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08/04/2021 | OHADA | N°039/2021

OHADA | OHADA, Cour commune de justice et d'arbitrage, 08 avril 2021, 039/2021


Texte (pseudonymisé)
ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(O.H.A.D.A)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(C.C.J.A)
Assemblée Plénière
Audience publique du 08 avril 2021
Recours : n° 167/2020/PC du 07/07/2020
Affaire : Société Z HOLDING SAS et Monsieur Constant Z (Conseil : Maître Jackson Francis NGNIE KAMGA, Avocat à la Cour)
Contre
République de Al Ae
(Conseils : Maîtres Jean Charles TCHIKAYA, Francisco EVUY NGUEMA MIKUE et Régis Victorien BAGUI, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 039/2021 du 08 avril 2

021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afri...

ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(O.H.A.D.A)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(C.C.J.A)
Assemblée Plénière
Audience publique du 08 avril 2021
Recours : n° 167/2020/PC du 07/07/2020
Affaire : Société Z HOLDING SAS et Monsieur Constant Z (Conseil : Maître Jackson Francis NGNIE KAMGA, Avocat à la Cour)
Contre
République de Al Ae
(Conseils : Maîtres Jean Charles TCHIKAYA, Francisco EVUY NGUEMA MIKUE et Régis Victorien BAGUI, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 039/2021 du 08 avril 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Assemblée Plénière, présidée par Monsieur Robert SAFARI ZIHALIRWA, assisté de Maître Edmond Acka ASSIEHUE, Greffier en chef, a rendu en son audience publique du 08 avril 2021 l’Arrêt dont la teneur suit, après délibération du collège de juges composé de :
Messieurs César Apollinaire ONDO MVE, Président, rapporteur
Robert SAFARI ZIHALIRWA, Premier Vice-Président Mahamadou BERTE, Second Vice-Président Birika Jean Claude BONZI, Juge
Mesdames Afiwa-Kindéna HOHOUETO, Juge
Esther Ngo MOUTNGUI IKOUE, Juge
Messieurs Arsène Jean Bruno MINIME, Juge
Sabiou MAMANE NAISSA, Juge
Mounetaga DIOUF, Juge
et Maître Edmond Acka ASSIEHUE, Greffier en chef ;
Sur le recours enregistré sous le n°167/2020/PC du 07 juillet 2020, formé par maître Jackson Francis NGNIE KAMGA, Avocat à la Cour, demeurant à Douala, Cameroun, 26, rue des écoles, BP 12287 Douala, agissant au nom et pour le compte de la société Z HOLDING SAS, ayant son siège au 72, rue du Faubourg St Honoré, 75008 Paris, France, et monsieur Constant Z, demeurant au 4, Allée Ad Aa, 94420, An Ag, France, dans la cause qui les oppose à la République de Al Ae, représentée par monsieur Af B AG X, Ministre délégué de la Justice, des Cultes et des Institutions Pénitentiaires, ayant pour conseils maîtres Jean Charles TCHIKAYA, Avocat au Barreau de Bordeaux, 15, Cours Ak Ab, 33000 Bordeaux, France, Francisco EVUY NGUEMA MIKUE, Avocat à Malabo, GETESA CRey BONKORO n°27, Malabo, Guinée Equatoriale, et Régis Victorien BAGUY, Avocat au Barreau de Côte d’Ivoire, Am, Ah Aj Y C, Rue Ao A, Villa 525, Côte d’Ivoire,
en annulation de la sentence arbitrale rendue sous l’égide de la CCJA le 24 février 2020, dont le dispositif est le suivant :
« Pour les raisons exposées ci-dessus, le Tribunal arbitral :
a) Se déclare compétent pour connaître des demandes dont il est saisi ;
b) Dit que monsieur constant Z et la société Z Holding SAS n’ont pas qualité à agir, et sont irrecevables en leurs demandes ;
c) Condamne monsieur Z et la société Z Holding SAS, in solidum, à supporter les et à s’acquitter des frais de l’arbitrage fixés par la CCIJA s’élevant à la somme de FCFA 125.000.000 (cent vingt-cinq millions) ;
d) Condamne monsieur Constant Z et la société Holding SAS in solidum, à payer à la République de Al Ae la somme de EUR 90.700, 20 TTC ;
e) Rejette la demande d’intérêts moratoires de la République de Al Ae ;
f) Dit n’y avoir lieu à statuer sur les autres demandes. »
