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24/06/2021 | OHADA | N°130/2021

OHADA | OHADA, Cour commune de justice et d'arbitrage, 24 juin 2021, 130/2021


Texte (pseudonymisé)
ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(O.H.A.D.A)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
(C.C.J.A)
Première chambre
Audience publique du 24 juin 2021
Pourvoi : n° 324/2020/PC du 26/10/020
Affaire : Union Gabonaise de Banque
(Conseils : SCP NTOUTOUME et MEZHER MOULOUNGUI, Avocats
Contre
1/ Monsieur NDOYE LOURY Athanase
2/ La Liquidation STSI BOCCARD Gabon SA
(Conseil : Maître BANTSANTSA Jean Rémy, Avocat à la Cour) à la Cour) de
Arrêt N° 130/2021 du 24 juin 2021
La Cour Commune de Justice et d’A

rbitrage (C.C.J.A) de l’Organisation pour l’Harmonisation en La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (...

ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(O.H.A.D.A)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
(C.C.J.A)
Première chambre
Audience publique du 24 juin 2021
Pourvoi : n° 324/2020/PC du 26/10/020
Affaire : Union Gabonaise de Banque
(Conseils : SCP NTOUTOUME et MEZHER MOULOUNGUI, Avocats
Contre
1/ Monsieur NDOYE LOURY Athanase
2/ La Liquidation STSI BOCCARD Gabon SA
(Conseil : Maître BANTSANTSA Jean Rémy, Avocat à la Cour) à la Cour) de
Arrêt N° 130/2021 du 24 juin 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A) de l’Organisation pour l’Harmonisation en La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première chambre, présidée par Monsieur César Apollinaire ONDO MVE, assisté de Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier, a rendu en son audience publique ordinaire du 24 juin 2021 l’Arrêt dont la teneur suit, après délibération du collège de juges composé :
Messieurs : César Apollinaire ONDO MVE, Président, rapporteur
Fodé KANTE, Juge
Mesdames : Afiwa-Kindéna HOHOUETO, Juge, rapporteur
Esther Ngo MOUTNGUI IKOUE, Juge
Monsieur : Sabiou MAMANE NAÏSSA, Juge
Sur le recours enregistré sous le n°324/2020/PC du 26 octobre 2020 formé par la SCP NTOUTOUME & MEZHER MOULOUNGUI, Avocats à la Cour, Etude située au 83 de l’Impasse 9 V, en face de l’Immeuble Aa à Libreville, BP 565, au nom et pour le compte de l’Union Gabonaise de Banque, en abrégé UGB, ayant son siège social à Libreville, Avenue Colonel Parant, BP 315 Libreville, dans la cause qui l’oppose à Maître NDOYE LOURY Athanase, syndic, et à la société en liquidation STSI BOCCARD, ayant pour conseil Maître Jean Rémy BANTSANTSA, Avocat au Barreau du Gabon, demeurant au 426, Boulevard de la République, feux tricolores de Glass, Immeuble A, à l’étage, BP 435 Libreville, Gabon,
en cassation de l’arrêt n°36/2019-2020 rendu le 25 septembre 2020 par la Cour d’appel judiciaire de Ac Ab dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière commercial et en dernier ressort :
En la forme
Déclarons recevable l’appel interjeté par la société Union Gabonaise de Banque ;
Au fond
Confirmons en toute ses dispositions le jugement du 28 septembre 2018 ;
Ordonnons la publication du présent arrêt dans un journal d’annonces légales ou de publications officielles ;
Condamnons la société Union Gabonaise de Banque aux dépens. »
La requérante invoque à l’appui de son recours les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de monsieur César Apollinaire ONDO MVE, Président ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu que selon l’arrêt attaqué, Maître NDOYE Loury Athanase, syndic de la STSI BOCCARD en redressement judiciaire, demandait au Tribunal de première instance de Port-Gentil d’ordonner à UGB d’avoir à lui restituer les sommes par elle décaissées au profit de tiers sur le compte ouvert dans ses livres au nom de ladite société et sollicitait la condamnation de la même banque à des dommages-intérêts, le tout sous astreinte comminatoire ; qu’en la forme, UGB contestait la qualité pour agir de Maître NDOYE Loury Athanase et, au fond, plaidait le débouté de ce dernier ; que Ad B, ancien Directeur Général de la STSI BOCCARD intervenait volontairement et soutenait la défense de UGB ; que le tribunal ayant fait droit aux demandes de Maître NDOYE Loury Athanase, UGB saisissait la Cour d’appel judiciaire de Port-Gentil qui rendait l’arrêt objet du présent pourvoi ;
Sur le premier moyen de cassation pris en sa deuxième branche tirée de la violation de la loi, notamment de l’article 35 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif
Vu l’article 28 bis, 1” tiret, du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué la violation de l’article 35 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, en ce que la cour d’appel a déclaré Maître NDOYE Loury Athanase recevable en son action, alors qu’ayant d’abord été désigné expert de la société STSI BOCCARD en règlement préventif, l’intéressé n’était plus qualifié pour être syndic de cette société lors de son admission en redressement judiciaire ;
