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24/06/2021 | OHADA | N°131/2021

OHADA | OHADA, Cour commune de justice et d'arbitrage, 24 juin 2021, 131/2021


Texte (pseudonymisé)
ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(O.H.A.D.A)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
(C.C.J.A)
Première chambre
Audience publique du 24 juin 2021
Pourvoi : n° 339/2020/PC du 10/11/020
Affaire : SARL BBM Gabon
(Conseil : Maître Fatou MAVIOGA ISSA, Avocat à la Cour)
Contre
1/ Monsieur NDOYE LOURY Athanase
2/ La Liquidation STSI BOCCARD Gabon SA
(Conseil : Maître BANTSANTSA Jean Rémy, Avocat à la Cour)
Arrêt N° 131/2021 du 24 juin 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l

’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première chambre, présidée p...

ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(O.H.A.D.A)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
(C.C.J.A)
Première chambre
Audience publique du 24 juin 2021
Pourvoi : n° 339/2020/PC du 10/11/020
Affaire : SARL BBM Gabon
(Conseil : Maître Fatou MAVIOGA ISSA, Avocat à la Cour)
Contre
1/ Monsieur NDOYE LOURY Athanase
2/ La Liquidation STSI BOCCARD Gabon SA
(Conseil : Maître BANTSANTSA Jean Rémy, Avocat à la Cour)
Arrêt N° 131/2021 du 24 juin 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première chambre, présidée par Monsieur César Apollinaire ONDO MVE, assisté de Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier, a rendu en son audience publique ordinaire du 24 juin 2021 l’Arrêt dont la teneur suit, après délibération du collège de juges composé de :
Messieurs : César Apollinaire ONDO MVE, Président, rapporteur Fodé KANTE, Juge
Mesdames : Afiwa-Kindéna HOHOUETO, Juge
Esther Ngo MOUTNGUI IKOUE, Juge
Monsieur : Sabiou MAMANE NAÏSSA, Juge
Sur le recours enregistré sous le n°339/2020/PC du 10 novembre 2020, formé par Maître Fatou MAVIOGA ISSA, Avocat au Barreau du Gabon, demeurant au 305 Rue Aa A, ancienne SOBRAGA, derrière l’hôtel Palm d’Or, BP 3575 Libreville, Gabon, agissant au nom et pour le compte de la SARL BBM Gabon, dont le siège se trouve au lieudit Carrefour des Douanes à Moanda, Parcelle n°121 Section C, dans la cause qui l’oppose à Maître NDOYE LOURY Athanase, syndic de la société en liquidation STSI BOCCARD, ayant pour conseil Maître Jean Rémy BANTSANTSA, Avocat au Barreau du Gabon, demeurant au 426, Boulevard de la République, feux tricolores de Glass, Immeuble Okouaghé, BP 435 Libreville,
en cassation de l’arrêt n°34/2019-2020 rendu le 25 septembre 2020 par la Cour d’appel de Port-Gentil et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière commercial et en dernier ressort :
En la forme
Déclarons recevable l’appel interjeté par la Société BBM GABON ;
Au fond
Confirmons en toute ses dispositions le jugement du 28 septembre 2018 ;
Ordonnons la publication du présent arrêt dans un journal d’annonces légales ou de publications officielles ;
Condamnons la société BBM Gabon aux dépens. »
La requérante invoque à l’appui de son recours le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de monsieur César Apollinaire ONDO MVE, Président ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l'OHADA ;
Attendu que selon l’arrêt attaqué, le 10 mai 2013, la société STSI BOCCARD était admise en règlement préventif et Maître Athanase NDOYE LOURY désigné expert chargé du rapport circonstancié de sa situation économique ; que ladite société était par la suite admise en redressement judiciaire par un jugement qui désignait encore Maître Athanase NDOYE LOURY syndic ; que tout en relevant appel dudit jugement, la société STSI BOCCARD obtenait du Président de la Cour d’appel de Port-Gentil une ordonnance du 19 septembre 2013 suspendant ses effets ; que c’est dans ce contexte que la STSI BOCCARD cédait certains de ses véhicules et engins à la société BBM Gabon le 19 août 2015, avant de se désister plus tard de son appel au fond, suivant arrêt du 29 juin 2016 ; que consécutivement à ce désistement, Maître NDOYE-LOURY saisissait le Tribunal de première instance de Port-Gentil en 2 annulation des actes des dirigeants de la société STSI BOCCARD, faits selon lui pendant la période suspecte fixée par le jugement d’ouverture du redressement ; que ladite juridiction ayant fait droit à cette demande, la société BBM Gabon saisissait la Cour d’appel de Port-Gentil qui rendait l’arrêt objet du présent pourvoi ;