Les requérants invoquent à l’appui de leur recours en annulation les deux moyens tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de monsieur César Apollinaire ONDO MVE, Président ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Vu le Règlement d’arbitrage de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l'OHADA ;
Vu la Décision n° 84/2020/CCJA/PDT du 12 mai 2020 portant mesures exceptionnelles dans la prise en compte des délais de procédure devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l'OHADA ;
Attendu qu’il résulte des énonciations de la sentence querellée que le 28 mai 2014, sieur Constant Z, la société Z Holding SAS, la République de Al Ae et la République du Cameroun concluaient un pacte en tant qu’actionnaires de la société Afrimedia International ; qu’estimant que la Al Ae manquait à ses engagements de subventionner et conclure des contrats de communication au profit de la société Z Holding SAS, les recourants saisissaient, le 05 janvier 2018, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage d’une demande d’arbitrage sous son égide, conformément à la clause compromissoire insérée à l’article 22 du pacte susvisé ; que saisi d’une requête en intervention forcée d’Ac Ai dans la procédure et de réouverture des débats, formée par sieur Constant Z et la société Z Holding SAS, le Tribunal arbitral mis en place déclarait, par ordonnance n° 05 du 11 décembre 2019, celle-ci irrecevable et prononçait la clôture des débats ; que vidant plus tard sa saisine, il rendait la sentence arbitrale objet du présent recours ;
Sur le premier motif d’annulation tiré du non-respect par le tribunal arbitral de sa mission, pris en ses quatre branches réunies
Attendu que la première branche du premier motif d’annulation reproche aux arbitres de ne s’être pas conformés à leur mission, en ce que le Tribunal arbitral a rendu une ordonnance de procédure en lieu et place de la sentence qu’il était tenu de rendre, pour statuer sur la demande d’intervention forcée formulée par eux ; que pour étayer ce grief, les requérants font valoir « que le Tribunal se trouvait saisi (...) d’une demande tendant à faire condamner la République de Al Ae au paiement de sommes d’argent au profit de la société Afrimedia International en présence de laquelle avait été conclu le Pacte d’actionnaires contenant la clause compromissoire ; (.…..) que les arbitres ont relevé deux problèmes juridiques que leur posait cette demande », à savoir que « les questions principales qui se posent au tribunal arbitral sont ainsi de déterminer si et/ou dans quelle mesure il est compétent pour prononcer une condamnation pécuniaire au profit de la Société Afrimedia qui n’est pas signataire de la convention d’arbitrage et n’est pas partie à la présente procédure » ; (...) que dans le Pacte d’actionnaires auquel était partie la République de Al Ae, cette dernière avait souscrit l’engagement d’allouer des subventions à la société Afrimedia International ; (...) que pour appeler la société Afrimedia International à l’instance arbitrale, et permettre qu’elle y fasse valoir ses droits, en tant que bénéficiaire des obligations stipulées par la République de Al Ae dans le Pacte d’actionnaires », ils « ont saisi le Secrétariat Général du Centre d’Arbitrage de la CCJA d’une requête aux fins d’intervention forcée de cette société » ; que la décision d’irrecevabilité de ladite demande « a été prononcée par l’ordonnance de procédure n°5 du 11 décembre 2019 » ;
Qu’ils rappellent « qu’aux termes de l’article 8-1-1 alinéa 1 du Règlement d’arbitrage de la CCJA, « la partie qui souhaite faire intervenir une personne liée par la convention d’arbitrage, mais étrangère à la procédure arbitrale, soumet au Secrétaire Général une demande d’arbitrage contre celle-ci » ; (...) que pour se conformer à la lettre et l’esprit » de ce texte, ils ont demandé l’intervention forcée d’Ac Ai et payé les droits d’enregistrement prévus par l’article 1 de la Décision 004/499/CCJA relative aux frais d’arbitrage du 03 février 1999 ; qu’ils ont aussi joint, en annexe de leur demande d’intervention, le justificatif de ce paiement ; (...) qu’en agissant ainsi, le Secrétaire Général et le Tribunal arbitral ont clairement confirmé, mutatis mutandis, l’identité de régime juridique entre une demande d’arbitrage classique et une demande d’intervention forcée » ;
