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17/12/2015 | OHADA | N°180/2015

OHADA | OHADA, Cour commune de justice et d'arbitrage, 17 décembre 2015, 180/2015


ACTE DE PROCEDURE NE COMPORTANT LE BORDEREAU DES PIECES – IRRECEVABILITE DU POURVOI : NON
VIOLATION D’UNE DISPOSITION NATIONALE : CASSATION
La CCJA est compétente pour examiner le pourvoi, dès lors que, d’une part, dans leur requête en cassation devant la Cour de céans, les requérants ont soulevé la prescription de l’action en réclamation des créances initiée par leurs contradicteurs, sur le fondement de l’article 18 de l’AUDCG ; que, d’autre part, la demande d’incompétence de la CCJA est relative à l’évocation, pour le cas où la Cour reconnaîtrait le

bien-fondé de la clause attributive de compétence aux juridictions françaises. Les te...

ACTE DE PROCEDURE NE COMPORTANT LE BORDEREAU DES PIECES – IRRECEVABILITE DU POURVOI : NON
VIOLATION D’UNE DISPOSITION NATIONALE : CASSATION
La CCJA est compétente pour examiner le pourvoi, dès lors que, d’une part, dans leur requête en cassation devant la Cour de céans, les requérants ont soulevé la prescription de l’action en réclamation des créances initiée par leurs contradicteurs, sur le fondement de l’article 18 de l’AUDCG ; que, d’autre part, la demande d’incompétence de la CCJA est relative à l’évocation, pour le cas où la Cour reconnaîtrait le bien-fondé de la clause attributive de compétence aux juridictions françaises. Les termes de l’article 27.3 ne sont pas prescrits à peine de nullité ; il s’ensuit que l’exception d’irrecevabilité soulevée au motif qu’aucun bordereau contenant la liste des pièces et documents sur lesquels le recours est fondé n’est annexé au pourvoi ne peut être accueillie. C’est en violation de l’article 197 du code de procédure civile, économique et administrative de Guinée qu’une cour d’appel a rejeté des exceptions soulevées devant elle, et statuant sur le fond, confirmé les condamnations prononcées contre les appelantes, sans les avoir invitées à conclure sur le fond, exposant ainsi son arrêt à la cassation. L’incompétence peut être relevée d’office en cause d’appel si l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction nationale. En l’espèce, la convention des parties prévoyant que « pour tout litige entre les parties, seuls les tribunaux de Paris seront compétents », il y a lieu, pour la CCJA, d’infirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de se déclarer incompétente et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir. ARTICLE 27 REGLEMENT DE PROCEDURE DE LA CCJA ARTICLE 28 BIS REGLEMENT DE PROCEDURE DE LA CCJA
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CCJA, 2ème ch., n° 180/2015 du 17 décembre 2015 ; P. n° 188/2014/PC du 04/11/2014 : Société Holcibel S.A., Société Investissements Cimentiers Internationaux S.A. dite ICI c/ Société HANN & Compagnie S.A. et 11 autres.
ARRET N°180/2015 du 17 décembre 2015
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour
l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 17 décembre 2015 où étaient présents :
Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE, Président Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge
Djimasna N’DONINGAR, Juge, rapporteur
et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier, sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 04 novembre 2014 sous le n°188/2014/PC et formé par Maître Fatoumata Binta DIALLO « Fabi », Avocat à la cour, demeurant au 715, Avenue de la République, Quartier Kouléwondy, Commune de Kaloum, B.P. 3385, Conakry – Guinée, agissant au nom et pour le compte de la Société Holcibel S.A. dont le siège est sis à rue des Fabriques n°2, 7034, Belgique, et la société Investissements Cimentiers Internationaux S.A., sise Edificio de Americas, Panama City – République de Panama, dans la cause les opposant à la Société HANN & Compagnie S.A., société anonyme de droit guinéen ayant son siège social à la Cité chemins de fer, quartier Matam-Corniche, Commune de Matam, Conakry – Guinée et Messieurs et Mesdames Mamadou HANN, Hadja Oumou BAH, Hadja Laouratou BAH, Habib HANN, Seik Oumar HANN, Nènè Aïssatou HANN, Aïssatou DIALLO, Salimatou AGNE, Amadou Baïdy HANN, Ismaël HANN, Alpha Amadou HANN, administrateurs de sociétés, tous demeurant au quartier Matam, à Conakry – Guinée, ayant pour conseils Maître Laye SANO, Avocat à la cour, Immeuble Kerfalla TOURE, Quartier Almamya, Commune de Kaloum, Conakry, et Maître Halimé Saad CHALOUB, Avocat à la Cour, demeurant à Conakry, Commune de Kaloum, Quartier Manquépas ;
En cassation de l’arrêt n°178 rendu le 1er avril 2014 par la Cour d’appel de Conakry et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort :
En la forme : - Rejette l’exception d’incompétence des juridictions guinéennes comme mal fondée
ainsi que la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée ;
- Déclare recevables les appels interjetés ; Au fond : - Réforme partiellement le jugement n°039 en date du 31 mai 2012 rendu par le
Tribunal de première instance de Kaloum, Conakry 1 ;
Statuant à nouveau :
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- Condamne les sociétés Holcibel S.A. et ICI au paiement à la société Hann et Cie et trois autres les sommes de 2.831.237 USA et celle de 150.000.000 FG à titre de dommages-intérêts ;
- Confirme ledit jugement en toutes ses autres dispositions ; - Déboute les parties du surplus de leurs demandes ; - Met les dépens à la charge des appelants principaux. » ; Les requérantes invoquent à l’appui de leur pourvoi les deux moyens de cassation tels
qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur djimasna N’DONINGAR, Juge ; Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des
affaires en Afrique ; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’en date du 24 février 2010, la société HANN &Cie et 11 autres ont assigné par devant le tribunal de première Instance de Kaloum la société HOLCIBEL et la Société Investissements Cimentiers internationaux dite I.C.I. en paiement des sommes de 2.757.133 dollars US et 1.235.627.688 FG, en réclamation des dividendes ; que cette action est introduite pour permettre la compensation des créances et en paiement de l’excédent, suite à la volonté des Sociétés HOLCIBEL et I.C.I. de mettre en exécution des décisions des juridictions françaises condamnant la société HANN &Cie à leur payer la somme de 15.000 €uros ; que le tribunal de Kaloum, par jugement n°039 du 31 mai 2012, accédait à cette demande ; que sur appel des sociétés HOLCIBEL et I.C.I., la cour d’appel de Conakry a rendu l’arrêt dont pourvoi ;
Sur la recevabilité du pourvoi
Attendu que, dans leurs mémoires en réponse et en duplique en date des 09 mars et 15 juin 2015, la société HANN &Cie et 11 autres sollicitent que la requête déposée par les Sociétés HOLCIBEL et Investissements Cimentiers Internationaux soit déclarée irrecevable, d’une part, comme non conforme aux exigences de l’article 28.1 du Règlement de procédure de la Cour de céans, aux motifs que ce pourvoi en cassation ne met en cause la violation ni du Traité de l’OHADA, ni d’un quelconque Acte uniforme ; que, d’autre part, les moyens invoqués par les demanderesses sont contradictoires en ce que celles-ci demandent à la fois à la Cour de se déclarer incompétente et de casser l’arrêt attaqué ; qu’enfin, aucun bordereau contenant la liste des pièces et documents sur lesquels le recours est fondé n’est annexé au pourvoi, comme l’exige l’article 27.3 du Règlement de procédure de la CCJA ;
Mais attendu que, d’une part, dans leur requête en cassation devant la Cour de céans, les
Sociétés HOLCIBEL et Investissements Cimentiers Internationaux ont soulevé la prescription de l’action en réclamation des créances initiée par leurs contradicteurs, sur le fondement de l’article 18 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général ; que, d’autre part, la
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demande d’incompétence de la Cour de céans est relative à l’évocation, pour le cas où la Cour reconnaîtrait le bien-fondé de la clause attributive de compétence aux juridictions françaises ; qu’enfin, les termes de l’article 27.3 ne sont pas prescrits à peine de nullité, il s’en suit que cette exception ne peut être accueillie ; qu’il échet donc de dire que le pourvoi est recevable ;

