LES GENETS, ce qui a fait perdre à celle-ci la totalité de sa clientèle ; qu’à cet état de fait, s’ajoute le matériel non inventorié n’ayant pas fait l’objet de la vente décriée et retrouvé auprès de tiers ; que ces différentes situations appellent à une indemnisation de plein droit ; qu’ainsi, la demande des requérants, recevable en la forme en raison du préjudice général par eux subi pendant plus de trois ans, est néanmoins exagérée en son montant ; qu’au regard des circonstances de la cause et des pièces du dossier, la Cour le ramène souverainement au quantum de 7.500.000.000 FCFA, toutes causes de préjudices confondues, et les déboute de leur surplus en demande ;
Sur les dommages et intérêts réclamés par la SGBF et la Clinique Ag Al pour procédure abusive Attendu que cette demande de la SGBF et de la Clinique Ag Al est mal fondée, la procédure intentée par la Clinique LES GENETS et le docteur Z ayant abouti à la condamnation de la première ; qu’il échet de la rejeter ;
Sur les dépens Attendu que les parties défenderesses ayant succombé, les dépens sont mis à leur charge ; PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré, Casse l’ordonnance n° 146/2020, rendue le 03 septembre 2020 par le Premier Président de la Cour d’appel de Ad ; Evoquant et statuant sur le fond : Déclare le juge de l’exécution compétent ;
Infirme partiellement l’ordonnance n°55-3/2020 rendue le 26 février 2020 par le Juge de l’exécution du Tribunal de grande instance de Ad ; Statuant à nouveau : Dit et arrête que sont nuls et de nul effet, parce qu’entachés de faux, le procès-verbal d’inventaire de fonds de commerce du 19 juillet 2019, le formulaire d’inscription du 21 août 2014, l’acte de signification de vente aux enchères publiques du 16 septembre 2019 et le procès-verbal de vente de fonds de commerce en date du 03 octobre 2019 ; Annule la vente du 03 octobre 2019 ; Ordonne la restitution par la Société Générale Aa Ak, dite SGBF sous astreinte définitive d’un million de FCFA par jour de retard, à compter de la signification du présent Arrêt, du matériel inventorié dans le procès-verbal d’inventaire de fonds de commerce du 19 juillet 2019 entaché de faux ; Ordonne également la restitution par la SGBF, sous astreinte définitive d’un million de FCFA par jour de retard, à compter de la signification du présent Arrêt, du matériel professionnel et des équipements retenus illégitimement par la banque et détenus par des tiers de son fait ; Dit qu’à défaut de restitution, la SGBF paiera la somme de 100. 000. 000 FCFA, sous les mêmes astreintes ; Condamne la SGBF à payer à la Clinique LES GENETS et au docteur Z la somme de sept milliards cinq cent millions (7 500.000.000) de FCFA toutes causes de préjudices confondues ; Déboute les recourants du surplus de leurs demandes ; Dit et arrête que les intérêts échus sur la créance principale, qui vont de la clôture du compte jusqu’au jugement d’adjudication, n’ont pas été payés par la Clinique LES GENETS et que c’est à bon droit que la SGBF en réclame le paiement ; Déboute en conséquence les recourants de leur demande de cantonnement de la créance de la SGBF ; Ordonne la compensation ; Rejette la demande de paiement en dommages-intérêts formulée par la SGBF et la Clinique Ag Al ; Déboute toutes les parties de leurs demandes infondées ; Condamne les parties défenderesses aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé : Le Président Le Greffier


Synthèse
Numéro d'arrêt : 061/2023
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 21/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ohada;cour.commune.justice.arbitrage.(ohada);arret;2023-03-30;061.2023 ?
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