Que selon eux, leur demande d’intervention forcée « a rempli parfaitement les conditions de fond et de forme d’une demande d’arbitrage » ; qu’elle a généré un lien d’instance entre les parties litigantes initiales et la société Afrimedia International SA ; (...) que l’existence de ce lien d’instance ne pouvait être remise en cause par les arbitres, pas plus que ne pouvait l’être la qualité acquise de partie à cette instance de la société Afrimedia International peu importe le terme de l’article 8-1.1 du Règlement d’arbitrage ; (...) que l’unique possibilité offerte à un Tribunal arbitral pour trancher une demande d’arbitrage est de rendre une sentence, sachant que les situations permettant de trancher autrement ladite demande sont limitativement énumérées ; (...) qu’il s’agit de la radiation de l’affaire pour non-paiement des provisions (...), du retrait de l’action soumise aux arbitres (..) et de l’incompétence de la CCJA du fait de l’inexistence d’une convention d’arbitrage visant celle-ci (..) ; qu’en dehors de ces trois hypothèses, sauf à violer sa mission de manière flagrante, le Tribunal arbitral a l’obligation de rendre une sentence, qu’elle soit ou non d’accord-partie » ;
Que toujours selon les requérants, « l’ordonnance de procédure n°5 du 11 décembre 2019 ne concernait aucune des hypothèses visées au paragraphe précédent ; que pourtant, le Tribunal arbitral a délibérément choisi de trancher une demande d’arbitrage comme une question relevant de la simple instruction du litige ; (...) que d’après l’article 8-1-1 alinéa 1 du Règlement d’arbitrage, la recevabilité d’une intervention forcée postule, prima facie, la vérification de l’opposabilité de la convention d’arbitrage à la partie intervenante ; (...) qu’en d’autres termes, le Tribunal arbitral ou l’arbitre unique est tenu de statuer sur sa compétence à l’égard de la partie intervenante, question devant indiscutablement faire l’objet d’une sentence conformément à l’article 21 du Règlement d’Arbitrage de la CCJA ; (...) qu’il ressort de cette disposition que toutes les questions relatives à la compétence du Tribunal doivent faire l’objet d’une sentence partielle ou finale ; (...) que l’irrecevabilité de la demande d’intervention forcée introduite après la composition du Tribunal arbitral, telle que prévue à l’article 8-1-1 alinéa 2 du Règlement d’arbitrage, n’autorise pas non plus les arbitres à se prononcer par voie d’ordonnance de procédure ; qu’en effet, le caractère irrecevable d’une demande ne détermine en rien la nature de la décision que les arbitres doivent prendre à cet effet » ;
Que la forme de la décision dépend de la demande à trancher ; que « pour déclarer une action irrecevable du fait de la prescription, les arbitres doivent automatiquement rendre une sentence. I] ne peut en être autrement dès lors que la décision d’irrecevabilité porte sur la fin de l’instance. » ; (...) que « le Tribunal arbitral a confirmé que l’irrecevabilité n’exclut en rien la reddition d’une sentence puisque c’est bien par la voie de la sentence finale, qu’il a déclaré irrecevables, les demandes des requérants ; dans ce sens, il est indiqué au paragraphe 177 de la sentence du 24 février 2020 » (...) que « le tribunal arbitral conclut donc que les demandeurs n’ont pas qualité à agir et que les demandes sont irrecevables » ; (...) que « le Tribunal arbitral devait adopter une démarche identique en rendant une sentence pour déclarer irrecevable la demande d’intervention forcée ; (..) que pour prendre des ordonnances de procédure, les arbitres n’ont pas à attendre que soit acquittés à la régie financière de la Cour, des frais de quelque nature que ce soit ; (..) que la demande d’intervention forcée était bel et bien une demande d’arbitrage sur laquelle il n’a pas été statué par le Tribunal arbitral au moyen d’une sentence (...) pour se conformer à sa mission » ; que par conséquent, le Tribunal arbitral a méconnu sa mission et sa sentence encourt annulation ;