Attendu que selon l’alinéa 2 in fine de l’article 35 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, « l’expert désigné pour le règlement préventif d’un débiteur ne peut être désigné comme syndic » ;
Attendu qu’au sens de ce texte, la seule désignation en qualité d’expert dans le cadre du règlement préventif d’un débiteur empêche d’être par la suite désigné comme syndic du redressement judiciaire du même débiteur ;
Qu’en l’espèce, la cour d’appel a déclaré recevable l’action de Maître NDOYE Loury, désigné expert du règlement préventif de la STSI BOCCARD par ordonnance du 10 mai 2013, aux motifs qu’il « n’a jamais pu exercer la mission d’expert de STSI BOCCARD Gabon puisqu’il en avait été empêché sans raison valable par les dirigeants sociaux de l’époque et qu’il avait dû de ce fait renoncer à cette mission en adressant son désistement au Tribunal qui avait pris acte ; qu’en définitive c’est Madame le Vice- Président du Tribunal qui avait été désignée expert du règlement préventif STSI BOCCARD Gabon et qui en avait dressé le rapport daté de 2013, lequel a emmené le Tribunal à admettre cette société à la procédure de redressement judiciaire ; qu’il s’ensuit que Maître Athanase NDOYE LOURY n’a pas été l’expert ayant dressé le rapport sur la situation économique de la société STSI BOCCARD Gabon (...) ; qu’il ressort d’un jugement du 25 avril 2017 que cette exception avait déjà été soulevée et que le tribunal avait statué sur cette irrecevabilité au cours d’une instance concemant la même procédure collective en reconnaissant la qualité à agir de Maître Athanase NDOYE LOURY ; que le principe « non bis idem » tiré de l’article 376 du Code de procédure civile dispose que « la décision qui statue sur tout ou partie du principal, sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident, a l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’elle tranche. » interdit au juge de statuer deux fois sur la même chose » ;
Mais attendu que, d’une part, Maître NDOYE LOURY Athanase n’avait pas renoncé à sa mission d’expert dès la notification de la décision le nommant à cette fonction ; que c’est bien après avoir posé des actes liés à sa mission d’expert qu’il a rencontré des difficultés dans la collaboration nécessairement attendue dans ce cadre de la part des dirigeants sociaux ; que sa désignation comme expert ne faisant aucun doute, la cour d’appel devait en tirer les conséquences nécessaires relativement à sa capacité à être désigné syndic du redressement judiciaire de la même société, et cela, au regard non seulement des règles d’éthique et de transparence, mais également de l’objectif d’efficacité poursuivi par les procédures collectives d’apurement du passif ;
Attendu que d’autre part, la cour d’appel distingue selon que la désignation en qualité d’expert est ou non suivie de l’exercice de cette mission ; que ce faisant, elle ajoute à la loi qui n’autorise pas pareille discrimination lorsqu’elle établit une incompatibilité systématique entre la désignation d’une personne en qualité d’expert et sa nomination comme syndic d’une même entreprise en difficulté ;
Attendu qu’il appert de ce qui précède que la cour d’appel a commis le grief énoncé au moyen ; que celui-ci étant bien fondé, il y a lieu pour la Cour de casser l’arrêt attaqué sans avoir à examiner les autres moyens, et d’évoquer l’affaire sur le fond conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 14 du Traité ;
Sur l’évocation
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que par requête en date du 03 novembre 2016, Maître NDOYE Loury Athanase, désigné en qualité de syndic du redressement judiciaire de la société STSI BOCCARD par jugement du 19 août 2013, demandait au Tribunal de première instance de Port-Gentil, d’une part d’ordonner à UGB d’avoir à restituer les sommes par elle décaissées au profit de tiers sur le compte ouvert dans ses livres au nom de ladite société sans autorisation préalable des personnes habilitées et, d’autre part, de condamner UGB à des dommages-intérêts en réparation des préjudices causés par ses agissements dans sa gestion du compte de la société STSI BOCCARD, le tout sous astreinte comminatoire ; que UGB opposait in limine litis à ladite action la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir de Maître NDOYE Loury Athanase, en ce qu’ayant été Expert du règlement préventif de la STSI BOCCARD, celui-ci ne pouvait plus être syndic du redressement judiciaire de la même entité ; qu’au fond, elle plaidait le caractère mal fondé de l’action introduite contre elle, estimant n’avoir commis aucune faute ; que monsieur Ad B, ancien Directeur Général de la société STSI BOCCARD, intervenait volontairement à ladite instance pour affirmer la régularité des décaissements reprochés à UGB, intervenus selon lui en conformité avec la loi ; que le 28 septembre 2018, le Tribunal de première instance de Port-Gentil rendait le jugement n°37/2017-2018 dont le dispositif suit :
