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23/12/2021 | OHADA | N°221/2021

OHADA | OHADA, Cour commune de justice et d'arbitrage, 23 décembre 2021, 221/2021


Texte (pseudonymisé)
ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Deuxième chambre
Audience publique du 23 décembre 2021
Pourvoi : n° 100/2021/PC du 24/03/2021
Affaire : ELAF Sénégal SARL
(Conseil : Maitre Cheikh Ahmed Tidiane NDAO, Avocat à la Cour)
Contre
SAUDI ARABIAN AIRLINES Corporation, dite A
(Conseils : Ah Ag Af & SCP F. SARR & Associés, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 221/2021 du 23 décembre 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbit

rage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre...

ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Deuxième chambre
Audience publique du 23 décembre 2021
Pourvoi : n° 100/2021/PC du 24/03/2021
Affaire : ELAF Sénégal SARL
(Conseil : Maitre Cheikh Ahmed Tidiane NDAO, Avocat à la Cour)
Contre
SAUDI ARABIAN AIRLINES Corporation, dite A
(Conseils : Ah Ag Af & SCP F. SARR & Associés, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 221/2021 du 23 décembre 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 23 décembre 2021 où étaient présents :
Messieurs : Robert SAFARI ZIHALIRWA, Président,
Armand Claude DEMBA, Juge, rapporteur,
Mounetaga DIOUF, Juge
et Maître Koessy Alfred BADO, Greffier ;
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 24 Mars 2021 sous le n°100/2021/PC et formé par Maitre Cheikh Ahmed Tidiane NDAO, Avocat à la Cour, cabinet sis au n° 4, Boulevard Aa X x Avenue Ac Y à Dakar, agissant au nom et pour le compte de ELAF Sénégal SARL, dans la cause qui l’oppose à la compagnie A ARABIAN AIRLINES Corporation, dite A, ayant pour conseils Ah Ag Af & SCP F. SARR & Associés, Avocats à la Cour, demeurant 33, Avenue Ad Ae B, Dakar -Sénégal,
en cassation de l’arrêt n°76, rendu le 17 décembre 2020 par la Cour d’appel de Dakar, dont le dispositif est le suivant :
« …Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier et dernier ressort ;
En la forme :
- Vu l’ordonnance de clôture ;
- Au fond :
- Rejette l’exception de communication de pièces soulevée ;
- Annule la sentence arbitrale rendue le 02 octobre 2019 par le Centre d’Arbitrage, de Médiation et de Conciliation de la Chambre de Commerce, d’Industrie et d’Agriculture de Dakar ;
- Met les dépens à la charge de ELAF Sénégal SARL … »
La requérante invoque à l’appui de son recours les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Armand Claude DEMBA, Juge ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’'OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces de la procédure que, suivant convention signée le 1” décembre 1996, A désignait FLAF Sénégal SARL en qualité d’agent général au Sénégal à l’effet de vendre les titres de voyage qu’elle émettrait et ce, moyennant une commission de 12 pour cent ; qu’en garantie d’une bonne exécution de ce mandat, ELAF Sénégal SARL lui donnait une caution d’un montant d’un million de Riyals saoudiens ; que, par la suite, ELAF Sénégal SARL, invoquant une rupture unilatérale du contrat par A, l’attrayait par- devant un tribunal arbitral du Centre d’Arbitrage, de Médiation et de Conciliation, dit CAMC, pour l’entendre condamner à lui payer diverses sommes d’argent à titre de dommages- intérêts, de remboursement de la garantie à première demande et autres frais ; que le 02 octobre 2019, le tribunal arbitral vidait sa saisine aux dépens de A qui attaquait sa sentence en annulation devant la Cour d’appel de Dakar ; que c’est l’arrêt n°77 de cette cour, rendu le 17 décembre 2020, qui fait l’objet du pourvoi en cassation introduit par ELAF Sénégal SARL ;
Sur le deuxième moyen de cassation
Attendu que la requérante fait grief à la cour d’appel d’avoir annulé la sentence arbitrale du 02 octobre 2019, aux motifs qu’à cette date le délai d’arbitrage avait expiré et qu’aucune autorisation de prorogation de ce délai n’avait été produite aux débats, alors, selon le moyen, que le Comité de gestion du CAMC « avait autorisé le rendu de la sentence arbitrale au plus tard le 10 octobre 2019 par lettre du 12 juillet 2019, reprise dans les qualités de la sentence » ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a exposé sa décision à la cassation ;
Attendu qu’aux termes de l’article 26 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, le recours en annulation n’est recevable que dans les cas suivants :
a) Si le tribunal arbitral a statué sans convention d’arbitrage ou sur une convention d’arbitrage ayant expiré ;
b) Si le tribunal a été irrégulièrement composé ou l’arbitre unique irrégulièrement désigné ;
c) Si le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui a été confiée ;
d) Si le principe du contradictoire n’a pas été respecté ;