Attendu que la deuxième branche du premier motif d’annulation fait grief à la décision sanctionnant la demande d’intervention forcée des requérants de ne pas correspondre à la définition de la sentence ; que selon les demandeurs, « la notion de sentence se définit comme l’acte des arbitres qui tranche de manière définitive, en tout ou en partie, le litige qui leur a été soumis, que ce soit sur le fond, sur la compétence ou sur un moyen de procédure qui les conduit à mettre fin à l’instance » ; (...) que l’examen de chacune des questions secrétées par une demande d’intervention forcée nécessite un examen juridictionnel distinct d’une décision arbitrale portant simplement organisation du déroulement de l’instance ; (...) que l’irrecevabilité d’une demande d’intervention forcée est une sentence d’incompétence si la partie intervenante n’est pas réputée liée par la convention d’arbitrage ; (...) que l’irrecevabilité de la demande d’intervention entraîne extinction de l’instance que le demandeur a voulu créer avec l’intervenant ; (...) qu’on entend par ordonnance de procédure les décisions qui « participent de l’instruction du litige sans préjuger de son règlement et peuvent être modifiées par les arbitres à tout moment, après débat, le cas échéant » ; (...) que «les ordonnances de procédure ont pour seul objet de résoudre les questions relatives au déroulement de l’instance ; (..) que l’objet de l’ordonnance de procédure n°5 du 11 décembre 2019 correspond plutôt à une sentence, les arbitres ayant rendu une décision qui a mis fin à l’instance entre les requérants, la République de Al Ae et Ac Ai ; (...) qu’il s’infère de ce qui précède que c’est à tort que les arbitres ont rendu une ordonnance de procédure alors que leur décision qui devait épouser les formes d’une sentence, en a produit les effets (..) ; qu’en agissant ainsi, les arbitres ont commis un détournement de procédure », exposant conséquemment leur sentence à l’annulation ;
Attendu qu’en sa troisième branche, le premier motif d’annulation fait grief au Tribunal arbitral de n’avoir pas tenu compte du fait qu’il avait une compétence liée en matière d’intervention forcée qui excluait de se prononcer par voie d’ordonnance de procédure ; que selon les requérants, « à la suite du Secrétaire Général du Centre d’arbitrage de la CCJA, le Tribunal arbitral a indiqué, au paragraphe 4 de l’ordonnance de procédure n°5 du 11 décembre 2019 (...) que le mail des demandeurs portant demande d’intervention forcée d’Ac Ai a dû être régularisé afin de respecter les exigences des articles 8-1.2 et 8-1.3 du Règlement d’Arbitrage de la CCJA ; (...) qu’en formulant une telle exigence aux requérants, le Tribunal arbitral a reconnu le caractère d’ordre public de l’article 8-1.1 du Règlement d’arbitrage, consacrant de ce fait l’impossibilité de traiter une demande d’intervention forcée autrement que comme une demande d’arbitrage à trancher par une sentence ; (...) qu’aucune disposition du Règlement d’arbitrage de la CCJA ne régit la forme des demandes traditionnellement sanctionnées par une ordonnance de procédure ; (..) que le Règlement d’arbitrage ne prévoit aucune somme d’argent à payer par les parties pour traiter les demandes devant être tranchées par voie d’ordonnance de procédure, à savoir les mesures d’instruction de l’affaire ; (...) que les frais devant couvrir le traitement des demandes aboutissant aux ordonnances de procédures sont inclus dans ceux de l’action dont lesdites demandes découlent ; (..) qu’en demandant aux requérants de respecter les exigences des articles 8-1.2 et 