Sur le premier moyen de cassation tiré de la violation des articles 35 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, 4 et 133 du Code de procédure civile gabonais
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué la violation de la loi, en ce que la cour d’appel a déclaré l’action de Maître Athanase NDOYE LOURY recevable alors qu’en vertu des dispositions combinées des textes visés au moyen, l’intéressé était dépourvu de la qualité pour agir, dans la mesure où il ne pouvait plus être désigné syndic du redressement judiciaire de la société STSI BOCCARD après avoir occupé la fonction d’expert du règlement préventif de la même entité ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a exposé sa décision à la cassation ;
Attendu que selon l’alinéa 2 in fine de l’article 35 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, « l’expert désigné pour le règlement préventif d’un débiteur ne peut être désigné comme syndic » ;
Attendu qu’au sens de ce texte, la seule désignation en qualité d’expert dans le cadre du règlement préventif d’un débiteur empêche d’être par la suite désigné comme syndic du redressement judiciaire du même débiteur ;
Qu’en l’espèce, la Cour d’appel a déclaré recevable l’action de Maître NDOYE Loury Athanase, désigné expert du règlement préventif de la STSI BOCCARD le 10 mai 2013, aux motifs qu’il « n’a jamais pu exercer la mission d’expert de la société STSI BOCCARD puisqu’il en avait été empêché par les dirigeants sociaux de l’époque de cette société ; et qu’il avait dû de ce fait renoncer à cette mission en adressant son désistement au Tribunal qui avait pris acte ; qu’en définitive c’est Madame le Vice-Président du Tribunal qui fut désignée expert du règlement préventif STSI BOCCARD et qui en avait dressé le rapport daté du 07 août 2013, lequel a emmené le Tribunal à admettre cette société à la procédure de redressement judiciaire ; qu’il s’ensuit que Maître Athanase NDOYE LOURY n’a pas été l’expert de la société STSI BOCCARD GABON (...) ; qu’il ressort d’un jugement du 25 avril 2017 que cette exception avait déjà été soulevée et que le tribunal avait statué sur cette irrecevabilité au cours d’une instance concernant la même procédure collective en reconnaissant la qualité à agir de Maître Athanase NDOYE LOURY ; que le principe «non bis idem » tiré de l’article 376 du Code de procédure civile dispose que : « la décision qui statue sur tout ou partie du principal, sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident, a l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’elle tranche. » interdit au juge de statuer deux fois sur la même chose ; qu’en conséquence, cet argument ne peut prospérer » ;
Mais attendu que, d’une part, Maître NDOYE LOURY Athanase n’avait pas renoncé à sa mission d’expert dès la notification de la décision le nommant à cette fonction ; que c’est après avoir effectivement posé des actes liés à sa mission d’expert qu’il a rencontré des difficultés dans la collaboration nécessairement attendue dans ce cadre de la part des dirigeants sociaux ; qu’il est d’ailleurs constant qu’il a même présenté une note d’honoraires pour le temps passé en sa qualité d’expert, ce à quoi il ne pouvait prétendre s’il n’avait pris aucune fonction susceptible d’être légalement rémunérée ; que sa désignation comme expert ne faisant aucun doute, la cour d’appel devait en tirer les conséquences nécessaires relativement à sa capacité à être désigné syndic du redressement judiciaire de la même société, et ce, au regard non seulement des règles d’éthique et de transparence, mais également de l’objectif d’efficacité poursuivi par les procédures collectives d’apurement du passif ;
