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23/12/2021 | OHADA | N°215/2021

OHADA | OHADA, Cour commune de justice et d'arbitrage, 23 décembre 2021, 215/2021


Texte (pseudonymisé)
ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Deuxième chambre
Audience publique du 23 décembre 2021
Pourvoi : n° 229/2019/PC du 22/08/2019
Affaire : - Société Z S.A.
- Société Investissements Ad Ai, dite ICI S.A (Conseil : Ac Mody Oumar BARRY du cabinet ‘’BAO et FILS’, Avocats à la Cour)
Contre
Société X et Compagnie S.A., dite X et CIE
(Conseils : Maitres Laye SANO et Joachim GBILIMOU, Avocats à la Cour)
ARRET N° 215/2021 du

23 décembre 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en A...

ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Deuxième chambre
Audience publique du 23 décembre 2021
Pourvoi : n° 229/2019/PC du 22/08/2019
Affaire : - Société Z S.A.
- Société Investissements Ad Ai, dite ICI S.A (Conseil : Ac Mody Oumar BARRY du cabinet ‘’BAO et FILS’, Avocats à la Cour)
Contre
Société X et Compagnie S.A., dite X et CIE
(Conseils : Maitres Laye SANO et Joachim GBILIMOU, Avocats à la Cour)
ARRET N° 215/2021 du 23 décembre 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 23 décembre 2021 où étaient présents :
Messieurs : Robert SAFARI ZIHALIRWA, Président
Armand Claude DEMBA, Juge, rapporteur
Mounetaga DIOUF, Juge
et Maître Koessy Alfred BADO, Greffier ;
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 22 aout 2019, sous le n°229/2019/PC, et formé par Ac Mody Oumar BARRY du cabinet ‘’BAO et FILS”’, Avocats à la Cour, dont le cabinet est sis Immeuble An, 3* étage, en face du Ministère des Finances, Commune de Kaloum, B.P : 1926 — Conakry, République de Guinée, agissant au nom et pour le compte de la société Z S.A. et de la société Investissements Ad Ai, dite ICI S.A,, dans la cause qui les oppose à la société X et Compagnie S.A., dite X et CIE, ayant pour conseils Ac Aj C, dont le cabinet est sis au Quartier Aa, Commune de Kaloum, et Joachim GBILIMOU, … … …, … … …, tous Avocats à la Cour,
en cassation de l’arrêt n°246, rendu le 28 septembre 2019 par la Cour d’appel de Conakry, dont le dispositif est le suivant :
« .Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, sur appel et en dernier ressort ;
En la forme : reçoit l’appel des sociétés Z et Investissements Ad Ai ;
Au fond : les y dit mal fondées ;
En conséquence, confirme le jugement n°019 du 08 mars 2018 du Tribunal de Première Instance de Kalourm en toutes ses dispositions ;
Déboute les sociétés Z et Investissements Ad Ai de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires ;
Les condamne solidairement au paiement à la société X et Compagnie S.A de la somme de 100. 000.000 de Francs guinéens à titre de dommages- intérêts ;
Met les frais et dépens à leur charge… »
Les requérantes invoquent à l’appui de leur recours le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Armand Claude DEMBA, Juge ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’'OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que, dans le cadre de la privatisation de l’entreprise SOPROCIMENT, la société Z, anciennement dénommée « Ciments d’Oubourg », et la société X et Compagnie S.A, dite X et CIE, s’accordaient sur la création d’une société holding dénommée Investissements Ad Ai et ce, pour la gestion en commun de cette unité industrielle ; qu’à la suite de leurs démarches communes, l’offre des deux parties était retenue par l’Etat guinéen qui autorisait la reprise de SOPROCIMENT, sous la dénomination de « Société Ciments de Guinée-S.A. », pour 51 pour cent du capital au profit de la société Investissements Cimentiers Intemationaux, dite ICI SA ; que divers accords de partenariat sanctionnaient les démarches communes des parties et notamment, entre autres, la rétrocession de 5 USD/tonne aux partenaires dont 2 USD/tonne pour X et CIE sur la vente des matières premières ; que pendant une période donnée, les paiement annuels de la commission à X et CIE ont été respectés ; que par la suite, les deux sociétés entrant en mésintelligence, lesdits paiements s’interrompaient et les tribunaux judiciaires étaient saisis de leurs différends par chacune d’entre elles ; que face à ce blocage, elles décidaient de surseoir communément et momentanément à leurs actions judiciaires pour privilégier un règlement amiable de leurs litiges ; que c’est ainsi qu’en conséquence d’un « Accord préliminaire » intervenu le 25 février 2015, un Comité ad hoc était mis en place aux fins de faire la situation comptable des sommes qui sont dues à X et CIE au titre de commissions sur les matières premières ; que néanmoins, après deux mois de négociations infructueuses, X et CIE, se basant sur les conclusions du Comité ad hoc, saisissait à nouveau le juge étatique, estimant que la preuve était désormais suffisamment établie que la société Z et ICI SA lui restent débitrices de la somme principale de 2.705.952 USD ; que par jugement n°019 du 08 mars 2018, le Tribunal de Première Instance de Kaloum faisait droit à ses demandes ; que sur appel des sociétés Z et ICI SA, la Cour de Conakry rendait le 28 mai 2018 l’arrêt n°246, objet du présent pourvoi ;
Sur la recevabilité du pourvoi
Attendu que dans son mémoire en réponse reçu au greffe de la Cour le 24 septembre 2021, X et CIE soulève l’irrecevabilité du pourvoi des demanderesses, motif pris de ce qu’elles n’ont pas observé les dispositions de l’article 28-b du Règlement de procédure de la CCJA selon lesquelles tout recours doit contenir « les noms et domiciles des autres parties à la procédure devant la juridiction nationale et de leur avocat. » ; que madame Af Al X et treize autres actionnaires de X et CIE, ayant pour conseils Maitres Mouminy DIALLO et Moustapha SALL, Avocats à la Cour, n’ont pas été visés dans la requête alors qu’ils sont bien identifiés dans les qualités, tant du jugement de première instance que de l’arrêt attaqué ;
Mais attendu que la dame Af Al X, et «treize autres actionnaires » par ailleurs non identifiés formellement dans l’arrêt querellé, n’ont jamais interjeté appel du jugement n°019 du 28 mars 2018 du Tribunal de Première Instance de Kaloum qui a déclaré leur action en intervention volontaire irrecevable « pour défaut de qualité » ; que les débats à la cour d’appel se sont déroulés sans leur participation concrète, de sorte que mentionner leurs noms ou domiciles dans la requête devenait superfétatoire ; qu’il échet de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée comme mal fondée et déclarer le pourvoi recevable ;
Sur la cinquième branche du moyen unique de cassation, tirée de la violation de la loi
Attendu que les requérantes font grief à la cour d’appel d’avoir violé les dispositions des articles 60 de la loi L/2004/014/AN du 26 mai 2004 et 21 du Règlement intérieur du Barreau de Guinée en ce que, pour confirmer la condamnation des sociétés Z et ICI SA , elle a fondé sa conviction sur des procès-verbaux de réunion de négociations tenues entre les parties en présence de leurs avocats, alors, selon le moyen, qu’au sens des dispositions sus visées, ces documents, couverts par le sceau du secret, auraient dû être écartés des débats ; qu’en statuant de la sorte, la cour d’appel a exposé sa décision à la cassation ;
Attendu que, selon l’article 60, alinéa1, de la loi guinéenne L/2004/014/AN du 26 mai 2004, « l'avocat ne doit commettre aucune divulgation contrevenant au secret professionnel » ; que l’article 21, alinéas 7 et 8, du Règlement intérieur du Barreau de Guinée dispose, quant à lui, que « les négociations poursuivies entre Avocats, en vue de la recherche d’une éventuelle conciliation, avec ou hors la présence de leurs clients, ont lieu sous la foi du Palais et la teneur ne peut être divulguée. Il en est de même lorsque les négociations ont eu lieu avec la partie adverse qui n'avait pas d'avocat » ;