8-1.3 du Règlement d’arbitrage de la CCJA, le Tribunal arbitral et le Secrétaire Général de la CCJA ont, d’une part, reconnu le formalisme de la demande d’intervention forcée et, d’autre part, imposé le paiement de la somme prévue pour le dépôt d’une demande d’arbitrage justificatif de paiement de l’avance sur les frais administratifs d’arbitrage ; (...) que mises à part les exigences prévues par le procès-verbal de cadrage et éventuellement les directives procédurales, aucun formalisme n’est prévu pour les ordonnances de procédure qui ne sont d’ailleurs quasiment pas évoquées par le Règlement d’Arbitrage ; (...) que l’article 15.4 du Règlement d’arbitrage, qui ne parle que des ordonnances de clôture des débats, est totalement muet sur la forme de celles-ci ; (...) que le Règlement d’arbitrage a pris le soin de détailler les formes de la demande d’intervention, autant qu’il l’a fait pour la demande d’arbitrage, la réponse à la demande et les demandes reconventionnelles ; (...) que comme la demande d’arbitrage, la demande d’intervention forcée est introductive d’instance à l’égard de la partie intervenante et des autres parties à la procédure ; (...) que le Tribunal arbitral ne dispose pas d’un pouvoir discrétionnaire lui permettant de statuer sur une demande d’arbitrage autrement que par une sentence ; (...) que, mutatis, mutandis, la demande d’intervention forcée étant une demande d’arbitrage, le Tribunal arbitral ne pouvait pas légalement statuer sur la demande d’intervention forcée formulée par les requérants par une ordonnance de procédure ; (..) que l’ordonnance de procédure n°5 du 11 décembre 1999 recèle un excès de pouvoir manifeste puisque les arbitres ont délibérément ignoré qu’ils avaient une compétence liée en matière d’intervention forcée imposant la reddition d’une sentence ; (...) qu’il s’ensuit que le Tribunal arbitral a violé sa mission en rendant une ordonnance de procédure en lieu et place d’une sentence dans une matière où il ne pouvait pas le faire », faisant ainsi encourir l’annulation à la sentence entreprise ;
Attendu enfin qu’en sa quatrième branche, le premier motif d’annulation fait grief au Tribunal arbitral d’avoir statué infra petita en rendant une ordonnance de procédure pour statuer sur la demande d’intervention forcée formulée par les requérants ; qu’à ce propos, ils exposent « que les ordonnances de procédure n’ont pas vocation à se prononcer sur une question de compétence, de fond ou de procédure pouvant mettre fin à l’instance ; (..) que seule une sentence arbitrale peut trancher définitivement une demande de nature à clore une instance, ce contrairement à une ordonnance de procédure qui ne vise que les questions pratiques et procédurales d’instruction du litige ; (..) qu’en mettant fin à une instance par le biais d’une ordonnance de procédure, le Tribunal arbitral est réputé n’avoir pas tranché définitivement la question ; (...) que l’ordonnance de procédure n°5 ayant déclaré irrecevable la demande d’intervention forcée des requérants a clos l’instance entre ces derniers, la République de Al Ae et la société Afrimedia ; (.) que c’est à tort qu’il pourrait être soutenu que l’ordonnance de procédure n°5 du 11 décembre 1999 était une simple mesure d’instruction du litige n’ayant pas mis fin à l’instance, dans la mesure où ladite ordonnance n’a pas été suivie d’une sentence traitant définitivement la demande d’intervention forcée du 06 décembre 2019 ; (...) que la sentence finale du 24 février 2020 se borne à évoquer la demande d’intervention forcée contre la société Afrimedia International dans l’historique de la procédure, aucun développement ne lui étant consacré dans la partie réservée à la discussion ; (...) que le Tribunal arbitral n’a aucunement considéré que la demande d’intervention forcée était une question à trancher ; (..) que la demande d’intervention forcée n’a pas reçu le traitement juridictionnel dû à une question susceptible de clore l’instance ; (...) qu’en se limitant à rendre une ordonnance de procédure, le Tribunal arbitral n’a pas statué sur toutes les questions qui lui sont soumises » ; qu’il a statué infra petita et, en conséquence, exposé sa sentence à l’annulation ;