Sur le premier moyen tiré de la violation de l’article 197 du Code de procédure civile,
économique et administrative
Attendu qu’il est reproché à la cour d’appel d’avoir violé les dispositions de l’article 197 visé au moyen, en statuant sur le fond de l’affaire sans avoir, au préalable, mis les parties en demeure de conclure alors, selon le moyen, qu’en application de ce texte, lorsqu’une partie n’a pas conclu au fond et a simplement soulevé une exception, le juge ne peut statuer au fond qu’après avoir invité la partie à conclure au fond ;
Attendu en effet qu’aux termes de l’article 197 susmentionné, « le juge peut, dans le même jugement, mais par des dispositions distinctes, se déclarer compétent et statuer sur le fond du litige, sauf à mettre préalablement les parties en demeure de conclure sur le fond. » ; qu’il appert des pièces de la procédure, notamment du procès-verbal de constat effectué par Maître Lansana Salifou SOUMAH, huissier de Justice, en date du 03 avril 2014, qu’à l’audience du 23 juillet [2013], la cour d’appel a décidé de « délibérer sur la fin de non-recevoir et les exceptions le 06 septembre 2013 » ; que, le 1er avril 2014, vidant son délibéré, ladite cour a non seulement rejeté les exceptions, mais statuant sur le fond, confirmé les condamnations prononcées contre les appelantes, sans les avoir invitées à conclure sur le fond ; qu’en statuant ainsi, la cour a violé les dispositions de l’article 197 et fait encourir cassation à sa décision ; qu’il échet de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer, sans qu’il soit nécessaire d’analyser le deuxième moyen ;
Sur l’évocation
Attendu que, par acte en date du 31 mai 2012, les Sociétés HOLCIBEL et
Investissements Cimentiers Internationaux relevaient appel contre le jugement n°039 rendu le 31 mai 2012 par le Tribunal de première instance de Kaloum dans l’affaire les opposant à la Société HANN &Cie et 11 autres et dont le dispositif est ainsi conçu : « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme : Reçoit la société HANN & Cie et ses Administrateurs en leur action ; Au fond : - Vu la décision en date du 27 janvier 2011 rejetant la fin de non-recevoir tirée de la
chose jugée ;
- Vu le jugement avant dire droit n°045 du 07/07/2011 ordonnant l’expertise ; - Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription, homologue le rapport
d’expertise en date du 10 janvier 2012 établi par le Cabinet Oury de Elhadj Mamadou Oury Diallo, Expert-Comptable à Conakry ;
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- En conséquence, condamne la Société Holcibel SA et la Société Investissements
Cimentiers Internationaux (I.C.I.) au paiement à la société HANN & Cie de la somme totale de 7.762.020.414 GNF (Sept milliards sept cent soixante-deux millions vingt mille quatre cent quatorze) à titre de dividendes et intérêts des années 1993 et 1994 ;
- Ordonne la compensation entre les créances des deux parties ; - Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ; - Dépens à la charge des défenderesses. »
Qu’au soutien de leur appel, elles demandent à la Cour d’infirmer le jugement entrepris
en toutes ses dispositions, de dire et juger que les tribunaux guinéens sont incompétents ; qu’elles exposent que la convention du 23 juillet 1986 sur laquelle sont fondées les réclamations de la société HANN &Cie prévoit en son article 7 une clause attributive de compétence exclusive au profit des tribunaux de Paris ; que l’exception n’a pu être soulevée qu’en cause d’appel du fait de la communication tardive de ladite convention ; qu’il y’a lieu d’accueillir l’exception et de se déclarer incompétente ;
Attendu que la société HANN &Cie et autres, en réplique, sollicitent le rejet pur et simple de cette exception d’incompétence ; qu’elles soutiennent que l’exception n’a pas été soulevée in limine litis, conformément à l’article 174 alinéa 1 du CPCEA ; qu’en tout état de cause, cette exception ne peut prospérer parce que leur action est introduite pour permettre la compensation des créances et le paiement de l’excédent ; qu’ils concluent à la confirmation du jugement querellé ;
Attendu que l’incompétence peut être relevée d’office en cause d’appel si l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction nationale ;
Attendu qu’il est constant que la convention du 23 juillet 1986 prévoit en son article
7 que « pour tout litige entre les parties, seuls les tribunaux de Paris seront compétents » ; qu’en vertu de cette clause, il y a lieu, pour la Cour de céans, d’infirmer le jugement n°039 rendu le 31 mai 2012 par le Tribunal de première instance de Kaloum en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de se déclarer incompétente et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir ;
Attendu qu’il y’a lieu de mettre les dépens à la charge de la société HANN & Cie et 11 autres ;

PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré, - Casse l’arrêt n°178 rendu le 1er avril 2014 par la Cour d’appel de Conakry ;
Evoquant et statuant sur le fond :
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- Infirme le jugement n°039 rendu le 31 mai 2012 par le tribunal de première instance de Kaloum ;
- Se déclare incompétente ;
- Renvoie les parties à mieux se pourvoir ;
- Condamne la société HANN & Cie et 11 autres aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier


Synthèse
Numéro d'arrêt : 180/2015
Date de la décision : 17/12/2015

Analyses

COMPÉTENCE DE LA CCJA INVOCATION DE LA PRESCRIPTION SUR LE FONDEMENT DE L'AUDCG - AFFAIRE SOULEVANT UNE QUESTION RELATIVE À UN ACTE UNIFORME : COMPÉTENCE DE LA CCJA POUR EXAMINER LE RECOURS CLAUSE ATTRIBUTIVE DE COMPÉTENCE À UNE JURIDICTION ÉTRANGÈRE - INCOMPÉTENCE DE LA JURIDICTION NATIONALE SAISIE POUVANT ÊTRE SOULEVÉE D'OFFICE EN APPEL - INFIRMATION DU JUGEMENT D'INSTANCE - INCOMPÉTENCE DE LA CCJA POUR STATUER AU FOND POURVOI EN CASSATION ACTE DE PROCÉDURE NE COMPORTANT LE BORDEREAU DES PIÈCES - IRRECEVABILITÉ DU POURVOI : NON VIOLATION D'UNE DISPOSITION NATIONALE : CASSATION


Références :

Ohada.com/Unida


Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ohada;cour.commune.justice.arbitrage;arret;2015-12-17;180.2015 ?
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