e) Si la sentence arbitrale est contraire à l’ordre public international ;
f) Si la sentence arbitrale est dépourvue de toute motivation ;
Attendu qu’en l’espèce, pour annuler la sentence rendue par le tribunal arbitral le 02 octobre 2019, la cour d’appel a retenu, en substance, que « sauf prorogation, toute décision du tribunal arbitral prise au — delà du délai légal ou conventionnel qui lui est imparti, peut être frappée de nullité » ; qu’en se déterminant de la sorte, alors même qu’il ressort nettement des qualités et des visas de la sentence que le Comité de gestion du CAMC avait bien autorisé le tribunal à déposer sa décision au plus tard le 10 octobre 2019, la cour d’appel a fait une mauvaise application des dispositions de l’article visé au moyen et exposé son arrêt à la cassation ; qu’il échet de casser ledit arrêt de ce seul chef, avant d’évoquer sur le fond ;
Sur l’évocation
Attendu que par exploit daté du 24 juillet 2020, A a introduit un recours en annulation de la sentence arbitrale rendue le 02 octobre 2019 par un tribunal arbitral du CAMC dans le litige l’opposant à ELAF Sénégal SARL ; que le dispositif de cette sentence est libellé comme suit :
« Par ces motifs
Statuant en matière arbitrale, en premier et dernier ressort ;
En la forme
Reçoit la procédure ;
Au fond
Vu le Règlement d’arbitrage du Centre d’Arbitrage, de Médiation et de Conciliation de la Chambre de Commerce de Dakar ;
Vu le procès — verbal de la conférence préparatoire du 31 janvier 2019 ;
Vu le procès — verbal de réaménagement du calendrier du 14 mai 2019 ;
Vu la demande de prorogation du délai de dépôt de la sentence arbitrale du 10 juillet 2019 ;
Vu la décision du Comité de gestion du Centre d’Arbitrage, de Médiation et de Conciliation de la Chambre de Commerce de Dakar du 12 juillet 2019, prorogeant la date de dépôt de la sentence au 10 octobre 2019 ;
Vu les dispositions des articles 219 du (.….) COCC, 1-3, 129 bis, 81 et 86 du (…) CPC, 16 de l'AUDCG,200 et 201 de l’AUSGIE, 109 et 110 du Règlement n°15-2002 de l’UEMOA, XIII, XIII B, XIII paragraphe 4 et XV de la convention du 01 décembre 1996 ;
Alloue à ELAF Sénégal SARL les sommes suivantes :
- 276. 378.426 FCFA à titre de remboursement des avances faites au profit de A ;
-100. 000. 000 FCFA à titre de dommages — intérêts pour rupture abusive de la convention du 01 décembre 1996 ;
- 1.000 000 FCFA de Riyals saoudiens à titre de remboursement de la caution perçue indument par A ;
- 20 000 000 FCFA au titre des frais non compris dans les dépens ;
- Ordonne l’exécution provisoire de la présente sentence… ; »
Attendu qu’au soutien de son recours, A, se fondant sur les dispositions des articles 5, 12 et 26 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, expose des moyens ayant trait à l’absence de convention d’arbitrage entre les parties litigantes, à l’irrégularité de la composition du tribunal arbitral, à l’absence de motivation de la sentence querellée, à l’expiration du délai d’arbitrage et à la violation de l’ordre public international de l’Etat du Sénégal ;
Attendu que pour sa part, ELAF Sénégal SARL conclut au mal fondé de l’action de A et à son rejet pur et simple ;
Sur l’absence de la convention d’arbitrage
Attendu que A estime que l’article IV de la convention la liant à ELAF Sénégal SARL n’a pas prévu que l’arbitrage doit se faire sous l’égide du CAMC qui est institutionnel, ni que la désignation des trois arbitres doit être faite par ce centre ; que les parties avaient plutôt envisagé un arbitrage ad hoc ;
Mais attendu que la convention d’arbitrage contestée existe réellement, puisqu’elle se déduit de l’article IV du contrat d’agent général de vente qui stipule que :
« En cas de différend, désaccord ou conflit concernant l’interprétation, l’exécution ou l'application de ce contrat, il sera soumis à l'arbitrage. Si les parties s'accordent sur la nomination d’un arbitre unique, sa sentence sera finale, définitive et liera les deux parties.
Si les parties ne s’accordent pas sur la nomination d’un seul arbitre, le tribunal arbitral sera alors composé de trois arbitres. Chaque partie nommera un des trois arbitres et les arbitres ainsi désignés nommeront le troisième arbitre pour agir en tant que président. Le troisième arbitre sera nommé par la Chambre de Commerce locale si les deux arbitres ne parviennent pas à s’entendre sur une telle nomination au bout de 30 jours.
Si une partie a notifié à l’autre sa nomination d’un arbitre et que l’autre omet de nommer un arbitre dans les 15 jours suivant cette notification, la première partie pourra faire une demande au niveau de la Chambre de Commerce locale qui se chargera de nommer alors un arbitre au nom de la partie qui aura omis de le faire.
Lorsque le tribunal arbitral est constitué de plus d’un arbitre, la décision sera prise par un vote à la majorité et la sentence aura un caractère définitif et contraignant pour les parties .» ;
