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09/06/2022 | OHADA | N°101/2022

OHADA | OHADA, Cour commune de justice et d'arbitrage, 09 juin 2022, 101/2022


Texte (pseudonymisé)
ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
(CCJA)
Deuxième chambre
Audience publique du 09 juin 2022
Pourvoi : n° 211/2021/PC du 08/06/2021
Affaire : Banque Agricole et Commerciale
(Conseil : Me Athanase MBAIGANGNON, Avocat à la Cour)
Contre
Restaurant A X
(Conseils : SCP Kreich, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 101/2022 du 09 juin 2022
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

(OHADA), Deuxième Chambre, présidée par Monsieur Armand Claude DEMBA, assisté de Maître Koessy Alfred B...

ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
(CCJA)
Deuxième chambre
Audience publique du 09 juin 2022
Pourvoi : n° 211/2021/PC du 08/06/2021
Affaire : Banque Agricole et Commerciale
(Conseil : Me Athanase MBAIGANGNON, Avocat à la Cour)
Contre
Restaurant A X
(Conseils : SCP Kreich, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 101/2022 du 09 juin 2022
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième Chambre, présidée par Monsieur Armand Claude DEMBA, assisté de Maître Koessy Alfred BADO, Greffier, a rendu en son audience publique du 09 juin 2022, l’Arrêt dont la teneur suit, après délibération du collège de Juges composé de :
Messieurs Armand Claude DEMBA, Président
Birika jean Claude BONZI, Juge
César Apollinaire ONDO MVE, Juge
Arsène Jean Bruno MINIME, Juge, rapporteur
Sabiou MAMANE NAISSA, Juge
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 08 juin 2021 sous le n°211/2021/PC et formé par Maître Athanase MBAIGANGNON, Avocat à la Cour, BP 1289 N’Aa, Tchad, agissant au nom et pour le compte de la Banque Agricole et Commerciale, en abrégé BAC, société anonyme qui a son siège social à l’Avenue Charles de Gaulle, BP 1727 N’Aa, Tchad, représentée par ses dirigeants sociaux, dans la cause l’opposant au Restaurant A X, dont le siège est à N'Djaména, représenté par son exploitante, dame X B C, domiciliée à N’Aa, ayant pour conseils la SCP Kreich, Avocats à la Cour, avenue Charles de Gaulle, immeuble CNPS, BP 232 N’Aa, Tchad,
en cassation du jugement n°213 du 08 juillet 2019 rendu par le Tribunal de commerce de N’Aa, dont le dispositif est le suivant :
« Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant publiquement et contradictoirement à l’égard des parties, en matière commerciale et en dernier ressort, déclare :
En la forme, l’action de la requérante recevable ;
Au fond, l’y dit partiellement fondée ;
Condamne la Banque Agricole et Commerciale du Tchad à payer au Restaurant A X, représentée par Mme X B C, au principal la somme de 700.000 FCFA représentant ses impenses ;
Ordonne une provision à hauteur de 500.000 FCFA nonobstant toutes les voies de
recours ;
Condamne la Banque Agricole et Commerciale à payer la somme de 3.000.000 FCFA au Restaurant A X représentée par Mme X B C, dont 300.000 à titre d’indemnité d’éviction et 2.700.000 FCFA à titre de dommages et intérêts ;
Condamne enfin la Banque Agricole et Commerciale aux dépens. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les quatre moyens de cassation tels qu’ils figurent à sa requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Arsène Jean Bruno MINIME, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’'OHADA ;
Attendu qu’il ressort de la procédure que, le 18 avril 2018, madame X B C sollicitait de la BAC la location d’une boutique appartenant à ladite banque ; que suite à cette demande, des clés d’une pièce située au rez-de-chaussée lui étaient remises par la banque, « pour visites des lieux » ;
que suite à cet échange, madame X B C se prévalait, d’une part, de l’existence d’un bail à usage professionnel entre la banque et elle depuis juin 2018 pour l’exploitation de son Restaurant A X et, d’autre part, d’avoir réalisé des travaux de réfection déductibles des loyers, évalués à 700.000 F CFA ; que la banque ayant décidé de la rupture dudit bail pour la démolition du bâtiment, madame X B C lui adressait une lettre de contestation en date du 10 septembre 2018 et l’assignait devant le Tribunal de commerce de N’Aa qui rendait le jugement objet du présent pourvoi ;