Attendu que, dans leurs déclinaisons diverses, les quatre branches du premier motif d’annulation, tiré du non-respect par les arbitres de leur mission, tendent à faire admettre que le Tribunal arbitral n’aurait pas dû statuer par ordonnance sur la demande d’intervention forcée qui, selon les requérants, n’était rien d’autre qu’une demande d’arbitrage qu’il appartenait aux arbitres de trancher par une sentence arbitrale ; qu’il parait donc judicieux pour la Cour de céans de les réunir en vue d’une réponse globale et unique ;
Attendu, d’une part, que l’intervention se définit comme l’introduction volontaire ou forcée d’un tiers dans un procès déjà ouvert ; que cette définition est valable en matière d’arbitrage où elle suppose, au sens des dispositions de l’article 8-1.1 du Règlement d’arbitrage de la CCJA, que l’intervenant, volontaire ou forcé, soit, ab initio ou par adhésion explicite ou implicite, partie à la convention d’arbitrage justifiant l’instance arbitrale engagée ; que dans le cas d’espèce, la société Afrimedia International n’est pas partie à la convention d’arbitrage sur le fondement duquel Constant Z a initié la procédure d’arbitrage ;
Attendu d’autre part que, comme l’affirment les requérants eux-mêmes, « les ordonnances de procédures ont pour seul objet de résoudre les questions relatives au déroulement de l’instance » ; que la demande d’intervention forcée est précisément relative au déroulement de l’instance ; que la société Afrimedia International n’a jamais formellement intégré l’instance arbitrale ; qu’il s’ensuit que c’est à tort que les requérants revendiquent le bénéfice d’une sentence arbitrale relativement à son intervention ;
Attendu qu’il y a lieu d’indiquer qu’une fois qu’il est installé, le Tribunal arbitral, à qui les parties litigantes n’ont prescrit aucune forme précise à cet effet, statue sur les questions d’administration de la procédure selon la forme qui lui semble appropriée ; qu’en l’espèce, les recourants écrivent en page 5 de leur requête du 6 décembre 2019 : « Nous avons sollicité en application de l’article 8- 1.1 alinéa 2 du Règlement que le tribunal arbitral admette une telle demande en intervention forcée de la société Afrimedia International dans un souci de bonne administration de la procédure et ce, malgré le stade avancé de la procédure » ;
Attendu qu’ayant ainsi expressément requis du Tribunal arbitral une mesure « de bonne administration de la procédure », ils sont malvenus à demander à la Cour une requalification en demande d’arbitrage de leur propre sollicitation, et ce pour dénoncer le fait qu’il y ait été répondu par ordonnance ;
Que cette démarche est d’autant plus inopérante que la voie de l’ordonnance a toujours été utilisée par le Tribunal arbitral pour régler diverses autres questions de même nature, comme en attestent l’ordonnance de procédure n°1 du 15 mai 2019 adoptant les règles complémentaires de celles du Règlement et l’ordonnance de procédure n°3 en date du 30 octobre 2019 ayant précisé « les conditions de la production de pièces sollicitées par la Défenderesse et de communication de deux pièces nouvelles sollicitées par les Demandeurs » ;
Qu’il s’ensuit que la demande d’intervention forcée de la société Afrimedia International, formée par Constant Z, n’a pu caractériser une demande d’arbitrage et n’était qu’une simple demande de mesure d’administration ;
Que dès lors, les arbitres n’ont en rien commis le reproche articulé par le premier motif, lequel sera par conséquent rejeté comme mal fondé ;
Sur la première branche du second motif d’annulation tiré de la violation par la sentence arbitrale de l’ordre public international