Que par ailleurs, la lecture de la sentence querellée, en ses pages 2 et 13, renseigne clairement que le 31 janvier 2019, il s’est tenu dans les locaux du CAMC une conférence préparatoire en présence de Maitre Cheikh Tidiane NDAO, Avocat constitué aux intérêts de ELAF Sénégal SARL, et de Maitre Mbaye SALL de la SCP Mame Ab C et associés, officiant quant à lui pour le compte de A; qu’à cette conférence, les parties « ont confirmé la compétence du tribunal Arbitral et convenu de soumettre leur litige au règlement d'arbitrage du CAMC, au droit sénégalais et au droit OHADA et défini le calendrier de la procédure » ; que contrairement aux prétentions de A, il s’en infère que le tribunal arbitral a statué sous l’égide du CAMC avec l’accord explicite des deux parties et en vertu d’une réelle convention d’arbitrage ; que par conséquent, ce premier moyen, infondé, mérite rejet ;
; Sur l’irrégularité de la composition du tribunal arbitral
Attendu que A prétend que, faute d’accord sur la désignation d’un arbitre unique, les parties devaient chacune en choisir un, le troisième devant être nommé, en cas de désaccord entre les deux premiers, par la Chambre de commerce locale et ce, conformément à l’article 6 du contrat ;
Mais attendu que selon l’article 14, alinéa 8, de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, la partie qui, en connaissance de cause, s’abstient d’invoquer sans délai une irrégularité et poursuit l’arbitrage est réputée avoir renoncé à s’en prévaloir; qu’en la présente cause, A, qui a participé aux deux conférences préparatoires de l’instance d’arbitrage tenues les 31 janvier et 14 mai 2019, n’a jamais soulevé ce qu’elle considère désormais comme une irrégularité ; qu’elle est donc réputée avoir renoncé à s’en prévaloir aux termes de l’article 14 précité ; que ce deuxième moyen est mal fondé et doit être rejeté ;
Sur le manque de motivation de la sentence
Attendu que A argue que le tribunal arbitral a ordonné l’exécution provisoire pour la totalité des sommes allouées sans préjudice du montant d’un million de Riyals saoudiens, en visant l’urgence liée à l’ancienneté de la créance, au péril de son recouvrement en rapport avec l’attitude de la société défenderesse, mais sans caractériser en quoi cette ancienneté rend urgent le recouvrement pour la demanderesse ni en quoi l’attitude de la compagnie peut être considérée comme un péril audit recouvrement ;
Mais attendu que si l’article 24 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage dispose que le tribunal arbitral peut accorder ou refuser l’exécution provisoire par décision motivée, il ressort pourtant en l’espèce, tant de l’articulation même du propre moyen de A que de la lecture de la sentence arbitrale, que cette mesure a effectivement été motivée ; qu’il y a donc lieu de rejeter ce troisième moyen comme infondé ;
Sur l’expiration du délai d’arbitrage
Attendu que A reproche au tribunal arbitral d’avoir rendu sa sentence au — delà des six mois légalement requis ;
Mais attendu que pour les mêmes motifs que ceux développés lors de l’examen du deuxième moyen de cassation, il convient de rejeter ce quatrième moyen
Sur la violation de l’ordre public international de l’Etat du Sénégal
Attendu que A allègue qu’en statuant sans convention d’arbitrage et bien postérieurement à l’expiration du délai légal, sans prorogation par le juge compétent, le tribunal arbitral a violé l’ordre public international de l’Etat du Sénégal ;
Mais attendu que les moyens tirés de l’absence de convention d’arbitrage et de l’expiration du délai d’arbitrage ont été, supra, rejetés par la Cour comme étant mal fondés ; que par conséquent, ils ne peuvent justifier une violation d’un quelconque ordre public ; qu’ainsi, ce dernier moyen est aussi infondé que les précédents et mérite le même rejet ;
Attendu que, de tout ce qui précède, il y a lieu de débouter A de son recours en annulation de la sentence arbitrale rendue le 02 octobre 2019 par le Tribunal Arbitral du CAMC ;
Sur les dépens
Attendu que les dépens sont mis à la charge de la partie qui a succombé, en l’occurrence A ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’arrêt n°76, rendu le 17 décembre 2020 par la Cour d’appel de Dakar;
Evoquant et statuant sur le fond :
Rejette le recours en annulation de la compagnie A ARABIAN AIRLINES Corporation, dite A, contre la sentence arbitrale rendue le 02 octobre 2019 par le Tribunal Arbitral du Centre d’Arbitrage, de Médiation et de Conciliation dit CAMC ;
Condamne A aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier


Synthèse
Numéro d'arrêt : 221/2021
Date de la décision : 23/12/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ohada;cour.commune.justice.arbitrage;arret;2021-12-23;221.2021 ?
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