Sur la recevabilité du mémoire en réponse, relevée d’office
Vu les articles 30-1 et 25 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ;
Attendu qu’aux termes de ces textes, le mémoire en réponse est déposé dans un délai de trois mois à compter de la signification du recours, augmenté du délai de distance ;
Attendu qu’en l’espèce, il résulte de l’accusé de réception versé au dossier que la signification du recours a été reçue par le défendeur le 09 novembre 2021 ; qu’en tenant compte du délai de distance de 21 jours, en Afrique centrale, prévu par la décision n°002/99/CCJA du 04 février 1999 augmentant les délais de procédure en raison de la distance, le défendeur avait jusqu’au 03 mars 2022 pour déposer son mémoire ; qu’ainsi, le mémoire en réponse enregistré au greffe le 22 mars 2022 est déposé hors délai légal et doit être déclaré irrecevable d’office ;
Sur la recevabilité du mémoire en réplique, relevée d’office
Attendu que le 11 mai 2022, le greffe de la Cour a enregistré un mémoire en réplique déposé par la BAC, sans y être autorisée expressément par le Président de la Cour de céans ; qu’il y a lieu de le déclarer irrecevable d’office ;
Sur les premier et deuxième moyens réunis, tirés de la violation des articles 109 et 125 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général
Attendu qu’il est fait grief au jugement attaqué d’avoir violé, par mauvaise application, les dispositions des articles 109 et 125 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, en abrégé l’AUDCG, en ce qu’il a retenu, d’une part,
que la remise des clés afin de visiter les boutiques s’apparente à une promesse de bail et doit être considérée comme telle et, d’autre part, que la banque n’a pas respecté les exigence énumérées par l’article 125 de l’AUDCG visant à notifier sa volonté de démolition des locaux loués, alors, selon les moyens, que la remise des clés n’est pas constitutive de contrat de bail qui n’a jamais existé entre les parties au regard de l’article 103 de l’AUDCG et de l’article 1101 du Code civil, faute d’accord de volonté des parties sur l’objet, les loyers et les obligations quant à l’entretien de l’immeuble ;
Attendu, en effet, qu’en considérant la remise des clés comme la preuve d’un bail à usage professionnel et le défaut de notification de congé de six mois par le bailleur au preneur, dans le cadre d’un bail à durée indéterminée, pour allouer une indemnité d’éviction, alors même, qu’une simple remise de clés au preneur pour la visite des lieux n’établit pas un contrat de bail et que, selon l’article 123 de l’AUDCG, le délai de congé de six mois n’est acquis qu’au preneur qui justifie de l’exploitation conforme aux stipulations du bail pendant une durée de deux ans au moins, le tribunal a violé les textes visés aux moyens ; qu’il échet de casser le jugement attaqué et d’évoquer, sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens ;
Sur l’évocation
Attendu que, par requête enregistrée au greffe du Tribunal de commerce de N’Aa en date du 10 octobre 2018, le Restaurant A X assignait en paiement la Banque Agricole et Commerciale par-devant le Tribunal de commerce de N’Aa ;
Qu'’il soutient qu’il a conclu un contrat de bail commercial avec la BAC du Tchad ; que ledit contrat mettait à la charge du preneur les travaux de réfection de la boutique n°5 mise à disposition par le bailleur ; que le coût desdits travaux était évalué à 700.000 F CFA ; qu’alors qu’il avait prévu de démarrer ses activités en juillet 2018 au plus tard, le bailleur l’informait de la démolition de la boutique par une agence immobilière ; qu’il estime que cette décision unilatérale du bailleur, sans préavis, pour laquelle il a adressé une demande de clarification sans suite, constitue une attitude préjudiciable à ses droits et viole par conséquent les dispositions des articles 109 et 125 de l’AUDCG ; qu’il demande la condamnation du bailleur au paiement de 18.000.000 FCFA de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 1382 du Code civil et réclame en outre sa condamnation au paiement de 700.000 FCFA à titre des impenses, ainsi que l’exécution provisoire à hauteur de 500.000 FCFA de la décision à intervenir ;
