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La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Assemblée plénière, a rendu l’Arrêt suivant en son audience foraine tenue du 27 avril 2015 à Bamako (République du Mali), où étaient présents :
Messieurs Marcel SEREKOISSE-SAMBA, Président Abdoulaye Issoufi TOURE, 1er Vice-Président, rapporteur
Madame Flora DALMEIDA MELE, Seconde Vice-Présidente Messieurs Mamadou DEME, Juge
Djimasna N’DONINGAR, Juge et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef,
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la cour de céans le 24 mars 2011 sous le
n°029/2011/PC et formé par la SCP Mame Adama GUEYE et Associés, Avocats à la cour, demeurant 107-109 Rues Moussé Diop x Amadou Assane Ndoye à Dakar, BP 11443 agissant au nom et pour le compte de la Société CIM Sahel Energie SA en liquidation dont le siège est à Kirène, département de Mbour dans la cause qui l’oppose à la Société « Les Ciments du Sahel S.A », dont le siège est à kirène et ayant pour conseils la SCPA KANJO KOÏTA et HOUDA, Avocats à la cour, demeurant au 66 Boulevard de la République à Dakar,
en cassation de l’arrêt n°364 rendu le 29 avril 2008 par la cour d’appel de Dakar et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort ;
Vu l’ordonnance de clôture des débats rendue par le conseiller de la mise en état le 1er avril 2008 ;
Sur les intérêts de l’appel
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Abdoulaye Issoufi TOURE, Premier Vice-Président ; Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des
affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que le 14 novembre 2001, la Société CIM Sahel Energie et la Société « les Ciments du Sahel » signaient un contrat aux termes duquel, la première s’engageait à fournir à titre exclusif de l’énergie à la seconde ; que, courant 2007, suite à une panne, la CIM Sahel s’est trouvée dans l’impossibilité de satisfaire son obligation contractuelle ; qu’aussi sera-t-elle assignée aux fins de constat de la résiliation
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du contrat et de paiement d’une provision de 1.500.000.000 francs ; que par ordonnance de Référé n°293 rendue le 25 octobre 2007, il a été fait droit à cette requête ; que sur appel, la cour de Dakar, par arrêt dont pourvoi, confirmait l’ordonnance entreprise ;
Sur la compétence de la Cour et la recevabilité du pourvoi Attendu que, dans son mémoire en réponse, la Société « les ciments du Sahel » a
soulevé l’incompétence de la cour aux motifs que les moyens soulevés relèvent exclusivement du droit national ; que de même elle a conclu à l’irrecevabilité du pourvoi pour défaut de signification ;
Mais attendu que par rapport à la compétence, il échet de faire observer que le premier moyen de cassation est tiré de l’application de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, notamment par rapport à la clause compromissoire contenue dans le contrat du 14 novembre 2001 ; qu’ainsi la cour de céans est compétente ;
Attendu que la jurisprudence de la cour de céans admet le pourvoi même avant la signification et qu’aux termes de l’article 28 nouveau du Règlement de procédure la notification est suffisante ; qu’il échet de dire que le pourvoi est recevable ;
Sur la procédure orale Attendu que par lettre du 11 juillet 2013 la SCPA Adama GUEYE et Associés, a
sollicité que soit organisée une procédure orale ;
Mais attendu qu’après les différentes conclusions des parties aucune difficulté particulière ne demeure ; qu’il échet de dire qu’il n’y a pas lieu à procédure orale ;
Sur le premier moyen tiré de la violation de la loi notamment l’article 13 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt déféré d’avoir violé l’article 13 visé au moyen en ce que nonobstant l’article 19 de la convention liant les parties et prévoyant l’arbitrage, il a retenu la compétence en référé et a confirmé la décision de résiliation et de condamnation qui ne constitue nullement une mesure provisoire ;
Attendu qu’il n’est pas contesté qu’à l’article 19 de la convention du 14 novembre 2001, il est stipulé que :
« les parties devront faire leurs meilleurs efforts pour arriver à un règlement amiable de tout litige pouvant survenir entre elles dans le cadre du contrat.
En l’absence d’un règlement amiable dans un délai de 60 jours après la demande
correspondante d’une des parties pour un règlement à l’amiable, chaque partie sera en droit de soumettre l’affaire à l’arbitrage conformément aux règles de conciliation et l’arbitrage prévue par l’OHADA.
L’arbitrage aura lieu à Dakar… » et qu’aux termes de l’article 13 de l’Acte uniforme du 11 mars 1999 relatif au droit de l’arbitrage « lorsqu’un litige, dont un tribunal arbitral est saisi en vertu d’une convention arbitrale, est porté devant une juridiction étatique, celle-ci doit, si l’une des parties en fait la demande, se déclarer incompétente.
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Si le Tribunal arbitral n’est pas encore saisi, la juridiction étatique doit également se déclarer incompétente… » ;
Attendu que la cour d’appel en confirmant l’ordonnance de référé, nonobstant
l’exception d’incompétence soulevée et la clause compromissoire sus-indiquée, a manifestement violé les dispositions visées au moyen faisant ainsi encourir la cassation à son arrêt sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens ;
Sur l’évocation Attendu que par exploit en date du 06 novembre 2007, la Société CIM Sahel Energie a
interjeté appel d’une ordonnance de référé rendue le 25 octobre 2007 par le Président du tribunal régional de Dakar ;
Attendu que par conclusion du 02 janvier 2008, la Société CIM Sahel Energie a plaidé l’infirmation de ladite ordonnance en ce que l’article 19 du contrat prévoit une clause d’arbitrage, et l’article 15, une responsabilité de l’une ou l’autre des parties ; qu’il existe des contestations sérieuses fondées sur la force majeure, et sur l’absence de règlement des factures de la part de la CDS ;
Attendu qu’en réplique la CDS a opposé à l’irrecevabilité, l’article 13 infine de l’Acte
uniforme visé et les articles 274 et 248 du code de Procédure civile sur les mesures provisoires ou conservatoires ; que le juge des référés a retenu une évidence en constatant la faute lourde de l’appelante fondée sur le procès-verbal de son conseil d’administration ; qu’enfin, il n’y a aucune contestation sérieuse ;
Attendu que la décision de résiliation ne saurait être considérée comme une mesure conservatoire ou provisoire ; que la convention d’arbitrage n’étant pas manifestement nulle doit produire ses effets ; qu’aussi il y a lieu pour la cour d’infirmer l’ordonnance entreprise et de se déclarer incompétente ;
Attendu qu’il échet de mettre les dépens à la charge de la Société « les Ciments du Sahel » ;
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Se déclare compétente pour statuer sur le pourvoi ;
Déclare le pourvoi recevable ; Dit n’y avoir lieu à procédure orale ; Casse l’Arrêt n°364 rendu le 29 avril 2008 par la cour d’appel de Dakar ;
Evoquant et statuant sur le fond,
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Infirme l’ordonnance de référé n°293 rendue le 25 octobre 2007 par le Président du tribunal de Dakar ;
Statuant à nouveau
Se déclare incompétente ; Renvoie les parties à mieux se pourvoir ; Condamne la Société « les Ciments du Sahel » aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier en chef