« Statuant publiquement contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort ;
- Dit que la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir du syndic a été évaluée par jugement avant-dire droit du 25 avril 2017 ;
- Reçoit sieur Ad B en sa demande d’intervention volontaire ;
- Dit par ailleurs que l’Union Gabonaise de Banque (UGB) a effectué des sorties d’argent non conformes au préjudice de la masse des créanciers ;
- Déclare conséquemment inopposable à la masse des créanciers ces sorties d’argent ;
- Condamne donc la banque UGB à payer entre les mains du syndic la somme de huit cent neuf millions neuf cent mille quatre cent quarante-sept (809.900.447) FCFA au titre des décaissements indûment effectués outre celle de cent millions (100.000.000) FCFA à titre de dommages-intérêts ;
- Soit la somme totale de neuf cent neuf millions neuf cent mille quatre cent quarante-sept (909.900.447) FCFA ;
- Ordonne l’exécution provisoire de la décision nonobstant toute voie de recours sous astreinte de cinq cent mille (500.000) FCFA par jour à compter de la signification du présent jugement ;
- La condamne aux dépens... » ;
Attendu que par acte du 04 octobre 2018, UGB relevait appel dudit jugement et demandait la nullité de celui-ci ; qu’elle faisait observer au soutien de cette demande que Maître NDOYE LOURY Athanase n’avait pas qualité pour agir puisqu’il ne pouvait plus être désigné syndic du redressement judiciaire de la société STSI BOCCARD GABON après avoir été désigné expert du règlement préventif concernant la même société ; que le tribunal a fait une mauvaise application des dispositions de l’article 68 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif relatives à la période suspecte et aux actes inopposables à la masse des créanciers ; que les demandes de restitution, de dommages-intérêts et d’astreinte formulées contre elle par Maître NDOYE LOURY Athanase ne sont pas fondées et doivent par conséquent être rejetées ;
Attendu qu’en réplique, Maître NDOYE LOURY Athanase conclut au nom de la société STSI BOCCARD en redressement, à la confirmation du jugement entrepris ;
qu’il fait valoir qu’il n’a pas été expert du règlement préventif de ladite société ; que UGB a méconnu les dispositions impératives de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif ; qu’elle ne s’est pas empêché de décaisser des fonds du compte de la STSI BOCCARD alors qu’elle était parfaitement consciente du nouveau statut de ladite société, lié à ses difficultés ;
Sur la recevabilité de l’appel
Attendu que UGB a relevé appel le 08 octobre 2018 du jugement commercial rendu le 28 septembre 2018 qui lui a été notifié le 11 juin 2019 ; que ce recours a été régulièrement formé et sera déclaré recevable ;
Sur la fin de non-recevoir soulevée par UGB
Attendu que UGB soulève l’irrecevabilité de l’action introduite par Maître NDOYE Loury Athanase aux motifs qu’elle n’est pas conforme aux dispositions de l’alinéa 2 de l’article 35 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, selon lequel « l’expert désigné pour le règlement préventif d’un débiteur ne peut être désigné comme syndic » ;
Attendu qu’en effet, pour les mêmes motifs que ceux ayant justifié la cassation de l’arrêt attaqué, il échet de constater que Maître NDOYE LOURY Athanase n’était plus qualifié pour être syndic de la société STSI BOCCARD après avoir été expert du règlement préventif de la même entreprise en difficulté ;
Qu’étant d’ordre public, les dispositions de l’article 35 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif ne sauraient être évincées par l’autorité de la chose jugée rattachée à une quelconque décision des juridictions du juge du fond qui les auront manifestement méconnues ;
Qu’il y a lieu d’infirmer le jugement attaqué, de statuer à nouveau sur la cause et de déclarer l’action initiée par Maître NDOYE LOURY Athanase irrecevable ;
Sur les dépens
Attendu qu’il échet pour la Cour de céans de dire que les dépens de la présente instance seront employés comme frais de la procédure collective d’apurement du passif ouverte au profit de la STSI BOCCARD Sarl ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse et annule l’arrêt attaqué en toutes ses dispositions ;
Evoquant et statuant au fond :
Déclare l’appel de UGB recevable en la forme ;
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
Déclare l’action initiée par Maître NDOYE Loury Athanase pour le compte de la société STSI BOCCARD Sarl irrecevable ;
Dit que les dépens de la présente instance seront employés en frais de la procédure collective ouverte au profit de la société STSI BOCCARD Sarl.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier


Synthèse
Numéro d'arrêt : 130/2021
Date de la décision : 24/06/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ohada;cour.commune.justice.arbitrage;arret;2021-06-24;130.2021 ?
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