Attendu que la première branche du second motif d’annulation reproche à la sentence finale du 24 février 2020 la violation de l’ordre public international, en ce que le Tribunal arbitral a tranché la demande d’intervention forcée formulée par les requérants par voie d’ordonnance de procédure, privant ainsi ces derniers de leur droit au recours en annulation consacré par l’article 29.1 du Règlement d’arbitrage de la CCJA, auquel ils n’ont jamais ni renoncé ni été déclarés forclos, conformément aux dispositions des articles 29.2 et 29. 3 du Règlement précité d’une part, et à la jurisprudence de ce siège, d’autre part ;
Mais attendu qu’indépendamment de la réponse donnée au premier motif d’annulation, le présent recours atteste suffisamment que, contrairement à leurs affirmations, l’ordonnance de procédure n°5, critiquée, n’a pas eu pour effet de priver sieur Constant Z et la société Z Holding SAS de leur droit d’exercer un recours en annulation contre la sentence rendue relativement au litige qui les oppose à la République de Al Ae ;
Qu’il échet pour la Cour de céans de rejeter cette première branche du second motif d’annulation comme manquant de tout fondement ;
Sur la deuxième branche du second motif d’annulation tiré de la violation par la sentence arbitrale de l’ordre public international
Attendu qu’en sa deuxième branche, le second motif d’annulation reproche à la sentence la violation de l’ordre public international, en ce qu’en statuant sur la demande d’intervention forcée par voie d’ordonnance de procédure, le Tribunal arbitral a rendu une décision inattaquable, d’autant plus que, selon les requérants, «il n’existe aucune obligation pour l’arbitre de motiver une ordonnance de procédure, bien qu’il soit toujours souhaitable d’expliquer aux parties les sens des décisions » ; qu’en revanche, les sentences arbitrales sont motivées sauf volonté contraire des parties, et sont revêtues d’une autorité de chose jugée qui ouvre droit aux voies de recours ; qu’une ordonnance de procédure ne pouvant faire l’objet d’aucune voie de recours, en la rendant, le Tribunal arbitral a, selon le motif, entendu mettre sa décision à l’abri de toute voie de recours qu’une partie souhaiterait intenter ; que ce faisant, il a violé l’ordre public international et exposé, par voie de conséquence, sa sentence arbitrale à l’annulation ;
Mais attendu que d’une part, le grief vise l’ordonnance de procédure n° 5 du 11 décembre 2019 et non la sentence arbitrale définitive ; qu’ensuite, les arbitres ont suffisamment motivé leur ordonnance ; qu’en outre, en page 1 |, paragraphes 49 et suivants de leur sentence définitive, ils évoquent cette ordonnance au titre des motifs de celle-ci ; qu’enfin, les arbitres ayant reçu des parties litigantes la mission de statuer en droit, leur ordonnance de procédure est susceptible de recours en même temps que leur sentence définitive ; que dès lors, en formant le présent recours, les demandeurs ont valablement exercé leurs droits ;
Que de tout ce qui précède, il appert que cette deuxième branche du second motif d’annulation est mal fondée et mérite d’être rejetée ;
Sur la troisième branche du second motif d’annulation tiré de la violation par la sentence arbitrale de l’ordre public international
Attendu qu’en sa troisième branche, le second motif d’annulation reproche à la sentence attaquée la violation de l’ordre public international, en ce que le Tribunal arbitral a rendu l’ordonnance de procédure n°5 du 11 décembre 2019 qui prive les requérants de leur droit de contester la décision ayant jugé irrecevable leur demande d’intervention forcée ; qu’en effet, selon le motif, « bien que la demande d’intervention forcée formée par les requérants fût une demande d’arbitrage, le Tribunal arbitral a choisi d’y répondre par une ordonnance de procédure ; (..) que l’ordonnance de procédure n°5 du 11 décembre 2019 est une décision inattaquable en soi, alors même qu’elle n’a