Attendu qu’en l’espèce, il est constant que les avocats des parties, en l’occurrence Ac Ah Ae A, Aj C et Am Ak Y, ont été parties prenantes à toutes les réunions de négociations de leurs clients et ce, de « /’Accord préliminaire » du 25 février 2015 jusqu’au procès- verbal de réunion du 25 juin 2015, en passant par le procès-verbal de réunion daté du 09 juin 2015 ; que la mise en place du Comité ad hoc ne constitue que la somme de ces négociations ; que pour rejeter le moyen des appelantes tenant à écarter ces procès-verbaux des débats, ainsi que le rapport du Comité ad hoc qui en résulte, la cour d’appel a retenu « qu’il ne résulte pas des pièces du dossier que les parties sont convenues que les pièces produites par X et CIE sont sous le sceau du secret professionnel et qu’elles ne doivent pas être produites en justice » ; qu’en se déterminant de la sorte, alors qu’il est établi que les avocats précités ont participé aux réunions de négociations entre leurs clients, la cour d’appel a commis les griefs allégués ; qu’il échet de casser l’arrêt querellé de ce chef avant d’évoquer sur le fond ;
Sur l’évocation
Attendu que par lettre datée du 08 mars 2018, les sociétés Z et ICI SA ont interjeté appel du jugement n°019, rendu le même jour par le Tribunal de Première Instance de Ag et dont le dispositif suit :
« .Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale, et en premier ressort ;
En la forme :
Rejette comme non fondée la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action ;
Rejette également la fin de non — recevoir tirée de la chose jugée comme non fondée ;
Déclare irrecevable l’action en intervention volontaire de Mme Af Al X et consorts, actionnaires de X et CIE, pour défaut de qualité ;
Au fond :
Constate le PV de Réunion X et compagnie, Ciments de Guinée et ICI en date du 25/06/2015 et le Rapport d’étape du Comité ad hoc du 13/05/2015 ;
En conséquence, condamne solidairement la société Z et la société ICI SA à payer à la société X et CIE les sommes de 320.334 USD au titre de quote-part de commission relativement à leur convention de matières premières et de 100.000 USD au titre de dommages et intérêts, sous astreinte de 10.000 USD par jour de retard ;
Déboute la société X et CIE du surplus de ses demandes ;
Déboute les sociétés Z et ICI SA de leurs prétentions comme non fondées ;
Ordonne l’exécution provisoire ;
Met les dépens à la charge des défenderesses » ;
Attendu qu’au soutien de leur appel, les sociétés Z et ICI SA exposent que le « premier Juge s’est fourvoyé » et a violé les articles 2, 16 et 17 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général relatifs au statut du commerçant et à la prescription de l’action, 14 et 235 du CPCEA et 1084 et 1085 concernant l’autorité de la chose jugée ; qu’ ensuite, c’est à tort que la société ICI S.A. a été maintenue dans la procédure alors qu’elle est étrangère aux conventions qui servent de base aux prétentions de la société X et CIE et qui sont antérieures à sa création ; que par ailleurs, les pièces cotées dans l’assignation, constituées de procès-verbaux de réunion de négociations tenues entre les parties, en présence de leurs conseils, dans le but de chercher une solution amiable doivent être écartées des débats car leur production est une violation de l’article 21 du Règlement intérieur du Barreau de Guinée ; qu’enfin, elles sollicitent la condamnation de l’intimée au paiement à leur profit de substantielles sommes d’argent à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;
Attendu que pour sa part, la société X et CIE fait valoir qu’au sens des articles 17 et 28 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, ses deux contradictrices ont volontairement renoncé à la prescription - à supposer qu’elle existe réellement, et que cette renonciation résulte du fait par elles de reconnaitre sa créance en 2015, sans se prévaloir de quelque prescription que ce soit ; que c’est également en vain qu’elles plaident la chose jugée sur la foi des arrêts n°125 du 21 mai 1996 et n°46 du 31 mars 1998 de la Cour d’appel de Conakry et n°57 du 5 décembre 1997 de la Cour Supreme de Guinée, ces