Attendu qu’en réplique, la BAC fait valoir que le contrat de bail à usage professionnel n’a point existé au regard de l’article 103 de l’AUDCG et de l’article 1101 du Code civil pour défaut d’accord de volonté des deux parties sur l’objet, les loyers et les obligations quant à l’entretien de l’immeuble ; que les parties sont restées au stade des pourparlers et la banque n’a pas voulu donner suite au projet du Restaurant A X ; que la remise des clés à la gérante du Restaurant avait été faite sur son insistance pour une simple visite des lieux ; que celle-ci a gardé les clés pour y entreprendre des travaux de rénovation, sans attendre l’issue des pourparlers ; qu’elle conclut au débouté et demande reconventionnellement la condamnation du Restaurant A X au paiement de 10.000.000 F CFA de dommages-intérêts, pour action vexatoire et malicieuse ;
Sur la demande principale
Attendu que le Restaurant A X se prévaut d’un contrat de bail à usage professionnel conclu avec la BAC pour solliciter sa condamnation au paiement des dépenses de réfection de la boutique évaluées à 700.000 F, d’une indemnité d’éviction, de dommages-intérêts de 18.000.000 F CFA et l’exécution provisoire, à hauteur de 500.000 FCFA, de la décision à intervenir ;
Mais attendu que le contrat de bail à usage professionnel conclu avec la BAC dont se prévaut le Restaurant A X n’a point existé entre les parties ; que la seule invocation d’une demande adressée à la direction générale de la BAC par l’exploitante du restaurant et contenant les annotations « DFC pour recenser les boutiques libres et informer la DG » suivie d’une remise de clés pour la visite des lieux ne saurait établir la preuve d’un bail professionnel au regard des articles 103 de l’AUDCG et 1101 du Code civil ; qu’il s’ensuit que la demande du Restaurant A X, bien que régulière en la forme, n’est pas fondée ; qu’il sera donc débouté de l’ensemble de sa demande ;
Sur la demande reconventionnelle
Attendu que la BAC réclame, à titre reconventionnel, la condamnation solidaire du Restaurant A X et de sa gérante au paiement de 10.000.000 F CFA de dommages-intérêts, pour action vexatoire et malicieuse ;
Attendu qu’au regard des circonstances de la cause, le Restaurant A X ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude ; que son action contre la BAC revêt effectivement un caractère vexatoire et malicieux ; que cependant la demande, justifiée en la forme, est exagérée quant à son quantum ; que la Cour fixe à la somme de 1.000.000 F CFA le montant de la juste réparation ;
Sur les dépens
Attendu que, succombant, le Restaurant A X sera condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Déclare irrecevable le mémoire en réponse du Restaurant A X ;
Déclare irrecevable le mémoire en réplique de la Banque Agricole et commerciale ;
Casse et annule le Jugement commercial n°213/2019 rendu le 08 juillet 2019 par le Tribunal de commerce de N’Aa ;
Evoquant et statuant à nouveau,
Reçoit en la forme l’action du Restaurant A X ;
Au fond, le déboute de l’ensemble de sa demande ;
Reçoit la Banque Agricole Commerciale en sa demande reconventionnelle ;
Condamne le Restaurant A X à lui payer la somme de 1.000.000 F CFA à titre de dommages-intérêts ;
Le condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier


Synthèse
Numéro d'arrêt : 101/2022
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ohada;cour.commune.justice.arbitrage;arret;2022-06-09;101.2022 ?
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