Attendu que d’autre part, la cour d’appel distingue selon que la désignation en qualité d’expert est ou non suivie de l’exercice de cette mission ; que ce faisant, elle ajoute à la loi qui n’autorise pas pareille discrimination lorsqu’elle établit une incompatibilité systématique entre la désignation d’une personne en qualité d’expert et sa nomination comme syndic d’une même entreprise en difficulté ;
Attendu qu’il appert de ce qui précède que la cour d’appel a commis le grief énoncé au moyen ; que celui-ci étant bien fondé, il y a lieu pour la Cour de casser l’arrêt attaqué sans avoir à examiner les autres moyens, et d’évoquer l’affaire sur le fond conformément aux dispositions de l’alinéa S de l’article 14 du Traité ;
Sur l’évocation
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que par requête en date du 18 avril 2013, la société STSI BOCCARD saisissait le Tribunal de première instance de Port-Gentil d’une demande de règlement préventif ; que faisant droit à sa demande par décision du 10 mai 2013, cette juridiction désignait Maître Athanase NDOYE LOURY en qualité d’expert ; que par la suite, suivant jugement du 19 août 2013, le même tribunal constatait que la société STSI BOCCARD était en cessation de paiements, l’admettait en redressement judiciaire en fixant la période suspecte au ''" janvier 2013, et désignait Maître Athanase NDOYE LOURY comme syndic ; que tout en interjetant appel dudit jugement, la société STSI BOCCARD sollicitait puis obtenait du Premier Président de la Cour d’appel de Port-Gentil une ordonnance du 19 septembre 2013 suspendant les effets de celui-ci ; que le 19 août 2015, la STSI BOCCARD cédait certains de ses biens meubles à la société BBM Gabon ; que cependant, par arrêt du 29 juin 2016, la Cour d’appel de Port-Gentil constatait le désistement de la société STSI BOCCARD de son appel ; qu’à la suite de cette décision et par requête en date du 20 février 2017, Maître Athanase NDOYE LOURY saisissait le Tribunal de première instance de Port-Gentil, entre autres, en annulation, avec toutes les conséquences de droit, des actes accomplis par les dirigeants de la société STSI BOCCARD, à son avis durant la période suspecte fixée par le jugement d’ouverture du 19 aout 2013 ; que c’est ainsi que le 28 septembre 2018, ledit tribunal rendait le jugement n°33/2017-2018 dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort ;
En la forme
Rejette les fins de non-recevoir soulevées par les défendeurs ;
Rejette également les demande de la société BBM en nullité ou écartement d’une pièce de la procédure ;
Au fond
Déclare inopposable à la masse des créanciers de la société en liquidation STSI BOCCARD les transferts de fonds effectués au profit de la Société PRISM INTERNATIONAL SA et la Société BOCCARD SA ;
Reçoit la société STSI BOCCARD en sa demande de commutation de son matériel détenu par la société BBM Gabon ;
En conséquence, condamne la société BBM Gabon à restituer entre les mains du syndic le matériel indûment acquis à la Société en liquidation soit :
- une Grue immatriculée 3874 NT10 ;
- un Bus Coaster immatriculé 4053 G8D ;
- une manitou MT 732 ;
- une palette de poste semi-automatique ;
- un compresseur Keaser M57 ;
- une poste autonome Miler ;
- une palette de cinq (5) postes à soudure
Outre au paiement de la somme de quarante et un millions (41.000.000) FCFA au titre de la commutation du matériel par elle détenu du 25 juin 2015 date du transfert du matériel à Moanda au 16 mars 2017, date d’assignation ;
Condamne tout aussi, sieur Ab B à la restitution entre les mains du syndic de la somme de quatre cent soixante-cinq millions deux cent vingt mille sept cent trente francs (465.220.730) FCFA au titre des sommes rapatriées au profit de la société de droit français BOCCARD SA ;
Condamne par ailleurs la société PRISM International à restituer entre les mains du syndic la somme de sept cent vingt millions (720.000.000) au titre des sommes indûment reçues ;
Déboute par ailleurs le requérant du surplus de ses demandes ;
Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision nonobstant toute voie de recours sous astreinte de cinq cent mille (500.000) FCFA par jour de retard à compter de la signification du présent jugement ;
Condamne les défendeurs aux dépens. » ;
Attendu que par acte du 11 octobre 2018, la Sarl BBM Gabon interjetait appel dudit jugement et sollicitait son infirmation ; qu’en la forme, elle invoquait l’irrecevabilité de la demande de la STSI BOCCARD introduite par Maître NDOYE LOURY Athanase qui ne pouvait plus être désigné syndic de la procédure de redressement judiciaire de ladite société après avoir été expert du règlement préventif de celle-ci ; qu’au fond, elle faisait observer essentiellement que du fait de la suspension des effets du jugement ouvrant le redressement judiciaire, les dirigeants sociaux ont pu valablement opérer les cessions litigieuses ; que du reste, le jugement entrepris a ordonné la restitution de certains engins non détenus par elle ;
Attendu qu’en réplique, Maître NDOYE conclut pour la STSI BOCCARD à la confirmation du jugement entrepris ; que selon elle, Maître NDOYE LOURY a été valablement désigné syndic puisqu’il n’a pu effectuer sa mission d’expert à cause de empêchements des dirigeants sociaux et a donné sa démission au tribunal qui en a pris acte ; que les ventes intervenues sont irrégulières, d’autant que le désistement de la STSI BOCCARD de son appel valait acquiescement au jugement de redressement judiciaire du 19 août 2013 qui a ainsi retrouvé tous ses effets à compter de sa date, de sorte que les actes accomplis par les dirigeants de la STSI BOCCARD pendant la période suspecte encourent tout simplement l’annulation ;
Sur la recevabilité de l’appel
Attendu que BBM Gabon a relevé appel le 11 octobre 2018 du jugement commercial rendu le 28 septembre 2018 qui lui a été signifié le 09 août 2019 ; que ce recours a été régulièrement formé et sera déclaré recevable ;
Sur la fin de non-recevoir soulevée par BBM Gabon
Attendu que BBM Gabon soulève l’irrecevabilité de l’action introduite par Maître NDOYE Loury Athanase aux motifs qu’elle n’est pas conforme aux dispositions de l’alinéa 2 de l’article 35 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, selon lequel « l’expert désigné pour le règlement préventif d’un débiteur ne peut être désigné comme syndic » ;
Attendu en effet que, pour les mêmes motifs que ceux ayant justifié la cassation de l’arrêt attaqué, il échet de constater que Maître NDOYE LOURY Athanase n’était plus qualifié pour être syndic de la société STSI BOCCARD après avoir été expert du règlement préventif de la même entreprise en difficulté ;
Qu’étant d’ordre public, les dispositions de l’article 35 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif ne sauraient être évincées par l’autorité de la chose jugée rattachée à une quelconque décision des juridictions du fond qui les auront manifestement méconnues ;
Qu’il y a lieu d’infirmer le jugement attaqué, de statuer à nouveau sur la cause et de déclarer l’action initiée par Maître NDOYE LOURY Athanase irrecevable ;
Sur les dépens
Attendu qu’il échet pour la Cour de céans de dire que les dépens de la présente instance seront employés comme frais de la procédure collective d’apurement du passif ouverte au profit de la STSI BOCCARD Sarl ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse et annule l’arrêt attaqué en toutes ses dispositions ;
Evoquant et statuant au fond :
Déclare l’appel de la société BBM Gabon recevable en la forme ;
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
Déclare l’action initiée par Maître NDOYE Loury Athanase pour le compte de la société STSI BOCCARD Sarl irrecevable ;
Dit que les dépens de la présente instance seront employés en frais de la procédure collective ouverte au profit de la société STSI BOCCARD Sarl.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier


Synthèse
Numéro d'arrêt : 131/2021
Date de la décision : 24/06/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ohada;cour.commune.justice.arbitrage;arret;2021-06-24;131.2021 ?
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