décisions étant toutes antérieures à la reconnaissance du montant des commissions en 2015 ; qu’enfin, la demande tendant à mettre hors de cause la société ICI SA est « incompréhensible et mal fondée », les conventions de 2015 sur le fondement desquelles la présente action a été engagée étant l’œuvre de toutes les parties, « X et CIE impliquée au premier plan » ; que l’intimée conclut donc à la confirmation du jugement dont appel, au débouté des sociétés Z et ICI SA de toutes leurs demandes, fins et conclusions et à leur condamnation au paiement de la somme de 100.000.000 de Francs guinéens à titre de dommages et intérêts pour appel abusif ;
Sur l’infirmation du jugement
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux développés lors de l’examen du moyen unique de cassation, en sa cinquième branche tirée de la violation des articles 60 de la loi L/2004/014/AN du 26 mai 2004 et 21 du Règlement intérieur du Barreau de Guinée, il y a lieu d’infirmer le jugement n°019, rendu le 08 mars 2018 par le Tribunal de de Première Instance de Kaloum ; que statuant à nouveau, la Cour écarte des débats les procès-verbaux contestés et se prononce sur les autres points de droit ;
Sur la prescription de l’action
Attendu qu’aux termes de l’article 16 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, « les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants, ou entre commerçants et non-commerçants, se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes. » ; que la société Z a sollicité du tribunal de déclarer l’action de son adversaire irrecevable au motif qu’elle est prescrite depuis 1998, conformément à la disposition précitée ;
Attendu que le Premier Juge a rejeté sa fin de non-recevoir en retenant, sur le fondement de l’article 23 du même Acte uniforme, que par les pièces versées au dossier et notamment « le PV de réunion du 25/06/2015 », Z et ICI S.A. « ont clairement et ouvertement reconnu, au travers de leurs représentants ( aux) négociations, en l’occurrence, Monsieur Ab B, le droit de créance de la société X et CIE en ces termes :’’ nous sommes prêts à verser un acompte de 320.344 dollars US correspondant à la somme calculée par le Comité ad hoc” » ;
Attendu cependant que le procès-verbal de réunion dont s’agit fait partie des pièces écartées des débats ; que nulle autre pièce du présent dossier ne consacre la créance supposée de la société Z ou une éventuelle reconnaissance par elle du droit de la société X et CIE, laquelle reconnaissance aurait pour effet d’interrompre la prescription ;
Qu'’il s’en infère que l’action de la société X et CIE, exercée en mars 2016, l’a été largement au-delà du délai légal de cinq ans imparti ; qu’elle est conséquemment frappée de forclusion et doit, de ce fait, être déclarée irrecevable ;
Attendu que, concernant les dommages-intérêts sollicités pour « procédure abusive et vexatoire », la preuve de la mauvaise foi et de l’intention de nuire de la société X et CIE n’a pas été rapportée ; qu’il échet de rejeter cette demande ;
Sur les dépens
Attendu que les dépens sont mis à la charge de la partie succombante, en l’occurrence la société X et CIE ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
En la forme :
Déclare le pourvoi recevable ;
Au fond :
Casse l’arrêt n°246, rendu le 28 septembre 2019 par la Cour d’appel de Conakry ;
Evoquant et statuant sur le fond :
Infirme le jugement n°019 rendu le 28 mars 2018 par le Tribunal de Première Instance de Kaloum ;
Statuant à nouveau :
Déclare irrecevable l’action de la société X et Compagnie S.A., dite X et CIE ;
Rejette la demande en dommages et intérêts formulée par la société Z S.A. et la société Investissements Ad Ai, dite ICI S.A. ;
Condamne X et CIE aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier


Synthèse
Numéro d'arrêt : 215/2021
Date de la décision : 23/12/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ohada;cour.commune.justice.arbitrage;arret;2021-12-23;215.2021 ?
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