pas un caractère provisoire et qu’elle a mis un terme à l’instance entre les requérants, la République de Guinée Equatoriale et la société Afrimedia International ; (...) que les parties n’ont aucunement renoncé à contester la décision relative à la demande d’intervention forcée ; (...) que l’impossibilité d’attaquer l’ordonnance de procédure n°5 du 11 décembre 2019 ne résulte pas de la volonté des parties, mais uniquement du fait que les arbitres ont décidé de ne pas trancher par voie de sentence une demande d’arbitrage ; (..) que le choix opéré par les arbitres est une indiscutable violation du droit au recours en annulation pourtant fermement protégé par la jurisprudence de la CCJA (...) ; que l’inexistence du double degré de juridiction en arbitrage est remplacée par l’existence d’un contrôle de régularité des décisions statuant sur les demandes d'arbitrage ; (...) que mise à part la forclusion du délai pour exercer le recours en annulation, toute privation du droit d’exercer ledit recours extérieurs à la volonté des parties est une violation de l’ordre public international ; (...) que la violation du droit au recours souffert par les requérants découle du fait que le Tribunal arbitral a statué infra petita en jugeant irrecevable leur demande d’intervention forcée par voie d’ordonnance de procédure » ; qu’ainsi, la sentence entreprise encourt annulation pour violation de l’ordre public international ;
Attendu cependant que, d’une part, la Cour a déjà jugé que l’ordonnance de procédure n° 5 du 11 décembre 2019 n’a pas porté atteinte au droit des requérants de former un recours en annulation contre la sentence arbitrale rendue en leur défaveur, ce qu’ils ont du reste fait sans qu’aucune cause de déchéance ni de forclusion leur ait été opposée par la partie adverse ou par la Cour ;
Que d’autre part, par un pacte d’actionnaires, les associés peuvent compléter leur contrat de société en s’accordant, entre autres, sur les ventes à venir de leurs titres, soit à des tiers, soit entre eux, par une clause de préemption réciproque, ou sur les modalités de leur vote dans les assemblées générales ;
Que le pacte d’actionnaires est donc soumis au principe de l’effet relatif des contrats et, à ce titre, la clause compromissoire qu’elle peut comporter ne lie que ses signataires et, le cas échéant, ceux qui y adhèrent ;
Qu’il est acquis au dossier que le pacte d’actionnaires signé le 28 mai 2014 n’engage que monsieur Constant Z, la société Z Holding SAS, l’Etat de Al Ae et l’Ftat du Cameroun ;
Que le fait pour la société Afrimedia International d’avoir été présente lors de la conclusion de cette convention ne lui conférant point la qualité de partie à celle-ci, aucune instance arbitrale n’a pu lier ladite société, monsieur Constant Z, la société Z Holding SAS et la Al Ae ;
Que cette troisième branche du second motif d’annulation sera également rejetée comme dénuée de tout fondement ;
Qu’en rendant l’ordonnance de procédure n° 5 en date du 11 décembre 2019, le Tribunal arbitral n’a nullement fait encourir à la sentence attaquée le grief de violation de l’ordre public international ;
Et attendu qu’aucun motif d’annulation n’ayant prospéré, il convient pour la Cour de rejeter le recours comme étant mal fondé ;
Sur les dépens
Attendu que monsieur Constant Z et la société Z Holding SAS succombant, seront condamnés aux entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le recours en annulation formé par monsieur Constant Z et la société Z Holding SAS contre la sentence finale rendue sous l’égide de la CCJA le 24 février 2020 par le Tribunal arbitral ;
Condamne les demandeurs aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier en chef
12


Synthèse
Numéro d'arrêt : 039/2021
Date de la décision : 08/04/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ohada;cour.commune.justice.arbitrage;arret;2021-04-08;039.2021 ?
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